Résumés
Résumé
La concession de censives dans les terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François, octroyées pour l’usufruit des Iroquois de Kahnawake et des Abénaquis d’Odanak, intègre de facto ces terres dans le régime seigneurial, malgré l’ambiguïté de leur statut foncier. Son langage administratif et juridique est alors utilisé pour définir et administrer ces terres, qui sont divisées entre « domaine » et « mouvance » après la Conquête. Dans l’espace que les Autochtones se réservent pour leur propre usage (le « domaine »), des tensions se développent entre le caractère communal de ces terres et l’appropriation individuelle de parcelles de terre, dont les mutations sont enregistrées dans des greffes de notaires. Certains membres de la communauté remettent en effet en cause la légitimité des prérogatives des chefs concernant la gestion des terres et des ressources, reposant sur leur caractère communal de ces terres. Le développement d’une forme de « propriété privée » dans les terres concédées pour les Autochtones pose également la question des influences légales régissant le patrimoine foncier dans les terres « domaniales » des Iroquois et des Abénaquis.
Abstract
The concession of censives (plots of land for which a tax, the cens, had to be paid), which were carved out of the Sault-Saint-Louis and Saint-François estates and allotted in usufruct to the Iroquois of Kahnawake and the Abenakis of Odanak, integrated de facto these lands into the seigniorial regime, despite the ambiguity of their ownership status. Its administrative and legal language served to define and manage these lands, apportioned between “domain” and “mouvance” after the Conquest. The space Indigeneous people used as their own (called “domain”) created tensions between the communal character and the individual appropriation of parcels of land, which transfers were recorded by notaries. Indeed, some members of the community questioning the legitimacy of the chiefs’ prerogatives to manage land and resources, argued for the communal character of these lands. Developed in the lands granted to Indigenous people, this type of “private property” also raises the issue of the legal influences on the management of the Iroquois and Abenakis “domain” land.
Corps de l’article
À partir de la seconde moitié du XVIIe siècle, de nouvelles communautés autochtones, souvent désignées comme « les domiciliés », se forment à proximité des établissements français. Ces missions se constituent grâce à l’afflux d’Hurons, d’Iroquois et d’Abénaquis qui quittent leurs territoires ancestraux pour s’établir dans la vallée du Saint-Laurent[1]. Implantées dans un nouvel espace géopolitique, ces communautés acquièrent une identité socio-politique distincte de leurs nations d’origine[2], tout en cherchant à maintenir une identité distincte par rapport à la population d’origine européenne[3]. Jusqu’au milieu du XIXe siècle, ces communautés conservent également leur autonomie juridique[4] et politique[5] à l’égard de la société canadienne.
Afin d’intégrer les populations autochtones qui se sont établies à proximité des établissements coloniaux de la vallée du Saint-Laurent, des terres sont concédées pour leur usage par la Couronne française ou par des particuliers aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ces terres sont placées sous l’autorité de missionnaires jésuites ou sulpiciens qui doivent assurer l’encadrement spirituel et temporel de ces populations autochtones. Certaines de ces terres sont concédées comme des seigneuries, telles que Sillery[6] et le Lac-des-Deux-Montagnes[7]. Toutefois, le mode d’attribution des terres du Sault-Sault-Louis[8] (Kahnawake) et de Saint-François[9] (Odanak) n’est pas spécifié dans les actes de concessions. Concédées temporairement pour la durée de ces missions, ces terres doivent ultimement revenir à leurs propriétaires, soit le roi (Sault-Saint-Louis) soit les seigneurs concessionnaires (seigneurs de Saint-François et de Pierreville), après le départ des populations autochtones. Ces terres ne sont par conséquent pas octroyées à titre de « fief et seigneurie », c’est-à-dire le modèle correspondant à la majorité des terres accordées en Nouvelle-France[10].
Après la capitulation de Montréal, les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent s’allient officiellement aux Britanniques et renoncent à leur alliance avec les Français. En vertu de cette nouvelle alliance, les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent conservent les terres qui leur ont été octroyées[11]. La cession de la colonie canadienne par les Britanniques entraîne toutefois un important changement dans les missions laurentiennes : la disparition de l’ordre des Jésuites qui assuraient jusqu’alors la direction spirituelle des missions de Saint-François-Xavier (Kahnawake) et de Saint-François-de-Sales (Odanak)[12]. Des prêtres séculiers viennent dès lors remplacer les pères jésuites dans la direction spirituelle de leurs anciennes missions, mais ceux-ci n’interviennent pas dans l’administration temporelle des terres accordées pour les Autochtones.
Malgré que les terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François n’aient pas été concédées comme des seigneuries à proprement parler, un mode de développement en « fief et seigneurie » s’y amorce néanmoins par la concession de censives à des non-Autochtones (d’abord par les Jésuites et, ensuite, par les Autochtones eux-mêmes). Le langage administratif et juridique du régime seigneurial est en outre utilisé pour définir et administrer ces terres qui sont partagées entre « mouvance » (terres acensées) et « domaine » (terres réservées pour les Autochtones). Malgré l’ambigüité de leur statut, ces terres concédées pour l’usage des Autochtones en viennent de facto à être considérées comme des « seigneuries », ce dont témoignent les cadastres produits pour ces terres lors de l’abolition du régime seigneurial[13]. L’ambiguïté du statut de ces terres illustre la malléabilité du « cadre juridique » seigneurial[14].
La participation des Autochtones au régime seigneurial reste encore un sujet peu étudié[15]. Quoique la diversité caractérisant le groupe des propriétaires seigneuriaux ne soit plus à démontrer[16], les Autochtones de la vallée du Saint-Laurent demeurent un groupe de seigneurs méconnu[17]. Les historiens du régime seigneurial se sont principalement intéressés au rôle des communautés religieuses masculines dans l’administration des terres réservées pour les Autochtones[18]. De leur côté, les spécialistes de l’histoire autochtone ont consacré leurs recherches aux diverses revendications territoriales des communautés de la vallée du Saint-Laurent[19].
Depuis quelques années, l’examen de la réinsertion des Autochtones dans le monde seigneurial a néanmoins été amorcé par quelques historiens. Dans son mémoire de maîtrise, Maxime Boily étudie l’ensemble des concessions accordées aux Autochtones aux XVIIe et XVIIIe siècles dans le but d’établir les statuts fonciers de ces terres dans le régime seigneurial[20]. Grâce au dépouillement d’archives notariales, Thomas Peace démontre que les Hurons de Wendake acquièrent, dès les années 1730, des censives dans les seigneuries de Gaudarville, Saint-Gabriel et Saint-Ignace pour lesquelles ils payent des rentes à l’instar des autres colons canadiens[21]. La question de l’impact de l’intégration de facto des terres des Autochtones dans le régime seigneurial n’a toutefois pas encore fait l’objet d’une étude exhaustive, notamment après la Conquête.
Cet article vise à présenter l’état de nos recherches sur l’organisation des terres autochtones de la vallée du Saint-Laurent entre la Conquête (1760) et l’abolition du régime seigneurial (1854), principalement des terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François qui sont caractérisées par le rôle de « seigneurs » que les chefs autochtones jouent en dépit du caractère ambigu de ces concessions[22]. Avant 1850, les terres concédées pour l’usage des Autochtones ne sont pas, à proprement parler, des réserves. Ce modèle va plutôt se systématiser sur le territoire du Québec dans la seconde moitié du XIXe siècle[23].
Nous tenons tout particulièrement à démontrer comment l’intégration des Autochtones dans l’espace seigneurial laurentien influence la façon dont ceux-ci conçoivent et gèrent les terres qu’ils se réservent pour leur propre usage, d’une part, et présenter, d’autre part, la manière dont ces derniers gèrent les terres qu’ils acensent à des Canadiens. Dans ce « domaine », des tensions se développent entre le caractère communal de ces terres et l’appropriation individuelle de parcelles de terre. En dernier lieu, nous proposons des réflexions préliminaires sur la question du droit régissant ces terres réservées pour l’usage des Autochtones[24]. Notre étude s’ancre dans le cadre théorique du régime seigneurial, mais tient également compte des spécificités des communautés autochtones.
L’intégration des terres autochtones de la vallée du Saint-Laurent dans le régime seigneurial transparaît principalement dans les archives notariales et judiciaires[25]. Dans les 25 greffes de notaires que nous avons dépouillés[26], nous avons récolté plus de 200 actes produits par les chefs ou leurs intermédiaires. Leur passage dans les études de notaires donne lieu à la production d’actes de concession de censives, de procurations, de baux, de procès-verbaux de conseil, de protêts, des règlements, etc. Notre dépouillement des archives judiciaires s’est, quant à lui, principalement concentré sur les causes impliquant deux justiciables autochtones portées devant des cours de juridiction civile, soit principalement la Cour du Banc du Roi (de la Reine après 1843)[27] et la Cour supérieure[28]. Ces causes témoignent notamment des conflits intracommunautaires liés à l’utilisation et à la possession des terres et des ressources. Utilisées conjointement avec les archives des Affaires indiennes (RG10), les archives notariales et judiciaires nous permettent d’éclairer la multiplicité et la complexité des régimes fonciers au sein des terres « seigneuriales » du Sault-Saint-Louis et de Saint-François.
