EN :

Heterophony—where multiple parts independently develop the same material—can challenge theories of texture. Psychological research on auditory streaming supports a theoretical model of texture created by David Huron. His texture space has two dimensions: onset synchrony and semblant motion. Heterophony would theoretically combine low onset synchrony with high semblant motion. However, I argue that some analytical methods cannot detect this combination and propose a new, less biased technique. I use this model to analyze performances from the Chinese Jiangnan sizhu tradition, where players improvise embellishments on a mother tune. Ultimately, I call for further theory and analysis of musical texture across diverse genres.

FR :

L’hétérophonie—où plusieurs parts développent indépendamment le même matériau—peut remettre en question les théories de la texture musicale. La recherche psychologique sur l’organisation perceptive auditive soutient un modèle théorique de la texture, créé par David Huron. Son espace de la texture a deux dimensions : synchronisation des débuts et mouvement similaire. L’hétérophonie combinerait peu de synchronisation avec beaucoup de mouvement similaire. Cependant, je soutiens que quelques méthodes analytiques ne peuvent pas détecter cette combinaison et propose une nouvelle technique moins biaisée. J’utilise ce modèle pour analyser des performances de la tradition chinoise Jiangnan sizhu, où les instrumentistes improvisent collectivement des ornements sur une mélodie mère. Finalement, les théories de la texture musicale nécessiteront des analyses plus approfondies de divers genres.

FR :

Cet article étudie l’hétérophonie dans la théorie et les oeuvres de Karlheinz Stockhausen (1928-2007). Il s’intéresse aux écrits et aux partitions de Stockhausen à l’aune des travaux théoriques que l’ethnomusicologue estonienne Žanna Pärtlas propose sur l’hétérophonie. Stockhausen associe cette texture à la composition dite « statistique », qui lui permet de répartir les hauteurs et les durées de façon aléatoire. Cette pratique se manifeste par la notation graphique dite qualitative et l’exécution plus libre par les interprètes de Momente, mais aussi par l’insertion d’échantillons sonores de musiques traditionnelles et extraoccidentales dans Telemusik. Il apparait que l’hétérophonie et la musique « statistique » s’intègrent plus largement dans une nouvelle forme d’oralité musicale propre au XXe siècle qui peut être qualifiée, après Paul Zumthor, d’oralité « seconde » — c’est-à-dire une oralité qui s’est développée dans un contexte d’« hégémonie de l’écriture » — et « médiatisée » par les nouveaux dispositifs électroniques.

EN :

This article studies heterophony in the thought and works of Karlheinz Stockhausen (1928-2007). It focuses on Stockhausen’s writings and scores in the light of the theoretical work proposed by Estonian ethnomusicologist Žanna Pärtlas on heterophony. Stockhausen associates this texture with so-called “statistical” composition, which allows the composer to distribute pitches and durations randomly. This practice is illustrated in the so-called “qualitative” graphic notation and the correspondingly freer performances given by the musicians of Momente, and in the use of sound samples from traditional and non-Western music in Telemusik. Heterophony and “statistical” music can then be seen to be part of a new form of musical orality specific to the twentieth century, which, following Paul Zumthor, can be described as a “second” orality — that is, orality that developed in a context of “writing hegemony” — and “mediated” by new electronic devices.

EN :

In this text, the author argues that heterophony is not just the unkempt shadow of polyphony. On the contrary: its vaguely defined “otherness” opens up new potentials for musicking—especially if we ask how we could conceive of music other than through synchrony, the principle that underpins central musical features such as consonance, harmony, beat, and groove. The world around us is not usually wrought from synchrony. Rather, the vast range of timescales from particle physics to cosmology that traverse us do not rely on synchronized polyphony to deeply impact future life on this planet. Therefore, might musicking in temporal heterophony offer us new ways of being and of listening—a renewed sensibility for the temporalities we inhabit and impact?

FR :

Dans ce texte, l’auteur soutient que l’hétérophonie n’est pas seulement l’ombre négligée de la polyphonie. Au contraire, son « altérité » vaguement définie ouvre de nouvelles perspectives à la musique, surtout si l’on se demande comment concevoir la musique autrement que par la synchronie, le principe qui sous-tend des caractéristiques musicales essentielles telles que la consonance, l’harmonie, la pulsation et le groove. Le monde qui nous entoure n’est généralement pas créé à partir de la synchronie. En effet, les échelles de temps très variées qui nous traversent, de la physique des particules à la cosmologie, ne s’appuient pas sur une polyphonie synchronisée pour avoir un impact profond sur la vie future sur cette planète. Par conséquent, la musique en hétérophonie temporelle pourrait-elle nous offrir de nouvelles façons d’être et d’écouter - une sensibilité renouvelée pour les temporalités que nous habitons et sur lesquelles nous avons un impact ?

EN :

This paper seeks to better understand the role of heterophony in a form of traditional Vietnamese music often referred to as Đờn Ca Tài Tử, as well as how such performance practices are grounded in interactions between performers. The performance of this genre is analyzed as ornamental heterophony and attention is given to the role of idiomatic patterns as well as small-scale ornamentation. Building on stimulated recall interviews with three master performers, the authors analyze an audio recording of Vọng Cổ by these three performers, in order to explore the role of conscious and subconscious processes in their performance.

