Résumés
Résumé
Le Réseau latino-américain des femmes transformant l’économie (REMTE, acronyme espagnol) a contribué à rapprocher les questions d’économie et de genre, en incitant les organisations à regarder le libre-échange comme une problématique genrée et en apportant une perspective féministe aux mouvements critiques du libre-échange. Les critiques féministes des théories dominantes sur les mouvements sociaux transnationaux considèrent que : 1) les études transnationales sont biaisées par une vision masculine des mouvements et des stratégies ; 2) l’objet d’analyse porte principalement sur l’État et le court terme ; 3) il est nécessaire d’aborder les dynamiques de genre au sein des mouvements sociaux. Dans cet article, l’auteur montre que la prise en compte de ces critiques nous permet de mieux comprendre le cas du REMTE.
Abstract
The Latin American Network of Women Changing the Economy, whose acronym is REMTE in Spanish, helped bring together issues of the economy and gender, pressing for organisations to understand free trade from a gender perspective and bringing a feminist analysis to criticisms of free trade. Feminists have three critiques of social movement theory prevailing today : 1) studies of transnationalism are biased by a masculine vision of movements and strategies ; 2) the focus of analysis is too state-centric and short-term ; 3) it is important to understand gender dynamics within social movements. This article shows that attention to these criticisms provides a stronger analysis of the case of REMTE.
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Parties annexes
Notes
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L’Alliance sociale continentale (Alianza Social Continental – ASC) est un réseau d’organisations et de mouvements sociaux des Amériques qui partagent de l’information, définissent des stratégies et s’accordent sur des actions communes pour résister à l’imposition du modèle néolibérale sur le continent. Dans leur document Alternatives pour les Amériques, ils proposent « des règles alternatives pour réguler les économies globales et continentales basées sur une logique économique différente : le commerce et l’investissement ne devraient pas être des fins en soi, mais plutôt des instruments pour atteindre un développement juste et équitable. » Voir le site Internet <www.asc-hsa.org> (page consultée le 16 mars 2006).
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Cet article fait partie d’une recherche plus large pour mon mémoire de maîtrise en Science Politique à l’Université de Montréal qui a pour titre Building bridges between feminism and resistance to free trade : the experience of the Latin American Network of Women transforming the Economy. Je voudrais remercier toutes les personnes qui m’ont accordé du temps et des entrevues pour les moments enrichissants passés avec elles. Je remercie aussi les évaluateurs pour leurs précieux commentaires. Je tiens tout particulièrement à remercier Dominique Caouette et Pascale Dufour, pour le temps qu’ils m’ont accordé et les remarques et discussions toujours pertinentes. Finalement, un grand merci à Aurélie Arnaud pour la traduction de ce texte vers le français. J’ai participé activement à plusieurs réseaux de mouvements sociaux critiquant le libre-échange tel que le Réseau mexicain d’action face au libre-échange (la RMALC). J’ai également participé à deux forums sociaux mondiaux (2002 et 2003), ainsi qu’aux Sommets des peuples à Québec (2001), Quito (2002), Cancun (2003), La Havane et Guadalajara (2004).
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J’ai conduit 7 entrevues au Mexique en janvier 2007 avec membres impliqués au niveau national du REMTE, la Red Nacional Género y Economia (anciennement l’organisation coordinatrice du réseau), ainsi qu’avec une membre du Réseau international Genre et Commerce au Mexique, une membre du Comité de femmes de l’Alliance sociale continentale et la directrice de la Fondation Böll. À l’occasion de la Rencontre continentale des mouvements sociaux contre les accords de libre-échange à Cuba en avril-mai 2007, j’ai rencontré en entrevues deux membres du REMTE du Brésil (qui coordonnent actuellement le REMTE), une membre du Pérou (ex-coordinatrice du réseau), une membre de l’Équateur et une membre de la Colombie. J’ai aussi mené des entrevues avec la coordinatrice de la Marche mondiale des femmes, le coordinateur de l’Alliance sociale continentale et deux membres du Réseau mexicain d’action face au libre-échange. Toutes les entrevues sont en espagnol, et les passages inclus ont été traduits en français.
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Les Encuentros sont vus comme « des espaces de dialogue, de négociation, de construction de coalition, de conflit et de contestation parmi les femmes, ce qui favorise les processus aussi bien de solidarité que de protestation parmi les féministes de la région et fournit une plateforme supranationale où les questions clés engageant le féminisme latino-américain peuvent être soulevées, débattues et (re)formulées » (Alvarez, Faria et Nobre, 2003).
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Bolivie, Brésil, Chili, Colombie, Costa Rica, Équateur, le Salvador, Mexique, Pérou, Venezuela.
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Les féministes latino-américaines ont souvent été impliquées dans les luttes pour la démocratisation de la région, elles ont été étroitement liées avec d’autres mouvements sociaux de gauche, particulièrement avec les syndicats.
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Le Forum méso-américain est célébré chaque année pour organiser la résistance au néolibéralisme au niveau de l’Amérique centrale et du Mexique.
