Journal of the Canadian Historical Association
Revue de la Société historique du Canada
Volume 17, numéro 2, 2006
Sommaire (8 articles)
Edward Said: History and Theory
-
Edward Said: Orientalism and Occidentalism
Diana Lary
p. 3–15
RésuméEN :
Twenty-five years after the appearance of Orientalism, Edward Said’s ideas still have great importance, both in relations between the West and the Middle East, and in settings that Said did not address directly. This paper looks at orientalism between Asian states, between Asia and the West, and within China.
FR :
Vingt-cinq ans après la publication du livre L’Orientalisme, les propos qu’y tient Edward Said s’avèrent toujours d’une grande actualité pour comprendre les relations entre l’Occident et le Moyen-Orient, mais aussi pour expliquer des situations que l’auteur n’avait pas alors directement étudiées. L’article de Diana Lary analyse l’orientalisme tel qu’il s’observe entre les États asiatiques, entre l’Asie et l’Occident, et à l’intérieur même de la Chine.
-
Reflections on Edward Said’s Legacy: Orientalism, Cosmopolitanism, and Enlightenment
Henry Yu
p. 16–31
RésuméEN :
How are we to understand Edward Said's critique of the imbrication of knowledge and colonial power in light of his own education at elite universities such as Princeton and Harvard? Is Said's own path through elite colonial schooling in the Middle East and the exclusive schools of the United States a context for understanding the origins of his arguments in Orientalism? Yu uses the tension in Said's own commitment to a cosmopolitan ideal of knowledge to explore the contradictions within the legacies of the Enlightenment and European colonialism.
FR :
Comment faut-il comprendre la critique qu’Edward Said formule sur l’imbrication du savoir et de l’influence coloniale quand on sait qu’il fut lui-même issu de milieux universitaires élitistes comme ceux de Princeton et de Harvard ? Le fait que Said a reçu son instruction au Moyen-Orient dans le réseau scolaire colonial réservé à l’élite et qu’il a fréquenté aux États-Unis de prestigieux établissements d’enseignement permet-il d’expliquer les origines de sa pensée sur l’orientalisme ? Dans sa poursuite d’un idéal cosmopolite du savoir, Said exprime une tension qu’exploite Henry Yu pour faire ressortir les contradictions contenues dans l’héritage du Siècle des lumières et du colonialisme européen.
Historical Materialism
-
Historical Materialism and the Writing of Canadian History: A Dialectical View
Bryan D. Palmer
p. 33–60
RésuméEN :
Surveying the historical writing in Canada that has adopted the approach of historical materialism, this paper presents a new perspective on Marxist theory and its relevance to the study of the past. It both links Canadian historical materialist texts to a series of important international debates and suggests the significance of dialectics in the development of Marxism's approach to the past.
FR :
Cet article examine l’écriture historique au Canada teintée de l’approche du matérialisme historique et présente un nouveau point de vue sur la théorie marxiste et sa pertinence quant à l’étude du passé. Il relie non seulement les textes matérialistes historiques canadiens à une série d’importants débats internationaux, mais il évoque aussi l’importance de la dialectique dans le développement de l’approche marxiste par rapport au passé.
-
Modernity as “passive revolution”: Gramsci and the Fundamental Concepts of Historical Materialism
Peter Thomas
p. 61–78
RésuméEN :
The recent revival of interest in Marxism within and beyond the academy has led to various proposals for contemporary reconstructions of historical materialism. This article proposes that the work of Antonio Gramsci could provide the basis for an historical materialist interdisciplinary research programme today that is capable of engaging productively in dialogue with other traditions of thought, while respecting their (and its own) differences. The article focuses in particular on Gramsci’s development of the concept of “passive revolution,” arguing that his integration of elements from Marx’s Theses on Feuerbach permits him both to break with various “determinist” deformations of Marx's thought while at the same time insisting upon the integrity of Marxist theory, as a tradition of thought capable of renewal through self-criticism. It proposes that Gramsci's thought offers resources for an explanatory historical narrative of modernity focused upon the political moment as the dialectical unity of “structure” and “agency”.
