Numéro 49, printemps 2003 Des sociétés sans classes ? Sous la direction de Jean-Noël Chopart, Johanne Charbonneau et Jean-François René
Sommaire (16 articles)
I. Débats historiques et théoriques sur les classes sociales
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Syndicalisme et classe ouvrière. Histoire et évolution d’un malentendu
Mona-Josée Gagnon
p. 15–33
RésuméFR :
Prenant son départ dans une réflexion sur la notion de classe sociale, cet article analyse l’histoire et l’évolution du syndicalisme eu égard à son lien avec une classe ouvrière qu’il a eu pour mission de représenter. La construction de deux paradigmes contraires, qui se sont succédé et qui font écho à différents changements sociaux, permet de mettre en relief et de sérier les problèmes identitaires qui affectent le syndicalisme, tant dans son rôle de régulation que dans son rôle de contestation. La remise en question de la représentation biclassiste de la société, qui a caractérisé tant la pensée marxiste et le projet social-démocrate que plusieurs courants d’analyse sociologique, jointe à la « disqualification » de la classe ouvrière comme principal acteur du changement social, témoigne de la nécessité de rethéoriser le syndicalisme selon une approche dialectique, seule capable de prendre en compte les contradictions multiples qui façonnent le fait syndical.
EN :
This article begins from the concept of social class, and analyses the history and evolution of trade unionism and its relationship with the working class that it was charged with representing. By means of two contradictory paradigms which appeared sequentially and reflect different social changes, it is possible to render visible as well as classify the identity problems of trade unionism, in its roles of regulation and contestation. The questioning of a two-class vision of society, that was at the base of Marxist, social democratic and some sociological analyses, as well as the “dismissal” of the working class as the main actor of social transformation, calls for a dialectical approach to the re-theorisation of trade unionism. This is the only way to deal with the multiple contradictions that shape trade unionism.
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Sociétés sans classes ou sans discours de classe ?
Claude Dubar
p. 35–44
RésuméFR :
On assiste non pas au déclin des classes sociales mais à la quasi-disparition d’un discours de classe en tant que discours de type scientifique à prétention politique, dont le marxisme fournit la formule la plus accomplie. En France, après avoir constitué une théorie sociologique de référence dans les années 1960 et 1970, ce paradigme guidant l’interprétation de nombreuses enquêtes a progressivement disparu, dans les années 1980 et 1990. L’article rattache ce déclin à la fois à l’affaiblissement des liens entre les intellectuels et le PCF et à l’effondrement du noyau de la classe ouvrière et de sa « conscience de classe » par suite du démantèlement de ses bases industrielles et de l’invasion d’un nouveau discours et de nouvelles pratiques managériales. Il conclut à la nécessité de produire un nouveau discours liant, de manière nouvelle, des analyses de classe et des perspectives de transformation sociale.
EN :
The current situation is less one in which social classes have declined than one in which there is an almost total disappearance of any discourse of class. Marxism provided the most complete version of such a discourse, one that was both scientific and political. In France in the 1960s and 1970s Marxism was a sociological theory of reference, deployed in much research. This article links its disappearance in the 1980s and 1990s to the weakening of ties between intellectuals and the French Communist Party as well as to the decline of the core of the working class and its “class consciousness,” that followed when its industrial centres were dismantled and a new managerialist discourse and practice took hold. The article ends with a call for a discourse linking, in a new way, class analysis and perspectives on social transformation.
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Quatre décennies d’études sur la stratification sociale au Québec et au Canada : tendances et illustrations
Simon Langlois
p. 45–70
RésuméFR :
L’article passe en revue les différentes approches développées au Canada et au Québec pour analyser empiriquement la structure sociale et la mobilité sociale de 1960 à 2000. Deux cadres conceptuels principaux ont inspiré ces travaux : les approches en termes de statut et les approches en termes de classes. La sociologie canadienne apporte plusieurs contributions spécifiques : l’élaboration de mesures originales, l’étude du lien entre caractéristiques individuelles et société globale, le concept de mobilité collective d’une minorité, la thèse de la mosaïque verticale. L’étude de la place des femmes et celle des groupements linguistiques et ethniques ont occupé une place importante. Au tournant du siècle, la contribution canadienne a été marquante pour l’étude de la polarisation sociale, un aspect nouveau dans le champ de la stratification, sans oublier les effets de génération.
