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Journal of the Canadian Historical Association
Revue de la Société historique du Canada
Volume 11, numéro 1, 2000
Sommaire (10 articles)
Edmonton 2000
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Presidential Address: Jews, Human Rights, and the Making of a New Canada
Irving Abella
p. 3–15
RésuméEN :
For the first half of the twentieth century, Canada was not a welcoming place for Jews. Xenophobia, nativism and anti-Semitism lay behind a wide range of quotas and restrictions that limited where Jews could live, be educated, work, or play. During the 1920s, 30s, and 40s, Nazi propaganda, a search for economic scapegoats, fear of communism, religious hatreds, and a general concern about recent rapid immigration all contributed to the problem. Then in the late 1940s, Canadian Jewish leaders launched an offensive against discriminatory practices. Through a publicity campaign and other efforts, they gradually won allies in church and service groups, the Association of Civil Liberties, and the new Ontario premier, Leslie Frost. By the 1960s, mechanisms to protect minorities were in place and Canada had begun the process of repealing its racist immigration laws. Efforts of Jewish leaders in the human rights movement of the 1940s and 50s played a central role in improving the treatment of minorities in late twentieth-century Canada.
FR :
Pendant la première moitié du XXe siècle, le Canada ne s'est pas montré très hospitalier envers les juifs. La xénophobie, le nativisme et l'antisémitisme ont sous-tendu l'instauration de toute une série de quotas et de restrictions qui limitaient les endroits où les juifs pouvaient vivre, s'instruire, travailler et jouer. Ont également alimenté ces politiques durant les années 1920, 1930 et 1940 la propagande nazie, la recherche d'un bouc émissaire de la crise économique, la peur du communisme, les haines religieuses et l'inquiétude généralisée suscitée par la récente arrivée massive d'immigrants. Vers la fin des années 1940, les leaders de la communauté juive canadienne lancèrent une offensive contre ces comportements discriminatoires. Ils recoururent à des campagnes publicitaires et à d'autres moyens pour graduellement se gagner l'appui de personnes actives au sein d'églises et de groupes d'aide sociale ; ils purent également compter sur l'Association of Civil Liberties et sur Leslie Frost, le nouveau premier ministre de l'Ontario. Au début des années 1960, ils avaient réussi à faire mettre en place des mécanismes pour protéger les minorités et le Canada avait commencé à abroger ses lois racistes sur l'immigration. Par leurs interventions dans le mouvement en faveur des droits de la personne des années 1940 et 1950, les leaders juifs contribuèrent de façon décisive à améliorer le traitement réservé aux minorités au Canada à la fin du XXe siècle.
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The Naval State in Newfoundland, 1749-1791
Jerry Bannister
p. 17–50
RésuméEN :
This article challenges the conventional view that a colonial state did not exist in eighteenth-century Newfoundland. It rejects the traditional notion that the island's legal system was necessarily illegitimate or ineffective. It argues that despite the limited institutions allowed under statutory law and official imperial policy, an effective system of governance, based on local customs adopted under the rubric of English common law, developed to meet the needs of those in power. The Royal Navy was the engine of law and authority-in early Newfoundland. A series of major reforms undertaken in 1749 precipitated the rise of a “naval state”, which formed the basis on which local government was administered. By exploring the operation of this legal system prior to the Judicature Act of 1791, this article points to the need for historians to rethink the chronology of politico-legal development in Canada. The case of Newfoundland demonstrates that pre-industrial state formation cannot be relegated to merely an ancillary role in the dominant narrative of the rise of the “colonial leviathan” in mid-nineteenth century Canada.
FR :
L'article de Jerry Bannister remet en question l'idée généralement admise qu 'il n'y ait pas eu d'État colonial à Terre-neuve au XVIIIe siècle. Il rejette la notion traditionnelle selon laquelle l'organisation judiciaire de l'île aurait conséquemment été illégitime ou inefficace. L'auteur démontre qu'en dépit du nombre limité d'institutions autorisées par les lois et par la politique impériale officielle, il se développa, pour répondre aux besoins de ceux qui exerçaient le pouvoir, un système efficace de gouvernement fondé sur les coutumes régionales, elles-mêmes inspirées de la common law. Au début de la colonisation de Terre-neuve, la Royal Navy assurait le pouvoir et maintenait l'ordre. En 1749, l'introduction d'importantes réformes solidifia l'instauration d'un « État naval », qui servit de cadre administratif au gouvernement local. L'auteur analyse le fonctionnement de cette organisation judiciaire jusqu'en 1791, date à laquelle fut adoptée la Judicature Act ; ses constatations devraient inciter les historiens à repenser la chronologie du développement politico-juridique au Canada. Le cas de Terre-neuve démontre que la formation d'un État à l'ère pré-industrielle n'a pas joué qu'un simple rôle de second plan dans la montée du puissant pouvoir colonial au milieu du XIXe siècle au Canada.