FR :
On a noté, tant au sein qu’à l’extérieur du milieu universitaire, un récent regain d’intérêt pour le marxisme duquel ont surgi plusieurs propositions de reconstructions contemporaines du matérialisme historique. Dans son article, Peter Thomas montre que l’on trouve dans l’oeuvre d’Antonio Gramsci de quoi justifier aujourd’hui la mise sur pied d’un programme de recherche interdisciplinaire sur le matérialisme historique, programme qui générerait entre d’autres écoles de pensée des discussions fructueuses et tolérantes des différences de chacune. Analysant plus particulièrement la façon dont Gramsci a développé le concept de « révolution passive », Peter Thomas soutient qu’en s’appuyant sur des arguments tirés des Thèses sur Feuerbach de Marx, Gramsci a pu à la fois prendre ses distances par rapport à diverses déformations « déterministes » de la pensée de Marx et défendre l’intégrité de la théorie marxiste, capable de se renouveler grâce à l’autocritique. Peter Thomas suggère que la pensée de Gramsci possède les éléments nécessaires à l’élaboration d’un récit explicatif de la modernité dont le moment politique constituerait l’unité dialectique de la « structure » et de « l’action ».
Colonialism and Postcolonialism
-
Postcoloniality and History
Arif Dirlik
p. 80–88
RésuméEN :
This essay explores the implications of postcolonial writing for our understanding of the practice of history. It outlines the central principles of contemporary postcolonial inquiry, and provides a critique of recent trends in the field. With its pre-occupation with the local and the particular, contemporary postcolonial writing has become detached from the critical frameworks of analysis embodied in the initial phase of postcolonial writing.
FR :
Quels impacts les écrits postcoloniaux ont-ils eu sur notre compréhension de la pratique de l’histoire ? Arif Dirlik avance ici une réponse en montrant sur quels principes fondamentaux repose la recherche contemporaine postcoloniale et en présentant une étude critique des dernières tendances dans le domaine. Parce qu’ils ont centré leur intérêt sur le régional et le particulier, les écrits contemporains postcoloniaux se sont écartés des cadres d’analyse critique qui avaient marqué les débuts de l’écriture postcoloniale.
-
The Troubled Encounter Between Postcolonialism and African History
Paul Tiyambe Zeleza
p. 89–129
RésuméEN :
This paper examines the complex engagements between what it calls the “posts” – poststructuralism, postmodernism and postcolonialism – and African studies. Specifically, it analyzes the analytical connections and contestations between postcolonial theory and African historiography. The paper interrogates some of the key ideas and preoccupations of both postcolonialism and historiography and explores the intersections between them. It is argued that the ambivalence and sometimes antagonism to postcolonialism by many African scholars is largely driven by ideological and ethical imperatives, while the troubled encounter between African history and postcolonialism is rooted in apparent intellectual and epistemic incongruities. Linking the two is the powerful hold of what I call nationalist humanism in the African imaginary, the nationalist preoccupations of African intellectuals, and the nationalist proclivities of African historiography. Productive engagement between African history and postcolonialism is of course possible, but it requires mutual accommodation, the incorporation in postcolonial studies of the insights developed in African historiography, and within the latter of some of the constructive interventions of postcolonial theory. Ultimately, however, I believe postcolonialism has serious limits in its methodological and conceptual capacities to advance what I would call the historic agendas of African historiography.
FR :
Cet article traite de la complexité de la dissension entre ce que l’on nomme les « après- » – le poststructuralisme, le postmodernisme et le postcolonialisme – et les études africaines. Précisément, il explore les rapports analytiques et les contestations entre la théorie postcoloniale et l’historiographie africaine. L’article scrute certaines des idées-clés et des préoccupations du postcolonialisme et de l’historiographie, et approfondit les points où ils se rencontrent. On soutient que l’ambivalence et parfois l’opposition au postcolonialisme exprimées par plusieurs universitaires africains reposent en grande partie sur des impératifs idéologiques et ethniques. Quant à la rencontre hostile entre l’histoire africaine et le postcolonialisme, elle est ancrée dans d’apparentes incongruités intellectuelles et épistémiques. Le contrôle puissant de ce que j’appelle l’humanisme nationaliste de l’imaginaire africain, les préoccupations nationalistes des intellectuels africains et les tendances nationalistes de l’historiographie africaine peut réunir les deux. Une rencontre productive entre l’histoire africaine et le postcolonialisme reste certainement possible, mais cela demande des concessions mutuelles, l’intégration des idées élaborées à l’intérieur de l’historiographie africaine dans les études postcoloniales, et celle de certaines interventions constructives de la théorie postcoloniale dans l’historiographie africaine. Par contre, en dernière analyse, je crois que le postcolonialisme est très limité quant à ses capacités méthodologiques et conceptuelles pour faire avancer ce que je nommerais le programme historique de l’historiographie africaine.