EN :
This article reviews the different approaches to empirical analysis of social structures and social mobility utilised in Canada and Quebec between 1960 and 2000. Studies came from two different theoretical traditions : analysis of social status and analysis of social class. Canadian sociology has made a number of specific contributions, including the development of new indicators, analysis of the links between characteristics of individuals and the larger society, the concept of collective mobility of a minority, the thesis of the vertical mosaic. Of particular importance are studies of gender relations and of language and ethnic groups. At the millennium, Canadian Sociology was notable for studies of social polarisation, which was a new dimension of the field, as well as of generational effects.
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Que faire des classes sociales ?
François Dubet
p. 71–80
RésuméFR :
Longtemps, les classes sociales ont été un concept total de la sociologie permettant de décrire, à la fois, la structure sociale, les identités collectives et les mouvements sociaux. C’est cette capacité analytique qui s’est défaite sous l’effet des mutations économiques, de la culture de masse et des transformations politiques. Classes sociales et stratification se sont largement séparées. Pour autant, il ne faut pas renoncer à la notion de classe sociale, à condition de lui réserver un usage analytique et critique, celui de l’étude des rapports de domination tels qu’ils se manifestent dans l’expérience subjective des acteurs.
EN :
Social classes were long a central concept of Sociology, allowing it simultaneously to describe social structure, collective identities, and social movements. This analytic reach has been undermined by the effects of economic change, mass culture, and political transformations. Social classes and stratification are essentially separate. Nonetheless, there is no need to abandon the concept, as long as it is used analytically and critically to study relations of domination as they appear in the subjective experience of actors.
II. Éclairages nationaux er comportements politiques
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Classes sociales et scrutins provinciaux au Canada : le cas de l’Ontario
Michael Ornstein
p. 83–100
RésuméFR :
La relation entre vote et classe sociale au Canada est mesurée ici, pour l’Ontario, à l’aide de neuf enquêtes réalisées entre 1977 et 1999. Il semble admis que les différences de classe s’expriment davantage au Canada lors des élections provinciales que des élections fédérales, où elles cèdent le pas à des différences interrégionales marquées, qui ajoutent à la complexité de la politique nationale. Mais la différenciation du vote en fonction des classes sociales peut également dépendre de la volonté de mobiliser ces dernières manifestée par les partis en lice, dominés par de petites élites. L’analyse fait ressortir un contraste prononcé entre deux élections ontariennes. En 1977, une campagne électorale dépourvue d’enjeux de classe a débouché sur un vote de classe négligeable; en 1999, les problèmes soulevés au cours du mandat du gouvernement néo-conservateur sortant ont au contraire fortement polarisé l’électorat. Dans l’ensemble, les fluctuations du vote de classe entre 1977 et 1999 reflètent l’effort des partis politiques pour rallier les diverses clientèles.
EN :
From nine surveys conducted between 1977 and 1999, this paper provides measures of the relationship between social class and voting in the province of Ontario, Canada. Class differences are likely to be stronger in Canadian provincial than federal elections because they are not subject to the strong regional differences that complicate national politics. Whether voting patterns reflect class, however, must also depend on whether the competing parties, dominated by small elites, appeal to class in elections. The analysis reveals a striking contrast between two provincial elections. In 1977, after an election campaign in which class issues were absent, class voting was very weak; in 1999, there was sharp class polarization over issues raised in the previous term of a neo-conservative government. Fluctuations in class voting between 1977 and 1999 generally reflect the extent of political parties’ appeals to class.
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Que reste-t-il du vote de classe ? Le cas français
Nonna Mayer
p. 101–111
RésuméFR :
La classe sociale est, avec la religion, la variable « lourde » dont l’influence sur le choix électoral a été le plus étudiée, surtout en Europe, où les partis se sont construits sur des clivages de classe. Ce modèle explicatif du « vote sur clivage » a été remis en cause au début des années 1970 au profit des modèles stratégiques insistant sur l’individualisation des électeurs et l’influence accrue de l’offre électorale (enjeux, candidats). Le cas français, étudié à partir des enquêtes post-électorales du Cevipof (1988-2002), montre la montée d’un vote trans-clivage (pour le FN) et des réalignements de classe (évolution des salariés moyens à gauche, à droite des ouvriers) dessinant de nouveaux clivages (indépendants-salariés, public-privé).