La mouvance
Au tout début du XVIIIe siècle, les Jésuites, tuteurs officieux des Iroquois de Kahnawake, commencent à concéder des censives dans les terres du Sault-Saint-Louis. Ces concessions se font dans la prolongation de celles octroyées dans leur seigneurie voisine, la seigneurie de La Prairie, dont ils ont la pleine propriété. En 1759, les Jésuites ont acensé 26,4 % des terres du Sault-Saint-Louis, soit 13 065 arpents sur un « fief » dont la superficie est de 49 392 arpents[29]. Les autorités coloniales françaises ne contestent toutefois pas le mode de développement entrepris par les Jésuites durant la première moitié du XVIIIe siècle[30].
À partir de 1750, les Iroquois se plaignent du nombre important de concessions accordées par les Jésuites[31]. Puisque leurs missionnaires continuent de concéder des censives durant le Régime militaire[32], les Iroquois de Kahnawake se tournent alors vers leurs nouveaux alliés. En réponse à leurs plaintes, le gouverneur militaire de Montréal, Thomas Gage, écarte les Jésuites de l’administration des terres du Sault-Saint-Louis en mars 1762[33].
Après le départ des Jésuites, les Iroquois s’approprient également le statut de « seigneurs » des terres du Sault-Saint-Louis. Dès la fin des années 1760, les chefs ou leur intermédiaire (le receveur[34]) procèdent à la concession de nouvelles censives à des Canadiens (voir tableau 1). À la toute fin du XVIIIe siècle, la mouvance est composée de 210 censives, ce qui représente plus de la moitié de la superficie du territoire de la « seigneurie » du Sault-Saint-Louis. Les Iroquois manifestent alors le désir de restreindre l’octroi de nouvelles concessions et de conserver les terres restantes pour leur propre usage[35].
En 1820, le renvoi de la cause intentée par les « seigneurs » iroquois contre l’un de leurs censitaires met en évidence le fait qu’en vertu du jugement Gage, les chefs ne sont pas autorisés à récolter les droits « seigneuriaux » ou à nommer un intermédiaire pour le faire[36]. Les chefs iroquois cessent dès lors d’octroyer des censives[37]. Seulement quelques censives vont de nouveau être accordées à la veille de l’abolition du régime seigneurial par l’agent « seigneurial », fonction établie en 1821[38], pour récolter les droits « seigneuriaux » au nom de la Couronne, propriétaire des terres du Sault-Saint-Louis.
Aucune censive n’est accordée dans les terres de Saint-François durant le Régime français et dans les premières décennies du Régime britannique. Au tout début du XIXe siècle, les Abénaquis d’Odanak commencent toutefois à gérer leurs terres comme un véritable fief seigneurial[39]. À cet égard, ils procèdent à la nomination d’un procureur ayant le pouvoir d’accorder des censives et de récolter les redevances[40]. Cette pratique va se maintenir jusque dans les années 1850. Ayant reçu leurs terres des seigneurs de Pierreville et de Saint-François, les Abénaquis conservent plus longtemps que les Iroquois de Kahnawake l’autonomie de gérer leurs terres « seigneuriales[41] ».
L’analyse des actes de concessions accordés par les chefs iroquois et abénaquis, soit une centaine d’actes entre 1769 et 1854, permet de constater que, malgré l’ambigüité du statut des terres octroyées pour l’usufruit des Autochtones, le système seigneurial fonctionne sensiblement de la même manière que dans les autres seigneuries bas-canadiennes. Les parcelles de terre concédées à des Canadiens sont sujettes à des redevances seigneuriales, telles que les cens et les rentes, que les censitaires doivent acquitter annuellement. Ces derniers doivent aussi faire moudre leurs grains à l’un des moulins banaux des « seigneurs ». Pour bénéficier du droit de mouture, les chefs iroquois font construire un moulin dans les années 1770[42] dont ils confient la gestion à des meuniers[43].
En cas de vente de la censive, l’acheteur doit verser au seigneur le douzième du prix de vente, c’est-à-dire un droit de mutation appelé lods et ventes. Dans ces actes de concession, les censitaires s’engagent également à entretenir les chemins, les ponts et les fossés ainsi qu’à réserver au « seigneur » les ressources naturelles, telles que le bois, l’eau et les mines qui se trouvent sur sa censive. Ces différents droits onéreux et ces servitudes exigés des censitaires dérivent de la propriété éminente que les « seigneurs » autochtones conservent sur les terres acensées. Les différentes obligations des censitaires ainsi que le statut des censives s’inscrivent donc dans le droit civil français, c’est-à-dire dans la Coutume de Paris et les innovations locales qui régissent le fonctionnement du régime seigneurial au Bas-Canada[44].
Le « domaine »
En concédant des censives à des Canadiens, les Jésuites et, à leur suite, les « seigneurs » autochtones amputent une portion considérable des terres concédées pour l’usufruit des Autochtones, c’est-à-dire que les censitaires en détiennent la propriété utile. Les terres non acensées demeurent toutefois réservées pour l’usage des membres des communautés autochtones. De par l’intégration de leurs terres dans le régime seigneurial et leur participation active à ce régime après la Conquête, les Iroquois et les Abénaquis en viennent à désigner comme leur « domaine » l’espace qu’ils réservent pour l’usufruit de leur communauté.
Dans le langage juridique et administratif du régime seigneurial, le terme de domaine fait référence à l’ensemble du fief détenu par un seigneur (sa propriété éminente sur son fief[45]), ainsi qu’à un espace précis et préalablement circonscrit que le seigneur se réserve pour son usage personnel (le domaine propre[46]). Les « seigneurs » autochtones utilisent ces deux acceptions. Ils affirment leur propriété éminente sur les censives concédées par certaines formules, telles que « des droits fonciers que l’emplacement maintenant donné peut être chargé envers le domaine duquel il relève[47] ». Bien qu’aucun domaine propre ne semble avoir été clairement délimité avant le début de l’acensement d’une portion des terres du Sault et de Saint-François[48], les Abénaquis usent néanmoins de ce terme au sens de terres réservées dans leurs actes de procuration. Par exemple, les chefs abénaquis instruisent leurs procureurs qu’ils ne peuvent pas concéder de censives sur l’espace désigné comme étant le « domaine des sauvages[49] ». Or, en l’absence de document circonscrivant précisément les limites du domaine réservé par les Abénaquis, cet espace, relevant de la coutume, demeure ambigu et sujet à des négociations au sein de la communauté autochtone.
De manière générale, l’espace désigné comme le « domaine » exclut les terres acensées aux Canadiens et comprend les terres que les membres des communautés autochtones partagent, c’est-à-dire leurs villages, les champs dans lesquels ils pratiquent l’agriculture ainsi que les terres à bois qu’ils utilisent[50]. En vertu de leur pratique territoriale traditionnelle[51] ainsi que par la nature des concessions reçues sous le Régime français, les Autochtones jouissent communalement de ces terres et de ces ressources. À cet égard, les Abénaquis d’Odanak utilisent, dans leurs actes notariés, le terme de « plat[52] » pour désigner leurs terres, soit une métaphore issue de la culture iroquoienne représentant le partage des terres et des ressources[53].
À titre de représentants de leurs communautés respectives, les chefs autochtones de Kahnawake et d’Odanak considèrent détenir une juridiction sur les terres possédées en commun par leur communauté, c’est-à-dire que cet espace est régi par les coutumes autochtones, reflets de l’adaptation des Autochtones à la vie laurentienne, que les chefs contribuent à dicter et à faire respecter. Cette prétention provient notamment de la grande autonomie politique et juridique dont ces communautés ont, à titre d’alliés commerciaux et militaires, joui durant le Régime français, autonomie confirmée par les autorités britanniques après la Conquête[54].
Si les membres des communautés autochtones peuvent utiliser le bois pour leur usage personnel, les chefs entendent néanmoins détenir un monopole sur la coupe et la vente de bois afin d’empêcher la dilapidation de cette ressource. Par exemple, dans la cause opposant Thomas Arakwenté et Bouvoe Ocknaweino pour violation de propriété en 1800[55], deux habitants de la seigneurie de Châteauguay[56] témoignent de leur habitude de se procurer du bois chez leurs voisins autochtones. Depuis une vingtaine ou une trentaine d’années, il serait d’usage que les chefs soient les seuls à vendre du bois dans la « seigneurie » du Sault-Saint-Louis. Lorsque des membres de la communauté en vendent, il serait de coutume que ceux-ci remettent la moitié de l’argent qu’ils tirent de cette ressource aux chefs[57]. Les prérogatives que les chefs revendiquent sur la gestion des terres et des ressources reposent sur le caractère communal des terres des Autochtones et sur le fait qu’ils représentent politiquement leur communauté.
