Résumés
Résumé
Dans son article « L’enjeu de la philologie », Denis Thouard ausculte ce qu’il appelle la culture post-livresque, c’est-à-dire notre rapport actuel à l’écrit qui se concrétise par une intimité de plus en plus grande avec l’hypertexte.
C’est à partir de ce constat que nous chercherons à ausculter les conditions actuelles de diffusion, principalement caractérisées par le principe de la baladodiffusion (ou podcasting) qui interroge directement la question économique mais aussi esthétique de la réception musicale. Loin de dresser un bilan totalement négatif de ces nouvelles conduites d’écoute qui ont tendance à soumettre la qualité (choix de l’interprétation par exemple) à la quantité des téléchargements musicaux effectués, nous en discuterons de la façon la plus ouverte et la plus utopique possible. Nous ferons l’hypothèse qu’esthétiquement, il y a là, quelque chose d’extrêmement intéressant qui est en train de repousser imperceptiblement les limites de la sphère économique et même politique. Face à cette envie portative, immédiate, relative et désordonnée de musiques plurielles, il y a aussi un renversement des valeurs qui sont les nôtres : la quantité de musiques écoutées n’est plus nécessairement synonyme d’appauvrissement, d’inculture ou d’asservissement aux logiques de l’économie de marché, mais procède aussi de ce désir de découvrir et de tendre l’oreille. Désir où le total désordre stylistique et chronologique permet de refonder cette continuité historique mais aussi anthropologique qui semblait avoir déserté la seconde moitié du XXe siècle.
Abstract
In his publication entitled L’enjeu de la philologie, Denis Thouard examines our relationship to the written text embodied in what he calls the post-written culture, characterised by our increasing familiarity with hypertext. It is the starting point of our study of the actual conditions of diffusion, especially in terms of podcasting and of the economical and aesthetic issues in music reception it raises. Far from portraying only negative aspects of these new listening conditions, which make musical quality (choice of performance, for instance) subordinate to the uploaded music available, this article wishes to discuss the topic with an open and positive approach. It is hypothesised that at the aesthetic level, these conditions are very much interesting in that they seem to limit unnoticeably the influence of the political and economical spheres. Following this desire for portable, immediate, relative, disorganized, and plural musics, one can observe an inversion of our values: the quantity of music listened to is no longer a sign of impoverishment, ignorance or of subordination to the market’s economical laws, but can also be an expression of a desire for discovery and to strain an ear. A desire in which the stylistic and chronologic disorder can help found anew a historical and even anthropological continuity which seemed to have disappeared in the second half of the 20th century.
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Parties annexes
Note biographique
Christine Esclapez est professeur des Universités en Sciences du Langage Musical à Aix-Marseille Université, chercheur au LESA (Laboratoire d’Études en Sciences des Arts), directrice artistique du festival Architectures contemporaines (Festival universitaire de jeunes productions musicales) qu’elle a créé en 2008. Elle a fondé en 2010 un groupe de recherche principalement composé de jeunes chercheurs, docteurs et doctorants, intégré dans le LESA : le CLEMM (Création et Langages et Musiques et Musicologie) avec lequel elle débute la publication annuelle d’ouvrages collectifs aux éditions L’Harmattan (Ontologies de la création en musique. Des actes en musique, 2012 ; Des instants en musique, 2013 ; Des lieux en musique, 2014, à paraître). Elle est actuellement co-responsable de l’axe ICAR [Interactions : Recherche, Création et Action] du LESA. Auteure de nombreux articles, elle a publié, entre autres, La musique comme parole des corps. Boris de Schloezer, André Souris et André Boucourechliev (2007), avec une préface de Daniel Charles, aux éditions L’Harmattan et a réédité en 2012 aux Presses universitaires de Rennes l’ouvrage de Boris de Schloezer sur Stravinsky (1929) qui a obtenu le Prix de la réédition [Palmarès 2012, Prix des Muses].
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