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Faria affirme que le REMTE a été créé en dehors des espaces féministes traditionnels, avec des groupes qui voulaient travailler avec la base, mais qui voulaient aussi trouver un espace pour intégrer le débat avec d’autres mouvements sociaux. Cette idée a aussi été exprimée par Guillén, de la coordination du REMTE au Pérou qui avance que, bien que les femmes engagées dans le REMTE se reconnaissent comme des féministes, elles cherchaient aussi d’autres aspects de la lutte féministe qui n’étaient pas soulevés dans les années 1990 : les droits économiques et sociaux.
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Il est intéressant de noter, dans le cas du REMTE au Mexique, l’importance de la participation collective aux rencontres internationales. Au cours de la dernière année, les femmes mexicaines du Réseau ont participé aux rencontres en Colombie, au Mali, en Bolivie et au Brésil, et aucune d’entre elles ne faisaient partie de la coordination du Réseau.
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Pour n’en nommer qu’un, le REMTE a co-organisé avec la Marche mondiale des femmes un débat sur la pauvreté et les alternatives économiques féministes au Forum social mondial de 2002. Le titre du séminaire était « Mujeres y trabajo : realidades y propuestas para el cambio » et l’axe principal touchait au travail, incluant le travail domestique et officieux, la division sexuelle du travail et l’économie solidaire. En 2003, un autre panel a été organisé pour discuter des intentions du marché de contrôler tous les aspects de la vie. Il avait pour titre « por outra economia : subsidiaridade, localizaçao, devoluçao e reproduçao » (Nobre et Faria, 2003).
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Selon Nobre : « quand les féministes arrivaient aux réunions pour parler de genre ou de la participation des femmes, c’était le moment où les gens sortaient pour boire un café. Mais soudainement, ces mêmes femmes ont commencé à arriver aux rencontres pour parler des questions principales qui étaient discutées, très informées. Ceci a eu un impact sur les femmes ; elles se sont senties renforcées, reconnues dans leur leadership. C’était une bonne chose, cette campagne contre la ZLEA » (Entrevue, Nobre, avril 2007).
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Le REMTE oblige la présence de femmes qui amènent des perspectives féministes dans les débats généraux ; cependant, Guillén affirme que ceci ne veut pas dire qu’il doive y avoir le même nombre de femmes et d’hommes dans les panels : « Nous reconnaissons que nous n’avons pas de spécialistes féministes pour tous les sujets. Quand nous n’en avons pas, au lieu d’être là comme décoration – nous détestons être là comme décoration – nous reconnaissons qu’il y a moins de femmes là parce que nous n’avons pas développé ces questions. Il est donc utile pour nous de dire que si nous voulons être là, nous devons développer nos propres arguments » (Entrevue, Rosa Guillén, mai 2007)
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Selon une évaluation de la Marche mondiale des femmes, avec la participation du REMTE, il y a eu un progrès partiel pour l’intégration du féminisme dans le Forum social mondial 2003 : « Le Forum illustrait l’impact de notre travail en cela qu’il y avait clairement plus de femmes, particulièrement des féministes, dans les panels. Nous avons néanmoins remarqué que la présence des femmes reste marginale et est seulement « tolérée politiquement ». Nous avons encore un long chemin à parcourir avant d’obtenir un dialogue véritable sur le rôle des femmes et du féminisme dans la construction d’un autre monde ».
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- Entrevues
- BERRON, Gonzalo. Coordinateur de l’Alliance sociale continentale (La Havane, Cuba. Mai 2007).
- CONCHA, Leónor Aida. Gender and Economy Network, ex-coordinatrice du Latin American Network of Women Transforming the Economy. (Mexico, Janvier 2007)
- FARIA, Nalu. coordinatrice régionale du REMTE (La Havane, Cuba. Mai 2007)
- GUILLÉN, Rosa. REMTE Pérou (La Havane, Cuba. Mai 2007).
- HELFRICH, Silke. Directrice de la Boell Foundation. (Mexico, Janvier 2007)
- LEÓN, Irene. Agencia Latinoamericana de Información, Equateur. (La Havane, Cuba. Mai 2007)
- MARTÍNEZ, Miriam. REMTE-Mexico et Espace mésoaméricain des femmes (Mexico, Janvier 2007)
- NOBRE, Miriam. Coordinatrice internationale de la Marche mondiale des femmes, REMTE Brésil (La Havane, Cuba. Avril 2007)
- RIVERA, Mariela. REMTE Colombia (La Havane, Cuba. Mai 2007)
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- SALAZAR, Hilda. Mujer y Medio Ambiente, Réseau mexicain d’action contre le libre-échange (Mexico, Janvier 2007)
- QUISPE, Rosario. REMTE-Mexico et représentante de la Marche mondiale des Femmes pour les Amériques (Mexico, Janvier 2007)
- VELASQUEZ, Marco Antonio. Coordinateur du Réseau mexicain d’action contre le libre-échange (La Havane, Cuba. Mai 2007).