Le développement d’une forme de « propriété privée »
Le caractère communal des terres concédées pour l’usufruit des Autochtones commence toutefois à s’effriter légèrement à partir de la fin du XVIIIe siècle. Cet effritement passe par l’établissement d’une forme de « propriété privée », un processus qui s’inscrit dans la longue durée et qui découle de leur établissement dans la vallée laurentienne.
L’intégration des Autochtones dans le régime seigneurial entraîne la transformation de leur mode de vie. Les Iroquois de Kahnawake et les Abénaquis d’Odanak doivent progressivement s’adapter à vivre sur des territoires bien définis et de plus en plus enclavés par la population d’origine française. En raison de cet « enclavement », les Iroquois et les Abénaquis effectuent la dernière migration de leurs villages respectifs vers 1715 et adoptent ensuite des villages permanents[58].
L’adaptation à la réalité de ces villages permanents passe par l’abandon des maisons-longues au profit d’habitations unifamiliales. Dans les années 1750, l’ingénieur Louis Franquet remarque que les Iroquois de Kahnawake et les Abénaquis d’Odanak vivent encore majoritairement dans des maisons-longues, quoique quelques habitations « à la française » commencent à être érigées par des « sauvages[59] ». Ce processus s’amorce donc dès les années 1750 et prend de l’ampleur dans la seconde moitié du siècle[60], si bien qu’en 1800 les Iroquois de Kahnawake et les Abénaquis d’Odanak ne vivent plus dans des maisons-longues.
Avec l’adoption des habitations unifamiliales, des membres des communautés de Kahnawake et d’Odanak commencent à acquérir, pour leur usage personnel, des lopins de terre. Ceux-ci ne semblent pas avoir été octroyés initialement par les chefs ou leurs intermédiaires (receveur ou procureur). La légitimité de l’appropriation de ces terrains semble avoir d’abord été conditionnelle à l’occupation, à la délimitation et à l’amélioration d’une parcelle de terre qu’un individu s’approprie. Par exemple, dans une poursuite intentée en 1796 par Thomas Arakwené contre l’un des chefs, François-Xavier Onashateh, l’occupation d’une terre pour une durée de plus d’un an apparaît comme étant un critère assez consensuel permettant d’assurer sa possession légitime[61].
Après cette appropriation coutumière, la possession de ces parcelles de terre commence à être homologuée par la rédaction d’actes notariés. Les Autochtones recourent, à titre individuel, aux services de notaires pour officialiser les ententes et les transactions foncières qu’ils effectuent avec d’autres membres de la communauté. Les index et les répertoires des greffes de notaires que nous avons dépouillés démontrent en effet que celles-ci regorgent d’actes de mutation, tels que des ventes, des donations, des échanges ou des testaments.
Les parcelles de terrain que les Autochtones s’approprient sur leur « domaine » se distinguent des censives concédées aux Canadiens par le fait qu’elles ne sont pas sujettes aux cens et aux rentes. À cet égard, le paiement de redevances seigneuriales vient marquer la distinction entre les Autochtones, qui jouissent collectivement des terres du Sault et de Saint-François, et les non-Autochtones, soit les censitaires canadiens devant payer des redevances seigneuriales pour les occuper. Autrement dit, les Autochtones, à titre de « seigneurs » collectifs, ne payent ni cens ni rentes pour occuper les emplacements qu’ils s’approprient dans leur « domaine ».
L’absence de cens et de rentes différencie aussi les parcelles de terre que les Autochtones s’approprient dans leur « domaine », notamment dans leur village, des emplacements composant les noyaux d’habitats concentrés ou les villages situés dans les seigneuries bas-canadiennes[62]. Comme les terres acensées pour des fonctions agricoles, les emplacements de villages sont sujets à des redevances seigneuriales. L’initiative de la création de nombreux de ces villages revient souvent aux seigneurs qui concèdent des censives de tailles plus petites dans leur domaine propre[63]. Des censitaires peuvent aussi entraîner la formation de noyaux d’habitats concentrés en morcelant leurs terres agricoles en plusieurs emplacements qu’ils vendent ou qu’ils octroient en échange d’une rente constituée[64].
Tensions entre le privé et le collectif : les cas du bois
L’autorité que les chefs entendent détenir sur l’espace communal du « domaine » est contestée par certains membres de leur communauté. À l’encontre du monopole que les chefs prétendent détenir sur la coupe et la vente de bois, des individus estiment plutôt pouvoir utiliser à leur guise les ressources qu’ils prélèvent sur leur terrain.
Les deux habitants qui ont témoigné dans la cause opposant Thomas Arakwenté et Bouvoe Ocknaweino en 1800, soulignent que le monopole des chefs sur la vente de bois est remis en cause par des membres de leur communauté. Malgré l’interdiction des chefs, des particuliers se seraient mis, depuis quelques années[65], à couper et à vendre du bois « à leur fantaisie[66] ». Pour asseoir leur autorité sur les réserves de bois, ces derniers nomment, en mars 1808, deux procureurs pour veiller à ce qu’aucun bois ne soit coupé dans la « seigneurie » sans leur autorisation[67]. Cette pratique de recourir à des gardes-forestiers se maintiendra durant toute la première moitié du XIXe siècle[68].
Afin d’assurer leurs prérogatives à l’égard de la gestion des ressources possédées communalement par les Autochtones, les chefs iroquois et abénaquis commencent à mettre par écrit des règlements, qu’ils enregistrent auprès de notaires dont les études sont situées dans les villages environnants. En 1801 et 1804, les chefs de Kahnawake produisent deux règlements comprenant une vingtaine d’articles dans lesquels ils interdisent la coupe et la vente de bois, limitent l’usage de cette ressource à la consommation personnelle des individus et affirment qu’aucune terre ne peut être vendue, cédée ou louée sans le consentement des chefs[69]. La mise par écrit de ces règlements survient à la toute fin du XVIIIe siècle, après que Thomas Arakwenté ait démontré qu’un membre de la communauté iroquoise peut poursuivre un autre membre en justice et que les chefs ne sont pas exemptés de telles poursuites[70].
Dans les années 1830 et 1840, les Abénaquis d’Odanak font également rédiger divers règlements concernant l’érection de bâtiments dans leur village ainsi que la coupe et la vente de bois[71]. Durant cette période, ce sont les chefs abénaquis qui utilisent les tribunaux pour asseoir leurs prérogatives et contraindre les contestataires à respecter leur autorité[72]. À cet égard, ils procèdent en 1832 à la nomination d’un syndic chargé de représenter leur corps politique (la « nation » abénaquise) dans les poursuites qu’ils intentent contre les membres de leur communauté[73]. Dans la première moitié du XIXe siècle, les chefs autochtones de Kahnawake et d’Odanak cherchent donc à fonder la légitimité de leurs prérogatives sur les terres et les ressources des « domaines des sauvages » auprès des membres de leur propre communauté.
À la veille de l’abolition du régime seigneurial qui consacre le caractère inaliénable de la propriété privée, les tensions entre le caractère communal des terres des Autochtones et les propriétés « privées » s’accentuent dans les « domaines » des Autochtones[74]. En 1854, le « Commissaire des terres des sauvages[75] » intente huit poursuites contre des habitants des paroisses environnantes qui ont illégalement coupé du bois sur les terres non concédées de la « seigneurie » du Sault-Saint-Louis[76]. L’enjeu de ces poursuites[77] se déplace toutefois sur le droit des Iroquois de vendre du bois dans les lots de terre qu’ils possèdent « d’une manière distincte des autres terres[78] ». Les parties reconnaissent que la possession ou l’occupation d’une portion de terre dans la « seigneurie » par un individu lui donne des droits de propriété excluant les autres « Indiens[79] ». Toutefois, les sept grands chefs font valoir que les anciennes lois prohibent la vente de bois qui appartient collectivement aux Iroquois[80].
Le droit régissant les terres « domaniales » des Autochtones
Les rapports que les « seigneurs » autochtones entretiennent avec leurs censitaires s’inscrivent dans le cadre de la Coutume de Paris et de ses innovations locales. La question du droit régissant l’espace du « domaine des sauvages », c’est-à-dire l’espace que les Autochtones se réservent pour leur propre usage, est toutefois plus complexe. Les actes notariés enregistrant les mutations foncières témoignent de la diversité des influences légales régissant le patrimoine foncier dans les terres « domaniales » des Iroquois et des Abénaquis.
Tout d’abord, certains actes réfèrent directement aux coutumes autochtones. Par exemple, lorsque le boulanger Joseph Lecuyer vend en 1815 aux chefs iroquois toutes ses propriétés situées dans le village de Kahnawake et dans la « seigneurie » du Sault-Saint-Louis, celui-ci affirme les avoir obtenues « partie par donation qu’en avait faite feu Sr. John Stacey [receveur] à Marie Anne Stacey sa fille, épouse du dit vendeur, et l’autre partie par acquisition qu’il en a faite, suivant l’usage du dit village[81] ». Plusieurs contrats de vente datés de 1858 mentionnent également que des Abénaquis sont « en possession [des lopins de terre] depuis longtemps suivant l’usage abénakis[82] ».
