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Le congrès CIFEPME 2022 avait pour thématique générale « Vers une performance globale et durable des PME ». Organisé par les membres du laboratoire de recherche en sciences de gestion COACTIS, commun aux Universités Lumière Lyon 2 et Jean Monnet de Saint-Étienne, il a accueilli plus de 150 conférenciers. Les quatre jours du congrès (25-28 octobre 2022) ont été l’occasion de riches échanges et de réflexions.

La PME, tout comme la plus grande entreprise, est aujourd’hui considérée comme une entité au service du progrès sociétal. Sa mission ne se limite plus seulement à l’atteinte d’objectifs financiers à court ou à moyen terme, mais elle inclut également aujourd’hui des préoccupations sociétales qui visent à promouvoir la durabilité de l’entreprise et de son environnement (Crutzen et Van Caillié, 2010). Le concept lui-même de performance s’élargit : l’approche traditionnelle et resserrée de la performance est progressivement remplacée par une vision plus large, plus globale et tridimensionnelle de la performance, incluant l’atteinte non plus uniquement des objectifs économiques de l’entreprise, mais celle des trois catégories d’objectifs du développement durable, économiques, sociaux et environnementaux. La question de la performance globale n’est pas seulement la préoccupation des PME bien installées, mais également celle des organisations naissantes pour lesquelles tout est à construire, tout comme celle des entreprises qui envisagent de se transformer profondément pour se développer ou qui doivent être transmises/reprises, autrement dit des structures plus vulnérables.

Cet éditorial, ainsi que les articles de ce numéro spécial de la Revue internationale PME, tentent de retracer une partie des débats qui se sont tenus lors du colloque CIFEPME 2022, font état des principales avancées et dessinent quelques pistes de travaux attachés à la recherche d’une performance globale pour les PME.

1. Le concept de performance globale

C’est dans un contexte d’accroissement des enjeux pour les entreprises à « rendre des comptes » à toutes les parties prenantes du caractère durable de leurs activités que s’est développé dans la littérature managériale, ainsi que dans les milieux d’affaires[1], le concept de « performance globale ». Ce concept est en réalité devenu progressivement « l’expression » du développement durable (Acquier et Aggeri, 2015 ; Ivory et Brooks, 2018), correspondant à une conception du développement de l’entreprise répondant aux enjeux de pérennité de l’entreprise elle-même, mais aussi de la globalité des écosystèmes humains et naturels dans lesquels elle évolue. Le développement de l’entreprise est ainsi dit « durable » si l’organisation exerce son activité en « répondant aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs » (Brundtland, 1987).

C’est en particulier dans l’approche normative de la théorie des parties prenantes, qui affirme que chacune des parties prenantes de l’entreprise possède le droit d’être traitée comme une fin en elle-même et non comme un moyen pour les fins des autres parties prenantes (Evan et Freeman, 1988), que le concept de performance globale puise ses racines conceptuelles. Cette approche invite à repenser la nature de l’entreprise, qui doit alors nécessairement coordonner les intérêts des différentes parties prenantes pour satisfaire leurs intérêts, au-delà de ceux des seuls actionnaires. La performance se doit ainsi d’être mesurée selon une approche multicritères, intégrant les dimensions économiques, sociales et environnementales, en recourant à une batterie d’indicateurs multidimensionnels, multiacteurs et de mesures non financières quantitatives et/ou qualitatives (Bansal, 2005 ; Hahn, Figge, Pinkse et Preuss, 2010). Historiquement envisagée et mesurée par des indicateurs financiers, considérés comme objectifs, fiables et opérationnalisables, la performance de l’entreprise ne peut, aujourd’hui, être appréhendée que de manière multidimensionnelle, et ce, malgré les défis méthodologiques auxquels les chercheurs risquent de se confronter. En effet, les difficultés d’objectivation de certains types de performance ou les problèmes de compatibilité épistémologique des mesures de performance relevant de différents champs disciplinaires sont fréquents.