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Longhouses, Schoolrooms, and Workers’ Cottages: Nineteenth-Century Protestant Missions to the Tsimshian and the Transformation of Class Through Religion
Susan Neylan
p. 51–86
RésuméEN :
This paper explores the blurring of boundaries among class identities in nineteenth-century Protestant missions to the Tsimshian, Aboriginal people of the northwest British Columbia coast. Through an exploration of the nature of Christian chiefs, Tsimshian demand for literacy and schooling, and finally mission housing, this paper highlights ways in which the class implications of religious association had profoundly different meanings in Native and non-Native milieus. Scholars must take into account historical Aboriginal perspectives not only on conversion, but on their class positions in mission Christianity and more precisely, how their roles within the mission sphere were informed by their own notions of class. While some Native converts undoubtedly utilized conversion to Christianity to circumvent usual social conventions surrounding rank, privilege, and access to spiritual power, other Tsimshian sought transformation by using these new forms of spirituality to bolster their existing social positions.
FR :
Le présent article explore la mouvance des frontières des identités de classe au XIXe siècle dans les missions protestantes chez les Tsimshian, un peuple autochtone de la côte Nord-ouest du Pacifique en Colombie-Britannique. En analysant tour à tour la nature des chefs chrétiens, le désir des Tsimshian d'être alphabétisés et scolarisés, et le logement dans les missions, l'auteure démontre comment les notions de classe véhiculées par la religion ont pris des significations fort différentes dans les milieux autochtones et non autochtones. Pour traiter d'un tel sujet, les chercheurs doivent tenir compte des perspectives historiques des Autochtones non seulement sur la conversion, mais aussi sur leur hiérarchie sociale dans les missions chrétiennes ; il s'agit plus précisément de voir comment le rôle des Autochtones au sein même de la mission était déterminé par leur propre notion de classe. Si quelques Autochtones avaient indéniablement utilisé la conversion à la chrétienté comme un moyen de contourner les conventions sociales réglementant le rang, les privilèges et l'accès au pouvoir spirituel, d'autres Tsimshian avaient cherché le changement en se servant de ces nouvelles formes de spiritualité pour solidifier leur position sociale existante.
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Imagining the Great White Mother and the Great King: Aboriginal Tradition and Royal Representation at the “Great Pow-wow” of 1901
Wade A. Henry
p. 87–108
RésuméEN :
The 1901 Royal Visit to Canada of the Duke and Duchess of Cornwall and York (the future George V and Queen Mary) was marked by a series of ceremonies, not the least of which was the “Great Pow-wow”, staged by more than 2,000 Natives on a wide plateau outside Calgary. More than just an entertaining spectacle, the Great Pow-wow of 1901 was a hegemonic site in which competing representations of Natives, whites, and royalty converged. Officials from the Department of Indian Affairs sought to repress the expression of traditional Aboriginal culture, while other members of the state and a large segment of the press supported the participation of Natives as living examples of the heritage of British justice in Canada. For white Canadians, the pow-wow was an opportunity to define their own identity and imagine their place, and that of Natives, within the nation. At the same time, Natives used the opportunity to resist symbolic control and to ensure their presence and influence within Canada. Like other royal ceremonies, the Great Pow-wow of 1901 served as a contested site in Indian-white relations as both groups structured, manipulated, and imagined representations of themselves, each other, and above all, the monarchy, in order to both maintain and challenge the hegemonic order.
FR :
La visite royale du duc et de la duchesse de Cornwall et de York (George V et la reine Mary) en 1901 au Canada a été marquée par une série de cérémonies en hommage à la Couronne et à ses représentants. « Le Grand Pow-wow » fut sans aucun doute l'un des rassemblements les plus importants : quelque deux mille Autochtones s'étaient réunis à cette occasion dans la région de Calgary pour honorer le fils du « Grand Roi » et plus spécifiquement, le petit-fils de la reine Victoria, leur défunte « Grande Mère blanche ». Plus qu'un simple spectacle de divertissement offert aux visiteurs royaux, le Grand Pow-wow de 1901 fournit l'occasion aux Blancs canadiens de définir leur propre identité et de se situer par rapport aux Autochtones au sein de la nation. L'élément indispensable à cette réflexion reposait sur l'image de la « Grande Mère blanche », une représentation de la reine Victoria qui, d'une part, donnait un fondement physique identitaire aux Blancs et qui, d'autre part, leur offrait un véhicule culturel par lequel ils cherchèrent à organiser, hiérarchiser et soumettre les peuples autochtones. Ces derniers toutefois résistèrent à ce contrôle symbolique et se servirent de l'événement pour affirmer leur présence et leur influence au sein de la nation canadienne. Comme d'autres cérémonies royales, le Grand Pow-wow de 1901 servit de terrain d'affrontement entre les Blancs et les Autochtones qui structurèrent, manipulèrent et fabriquèrent des représentations d'eux-mêmes, de l'autre et - surtout - de la monarchie, dans le double but de maintenir et de remettre en question l'ordre hégémonique.