L’enregistrement de ces « propriétés privées » devant notaire semble également engendrer une certaine influence du droit civil français sur la transmission du patrimoine foncier. Par exemple, lors de la vente de la propriété détenue par son époux, Jean Élie Obumsawin, en 1868, Marie Messadokis renonce à son douaire et à celui de ses enfants[83]. Le douaire est un droit d’usufruit d’une veuve sur la moitié des immeubles appartenant en propre à son défunt mari, principe relavant de la Coutume de Paris et visant la protection des veuves et des enfants[84].
Le fait que les parcelles de terre que les Autochtones s’approprient individuellement soient exemptes de redevances « seigneuriales » pourrait indiquer une influence de la Common Law sur les terres concédées pour les Autochtones. À partir de 1791, deux régimes de tenure des terres coexistent au Bas-Canada : le régime seigneurial et le franc et commun soccage. En vertu de la tenure soccagère, régie par la Common Law, un paysan achète sa terre, la gère et la développe comme il l’entend, sans être redevable à un seigneur. Il en détient donc la pleine propriété et ne paye pas de redevances seigneuriales[85]. Comme en témoignent les travaux d’André Larose, la commutation des tenures, permise par l’Acte des tenures du Canada de 1825, a engendré la coexistence des deux systèmes juridiques de propriété foncière au sein de la seigneurie de Beauharnois[86].
La transmission du patrimoine foncier autochtone
Pour comprendre la nature des propriétés foncières non collectives dans les « domaines » des Autochtones, ainsi que pour mettre en lumière les différentes influences juridiques auxquelles recourent les Autochtones pour asseoir leurs titres de propriété individuelle, nous voulons effectuer une étude de la transmission du patrimoine foncier dans les communautés de Kahnawake et d’Odanak. Nous proposons en effet de dégager les différentes modalités de transmission patrimoniale, les objectifs qu’elles sous-tendent ainsi que les possibilités ouvertes par l’octroi de la liberté de tester en 1774[87]. Ces modalités et les objectifs que poursuivent les Autochtones peuvent varier en fonction de leurs activités économiques, c’est-à-dire s’ils sont des agriculteurs[88] ou des engagés dans la traite des fourrures[89], ou encore s’ils produisent et vendent des articles manufacturés, tels que des souliers, des raquettes et des paniers[90]. Le fait que ces mutations foncières se produisent dans un cadre familial ou non peut également influencer les modalités de transmission (notamment le caractère onéreux ou gratuit des mutations).
Les Iroquois de Kahnawake et les Abénaquis d’Odanak vivent dans un espace restreint[91], potentiellement saturable et vulnérable aux empiètements, et auquel se rattache, en outre, un important lien identitaire. Les pratiques successorales des familles auxquelles des étrangers se sont intégrés par le mariage peuvent toutefois apparaître comme une menace, notamment celle de voir des portions de ces terres collectives se soustraire au contrôle de la communauté. C’est pourquoi, dans la première moitié du XIXe siècle, un discours hostile à l’égard des unions matrimoniales entre Autochtones et Blancs prend de plus en plus d’importance et conduit à l’adoption des deux premières lois définissant les personnes considérées comme « sauvages » en 1850 et 1851[92].
Conclusion
Malgré l’ambiguïté de leur statut foncier, les terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François sont intégrées de facto dans l’espace seigneurial laurentien. La participation active des Autochtones au régime seigneurial après la Conquête influence la manière dont ces derniers conceptualisent et organisent leurs terres qui se divisent ainsi entre « mouvance » et « domaine ». Dans l’espace que les Autochtones se réservent pour leur propre usage, des tensions se développent dès le début du XIXe siècle entre les prérogatives que les chefs entendent exercer pour assurer la gestion des ressources communales et les individus qui veulent les utiliser à leur guise, en vertu de leur appropriation de certaines parcelles de terre dont ils peuvent transmettre la propriété à leurs héritiers ou la vendre à d’autres membres de la communauté. Lors de l’abolition du régime seigneurial[93], les terres acensées seront détachées des terres du Sault-Saint-Louis et de Saint-François et détenues en pleine propriété par les anciens censitaires. Les anciens « domaines » deviendront, dès lors, des réserves à part entière.
L’état de nos recherches sur l’organisation des terres concédées pour l’usage des Autochtones ainsi que nos observations préliminaires sur le droit applicable dans le « domaine » des communautés ayant agi comme « seigneurs » durant le Régime britannique démontrent la pertinence d’approfondir la question de la propriété foncière dans les « domaines » des communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent. Une telle étude nécessitera un dépouillement exhaustif et une analyse minutieuse des très nombreux actes notariés concernant la mutation de ces « propriétés privées » afin d’établir les chaînes de titre reconstituant la propriété foncière individuelle dans les « domaines » des communautés autochtones de la vallée laurentienne.
En définitive, l’étude de la propriété foncière dans les terres domaniales des Autochtones permettra d’apporter un éclairage nouveau sur les communautés autochtones de la vallée laurentienne, notamment sur les changements socio-économiques et juridiques résultant de leur établissement dans l’espace seigneurial bas-canadien.
Parties annexes
Note biographique
ISABELLE BOUCHARD détient un doctorat en histoire à l’Université du Québec à Montréal. Sa thèse, soutenue en juin 2017, porte sur les prérogatives des chefs autochtones de la vallée du Saint-Laurent entre 1760 et 1860. À l’automne 2017, elle commencera un stage postdoctoral, financé par le CRSH, sur la propriété foncière dans les « domaines » des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent, à l’Université de Sherbrooke, sous la supervision de Benoît Grenier.
Notes
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[1]
Après la destruction de leur confédération par les Iroquois en 1650, une portion des Hurons s’établit dans la région de Québec. Alain Beaulieu, Stéphanie Béreau et Jean Tanguay, Les Wendats du Québec : territoire, économie et identité, 1650-1930 (Québec, Gid, 2013), 57. Les Iroquois quittent l’Iroquoisie en raison d’importantes dissensions qui surviennent après l’introduction de la religion catholique au sein des Cinq-Nations. Daniel K. Richter, « Iroquois versus Iroquois : Jesuit Missions and Christianity in Village Politics, 1642-1686 », Ethnohistory, 32,1 (hiver 1985) : 1-16, et Denys Delâge, « Les Iroquois chrétiens des « réductions », 1667-1770. I - Migration et rapports avec les Français », Recherches amérindiennes au Québec (RAQ), 21,1-2 (1991) : 59-70. À partir du dernier quart du XVIIe siècle, des Abénaquis et des Sokokis provenant de la Nouvelle-Angleterre viennent se réfugier au Canada en raison des guerres anglo-abénaquises, notamment la guerre du Roi Philippe (1675-1676). P.-André Sévigny, Les Abénaquis : habitat et migrations (17e et 18e siècles) (Montréal, Bellarmin, 1976), 117-126.
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[2]
Lynn Gretchen Green, A New People in an Age of War : The Kahnawake Iroquois, 1667-1760, thèse de doctorat (histoire), College of William and Mary, 1991.
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[3]
Par exemple, voir Véronique Rozon, Un dialogue identitaire : les Hurons de Lorette et les Autres au XIXe siècle, mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal (UQÀM), 2005.
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[4]
Les Autochtones domiciliés sont maintenus à l’écart de la justice coloniale. Cette politique s’explique par la nécessité de maintenir les alliances avec les Autochtones dans le cadre des conflits impériaux en Amérique du Nord. C’est seulement à partir des années 1820 que les appareils de justice coloniaux commenceraient à augmenter leur emprise sur les Amérindiens. John A. Dickinson, « Native Sovereignty and French Justice in Early Canada », dans Jim Philipps, Tina Loo et Susan Lewthwaite, dir., Essays in the history of Canadian Law, vol. 5: Crime and criminal justice (Toronto, Osgoode Society, 1994), 17-40; Jan Grabowski, « French criminal Justice and Indians in Montréal, 1670-1760 », Ethnohistory, 43,3 (1996) : 405-429; Helen Stone, « Les Indiens et le système judiciaire criminel de la province de Québec », RAQ, 30,3 (2000) : 65-78, et Denys Delâge et Étienne Gilbert, « La justice coloniale britannique et les Amérindiens au Québec, 1760-1820. II – En territoire colonial », RAQ, 32,2 (2002) : 107-117.
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[5]
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, les communautés autochtones de la vallée laurentienne déterminent elles-mêmes leurs systèmes politiques et dirigent « leurs affaires internes sans trop d’ingérence de la part des autorités coloniales » (Geneviève Leclerc-Hélie, L’implantation des conseils de bande amérindiens dans la vallée du Saint-Laurent au XIXe siècle, mémoire de Maîtrise, UQÀM, 2005. 71). L’accession au statut de chefs est régie par des lois et des coutumes différentes pour chacune de ces communautés. À ce sujet, voir Isabelle Bouchard, Des systèmes politiques en quête de légitimité : terres, pouvoirs et enjeux locaux dans les communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent (1760-1860), thèse de doctorat (histoire), UQÀM, 2017, chapitre 2.
