Résumés
Résumé
La Marche mondiale des femmes (MMF) articule les luttes contre la pauvreté des femmes et le néolibéralisme avec les luttes contre la violence envers les femmes, aux échelles locale, nationale et transnationale. Cet article fait appel aux concepts d’espace, d’échelle et de lieu, développés en géographie humaine, pour mieux cerner les caractéristiques d’une des innovations principales de la MMF, qui est l’extension des solidarités dans l’espace géographique. L’expérience de la MMF au Brésil y est examinée sous l’angle des pratiques qui contribuent à constituer et à relier entre elles les différentes échelles de l’action collective, des modalités par lesquelles ces échelles agissent les unes sur les autres, ainsi que des liens entre ces échelles et certains lieux.
Abstract
The World March of Women (WMW) combines opposition to poverty among women and neo-liberalism with struggles against violence against women, at local, national and transnational scales. This article deploys the concepts of space, scale and place, developed by human geographers, to analyse one of the main innovations of the WMW, which is extending relations of social solidarity across geographical space. The experience of the WMW in Brazil is analysed via the practices that contribute to constituting and linking various scales of collective action, the ways in which these scales interact, and the connections between scale and certain places.
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Parties annexes
Notes
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Les actions de 2000 se sont composées d’actions mondiales communes et d’une multitude d’actions locales et nationales étalées entre le 8 mars et le 17 octobre 2000 à travers le monde. À cette époque, les mouvements féministes de 114 pays s’étaient dotés de coordinations nationales pour élaborer des revendications nationales adaptées à leurs luttes et à leurs contextes, ainsi que pour coordonner les campagnes d’actions dans leurs pays respectifs. Les actions mondiales se sont composées : 1. d’une manifestation à Washington le 15 octobre 2000 ; 2. de rencontres à Washington le 16 octobre avec le président de la Banque Mondiale et le directeur général du Fonds monétaire international durant lesquelles des militantes ont présenté les critiques et les revendications ; 3. d’un rassemblement à New York le 17 octobre alors qu’une délégation de 100 femmes d’autant de pays était reçue à l’ONU, pendant que 10 000 femmes manifestaient dans les rues et que les 5 000 000 de signatures provenant d’un peu partout dans le monde étaient déposées en appui aux revendications. Les actions de 2005 ont consisté en un relais mondial de la Charte mondiale des femmes pour l’humanité, rédigée avec la participation directe d’environ 200 groupes de 33 pays et territoires et adoptée lors d’une rencontre internationale en 2004 à Kigali (Rwanda). Lors du relais, cette charte a circulé dans 53 pays sur tous les continents et des actions locales étaient organisées pour souligner son passage. Une courtepointe symbolisant la diversité des luttes et le tissage des solidarités a été construite durant le relais, alors que les militantes de chaque pays hôte d’une étape confectionnaient un carré de tissu symbolisant leurs luttes. Le relais a été lancé à São Paulo, Brésil le 8 mars et s’est clôt à Ouagadougou, Burkina Faso le 17 octobre, alors que des actions à la fois consécutives et simultanées, les « 24 heures de solidarité », avaient lieu dans toutes les régions du monde.
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Voir Dufour et Giraud (2007b) pour une discussion plus détaillée des caractéristiques de la MMF en relation avec cette définition de mouvement social.
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Les entrevues datées de 2004 ont été réalisées dans le cadre du projet de recherche « Échange de connaissances et d’expériences », un projet réalisé en partenariat par la MMF et l’Alliance pour la recherche IREF – Relais femmes.
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Le présent texte constitue une étape à l’intérieur d’un projet de recherche doctoral plus large qui est encore en cours de réalisation, plutôt qu’un résultat final ou l’analyse exhaustive de toutes les données recueillies.
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La MMF a produit, entre autres textes et déclarations, 17 revendications mondiales, adoptées à la première rencontre internationale à Montréal en 1998 ; une déclaration des valeurs et des statuts et règlements internes adoptés à la rencontre internationale de 2003 à New Delhi ; une Charte mondiale des femmes pour l’humanité rédigée avec la participation directe de plus de 200 groupes de 33 pays et territoires et adoptée lors d’une rencontre internationale en 2004 à Kigali (Rwanda). Lors de la plus récente rencontre internationale, tenue à Lima (Pérou) en juillet 2006, 51 déléguées de 31 pays ont adopté un texte décrivant le but général, les objectifs, et les valeurs portées par la MMF.
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Voir note 1.
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[7]
Cette description correspond à ce que la MMF entend par les expressions « groupes de base », « organisation de la base » ou encore « travail à la base ». Ce sont des équivalents des expressions anglophones grassroots groups et grassroots organizations, et des expressions lusophones grupos de base et organizações de base.
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[8]
Toutes les entrevues citées dans ce texte ont été réalisées par l’auteure. Les entrevues sont identifiées par une lettre (de A à G par ordre d’apparition), par la fonction au titre de laquelle l’informatrice a accordé l’entrevue, et par l’année de réalisation de l’entrevue.
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[9]
Pour une description du processus d’écriture de la Charte et des actions mondiales de 2005, voir note 1.
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Pour une analyse de certaines des divergences de contenu politique que l’on retrouve dans la MMF, en lien avec les différents rapports sociaux contradictoires dans lesquelles s’insèrent les militantes, voir Galerand (2006).
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Littéralement, la « Marche des Marguerites », en l’honneur de Margarida Maria Alvez, une syndicaliste assassinée au début des années 1980. Une deuxième Marcha das Margaridas a eu lieu en 2003, mobilisant cinquante mille femmes, et une troisième, en août 2007, en a rassemblé trente milles.
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[12]
Les entrevues réalisées au Brésil en 2006 ont été conduites en portugais. Les citations sont des extraits des transcriptions, librement traduits par l’auteure.
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[13]
Via Campesina est une coalition transnationale de mouvements paysans nationaux. Le MST est un mouvement national brésilien de grande ampleur, membre de Via Campesina. Il existe aussi d’autres mouvements nationaux brésiliens membres de Via Campesina qui sont aussi membres de la MMF, tels que le Mouvement des femmes paysannes (Movimento de mulheres camponesas – MMC).
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Voir note 1.
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[15]
Par exemple, le 8 mars 2005, le relais mondial de la Charte et de la courtepointe a été officiellement lancé à São Paulo, où la MMF a mobilisé plus de 30 000 femmes de 16 états du Brésil (Marcha Mundial das Mulheres, 2005), une des plus grandes manifestations féministes de rue de l’histoire du pays. De retour à l’échelle nationale : en mai 2006, la MMF brésilienne réalisait son premier grand rassemblement national de formation des militantes, réunissant 460 déléguées de 22 états (Marcha Mundial das Mulheres, 2006).
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Les groupes de femmes rurales dont il est question ici se trouvent dans des villages créés par la réforme agraire (assentamentos), où les titulaires des terres forment une association qui gère entre autres les projets d’infrastructures ou les appuis gouvernementaux aux paysans. Il existe, selon les budgets accordés par les gouvernements fédéraux, des organisations non gouvernementales d’assistance technique qui soutiennent les assentamentos, en collaboration avec les associations de villageois. Sur le plan régional, le CF8 coopère avec les organisations d’assistance technique pour les inciter à prendre en compte la situation des femmes et les appuyer dans leurs projets. Le succès de cette collaboration repose sur l’adhésion à la MMF de femmes travaillant dans les organisations d’assistance technique. En effet, elles aussi peuvent s’appuyer sur la crédibilité du mouvement pour changer les pratiques sexistes de leurs organisations.
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