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“We wanted our children should have it better”: Jewish Medical Students at the University of Toronto, 1910-51
W. P.J. Millar
p. 109–124
RésuméEN :
This article traces the development of a large contingent of Jewish students among those enrolled in the Faculty of Medicine at the University of Toronto from 1910 to mid-century. During most of this period, unlike many other North American universities, Toronto imposed no quotas on Jewish entrants, nor any systematic barriers to their academic progress. Many of them found the university's medical school an educational niche, and a relatively rare opportunity to acquire the means to make a respectable professional living. The students' socio-economic backgrounds and academic careers before and during medical school help to illuminate that experience. By examining the peculiar intersection of university policies and the political culture of the province, the article also seeks to explain why, over most of the period, the University of Toronto maintained the principles of accessibility and opportunity for all, despite the prevalence of anti-Semitic attitudes in the larger Canadian society.
FR :
L'auteur suit ici la carrière d'un grand nombre d'étudiants juifs inscrits à la Faculté de médecine de l'université de Toronto entre 1910 et les années 1950. Pendant cette période, contrairement à ce qui se passait dans de multiples autres universités nord-américaines, celle de Toronto ne contingenta pas l'inscription d'étudiants juifs et ne posa pas systématiquement d'obstacles à l’avancement de leurs études. Pour nombre de juifs, l'école de médecine constituait un créneau d'étude qui leur procurait la possibilité par ailleurs plutôt mince d'acquérir les moyens de mener une vie professionnelle respectable. C'est l'observation qu'on peut faire lorsqu'on examine l'origine socio-économique des étudiants et leur cheminement universitaire avant et pendant leur passage à l'école de médecine. En analysant les liens particuliers rapprochant les politiques de l'université avec la culture politique de la province, l'auteur explique également pourquoi, durant presque toute la période étudiée, l'université de Toronto a maintenu les principes d'universalité en matière d'accessibilité aux études et de possibilité d'avancement, et ce, malgré l'antisémitisme dont la société canadienne était alors imprégnée.
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“We who have wallowed in the mud of Flanders”: First World War Veterans, Unemployment and the Development of Social Welfare in Canada, 1929-1939
Lara Campbell
p. 125–149
RésuméEN :
During the Great Depression, First World War veterans built on a history of post-war political activism to play an important role in the expansion of state-sponsored social welfare. Arguing that their wartime sacrifices had not been properly rewarded, veterans claimed that they were entitled to state protection from poverty and unemployment on the home front. The rhetoric of patriotism, courage, sacrifice, and duty created powerful demands for jobs, relief, and adequate pensions that should, veterans argued, be administered as a right of social citizenship and not a form of charity. At the local, provincial, and national political levels, veterans fought for compensation and recognition for their war service, and made their demands for jobs and social security a central part of emerging social policy.
FR :
Au cours de la Crise de 1929 au Canada, les anciens combattants de la Première Guerre mondiale se firent revendicateurs et leur activisme politique contribua considérablement au développement des services d'assistance sociale subventionnés par l'État. Faisant valoir qu'on ne les avait pas adéquatement compensés pour leurs sacrifices de guerre, les anciens combattants exigèrent de l'État qu'il les protège de la pauvreté et du chômage au pays. L'exhortation au patriotisme, au courage, au sacrifice et au devoir avait généré de très fortes demandes d'emplois, de soutien et de pensions convenables que l'on devait traiter, selon les anciens combattants, comme un droit de citoyenneté sociale et non pas comme une forme de charité. Les anciens combattants intervinrent sur tous les plans politiques, local, provincial et national, pour obtenir des indemnisations et une reconnaissance de leur service de guerre ; leurs idées sur la sécurité sociale devinrent ainsi une pièce maîtresse de la politique sociale naissante.