EN :
Along with religion, social class has been treated as the main structural variable shaping electoral choice, in particular in Europe where political parties were built around class cleavages. Early in the 1970s this model of “cleavage voting” was displaced by approaches in terms of strategic voting, that emphasise the individual characteristics of voters and the importance of issues and candidates (the supply side). Using CEVIPOF’s post-election surveys (1988-2002), the French case reveals that : support for the Front national cuts across cleavages; there have been class realignments, with middle-income voters on the left and workers voting for the right; and new cleavages have appeared, dividing self-employed and wage-earners as well as public and private sector workers.
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Les classes sociales et le Japon. Idéologie de la communauté nationale et inégalités sociales
Bernard Bernier
p. 113–129
RésuméFR :
La présence de classes sociales au Japon a été niée à partir de divers points de vue, soit que l’on insiste sur le caractère communautaire du pays, soit que l’on décrive la société japonaise comme homogène. Dans cet article, je défends la position que l’on peut appliquer au Japon, historiquement et à l’heure actuelle, une analyse de classes, les classes étant définies ici par la position dans les rapports socio-économiques. Avant 1868, la division de la société en classes faisait partie de l’idéologie officielle des autorités politiques. Cette division a officiellement disparu avec le changement de régime de 1868, mais des classes distinctes se sont maintenues à la fois dans le secteur agricole et dans le nouveau secteur industriel. Les réformes de 1945-1948 ont modifié la situation, notamment en produisant de plus faibles écarts de revenus et en redéfinissant les rapports internes aux entreprises. Mais des différences essentielles au niveau des revenus et du pouvoir dans les entreprises ont été maintenues. De plus, le contrôle politique dans la société entière et dans les grandes entreprises, fleurons du capitalisme japonais, a été renforcé dans les mains d’une minorité. Les différences de salaires et de contrôle politique indiquent la présence de personnes se situant différemment dans les rapports sociaux, donc de classes sociales.
EN :
Attention to social classes in Japan has been rejected in favour of a vision of a national community or one that presents the society as homogenous. Instead, this article defends the position that class analysis is appropriate for understanding the history and current situation of Japan. Classes are defined as positions in socio-economic relations. Before 1868 official ideology divided the society into classes. This division officially disappeared with the regime change in 1868 but distinct classes continued to exist in both the agricultural sector and the new industrial one. Reforms undertaken between 1945 and 1948 altered the situation by reducing income differentials and changing relations in the workplace. Nonetheless, key differences in income and in power remained within companies. In addition, minority political control of the whole society and large corporations (the flagships of Japanese capitalism) was reinforced. Such differences in wages and political control indicate that people are differentially situated in social relations, and that therefore there are social classes.
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Partis politiques et divisions sociales : les enseignements de l’Europe centrale et orientale
Antoine Roger
p. 131–144
RésuméFR :
Les mutations intervenues depuis 1990 dans les pays d’Europe centrale et orientale appellent une redéfinition des rapports établis entre partis politiques et divisions sociales. Aucune concordance n’est pourtant perceptible au premier abord. Selon l’explication la plus répandue, les pesanteurs héritées du régime communiste font obstacle à une connexion des dynamiques politique et sociale. Cette clé de lecture ne fonctionne que dans la mesure où une attention exclusive est accordée aux facteurs de structuration internes. Elle perd toute pertinence dès l’instant où sont prises en compte les contraintes externes imposées par le processus d’élargissement de l’Union européenne. Les partis politiques d’Europe centrale et orientale doivent se positionner face aux exigences de la Commission. Il leur faut par ailleurs relayer les intérêts que ces mêmes exigences confortent ou contrarient au sein de la population. La nécessité d’articuler les sollicitations externes et internes préside à une connexion indirecte des dynamiques politique et sociale.
EN :
The changes experienced since 1990 in Central and Eastern Europe seem to have redefined established patterns between political parties and social divisions. At first it appears that there is no relationship. The most common explication is that the heavy weight of the Communist past has broken any link between political and social dynamics. This reading of the situation works only if internal factors are the exclusive focus. It falls apart as soon as account is taken of the enlargement of the European Union. Political parties in Eastern and Central Europe must position themselves vis à vis the conditions imposed by the Commission, and represent interests, both for and against these conditions. The need to move between both internal and external demands generates an indirect link between social and political dynamics.