FR :

Cet article cherche à mieux comprendre le rôle de l’hétérophonie dans une forme de musique traditionnelle vietnamienne souvent appelée Đờn Ca Tài Tử, ainsi que la façon dont ces pratiques d’exécution sont fondées sur les interactions entre les interprètes. L’interprétation de ce genre est analysée en tant qu’hétérophonie ornementale et une attention particulière est accordée au rôle des modèles idiomatiques ainsi qu’à l’ornementation à petite échelle. S’appuyant sur des entretiens de rappel stimulé avec trois maîtres interprètes, les auteurs analysent un enregistrement audio de Vọng Cổ par ces trois interprètes, afin d’explorer le rôle des processus conscients et subconscients dans leur interprétation.

EN :

In previous publications, gamelan culture has often been associated with heterophonic characteristics. In this paper, I want to show its greater diversity through the analysis of several examples that represent the diversity of music and ensembles in Bali. I also want to demonstrate that the distinction between heterophonic and polyphonic has nothing to do with the melodic characteristics and melodic innovation of Balinese gamelan. In fact, much Balinese music displays polyphonic characteristics. I argue that Balinese music evades general categorization because it often occupies a liminal space between these two textural categories of heterophony and polyphony. In Balinese music, we are faced with a rich and diverse musical culture, which cannot be boxed into a single category.

FR :

Dans les publications précédentes, la culture du gamelan a souvent été associée à des caractéristiques hétérophoniques. Dans cet article, je souhaite montrer sa plus grande diversité à travers l’analyse de plusieurs exemples qui représentent la diversité de la musique et des ensembles à Bali. Je souhaite également démontrer que la distinction entre hétérophonie et polyphonie n’a rien à voir avec les caractéristiques mélodiques et l’innovation mélodique du gamelan balinais. En fait, une grande partie de la musique balinaise présente des caractéristiques polyphoniques. Je soutiens que la musique balinaise échappe à toute catégorisation générale parce qu’elle occupe souvent un espace liminaire entre ces deux catégories textuelles que sont l’hétérophonie et la polyphonie. Dans la musique balinaise, nous sommes confrontés à une culture musicale riche et diversifiée, qui ne peut être enfermée dans une seule catégorie.

EN :

The usage of heterophony has changed significantly since it was coined by Guido Adler in 1908 to signify an other in opposition to Western polyphony. It was first used to demonstrate an evolutionary progression from a more primitive form of music making to a purportedly more developed polyphony that had supposedly only been achieved in the West. Starting from the idea of a continuum between monophony and polyphony, with heterophony falling somewhere in the middle, this article contends that it is more useful to conceive of all three as coexisting and reflecting expressions of different functions of music. A more fluid concept of all three descriptive terms is far more useful as an analytic tool and can help to reveal a wide variety of hybridization and collaborative interaction between musicians with diverse musical backgrounds.

FR :

L’utilisation du terme « hétérophonie » a considérablement évolué depuis qu’il a été inventé par Guido Adler en 1908 pour désigner un autre en opposition à la polyphonie occidentale. Il a d’abord été utilisé pour démontrer une progression évolutive d’une forme primitive de création musicale vers une polyphonie prétendument plus développée, qui n’aurait été atteinte qu’en Occident. Partant de l’idée d’un continuum entre la monophonie et la polyphonie, l’hétérophonie se situant quelque part au milieu, cet article soutient qu’il est plus utile de concevoir les trois comme coexistant et reflétant des expressions de différentes fonctions de la musique. Un concept plus fluide des trois termes descriptifs est beaucoup plus utile en tant qu’outil analytique et peut aider à révéler une grande variété d’hybridation et d’interaction collaborative entre des musiciens d’origines musicales diverses.

FR :

L’auteur de l’article s’appuie sur une hypothèse fondamentale pour structurer son analyse : la prédominance d’une texture musicale hétérophonique, inhérente aux traditions orales du système modale du maqâm et du dastgâh (régimes modaux de l’Asie occidentale et du Moyen-Orient). Cette texture spécifique constitue le fondement de son inspiration. Le profil du musicien-compositeur de l’auteur de l’article, qui est à la fois un virtuose du kamâncheh issu de la tradition orale iranienne et un compositeur de musique contemporaine occidentale, est la clé de lecture de cet article hybride mêlant musicologie et composition. En tant que musicien traditionnel, il débute par la transcription et l’analyse de ces traditions orales pour déceler les mécanismes sous-jacents de cette hétérophonie régionale, avant, en tant que compositeur contemporain occidental, de s’en inspirer pour créer une texture similaire dans un quatuor à cordes, qu’il soumet ensuite à une analyse approfondie des éléments hétérophoniques intégrés.

EN :

The author relies on one fundamental hypothesis to structure his analysis: the predominance of a heterophonic musical texture, inherent to the oral traditions of the maqâm and dastgâh modal system (modal regimes of Western Asia and the Middle East). This specific texture forms the basis of his inspiration. The profile of the author as a performer-composer who is both a virtuoso of the kamâncheh from the Iranian oral tradition and a composer of contemporary Western music, is the key to reading this hybrid article combining musicology and composition. As a traditional musician, he begins by transcribing and analyzing these oral traditions to uncover the underlying mechanisms of this regional heterophony, before, as a contemporary Western composer, drawing inspiration from them to create a similar texture in a string quartet, which he then subjects to in-depth analysis of its integrated heterophonic elements