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The Royal Commission on Espionage and the Spy Trials of 1946-9: A Case Study in Parliamentary Supremacy
Dominique Clément
p. 151–172
RésuméEN :
Through an examination of the 1946 Royal Commission on Espionage, this paper explores the relationship between Parliamentary supremacy and the civil liberties movement in the period immediately after the Second World War. The commission was formed in late 1945 in response to the defection of Russian cipher clerk Igor Gouzenko, and investigated the existence of a Russian-led spy ring that had recruited several Canadian civil servants. The commission is unique in Canadian history because it was empowered under the War Measures Act, which granted the commission enormous powers. In examining the legal debate surrounding the extreme measures used by this commission, this paper attempts to offer a few answers to some important questions about Canadian civil liberties. What were the consequences of the commission's actions? Do Canadians accept the argument that a government can violate individual liberties to protect the integrity of the state? The Royal Commission on Espionage played a central role in stimulating debate over the need to develop greater legal protection for individual rights against state abuse in Canada.
FR :
L'étude du rapport de la Commission royale d'enquête sur l'espionnage de 1946 permet de mieux saisir la nature de la suprématie de l'État et du mouvement des libertés publiques dans les années qui suivirent la Deuxième Guerre mondiale. La Commission, qui fut mise sur pied à la suite de la défection d'un chiffreur russe, Igor Gouzenko, enquêta sur l'existence d'un réseau d'espionnage russe qui avait soudoyé plusieurs fonctionnaires canadiens et obtenu d'eux de l'information secrète. Parce qu'elle avait été établie en vertu de la Loi sur les mesures de guerre, cette Commission détenait d'immenses pouvoirs. Dans son article, Dominique Clément s'intéresse au débat juridique que l'utilisation de telles mesures extrêmes a soulevé : une Commission royale est-elle justifiée d'y avoir recours et de bafouer les droits fondamentaux des individus dans le but de défendre les intérêts du gouvernement en ? Tout en montrant que le Parlement dispose effectivement du pouvoir de redéfinir à sa guise les libertés fondamentales, l'article explique également que la Commission royale d'enquête sur l'espionnage a avivé le débat sur la nécessité d'instaurer des mesures juridiques qui protégeraient mieux les droits individuels des abus du pouvoir étatique au Canada.
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Civilized Drinking: Alcohol and Society in New Brunswick, 1945-1975
Greg Marquis
p. 173–203
RésuméEN :
Alcohol policy in New Brunswick was contested terrain. Following the political defeat of prohibition, the province introduced government liquor stores in 1927, but refused for more than three decades to license public establishments, although Legions and private clubs enjoyed a quasi-legal status. By the end of the Second World War, the province had one of the lowest liquor consumption rates in Canada, a small but vocal temperance movement, and a fairly dry hospitality sector. During the 1960s and 1970s, access to alcohol was liberalized with the licensing of taverns and dining rooms, the decriminalization of public drunkenness, and the lowering of the drinking age to 19. Meanwhile, the public health, social service, legal and voluntary sectors lobbied for prevention and treatment programs based on the disease concept of alcoholism, rather than the moralistic arguments of the older temperance movement. By 1975, it was clear that New Brunswick's alcohol control policies mirrored the wider Canadian experience as residents were treated to competing discourses: drinking was a modern, reasonable, and fashionable recreation but alcohol was society's most widespread and costly addictions problem.
FR :
La politique sur l'alcool au Nouveau-Brunswick dans les années postérieures à 1945 a été controversée. Après la défaite politique de la prohibition, la province créa en 1927 des magasins d'alcool contrôlés par l'État, mais elle refusa pendant plus de trois décennies d'émettre des permis de vente d'alcool aux établissements publics. Les cercles de la Légion et les clubs privés jouissaient d'un statut quasi légal, mais pendant les années 1950, les travailleurs et les entrepreneurs durent exercer des pressions pour ouvrir des tavernes; ils bénéficiaient de l'appui moral de la classe moyenne, qui se montrait favorable à l'ouverture de bars et de restaurants avec permis d'alcool. Au cours des années 1960 et au début des années 1970, on légalisa l'accès à la boisson : les tavernes et les salles à manger purent obtenir unpermis d'alcool ; l'ivresse publique fut décriminalisée ; et l'âge légal de consommation d'alcool abaissé à 19 ans. La santé publique, le service social, des groupes de bénévoles et des associations juridiques firent pression sur le gouvernement pour qu'il établisse des programmes de prévention et de traitement qui partiraient du principe que l'alcoolisme est une maladie et qui s'éloigneraient de l'approche moralisatrice traditionnelle préconisée par le mouvement de la tempérance. En effet, vers 1975, le Nouveau-Brunswick avait ceci de commun avec les autres provinces canadiennes qu 'il tenait à ses citoyens deux discours contradictoires : d'une part, il leur disait que boire était un divertissement moderne, acceptable et à la mode ; d'autre part, il leur rappelait que l'alcoolisme entraînait d'énormes coûts sociaux et constituait l'un des problèmes d'accoutumance les plus répandus dans la société.