III. De nouvelles catégorisations sociales ?
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Quel lien entre travail et classe sociale pour les travailleuses du bas de l’échelle ? L’exemple des aides à domicile auprès des personnes âgées dépendantes
Christelle Avril
p. 147–154
RésuméFR :
La tertiarisation est souvent présentée comme l’une des sources de l’affaiblissement du lien entre travail et classe sociale, et donc de l’affaiblissement du caractère heuristique de cette dernière notion. Une étude ethnographique attentive à ce lien chez des aides à domicile permet de revenir sur ce constat. Dans cet emploi du bas de l’échelle, l’appartenance sociale est d’autant plus importante que ces femmes sont membres de strates différentes des classes populaires : les femmes issues des classes populaires stables font en sorte de se maintenir à distance des aspects les plus dévalorisants de leur métier; elles s’efforcent ainsi de dissocier leur statut social de leur métier. En revanche, les aides à domicile les plus précaires revendiquent leur investissement dans ce travail, en particulier la prise en charge de la dépendance, comme une forme de dignité personnelle.
EN :
The development of the tertiary sector is often presented as one of the reasons for the weakening of a link between work and social class, and therefore the weakening of the heuristic use of this sociological concept. This proposition is examined via a detailed ethnographic study of home-care workers. The study finds that social standing is even more important in this lowly work. The women are from different social strata of the popular classes. Those who enjoy a stable position within this group manage to distance themselves from the most degrading aspects of the work, thereby separating social status and work. In contrast, home-care workers who have a more precarious social standing find a form of personal dignity in their investments in this work and in particular their care for dependent persons.
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Le poids du genre et de l’ethnicité dans la division du travail en santé
Marguerite Cognet et Sylvie Fortin
p. 155–172
RésuméFR :
À partir d’une recherche menée à Montréal auprès des prestataires de soins et services à domicile, cet article traite du métier d’auxiliaire et des modes de classement opérés en regard du travail lui-même, des origines ethniques ou nationales des auxiliaires et enfin, de la place du genre dans ce classement. Le phénomène de stratification sociale, loin de disparaître, est au coeur même de la nouvelle organisation des soins de santé, où certaines catégories d’individus, notamment les femmes, et l’origine, dans ce cas antillaise, occupent une place singulière. Dans une organisation très structurée et aussi hiérarchisée que celle de la santé, où toutes les prestations n’ont pas la même place, et où ceux qui en sont les dispensateurs ne jouissent pas de la même valeur, la division du travail par le genre et les origines ethniques ou nationales pourrait bien être le mécanisme sur lequel repose et se réalise la réforme du système de santé canadien. Un tel contexte donne à voir non pas l’effacement des enjeux de classe, mais bien plutôt leur imbrication à d’autres catégories de classement à l’ombre desquelles se perpétuent les rapports de pouvoir dans le monde du travail, et plus largement les processus de stratification sociale.
EN :
Based on research in Montreal on home-care services, this article examines the job of home-care worker and its classifications, according to the work itself, the ethnic and national origins of providers, and gender relations. Rather than disappearing, the phenomenon of social stratification is at the very heart of the organisation of health care, where certain categories occupy a particular place, specifically women from the West Indies. In organisations as structured and hierarchical as those of the health-care sector, and one in which all benefits do not have the same place and those using them do not all attribute the same value to them, a gender and ethnic division of labour might be the mechanism upon which the reform of the health-care system depends. In such a context there is not an elimination of class relations but rather cross-cutting effects with other social categories, in the shadow of which there is a continuation of power relations at work and for social stratification more broadly.
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Les jeunes de la rue : disparition ou retour des enjeux de classe ?