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[6]
En 1651, la seigneurie de Sillery, sous la direction des Jésuites, est octroyée aux « sauvages ». Cette donation est faite en « pleine et entière » propriété, à l’exception des droits de justice. Maxime Boily, Les terres amérindiennes dans le régime seigneurial : les modèles fonciers des missions sédentaires de la Nouvelle-France, mémoire de maîtrise (sociologie), Université Laval, 2006. 48-49.
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[7]
Le 17 octobre 1717. le Séminaire de Saint-Sulpice de Paris reçoit du roi de France la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes en pleine propriété.
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[8]
En 1680, le roi Louis XIV accorde à la Compagnie de Jésus deux concessions distinctes au bénéfice de leur mission iroquoise. En 1718. ces deux concessions sont réunies en une seule. Alain Beaulieu, Les Iroquois, les Jésuites et le roi : la terre du Sault-Saint-Louis dans le régime seigneurial canadien (1680-1854), Rapport de recherche préparé pour le Ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada, 1996, 29-46, et Boily, Les terres amérindiennes dans le régime seigneurial, 101-113.
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[9]
Nous désignons comme les terres de Saint-François les concessions que les Abénaquis d’Odanak ont reçues dans les seigneuries de Saint-François (1700) et de Pierreville (1701). Ibid., 191-197.
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[10]
Alain Laberge, Portraits de campagnes : la formation du monde rural laurentien au XVIIIe siècle (Québec, Presses de l’Université Laval, 2010), 9-12.
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[11]
Par les traités d’Oswegatchie (30 août 1760) et de Kahnawake (15 et 16 septembre 1760), les Britanniques s’engagent à ne pas exercer de représailles contre les domiciliés pour leur participation à la Guerre de Sept Ans, à leur permettre d’exercer librement la religion catholique, ainsi qu’à leur assurer la libre possession de leurs terres. Beaulieu, « Les garanties d’un traité disparu : le traité d’Oswegatchie, 30 août 1760 », Revue juridique Thémis, 34,2 (2000) : 369-408, et Denys Delâge et Jean-Pierre Sawaya, Les traités des Sept-Feux avec les Britanniques : droits et pièges d’un héritage colonial au Québec (Sillery, Septentrion, 2001), 47-54, 63-87.
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[12]
La Compagnie de Jésus n’est dès lors plus autorisée à renouveler ses effectifs en France.
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[13]
Voir Henry Judah, « Cadastre abrégé de la partie de seigneurie de Pierreville, possédée par la tribu des sauvages abénaquis », no 63, 24 janvier 1861, dans Cadastres abrégés des seigneuries du district des Trois-Rivières (Québec, Stewart, Derbishre et Desbarats, 1863), 8 p.; idem., « Cadastre abrégé de la partie de la seigneurie de St. François du Lac, possédée par les sauvages de la tribu des Abénaquis de St. François », no 70, 21 janvier 1861, dans Cadastres abrégés des seigneuries du district des Trois-Rivières, 9 p. et idem., « Cadastre abrégé de la seigneurie du Sault St. Louis, possédée par la tribu des sauvages Iroquois », no 116, 1er décembre 1860, dans Cadastre abrégés des seigneuries du district de Montréal (Québec, George Desbarats, 1863), vol. 3, 18 p.
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[14]
Jean-Philippe Garneau, « Réflexions sur la régulation juridique du régime seigneurial laurentien », dans Alain Laberge et Benoît Grenier, dir., Le Régime seigneurial au Québec : 150 ans après. Bilans et perspectives de recherches à l’occasion de la commémoration du 150e anniversaire de l’abolition du régime seigneurial (Québec, CIEQ, 2009), 76.
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[15]
En 2007, Julie-Rachel Savard, candidate au doctorat, soulignait que les historiens ayant travaillé sur les Amérindiens domiciliés n’ont pas tenu compte qu’ils vivaient au coeur de l’espace seigneurial et que la frontière tacite entre l’histoire des Amérindiens et celle des Français devrait être abolie. Ce projet ne semble toutefois pas avoir été mis en oeuvre. Julie-Rachel Savard, « L’intégration des Autochtones au régime seigneurial canadien : une approche renouvelée en histoire des Amérindiens », dans Beaulieu et Maxime Gohier, dir., La recherche relative aux Autochtones. Perspectives historiques et contemporaines (Montréal, CREQTA, 2007), 171.
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[16]
Benoît Grenier, Brève histoire du régime seigneurial (Montréal, Boréal, 2012), chapitre 3 et Alain Laberge, Portraits de campagnes, chapitre 4.
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[17]
Isabelle Bouchard, « Les chefs autochtones comme « seigneurs » : gestion des terres et de leurs revenus, 1760-1820 », dans Benoît Grenier et Michel Morissette, dir., Nouveaux regards en histoire seigneuriale au Québec (Québec, Septentrion, 2016), 181-206.
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[18]
Sur l’administration des terres du Sault-Saint-Louis par les Jésuites durant le Régime français, voir Louis Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, 1647-1760 : étude d’histoire sociale (Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1992) et Arnaud Decroix, « Le conflit juridique entre les Jésuites et les Iroquois du Sault-Saint-Louis : analyse de la décision de Thomas Gage (1762) », Revue juridique Thémis, 41 (2007) : 279-297. Concernant le rôle des Sulpiciens dans l’administration de la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes, dont le domaine est principalement consacré à leur mission auprès des Autochtones, voir Christian Dessureault, La seigneurie du Lac des Deux-Montagnes, de 1780 à 1825, mémoire de maîtrise (histoire), Université de Montréal, 1979 et Louise Tremblay, La politique missionnaire des Sulpiciens au XVIIe et au début du XVIIIe siècle, 1668-1735, mémoire de maîtrise (histoire), Université de Montréal, 1981.
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[19]
Au sujet de la revendication des Hurons de Wendake pour la seigneurie de Sillery, voir Jean-Sébastien Lavallée, Sillery, terre huronne?: étude de la première revendication territoriale des Hurons de Lorette (1791-1845), mémoire de maîtrise (histoire), UQÀM, 2003; Joëlle Gardette, Le processus de revendication huron pour le recouvrement de la seigneurie de Sillery, 1651-1934, thèse de doctorat (sociologie), Université Laval, 2008, 2 tomes, et Michel Lavoie, C’est ma seigneurie que je réclame : la lutte des Hurons de Lorette pour la seigneurie de Sillery, 1650-1900 (Montréal, Boréal, 2010). Au sujet de la contestation des Iroquois des limites entre les terres du Sault-Saint-Louis et la seigneurie de La Prairie, voir Beaulieu, Les Iroquois, les Jésuites et le roi, et Karol Pépin, Les Iroquois et les terres du Sault-Saint-Louis : étude d’une revendication territoriale (1760-1850), mémoire de maîtrise (histoire), UQÀM, 2007.
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[20]
Boily, Les terres amérindiennes dans le régime seigneurial.
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[21]
Ces acquisitions permettent d’accroître les terres disponibles et ainsi faire face à l’augmentation de la population et à la diminution des ressources. Le village des Hurons reste toutefois exempt de droits seigneuriaux. Au sujet de l’intégration des Hurons-Wendat de Lorette dans le régime seigneurial et de la multiplicité des régimes fonciers auxquels ils recourent à partir du XVIIIe siècle, voir Thomas Peace, Two Conquests : Aboriginal Experiences of the Fall of New France and Acadia, thèse de doctorat (histoire), York University, 2011, 268-277.
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[22]
Ces recherches ont été effectuées dans le cadre de notre doctorat sur les prérogatives des chefs concernant les terres et les ressources. Voir Bouchard, Des systèmes politiques en quête de légitimité.
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[23]
Sur la création des réserves, voir Gérard L. Fortin et Jacques Frenette, « L’acte de 1851 et la création des nouvelles réserves indiennes au Bas-Canada en 1853 », RAQ, 19,1 (1989) : 31-37, et Beaulieu, « La création des réserves indiennes au Québec », dans Beaulieu, Stephan Gervais et Martin Papillon, dir., Les Autochtones et le Québec : des premiers contacts au Plan Nord (Montréal, Presses de l’Université de Montréal), 135-151.
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[24]
Ces réflexions servent de base pour notre projet postdoctoral sur la propriété foncière dans les « domaines » des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent. Ce projet sera mené à l’Université de Sherbrooke, sous la supervision de Benoît Grenier, et financé par le Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH).
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[25]
Ces deux types de sources demeurent encore très peu utilisés pour l’étude des communautés autochtones de la vallée du Saint-Laurent.