-
When the Subaltern Took the Postcolonial Turn
John Roosa
p. 130–147
RésuméEN :
This essay evaluates the changing research agendas of Subaltern Studies, an influential series of books on South Asian history that began in 1982. The essay criticizes the original research agenda as articulated by the series editor, Ranajit Guha, and the subsequent agenda proposed by several members of the Subaltern Studies collective. Guha initially proposed that studies of colonial India understand power in terms of unmediated relationships between “the elite” and “the subaltern” and endeavour to answer a counterfactual question on why the “Indian elite” did not come to represent the nation. The subsequent agenda first formulated in the late 1980s, while jettisoning Guha’s strict binaries and crude populism, has not led to any new insights into South Asian history. The turn towards the issues of modernity and postcolonialism has resulted in much commentary on what is already known. Some members of the collective, in the name of uncovering a distinctly “Indian modernity” and moving beyond Western categories, have reified the concept of modernity and restaged tired old debates within Western social theory.
FR :
Cet article analyse l’évolution des directives éditoriales de Subaltern Studies, une série influente de livres lancée en 1982 et portant sur l’histoire de l’Asie du Sud. Dans cet essai, l’auteur étudie l’orientation de recherche suivie dès le début par le rédacteur en chef, Ranajit Guha, et la compare aux programmes que proposèrent par la suite plusieurs membres du collectif Subaltern Studies. À l’origine, Guha avait souhaité que les études sur l’Inde coloniale soient fondées sur une conception dualiste du gouvernement opposant « l’élite » et « les subalternes »; Guha voulait aussi que les auteurs s’efforcent de répondre à une question hypothétique, à savoir pourquoi « l’élite indienne » n’avait pas réussi à représenter la nation. Vers la fin des années 1980, la série prend une orientation différente qui délaisse le populisme rudimentaire et rigoureusement binaire de Guha, mais qui n’ouvre toutefois aucune nouvelle perspective sur l’histoire de l’Asie du Sud : certes, les débats sur la modernité et le postcolonialisme suscitent maints commentaires, mais ils ne sortent pas des sentiers battus. À force de vouloir découvrir une « modernité typiquement indienne » et s’éloigner des critères occidentaux, quelques membres du collectif ont fini par réifier le concept de la modernité et n’ont fait que resituer les mêmes vieux débats à l’intérieur du cadre de la théorie sociale occidentale.
-
“It’s Our Country”: First Nations’ Participation in the Indian Pavilion at Expo 67
Myra Rutherdale et Jim Miller
p. 148–173
RésuméEN :
This paper traces the history of Aboriginal people’s participation in national spectacle and argues that the Indian Pavilion at Expo 67 was unique in its assertion of the portrayal of Native/Newcomer relations. Historians have interpreted the impact of the Indian Pavilion as an event that awakened non-Native Canadians to both the plight of Aboriginal peoples and their increasing unwillingness to suffer in silence. The controversy over the contents and general argument of the Indian Pavilion followed soon after the release of the two-volume Hawthorn Report on the social and economic conditions First Nations faced, and operated just as the federal government was initiating a series of talks with First Nations leaders to forge a new policy towards First Nations. At the same time, there is little evidence that the Indian Pavilion, whatever succès de scandale it enjoyed, had a lasting impact on public opinion or policymakers. Where the experience of mounting, operating, and defending the Indian Pavilion did matter, however, was with First Nations themselves. Whether causation or coincidence, the newfound confidence and pride that underlay the creation of the Indian Pavilion was completely consistent with the positive demeanour of Aboriginal political leaders from the late 1960s on.
FR :
Cet article relate l’histoire entourant la participation des Autochtones au spectacle national et soutient que le pavillon Indiens du Canada à Expo 67 était unique quant à sa façon de tracer le portrait des relations entre les Autochtones et les nouveaux arrivants. Les historiens ont perçu l’influence du pavillon comme une occasion de sensibiliser les Canadiens non autochtones à la piètre situation des Autochtones et à leur réticence croissante à souffrir en silence. La controverse sur le contenu du pavillon Indiens du Canada et l’argumentation générale à son sujet ont suivi de près la publication du rapport Hawthorn en deux volumes sur les conditions sociales et économiques auxquelles les Premières nations devaient faire face. Au même moment, le gouvernement fédéral entreprenait une série de discussions avec les chefs des Premières nations afin d’élaborer une nouvelle politique les concernant. Parallèlement, rien de permet d’affirmer que le pavillon Indiens du Canada – quel que soit le succès de scandale dont il a pu profiter – a eu une incidence durable sur les façonneurs d’opinion ou sur les décideurs. Par contre, l’expérience de construire, de gérer et de défendre le pavillon importait tout d’abord aux Premières nations elles-mêmes. Que ce soit une relation de cause à effet ou une coïncidence, la confiance et la fierté récemment découvertes qui étaient à la base de la création du pavillon indien concordaient tout à fait avec le comportement positif des dirigeants politiques autochtones de la fin des années 1960.