Tous les observateurs attentifs à l'étude de la question sociale trouveront dans ce livre un allié précieux qui permet d'embrasser le triptyque de la République sociale, au principe de la division ternaire du livre : sa mise en place, sa mise en oeuvre, sa mise en cause. Les deux premiers volets restituent la genèse historique de la République sociale, en évoquant scrupuleusement ses soubassements doctrinaux, politiques et intellectuels (première partie), puis ses prolongements effectifs à travers une pluralité de registres (seconde partie). Le dernier volet (troisième partie) introduit une perspective différente. Si la mise en cause des fondements et de lde la République sociale prolonge logiquement ce qui précède, l'ambition qui anime les auteurs se déplace : le projet tient davantage de l'essai, qui objective les mutations à l'oeuvre, et permet aux auteurs d'exprimer un point de vue plus personnel. L'ensemble n'introduit pas une lecture proprement nouvelle de la genèse de la République sociale et de ses controverses contemporaines. Mais il constitue, à coup sûr, une synthèse réussie des tenants et aboutissants de cette République. L'idée de départ tient dans le titre, La République sociale, contribution à l'étude de la question démocratique en France. Elle lie consubstantiellement le développement de la démocratie politique et de la démocratie sociale, relation qui ouvre et clôt le livre. Dans une étude minutieuse, Lafore et Borgetto retracent la chronologie de cette République sociale, soucieux d'imbriquer le discours et la pratique. Présente dès la période post-révolutionnaire, la conviction est réactivée à la faveur de la Seconde République, qui concrétise le corps de doctrine développé au cours de la première moitié du XIXe siècle. Malgré la modestie des réalisations inscrites dans le projet politique, le constituant de 1848 n'en consacra pas moins l'existence d'un droit véritable au profit de l'individu. Dans les faits, on restait dans l'ordre du devoir social de la collectivité plus que du droit individuel. Si la Troisième République connut un foisonnement jusque-là inégalé de réformes ayant trait au domaine des relations du travail et à celui de l'assistance, la France est restée à la traîne et non en tête du mouvement social européen. Cependant, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les idées et principes qui vont inspirer la fondation du « régime ultérieur de la République sociale sont déjà largement en place, à la fois bien vivaces dans les esprits et de plus en plus présents dans les institutions » (p. 58). C'est la Constitution de 1946 qui reconnaît solennellement le caractère social de la République en octroyant à tout individu un droit général à la protection sociale, non enfermée il est vrai dans l'institution Sécurité sociale. Il s'agit autant d'une codification de plus de 150 ans de construction de la République sociale, que d'un point de départ pour des développements ultérieurs qui vinrent enrichir sa substance. Mais sur quels fondements reposent cette dette collective et ce droit individuel ? Tel est l'objet du deuxième chapitre, structuré par les trois principaux fondements de la République sociale : fraternité, solidarité, égalité. L'enchaînement analytique des trois principes est conforme au primat chronologique de leur influence et ne saurait être compris dans un rapport d'exclusion. Il permet de remettre très utilement en perspective trois termes dont le sens paraît faussement évident. Le principe de fraternité, qui ne fonctionna réellement qu'à partir de la fin de la charnière des années 1820-1830 et se vit consacré par les quarante-huitards comme principe fondamental de la République, marqua la pensée politico-juridique dès la période post-révolutionnaire en dépit de son caractère « mystificateur et idéologique » (p. 70). Ce principe permettait de dépasser« l'antagonisme …
LAFORE, Robert, et Michel Borgetto. 2000. La République sociale. Contribution à l'étude de la question démocratique en France. Paris, PUF, collection « La Politique éclatée », 367 p. [Notice]
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Thomas Frinault
Centre de recherches administratives et politiques, IEP de Rennes