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[26]
Les 25 greffes de notaire dépouillées sont celles de Charles-Emmanuel Belle, 1845-1860+ (BANQ-M, CN601, S30); Ignace-Gamelin Bourassa, 1789-1804 (BANQ-M, CN601, S47); Roger-François Dandurand, 1809-1821 (BANQ-M, CN601, S107); Jean-Guillaume Delisle, 1787-1819 (BANQ-M, CN601, S121); Nicolas-Benjamin Doucet, 1804-1855 (BANQ-M, CN601, S134); Pierre Lalanne, 1765-1792 (BANQ-M, CN601, S229) ; Félix-Hector Leblanc, 1825-1853 (BANQ-M, CN601, S245); Jean-Marie Mondelet, fils, 1794-1822 (BANQ, CN601, S295) ; Pierre Panet de Méru, 1755-1778 (BANQ-M, CN 601, S308); Théophile Pinsonnault, 1801-1828 (BANQ-M, CN 601, S327); Simon Sanguinet, fils (1764-1786 (BANQ-M, CN 601, S363); Étienne Boucher, 1841-1860+ (BANQ-M, CN 603, S14); Pierre-Joseph Chevrefils, 1808-1838 (BANQ-M, CN 603, S25); Henry Crebassa, 1795-1843 (BANQ-M, CN 603, S27); William Pitt (1823-1860+ (BANQ-M, CN 603, S74); Antoine Robin fils, 1806-1860 (BANQ-M, CN 603, S78); Joseph Rousseau, 1827-1860+ (BANQ-M, CN 603, S81); Antoine Robin père, 1760-1808(BANQ-M, CN 603, S88); Joseph Baby, 1835-1852 (BANQ-M, CN 605, S5); Joseph-Narcisse Cardinal, 1829-1838 (BANQ-M, CN 607, S9); Louis Demers, 1801-1846 (BANQ-M, CN 607, S14); Jean-Baptiste Badeaux, 1763-1803 (BANQ-TR, CN401, S5); Joseph Badeaux, 1798-1835 (BANQ-TR, CN401, S6); François-Louis Dumoulin, 1800-1837 (BANQ-TR, CN401, S31) et Pierre-François Rigaud, 1750-1778 (BANQ-TR, CN401, S80). Nous avons identifié ces 25 greffes à partir des quelques copies d’actes notariés qui se trouvent dans les archives des Affaires indiennes (RG10) et dans les archives du Séminaire de Nicolet (ASN). Notre corpus n’est pas exhaustif, car les Autochtones ont probablement eu recours à d’autres notaires. Toutefois, ce corpus est non négligeable pour l’étude des prérogatives territoriales des chefs autochtones.
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[27]
Pour les années 1760 à 1820, nous avons eu recours aux archives dépouillées par Pierre Dufour. Pierre Dufour, Recueil de documents judiciaires relatifs aux Amérindiens de la province de Québec et du Bas-Canada (1760-1820), décembre 2000. Pour le district de Montréal, dans lequel se situe la communauté de Kahnawake, nous avons identifié les causes pertinentes grâce à l’outil de recherche Thémis-1 (pour les années 1820), aux registres des procès-verbaux d’audience (de février 1831 à janvier 1835) (BANQ-M, TL19, S4, SS11) et aux répertoires des causes (pour les années 1830 et 1840) (BANQ-M, TL19, S4, SS3). Pour le district de Trois-Rivières, dans lequel se situe la communauté d’Odanak, les causes pertinentes ont été identifiées au moyen des registres des procès-verbaux d’audience (pour les années 1820) (BANQ-TR, TL20, S2, SS11) et des plumitifs (pour les années 1830 et 1840) (BANQ-TR, TL20, S2, SS7).
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[28]
En 1849, la juridiction civile supérieure des Cours du Banc de la Reine est abolie au profit de la Cour supérieure. L’identification des poursuites intentées par le « Commissaire des terres des sauvages » dans les années 1850 a été faite au moyen des répertoires des causes (BANQ-M, TP11, S2, SS2, SSS3).
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[29]
Au sujet des concessions faites par les Jésuites sous le Régime français, voir Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, 61-75.
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[30]
Lavallée, La Prairie en Nouvelle-France, 59 et Beaulieu, Les Iroquois, les Jésuites et le roi, 47-50.
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[31]
Beaulieu, Les Iroquois, les Jésuites et le roi, 50-55 et Boily, Les terres amérindiennes dans le régime seigneurial, 121-127.
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[32]
Entre novembre 1761 et février 1762, les Jésuites accordent 58 concessions. Decroix, « Le conflit juridique », 284.
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[33]
Jugement en faveur des sauvages du Sault-Saint-Louis contre les Jésuites, au sujet de terres disputées, 22 mars 1762, AUM, P-58, H2, 54.
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[34]
En vertu du jugement Gage de 1762, la récolte des droits seigneuriaux ainsi que la tenue des comptes sont confiées à un receveur nommé par le gouverneur. Le receveur John Stacey, en poste durant près de trois décennies, délivre principalement ses comptes de la « seigneurie » aux chefs. Après sa mort vers 1813, le gouvernement ne lui désigne aucun successeur. Durant les années 1810, les chefs iroquois désignent eux-mêmes des intermédiaires pour procéder à la perception des redevances. Rapport d’enquête de Louis-Joseph Fleury Deschambault, 30 octobre 1809, BAC, RG10, vol. 625, p. 182390-182395, bob. C-13395; Procuration des Iroquois du Sault-Saint-Louis pour Roger-François Dandurand, [avant décembre 1821], BAC, RG10, vol. 16, p. 12905-12907, bob. C-11003 et Témoignage de Charles Archambault, 5 septembre 1820, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 1060, avril 1820.
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[35]
John Lees, Mémorandum de John Stacey concernant les Indiens de Caughnawaga, 15 juin 1796, BAC, RG8, vol. 248, p. 172-175, bob. C-2848.
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[36]
Jugement, 19 octobre 1820, BANQ-M, TL19, S4, SS11, Registre des procès-verbaux d’audiences, octobre 1820, fol. 715 et 734.
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[37]
Le surintendant général des Affaires indiennes, John Johnson, leur permet toutefois de conserver la prérogative « seigneuriale » de la gestion du moulin banal et de ses revenus. Duncan C. Napier à George Couper, 21 mars 1829, BAC, RG8-I, C Series, vol. 268, p. 161-168, bob. C-2856.
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[38]
À partir de 1821, un agent « seigneurial » est nommé par le gouverneur pour remplacer l’ancien receveur. George R. Dalhousie, Commission pour Nicolas-Benjamin Doucet, 14 juin 1821, BAC, RG10, vol. 14, p. 11673-11674, bob. C-11002.
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[39]
Les Abénaquis commencent à concéder des censives afin de tirer profit des revenus que celles-ci vont générer ainsi que pour préserver les terres qu’ils n’utilisent pas des seigneurs de Pierreville et de Saint-François qui cherchent alors à se les réapproprier.
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[40]
Procuration par les Abénaquis à Joseph Gamelin, 17 janvier 1800, BANQ-M, CN603, S88, s. n.
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[41]
Après la tentative du gouverneur Dalhousie de nommer un agent « seigneurial » à Odanak en 1821, les officiers des Affaires indiennes reconnaissent la prérogative des chefs de nommer et de destituer l’individu responsable de la gestion des terres de Saint-François. John Johnson à Henry C. Darling, 14 mai 1823, BAC, RG10, vol. 269, p. 121-129, bob. C-2857 et Duncan C. Napier à George Couper, 18 janvier 1830, BAC, RG8, vol. 269, p. 98-101, bob. C-2857.
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[42]
Devis et marché pour la construction d’un moulin à farine entre Gabriel Chevrefils dit Belisle et les chefs sauvages du Sault-Saint-Louis, 20 janvier 1774, BANQ-M, CN601, S158, doc. 3029.
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[43]
Par exemple, Bail d’un moulin par les Iroquois du Sault-Saint-Louis à Thomas Henri, 29 mai 1801, BANQ-M, CN601, S121, doc. 3068.
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[44]
Yves F. Zoltvany, « Esquisse de la Coutume de Paris », Revue d’histoire de l’Amérique française (RHAF), 25,2 (1973) : 365-384, et Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle (Montréal, Boréal, 1988), 252-258.
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[45]
Sur le principe de superposition des droits dans le système seigneurial (propriétés éminentes et utiles), voir notamment Jean-François Niort, « Aspects juridiques du régime seigneurial en Nouvelle-France », Revue général de droit, 32,3 (2002) : 464 (note 51).
-
[46]
Laberge, Portraits de campagnes, 99.
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[47]
Donation entre vifs irrévocable de François Obomsawin fils à Annis Obomsawin, 19 février 1852, BANQ-M, CN603, S14, doc. 1898.
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[48]
Les aveux et dénombrements ne font aucune mention d’un domaine réservé dans les terres du Sault-Saint-Louis ou dans les terres concédées pour les Abénaquis dans les seigneuries de Pierreville et de Saint-François. Jacques Mathieu et Alain Laberge, dir., L’occupation des terres dans la vallée du Saint-Laurent. Les aveux et dénombrements 1723-1745 (Sillery, Septentrion, 1991), 160, 172, 324.
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[49]
Procuration par les Abénaquis de Saint-François à Augustin Gill, 28 octobre 1811, BANQ-TR, CN401, S31, doc. 1280.