Céline Bellot
p. 173–182
RésuméFR :
Qui sont les jeunes de la rue ? Les représentants d’une classe défavorisée, d’une jeunesse en difficulté, de nouvelles façons de devenir adulte dans une société où règnent l’incertitude, la performance et la précarité ? L’article cherche à montrer comment l’expérience de la rue, si elle ne relève pas simplement du hasard, n’est pas seulement la réponse à un déterminisme de classe qui affecterait une catégorie sociale particulière. L’analyse des trajectoires des jeunes du centre-ville de Montréal montre comment les éléments traditionnels de la différenciation sociale (classe sociale d’origine, sexe, âge…) ne permettent que partiellement de comprendre leurs itinéraires de vie et leur expérience de la rue. Il importe aussi de tenir compte des mécanismes sociaux d’exclusion et d’inclusion auxquels ces jeunes sont soumis par une société qui souhaite les sortir de la rue. Si l’expérience de la rue peut apparaître comme une réponse des jeunes à des transformations sociétales qui modifient très largement l’accès à l’âge adulte et le mode de vie adulte, les mécanismes de représentation et de régulation sociale de cette expérience construisent encore ces jeunes comme une classe sociale « dangereuse ».
EN :
Who are young people in the street ? Do they represent a disadvantaged class, youth in difficulty, new ways of growing up in a society where uncertainty, performance and marginality reign ? This article seeks to demonstrate that street experiences, if they are not random, are not simply the result of social determinism either. Analysis of the trajectories of young people in downtown Montreal shows that traditional factors of social differentiation (family social class, sex, age, and so on) are only partial explanations for the life course and experience in the street. It is also necessary to take into account the mechanisms of inclusion and exclusion to which young people are subjected by a society that wants to get them off the street. If street experiences appear as young people’s response to societal transformations that have altered access to adult life in major ways, mechanisms of representation and social regulation still construct young people in the street as a “dangerous” social class.
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Les relations de guichet : interactions de classes et classements sociaux
Yasmine Siblot
p. 183–190
RésuméFR :
Cet article examine la pertinence d’une analyse en termes d’interactions de classes pour l’étude des relations entre des agents d’institutions publiques et la population d’un quartier populaire, à partir d’une enquête menée dans les permanences d’un centre social. La caractérisation des positions sociales relatives est complexe, du fait de la disparité des trajectoires des agents, et de la différenciation interne à la population. Une gamme de relations, allant de l’entraide à la mise à distance, s’instaure ainsi entre les employées et leur public. Des processus de cristallisation de positionnements sociaux se déroulent néanmoins au sein des permanences, pour les agents comme pour les habitants. En particulier, la distance entre employées et habitants les plus précaires s’accuse, confortant la perception des clivages entre fractions de la population.
EN :
This article assesses the utility of a class analysis for the study of relations between the personnel of public institutions and the population of a popular neighbourhood. The data come from a study of a social centre. Characterisation of social positions is complicated, given the variety of backgrounds of the personnel and the internal differences in the population served. A range, from supportive to distanced, characterise relations between workers and their public. Processes of stabilisation of social relations nonetheless do take place in these offices, both for the personnel and the population served. In particular, there is a clear distancing between the most precarious of the population and the workers, one which reinforces the perception that there are cleavages among fractions of the population.
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Déclassement scolaire et pluralité des appartenances sociales : l’exemple des factrices surdiplômées
Marie Cartier
p. 191–201
RésuméFR :
Au même titre que la déstructuration du monde ouvrier et que la crise du militantisme, la présence croissante de surdiplômé(e)s dans les catégories populaires ne contribue-t-elle pas au déclin du sentiment d’appartenance de classe ? À partir d’une enquête ethnographique sur les facteurs, salariés d’exécution de la Poste, on montre que la coexistence dans un même métier d’individus inégalement scolarisés et d’origine sociale différente exacerbe les sentiments de différence et d’appartenance générationnelle et rend impossibles non seulement l’identification collective à une même position sociale mais aussi la conscience d’occuper une position professionnelle commune. Refusant de s’identifier aux classes populaires qu’ils côtoient dans leur travail quotidien, les déclassé(e)s oscillent de façon durable et contradictoire entre une appartenance à la génération des études longues et une appartenance en pointillés au métier de facteur.
EN :
As much as the restructuring of the working world and the crisis of political activism, one might see the presence of over-educated workers as a factor accounting for the decline of class identities. This ethnographic study of French mail carriers shows the presence in the same job of individuals with different educational and social backgrounds to be a factor exacerbating differences of identity and generation. This mixture makes it impossible not only for a shared sense of social identity to emerge but even a shared workplace identity. Refusing to identify as part of the working class, these over-educated mail carriers constantly vacillate between an identity as part of a well-educated generation and a very partial one of mail carrier.