Sur cette base se sont donc développés, durant les années quatre-vingt-dix, les modèles normatifs multidimensionnels de la performance globale, fondés sur des représentations de la performance qui mettent en avant les concepts d’intégration et d’équilibre (Ittner et Larcker, 1998). Le tableau de bord équilibré développé par Kaplan et Norton en 1992, étendu par la suite aux enjeux de durabilité, permettant de mesurer la performance organisationnelle à travers quatre perspectives liées (financière, client, processus interne, apprentissage et développement), en est probablement le plus emblématique. Le modèle « triple performance » proposé par Elkington (1997) évalue également la performance de l’entreprise selon les trois approches (sociale, environnementale et économique). Le modèle international GRI – Global Reporting Initiative – basé sur le principe triple performance s’est ainsi imposé aux débuts des années deux-mille comme la première référence mondiale en matière de reporting extrafinancier. Ces modèles se sont ainsi progressivement transposés aux besoins du reporting environnemental – social – gouvernance – ESG tel que les entreprises le conçoivent aujourd’hui.

Si les principes d’équilibre entre les dimensions contradictoires de la performance semblent devoir être désormais érigés en tant que normes, à l’instar de la référence GRI, il n’en reste pas moins que de nombreuses questions se posent aujourd’hui, notamment en termes d’opérationnalisation de la performance globale comme un « construit intégré », en raison des tensions paradoxales induites par la gestion simultanée de dimensions conflictuelles de la performance qui sont, en réalité, très difficiles à réconcilier ; ces tensions paradoxales sont encore plus saillantes dans les PME (Sommer, 2022).

2. Les grandes questions posées par le concept de performance globale dans la PME aujourd’hui

Le concept de performance globale renvoie à une approche holistique de la performance, cherchant à intégrer différentes dimensions, parfois contradictoires, de la performance dans une approche synthétique. S’il est admis depuis de nombreuses années que la performance globale repose sur au moins trois types de performances traditionnellement énoncées que sont les performances économique, sociale et environnementale (auxquelles s’ajoute la performance en matière de gouvernance), la manière dont ces trois composantes se combinent dans les organisations pour contribuer à la performance globale reste entière. La performance globale serait-elle une simple agrégation de ces trois éléments qui se développeraient les uns indépendamment des autres ? Pourrait-elle reposer in fine sur une performance financière, à laquelle contribueraient, par des relations de causalité, les performances sociales ou sociétales – dans une approche plus hiérarchisée des performances – (Weaver, Trevino et Cochran, 1999) en fonction des objectifs stratégiques prioritaires des organisations ? La performance globale ne devrait-elle pas être le résultat d’une approche plus systémique combinant de manière complexe différentes dimensions et tenant compte de la spécificité des activités de l’entreprise concernée, de son contexte interne et externe, ainsi que des objectifs pluriels des parties prenantes et de leurs poids, laissant alors penser qu’il existe plusieurs chemins ou configurations pour l’embrasser ? Dès lors, une approche plus holistique de la performance globale (Renaud et Berland, 2007), qui consisterait à rechercher un équilibre particulier (comme l’ont suggéré Capron et Quairel, 2006) ou encore une « capacité à traiter simultanément des contraintes opposées, mais néanmoins inséparables » (Chauvey et Naro, 2013, p. 20) entre les types de performance, ne devrait-elle pas être privilégiée ?

La performance globale, dès lors qu’elle s’inscrit dans la logique normative de la théorie des parties prenantes, revient à postuler de manière implicite une coordination possible des intérêts divergents des parties prenantes, de même que le caractère intégré et équilibré, donc conciliable, des différentes dimensions de la performance (Acquier et Aggeri, 2015 ; Chauvey, Naro et Seignour, 2015). Elle met ainsi en avant l’égalité des parties prenantes en s’interdisant d’établir a priori une prédominance systématique de l’une des trois composantes (Hahn et al., 2010), ce qui permet de façon implicite de ne pas avoir à gérer les oppositions des intérêts. Cette approche rejoint le concept de création de « valeur partagée » développé par Porter et Kramer (2006), qui repose sur les synergies entre les différentes dimensions considérées comme non contradictoires.