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[50]
Joseph Bouchette, Description topographique de la Province du Bas-Canada.... (Londres, T. Davidson, 1815), 126, 331; Rapport de Louis Gill et Augustin Gill, 26 décembre 1836, BAC, RG10, vol. 141, p. 45593-45594, bob. C-11490; Réponses de Duncan C. Napier aux questions du secrétaire colonial, 29 mai 1837, BAC, RG10, vol. 93, p. 38076-38094, bob. C-11468, et Extrait d’un rapport sur les terres des Indiens, 31 mars 1845, BAC, RG10, vol. 600, p. 48030-48032, bob. C-13380.
-
[51]
Dan Rück, « «Où tout le monde est propriétaire et où personne ne l’est» : droits d’usage et gestion foncière à Kahnawake, 1815-1880 », RHAF, 70,1-2 (2016) : 34-36.
-
[52]
Voir, par exemple, Procuration par les Abénaquis à Joseph Gamelin, 17 janvier 1800, BANQ-M, CN603, S88, s. n.
-
[53]
La métaphore du « plat commun » ou du « dish with one spoon » renvoie à la mise en commun des territoires de chasse. Voir Victor P. Lytwyn, « A dish with One Spoon : the Shared Hunting Grounds Agreement in the Great Lakes and St. Lawrence Valley Region », Papers of the Twenty-eight Algonquian Conference (Winnipeg, Université du Manitoba, 1997), 210-227, et Michel Morin, « « Manger avec la même micoine dans la même gamelle » : à propos des traités conclus avec les Amérindiens au Québec, 1665-1760 », Revue générale de droit, 33 (2003) : 93-129.
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[54]
La conservation de cette autonomie et du maintien de leurs propres lois et coutumes est notamment rappelée dans plusieurs pétitions adressées au gouverneur dans la première moitié du XIXe siècle. Pétition des chefs iroquois du Sault-Saint-Louis à James H. Craig, 15 juillet 1809, BAC, RG10, vol. 625, p. 182379-182383, bob. C-13395; Pétition des Iroquois du Sault-Saint-Louis à Matthew W. Aylmer, 11 avril 1835, BAC, RG10, vol. 89, p. 36033-36042, bob. C-11467 et Pétition de quatre grands chefs des Iroquois du Sault-Saint-Louis à William Rowan, 20 mars 1854. BAC, RG10, vol. 209, p. 123658-123667, bob. C-11522.
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[55]
Déposition de Thomas Arakwenté, 1 avril 1800, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 155. octobre 1799.
-
[56]
La seigneurie de Châteauguay, propriété des soeurs de l’hôpital général de Montréal depuis 1765, est située à l’ouest des terres du Sault-Saint-Louis.
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[57]
Témoignage de Claude Duranseau, 16 avril 1800, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 155, octobre 1799, et Témoignage de Martial Duquet, 16 avril 1800, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 155, octobre 1799.
-
[58]
La dernière migration des Iroquois de Kahnawake survient en 1716, alors que celle des Abénaquis d’Odanak se produit en 1715. Thomas-M. Charland, Histoire des Abénakis d’Odanak (1675-1937) (Montréal, Lévrier, 1964), 30, et Green, A New people in an Age of War, 54.
-
[59]
Louis Franquet, Voyages et mémoires sur le Canada (Québec, Imprimerie générale A. Côté et cie, 1889), 38-39, 94.
-
[60]
Pour une description de ce phénomène chez les Iroquois de Kahnawake, voir Daniel Rueck, Enclosing the Mohawk Commons : A History of Use-rights, Land-ownership, and Boundary-making in Kahnawá :ke Mohawk Territory, thèse de doctorat (histoire), Université McGill, 2012, 80-83. Un phénomène similaire s’est déjà produit chez les Hurons de Wendake. Ce passage de la maison-longue à la maison canadienne s’amorce dans les années 1710 et est complété au milieu du siècle. Beaulieu, Béreau et Tanguay, Les Wendats du Québec, 94-97.
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[61]
Déposition d’Arakwenté, 6 juillet 1796, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 3, octobre 1796; Défense de François-Xavier Onasheteken, 1 avril 1797, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 3, octobre 1796; Réplique de la poursuite à la défense d’Onasheteken, 30 avril 1797, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 3, octobre 1796; Témoignage d’Ignace Satiganiowaté, Amérindien de Sault-Saint-Louis, 30 août 1797, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 3, octobre 1796 et Témoignage d’Ignace Atetenianeante, Amérindien de Sault-Saint-Louis, 22 septembre 1797, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 3, octobre 1796.
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[62]
Dans la première moitié du XIXe siècle, le nombre de villages dans les seigneuries bas-canadiennes, jusqu’alors assez faible, connaît une importante croissance. Serge Courville, Entre ville et campagne : l’essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada (Québec, Presses de l’Université Laval, 1990). Les villages des autochtones sont généralement considérés comme des « cas à part » et n’ont, par conséquent, pas été étudiés par les historiens et les géographes qui se sont intéressés au développement des villages bas-canadiens. Ibid., 59-60.
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[63]
Jean-Claude Robert, « Un seigneur entrepreneur, Barthélemy Joliette, et la fondation du village d’Industrie (Joliette), 1822-1850 », RHAF, 26,3 (1972) : 375-395; Johanne Salois, « Étude de la structuration d’un village : le cas du bourg Saint-Louis, 1767-1823 », mémoire de maîtrise (géographie), Université Laval, 1986, chapitre 2; André Larose, « La seigneurie de Beauharnois, 1729-1867 : les seigneurs, l’espace et l’argent », thèse de doctorat (histoire), Université de Montréal, 1987, chapitre 8 et Courville, Entre ville et campagne, 43-46.
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[64]
Dechêne, « La rente du faubourg Saint-Roch à Québec, 1750-1850 », RHAF, 34,4 (1981) : 569-596, et Larose, « La seigneurie de Beauharnois, 1729-1867 », 450-478.
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[65]
Martial Duquet affirme que cette pratique se fait depuis deux ans, alors que Claude Duranseau parle plutôt de quatre ou cinq ans.
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[66]
Témoignage de Martial Duquet, 16 avril 1800, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 155, octobre 1799 et Témoignage de Claude Duranseau, 16 avril 1800, BANQ-M, TL19, S4, SS1, Dossier no 155, octobre 1799.
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[67]
Procuration par Jacques Teonnisason et Lazare Teotgonwarison à Paul Duguet, 14 mars 1808, BANQ-M CN607, S14, doc. 946 et Procuration par Jacques Teonnisason et Lazare Teotgonwarison à François Bourassa, 14 mars 1808, BANQ-M, CN607, S14, doc. 947.
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[68]
Pétition des Iroquois du Sault-Saint-Louis à Matthew Whitworth Aylmer, 11 avril 1835, BAC, RG10, vol. 89, p. 36033-36042, bob. C-11467; Rapport de James Hughes concernant des accusations à son encontre, 29 avril 1835, BAC, RG10, vol. 89, p. 36085-36091, bob. C-11467; Marché entre Jacques Gibaud, Joseph Lecuyer, Thomas Lefebvre & Martin Kanasontié & autres chefs sauvages du Sault-Saint-Louis, 24 janvier 1837, BANQ-M, CN607, S9, doc. 1411; Marché entre Bazile Baudin & Luc Hémarre et Martin Kanasontié & autres chefs sauvages du Sault St. Louis, 27 janvier 1837, BANQ-M, CN607, S9, doc. 1415, et Extrait d’un rapport sur les terres des Indiens, 31 mars 1845, BAC, RG10, vol. 600, p. 48030-48032, bob. C-13380. Cette pratique se poursuivrait également dans la seconde moitié du XIXe siècle. Voir Rück, « «Où tout le monde est propriétaire et où personne ne l’est» », 45.
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[69]
Les règlements de 1804, différents de ceux de 1801, sont joints à une procuration spéciale accordée à Guillaume Chevalier de Lorimier. Règlements et conditions accordés et convenus par les chefs des Iroquois du Sault-Saint-Louis assemblés et convoqués à cet effet dans la Chambre du Conseil au village du Sault-Saint-Louis, 26 février 1801, BANQ-M, CN601, S121, doc. 3025, et Procuration par les chefs du Sault-Saint-Louis à M. De Lorimier, 11 janvier 1804, BANQ-M, CN601, S295, doc. 2584.
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[70]
À l’argument des chefs qui soutiennent que les Autochtones n’ont pas le droit de se poursuivre entre eux devant les cours de justice, le procureur général, Jonathan Sewell, répond que tout homme vivant sous la juridiction de la Couronne britannique est soumis à ses lois et qu’il a le droit d’y recourir pour obtenir assistance et protection. Joseph Chew à Thomas A. Coffin, 18 février 1796, BAC, RG8, vol. 249, part. 1, p. 30-31, bob. C-2849 et Joseph Chew à Thomas A. Coffin, 7 mars 1796, BAC, RG8, vol. 249, pt. 1, p. 22-23, bob. C-2849.
