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Ce numéro n’en est pas un comme les autres. Contrairement à notre politique éditoriale habituelle, le thème de ce numéro n’a pas été décidé à l’avance ; il n’a pas non plus été l’objet d’un appel de textes ou d’invitations particulières à des chercheurs de pointe dans le domaine. Les éditeurs invités n’ont pas eu à décrire à l’avance les orientations privilégiées ni à énoncer les problématiques les plus pertinentes à ce stade-ci du développement du loisir dans différentes communautés ou sociétés. Cette thématique s’est en quelque sorte imposée à nous, devant le grand nombre d’articles qui nous étaient soumis spontanément par les auteurs. Les recherches qui sont regroupées dans ce numéro sont donc le reflet des préoccupations des chercheurs dans le domaine du loisir. De plus, ils sont une bonne indication des différences d’orientation entre la revue Loisir et Société et les revues qui sont consacrées aux sports et à l’activité physique.
On ne peut en effet nier l’importance que prennent les activités physiques et sportives dans la vie des individus, de même que dans les familles, dans les communautés et dans les groupes sociaux, ainsi que dans les différentes cultures. À tous ces niveaux, les activités physiques et sportives se manifestent en tant que comportements et pratiques qui véhiculent des valeurs et des significations qui sont propres aux acteurs impliqués. Elles sont issues des motivations et des buts du moment présent, mais elles résultent aussi de toute l’histoire et des particularités de chaque individu ou de chaque groupe. De plus, ces pratiques, qui sont personnellement et culturellement déterminées, ont des répercussions sur de nombreux plans : écologique, économique, organisationnel, culturel, politique, psychologique, éducationnel, médical et professionnel.
Au niveau de la culture de masse et des phénomènes presque universels qui en résultent, on pense spontanément aux jeux olympiques et à tous les championnats mondiaux qu’organisent régulièrement la plupart des disciplines sportives. Les sports professionnels sont également des phénomènes fort répandus, en particulier dans les pays développés ; ils font appel à des athlètes rémunérés qui compétitionnent en partie pour le profit de spectateurs et des adeptes qui en font leurs modèles ou leurs idoles. Par-delà ces sports de spectacle et de divertissement, on retrouve le sport de participation ou récréatif pratiqué par des amateurs pour différents motifs comme le plaisir, l’excitation, le développement et la réalisation, la sociabilité et l’appartenance sociale, la santé et le bien-être personnel, ou encore l’estime de soi et le prestige auprès des autres. En dehors du sport visant le jeu et la compétition, il existe des phénomènes importants impliquant également des activités physiques. Parmi ceux-ci, mentionnons les activités de conditionnement physique et les activités physiques de plein air ou d’aventure. Ces différentes formes de pratiques impliquent des comportements, des valeurs et des buts fort différents ; elles requièrent des interventions, des organisations, des équipements et des infrastructures, ainsi que des politiques et des décisions économiques qui varient d’une situation à l’autre, et qui sont parfois en contradiction les unes avec les autres ou avec les autres secteurs de la vie sociale et communautaire.
Tous ces aspects sont abordés dans les sciences du loisir, et les domaines des sciences de l’activité physique et sportive n’y échappent pas. Après tout, cette grande catégorie d’activités est la plus populaire de toutes les occupations des temps libres, que ce soit à titre de participation active, d’apprentissage et d’entraînement, de jeu compétitif ou récréatif, ou encore, comme activité de spectacle et de divertissement.
Les articles qui nous ont été soumis reflètent cette diversité d’approches et de problématiques mais étant donnée qu’ils proviennent d’un nombre assez limité de pays ou de cultures, ils ne manifeste pas nécessairement l’universalité du phénomène. Cependant, les études et les réflexions présentées ici pourraient être reprises et adaptées de façon à fournir un portrait plus complet et ainsi permettre de voir de quelle façon le phénomène du sport et de l’activité physique s’intègre aux modes de vie dans les différentes cultures et dans tous les coins de la planète. À cet égard, ce numéro pourrait être le point de départ de plusieurs études comparatives sur les loisirs physiques et sportifs.
Le premier sous-thème traité porte sur les politiques et développement dusport. D’abord, Dulac et Henry comparent les politiques adoptées par les villes en matière de sport ; le développement du sport dans les villes de Grenoble, en France et de Sheffield, en Angleterre est analysé à partir des années 1960 jusqu’à la fin du siècle. Dans les deux cas, malgré des contextes politiques, institutionnels et structurels différents, les politiques ont privilégié le marché plutôt que les intérêts sociaux. Dans un deuxième article, Corneloup et al. traitent des loisirs sportifs de nature et de l’activité socioéconomique et touristique qu’ils engendrent ; ils font ressortir la pluralité des modèles de management qu’ils impliquent et les différentes logiques d’action qui sont spécifiques aux catégories d’acteurs.
La deuxième catégorie d’articles porte sur le sport chez les jeunes, lespratiqueset les significations. Lafabrègue présente la pratique sportive des jeunes comme un compromis entre la vie scolaire et la cohésion familiale. Il fait ressortir deux grandes valeurs associées à la passion sportive, soit la réussite sportive par la performance et l’épanouissement personnel par la camaraderie. Ohl, pour sa part, étudie la valeur et l’importance du sport comme valeur sociale chez les jeunes. Comme conséquence, le paraître « sportif », c’est-à-dire la consommation de marques prestigieuses constitue un phénomène important chez les adolescents pour affirmer leur identité en ville. Un peu dans le même ordre d’idées, Zaffran étudie les pratiques et les temps de loisirs par rapport au temps scolaire chez les jeunes sportifs. Il fait ressortir deux types d’utilisation des temps libres, soit par des actions productives, en lien avec les besoins des adolescents et les exigences de l’école, soit par des actions dilapidatrices, qui constituent davantage un gaspillage de ce temps.
Le dernier sous-thème porte sur les impacts de l’activité physique et sportive sur la santé et le fonctionnement. Une première recherche de ce groupe porte aussi sur les loisirs des jeunes. Iwasaki s’intéresse au rôle du loisir en tant que stratégie d’adaptation générale au stress provenant de diverses sources chez des étudiants universitaires. Feillet et Roncin, de leur côté, s’intéressent au stress causé par les activités physiques et sportives chez les personnes de plus de 60 ans. La perception du risque est présente chez les gens qui pratiquent les activités sportives, mais ne les empêche pas de continuer à participer. Pour les non-participants, le sport est considéré comme « un risque de plus » à la retraite. Miquelon, Perreault et Abbondanza démontrent les impacts positifs d’une activité récréative sur la consolidation des équipes de travail, sur leur cohésion et leur efficacité. Finalement, Moles et al. étudient comment le progrès des nouvelles technologies de diffusion des spectacles sportifs influencent les spectateurs. Ces changements affectent la culture du sport et la perception des spectateurs en accentuant leur sens de l’éthique et de l’équité.
Deux notes de recherche portant sur le tourisme complètent le numéro. Law traite des problèmes causés par le développement de complexes récréotouristiques en milieu rural. De leur côté, Groves et Timothy proposent une méthodologie originale pour identifier les attributs et les impacts du voyage par l’analyse des photographies considérées comme significatives par les touristes.