FR :
Composé pendant la seconde guerre mondiale, Le Prisonnier de Luigi Dallapiccola constitue un tournant pour la musique italienne : premier opéra sériel italien en un temps de réaction esthétique et charge contre le fascisme, il est un modèle pour des compositeurs engagés tels que Luigi Nono et Bruno Maderna. Par-delà sa charge politique, Le Prisonnier est également l’expression d’une crise religieuse et d’un doute existentiel. L’Inquisition, institution religieuse par excellence est aussi celle qui torture le croyant au nom de la foi. Le retournement diabolique fait par le Grand Inquisiteur des principales thématiques chrétiennes vise à détruire le libre arbitre de l’autre. La manipulation du prisonnier, Christ contemporain, démontre la vacuité, voire la dangerosité de l’espérance, au nom de laquelle a été abjuré le libre arbitre. Dans l’affrontement entre le geôlier et son prisonnier s’esquisse enfin une sombre définition de la liberté car la parole de celui qui enferme n’est pas plus libre que celle de celui qui est enfermé. La mère seule, unique personnage clairvoyant de l’opéra a pu conserver sa liberté, mais à quel prix : celui de ne pas entrer dans l’action. Le doute qui émerge du Prisonnier est aussi celui de Luigi Dallapiccola, en individu directement touché par la guerre et les lois raciales, et en compositeur humaniste. L’objet de ce texte sera d’étudier la façon dont le musicien décline les thématiques religieuses mais pour les retourner totalement. Car Le Prisonnier, immense oeuvre politique, est aussi celle de l’errance et du questionnement religieux.
EN :
Composed during the Second World War, Luigi Dallapiccola’s Le Prisonnier (The Prisoner) symobolized a turning point for Italian music, as it was the first Italian opera written with the method of serialism that is both an aesthetic work and an anti-fascist statement, it is a model for politically involved composers such as Luigi Nono and Bruno Maderna. In addition to its political nature, Le Prisonnier is also an expression of a religious crisis and existential doubt. The Inquisition is a renowned religious institution, but it also tortures believers in the name of faith. The Grand Inquisitor of Christian thematic principles conducts a diabolical reversal that seeks to destroy the free will of others. The manipulation of the prisoner, a contemporary Christ, demonstrates vacuity and even the danger of hope, for which they renounced their free will. In the confrontation between the jailer and his prisoner, a somber definition of freedom finally emerges, as the jailer’s words indicate that he is no freer than the man whom he holds captive. The lone mother, a unique, perceptive character in the opera, managed to retain her liberty, but at a price: she could not become part of the action. Luigi Dallapiccola also embodies the doubt that arises from Le Prisonnier, he is directly affected by the war and by race-related legislation, and he is a humanist composer. The goal of this text is to examine the way in which the musician develops religious themes in order to completely transform them. Le Prisonnier, a massive political work, also examines wandering and religious questioning.