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[71]
Assemblée des Abénaquis, 23 décembre 1834, BANQ-M, CN603, S74, doc. 1745; Accord et Conventions entre Simon Obomsawin et autres chefs, 5 décembre 1836, BANQ-M, CN603, S74, doc. 1976; Acte d’accord fait entre les Syndic du village abénaquis, 6 septembre 1841, BANQ-M, CN603, S78, doc. 7418, et Compte rendu d’un conseil d’Ignace Portneuf et al., 27 juillet 1842, BAC, RG10, vol. 245, pt. 2, p. 145965-145967, bob. C-12639.
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[72]
Voir, par exemple, les poursuites intentées contre Pierre-Paul Osunkhirhine en 1837 (BANQ-TR, TL20, S2, SS1, septembre 1837, dossier 277) et contre Édouard Gill en 1844 (BANQ-TR, TL20, S2, SS1, janvier 1844, dossier 272).
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[73]
Nomination d’un syndic par les membres de la nation abénaquise, 12 décembre 1832, BANQ-TR, CN401, S31, s. n.
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[74]
La communauté iroquoise de Kahnawake connaît également une « crise du bois » dans les années 1870. Rück, « «Où tout le monde est propriétaire et où personne ne l’est» », 45-48.
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[75]
Le 10 août 1850, l’Acte pour mieux protéger les terres et les propriétés des sauvages dans le Bas-Canada crée le poste de « Commissaire des terres des sauvages ». Nommé par le gouverneur, celui-ci doit percevoir les redevances provenant des terres des Autochtones. Il est également investi de la capacité de poursuivre en justice et de défendre les terres des Autochtones. La juridiction du commissaire s’étend sur toutes les terres et les propriétés mises à part pour les Autochtones du Bas-Canada, à l’exception explicite des terres « possédées par aucune corporation ou communauté légalement établie » (soit la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes en possession du Séminaire de Saint-Sulpice de Montréal). Puisque les terres des Abénaquis d’Odanak ne sont pas détenues en fidéicommis par la Couronne, celles-ci ne sont pas affectées par l’acte de 1850.
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[76]
BANQ-M, TP11, S2, SS2, SSS1, 1854, dossiers 573, 992-993, 995-999.
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[77]
Dans sept des huit causes, les défendeurs intentent des poursuites en garantie contre les Iroquois qui leur ont vendu un droit de coupe ou avec lesquels ils ont établi un marché leur octroyant le bois situé sur un terrain donné.
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[78]
Exceptions et défense du défendeur en garantie, 26 février 1855, BANQ-M, TP11, S2, SS2, SSS1, décembre 1854, dossier 992.
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[79]
Reconnaissances, 5 juin 1855, BANQ-M, TP11, S2, SS2, SSS1, BANQ-M, TP11, S2, SS2, SSS1, janvier 1855, dossier 997.
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[80]
Anciennes lois concernant le bois, 20 octobre 1854, BANQ-M, TP11, S2, SS2, SSS1, décembre 1854, dossier 997 et Joseph Marcoux à Mgr Larocque, 14 mars 1855, ADL, 3A, doc. 372.
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[81]
Vente par Joseph Lecuyer aux chefs du village du Sault-Saint-Louis, 14 juin 1815, BANQ-M, CN607, S14, doc. 1831. Dans cet acte de vente, Joseph Lecuyer s’identifie comme un maître boulanger vivant dans le « village du Sault-Saint-Louis » (Kahnawake). Son origine ethnique n’est toutefois pas spécifiée. Son appartenance à la communauté iroquoise semble toutefois découler de son mariage avec la fille de John Stacey, le receveur en poste durant près de 30 ans. Au début du XIXe siècle, les membres de la communauté de Kahnawake intègrent sans problème de nouveaux membres en leur sein par l’intermédiaire de l’adoption ou des mariages, notamment des « blancs ». C’est à partir des années 1830 que certains membres de la communauté vont désirer adopter des critères d’appartenance plus rigides pour contrôler les individus pouvant revendiquer l’accès aux terres et aux ressources. À ce sujet, voir Marie Lise Vien, «Un mélange aussi redouté qu’il est à craindre» : race, genre et conflit identitaire à Kahnawake, 1810-1851, mémoire de maîtrise (histoire), UQÀM, 2013.
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[82]
Par exemple, voir Vente par Ignace Masta à Henry Vassal, 2 novembre 1858, BANQ-M, CN603, S74, doc. 4603.
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[83]
Acte de vente de Jean-Élie Obumsawin et Marie Messadoquis, son épouse, à Henri Vassal, 28 février 1868, BANQ-M, CN603, S51, doc. 158. Cette renonciation est faite en vertu de la loi instaurant les bureaux d’enregistrement de 1841 (articles 35 à 37). Zoltvany, « Esquisse de la Coutume de Paris », 371.
-
[84]
Mireille D. Castelli, « Le douaire en droit coutumier ou la déviation d’une institution », Les Cahiers de droit, 20,1-2 (1979) : 315-330.
-
[85]
Sur la coexistence de deux régimes juridiques en matière de propriété, voir notamment John E. C. Brierley, « The Co-existance of Legal Systems in Quebec : « Free and Common Soccage » in Canada’s « pays de droit civil » », Les Cahiers de droit, 20,1-2 (1979) : 277-287; Gérald Bernier et Daniel Salée, « Appropriation foncière et bourgeoisie marchande », RHAF, 36,2 (1982) : 163-194, et Evelyn Kolish, Nationalisme et conflits de droits : le débat du droit privé au Québec, 1760-1840 (La Salle, Hurtubise HMH, 1994), chapitres 4 à 7.
-
[86]
Larose, « La seigneurie de Beauharnois, 1729-1867 », 195-246 et idem., « Objectif : commutation de tenure : Edward Ellice et le régime seigneurial (1820-1840) », RHAF, 66,3-4 (2013) : 365-393.
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[87]
Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, 271-298 et 414-449; Pauline Desjardins, « La Coutume de Paris et la transmission des terres : le rang de la Beauce à Calixa-Lavallée de 1730 à 1975 », RHAF, 34,3 (1980) : 331-339; Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs : la société rurale du bas Richelieu, 1740-1840 (Sillery, Septentrion, 2000), 102-115; Sylvie Dépatie, « La transmission du patrimoine dans les terroirs en expansion : un exemple canadien au XVIIIe siècle », RHAF, 44,2 (1990) : 171-198 et idem., « La transmission du patrimoine au Canada (XVIIe- XVIIIe siècle) : qui sont les défavorisés? », RHAF, 54,4 (2001) : 558-570.
-
[88]
Rück, « «Où tout le monde est propriétaire et où personne ne l’est» », 36-38.
-
[89]
Jan Grabowski et Nicole St-Onge, « Montreal Iroquois Engagés in the Western Fur Trade, 1800-1821 », dans Theodore Binnema, Gerhard J. Ens et R. C. Macleod, From Rupert’s Land to Canada (Edmonton, University of Alberta Press, 2001), 23-58, et François Antaya, « Chasser en échange d’un salaire : les engagés amérindiens dans la traite des fourrures du Saint-Maurice, 1798-1831 », RHAF, 63,1 (2009) : 5-31.
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[90]
Rueck, Enclosing the Mohawk Commons, 63, et Charland, Histoire des Abénakis d’Odanak, 334.
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[91]
Les stratégies adoptées par les ménages canadiens tendent à se modifier dans le contexte d’un terroir saturé ou d’un terroir en expansion. Gérard Bouchard et Jeannette Larouche, « Sur la reproduction familiale en milieu rural : systèmes ouverts et systèmes clos », Recherches sociographiques, 18 (1987) : 229-251.
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[92]
Beaulieu, « Contestations identitaires et indianisation des Autochtones de la vallée du Saint-Laurent (1820-1869) », dans Salvador Bernabéu, Albert Christophe Giudicelli et Gilles Havard, coord., La indianización (Madrid, Doce Calles, 2012), 335-362, et Vien, «Un mélange aussi redouté qu’il est à craindre». La présence des non-Autochtones sur la réserve de Kahnawake demeure encore aujourd’hui une question épineuse pour cette communauté. Mathieu Sossoyan, « Note de recherche. Les Indiens, les Mohawks et les Blancs : mise en contexte historique et sociale de la question des Blancs à Kahnawake », RAQ, 39,1-2 (2009) : 159-171.
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[93]
L’Acte pour l’abolition des droits et devoirs féodaux dans le Bas-Canada ne s’applique pas « aux terres incultes et non concédées dans les seigneuries possédées par la couronne en fidéicommis pour les sauvages » (p. 27).
Parties annexes
Biographical note
ISABELLE BOUCHARD holds a Ph.D. from the Université du Québec à Montréal. In June 2017, she defended her dissertation on the prerogatives of Indigenous chiefs in the St. Lawrence Valley between 1760 and 1860. In the fall of 2017, thanks to a SSHRC postdoctoral fellowship, she will pursue her research on landed property in the Indigenous “domains” of the St. Lawrence Valley, under the supervision of Professor Benoît Grenier at the Université de Sherbrooke.