Il s’avère toutefois que le modèle de « performance globale », qui s’est jusqu’alors imposé et qui a été progressivement transposé aux besoins des enjeux du reporting sociétal au sein de nombreuses entreprises, n’offre pas toutes les réponses à cette capacité à traiter ensemble et de manière intégrée les objectifs pluriels des parties prenantes. Il revient notamment à masquer les différents intérêts conflictuels qui existent entre elles, plutôt que d’en accepter les conséquences, si ce n’est tenter de les résoudre (Chauvey, Naro et Seignour, 2015). Le tableau de bord équilibré développé aux débuts des années quatre-vingt-dix, salué comme l’un des outils de gestion les plus influents et largement étudié dans une grande variété de contextes sectoriels, est aujourd’hui beaucoup moins répandu qu’au milieu des années deux-mille et son efficacité est contestée (Tawse et Tabesh, 2023), même s’il a été étendu aux questions de durabilité (Hansen et Schaltegger, 2018). Quant aux outils de reporting « intégré », qui se sont développés sur les quinze dernières années, leur construction et leur utilité sont controversées (Gray, 2010 ; Hahn, Pinkse, Preuss et Figge, 2015). En réalité, au lieu de répondre aux enjeux initiaux qui leur avaient été confiés, les modèles de pilotage de la performance globale ont véhiculé, via une rhétorique apparente de rationalité et de convergence, une vision mythifiée de la performance (Gray, 2010), conduisant à gommer les conflits et les contradictions qui existent entre ses différentes dimensions (Hahn et al., 2015). Or, ce sont précisément les conflits entre parties prenantes qui sont encore aujourd’hui au coeur des problématiques de durabilité, les enjeux à réaliser des profits pour perdurer entrant souvent en contradiction avec l’obligation pour les entreprises de répondre à des problèmes écologiques ou sociaux qui n’ont pas de retombées économiques immédiates (Hahn, Figge, Pinkse et Preuss, 2018).

Ces questions, qui se posent au sein des plus grandes entreprises comme dans les PME et que se sont posées les chercheurs en comptabilité et contrôle de gestion autour des outils de reporting intégrés (Germain et Trebucq, 2014 ; Renaud et Berland, 2007 ; Maurel et Tensaout, 2014 ; Chauvey et Naro, 2013), renvoient à la problématique des « paradoxes de performance ». Ces paradoxes se réfèrent aux tensions qui émergent au sein des organisations dès lors qu’il s’agit de répondre à des objectifs concurrents, mais pourtant interdépendants, qui existent simultanément et persistent dans le temps (Smith et Lewis, 2011 ; Scherer, Palazzo et Seidl, 2013 ; Jarzabkowski, Lê et Van de Ven, 2013 ; Iivonen, 2018). De tels objectifs sont logiques dès lors qu’ils sont considérés isolément, mais deviennent incohérents quand ils sont juxtaposés et doivent être gérés de façon simultanée (Smith et Lewis, 2011), générant des tensions paradoxales qui peuvent être ressenties au niveau individuel, à l’intérieur d’une équipe ou se diffuser de façon plus large au sein de l’organisation. Les tensions peuvent également provenir de l’extérieur dès lors qu’il existe des forces contradictoires entre l’organisation et son écosystème (Poole et Van de Ven, 1995). Certains auteurs parlent de tensions entre niveaux, qui naissent de conflits entre l’entreprise et les composantes extérieures de son écosystème, ou plus généralement entre l’entreprise et la société à qui elle doit rendre des comptes. L’organisation s’efforce alors de répondre à des exigences concurrentes, l’obligeant à poursuivre des objectifs contradictoires (Iivonen, 2018 ; Smith et Lewis, 2011 ; Smith, Gonin et Besharov, 2013). L’exemple le plus souvent avancé concerne la nécessité de répondre à un ensemble d’attentes sociétales qui n’ont pas de retombées économiques immédiates et qui entrent en contradiction avec les enjeux de performance économique à court terme (Van der Byl et Slawinski, 2015 ; Hahn et al., 2015 ; Hahn et al., 2018).

Répondre aux paradoxes consiste donc à considérer les tensions simultanément (Lewis, 2000), sans forcément chercher à les ignorer, à les aligner ou au contraire à séparer les contradictions pour les éviter. C’est la raison pour laquelle certains auteurs parlent de « vivre avec » les paradoxes (Lüscher et Lewis, 2008 ; Smith et Lewis, 2011) ou de « travailler au travers » des tensions (Van der Byl et Slawinski, 2015). Une résolution constructive et vertueuse de ces tensions peut toutefois s’avérer particulièrement difficile à maintenir en petite entreprise (Sommer, 2022), mais elle n’est pas impossible. Les articles de ce numéro spécial proposent justement d’étudier comment ces tensions et paradoxes peuvent être dépassés ou atténués pour concilier les dimensions économiques, sociales et environnementales de la performance globale et construire les bases de cet « idéal de performance intégrée » (Chauvey et Naro, 2013, p. 4) ou « ce construit social contingent » (Chauvey et Naro, 2013, p. 7) que serait la performance globale. Les PME, parce qu’elles permettent d’avoir un « effet de grossissement » (Mahé de Boislandelle, 1996 ; Torrès, 2015) de certains mécanismes organisationnels, stratégiques à l’oeuvre, constituent un terrain privilégié pour étudier la composition, la structuration de cette performance et de ses conséquences.

3. Les articles de ce numéro spécial

Le présent numéro spécial apporte ici un certain nombre d’éléments de réponse à ces questions de dépassement ou d’articulation des tensions paradoxales. Les auteurs mobilisent ainsi différentes approches théoriques (la théorie des paradoxes et la sociologie axiologique, la théorie des ressources et des capacités, l’orientation entrepreneuriale), analysent différents processus ou mécanismes qui mènent à cette performance globale ou la facilitent (transformation digitale, gestion active des risques, rôle actif des dirigeants et des instances de direction, alignements stratégique et organisationnel), abordent différents secteurs d’activité (l’hôtellerie, l’impression, etc.), étudient différentes trajectoires et différents rythmes pour atteindre cette performance globale et finalement utilisent des approches méthodologiques différentes, mais complémentaires (étude de cas unique ou multiple, analyse bibliométrique ou quantitative).

Les articles proposés dans ce numéro spécial ont tous été présentés lors du 16e CIFEPME. Ils ont été sélectionnés parce qu’ils offrent un regard novateur sur le sujet de la performance globale et durable et qu’ils fournissent un apport en matière de connaissances, tout en proposant de nouvelles voies de recherche. Si les approches théoriques et méthodologiques diffèrent, tous ces articles nous proposent un éclairage intéressant sur la manière dont ces deux performances peuvent être appréhendées dans les PME.

Ainsi, l’article de Lynda Saoudi, Mathilde Aubry, Timothée Gomot et Alexandre Renaud, intitulé Transformation digitale et performance des PME : une analyse bibliométrique pour comprendre et agir, nous invite à réfléchir sur l’évolution de la littérature sur la transformation digitale, sujet majeur pour les PME aujourd’hui, pour comprendre comment cette transformation peut les aider à être plus performantes. Les auteurs mettent en évidence deux questionnements principaux, qui ont été traités dans la littérature. Le premier porte sur le processus de la transformation digitale, abordé principalement par le biais de recherches qualitatives, mais qui actuellement peinent à proposer un processus générique applicable dans une diversité de scénarios. En effet, les contributions récentes sont orientées sur des étapes précises ou des secteurs d’activité particuliers, ne permettant pas une généralisation satisfaisante. Le second questionnement s’intéresse, quant à lui, au lien existant avec la performance permise par cette transformation digitale. Les auteurs montrent toutefois que cette performance est principalement financière, sans que soient abordées les autres formes existantes, notamment durables. Or, la transformation digitale des entreprises, accélérée ces dernières années grâce aux développements technologiques de plus en plus rapides, à des coûts toujours plus abordables et selon des modes d’accès plus accessibles (par exemple les formats SaaS), doit également s’accompagner d’un alignement entre la stratégie générale de l’organisation et des outils dont elle va se doter pour la mettre en oeuvre. De plus, cette nouvelle stratégie digitale doit être réfléchie pour que l’impact environnemental du numérique soit maîtrisé.

Matthias Pepin, Maripier Tremblay et Luc K. Audebrand, dans leur article intitulé La prise de décision en entrepreneuriat responsable : une approche axiologique, s’interrogent sur les rôles que jouent les valeurs dans le processus de prise de décision d’entrepreneurs responsables lors du démarrage de leur activité. Les auteurs argumentent que les recherches antérieures ont principalement mobilisé la théorie des paradoxes pour expliquer dans quelle mesure les trois dimensions du développement durable sont cohérentes individuellement, mais difficiles à articuler conjointement. Se démarquant de ce cadre théorique par les paradoxes, les auteurs abordent la prise de décision sous l’angle des valeurs, en mobilisant la sociologie axiologique de la valeur de Heinich (2017). Ils appliquent cette approche à six études de cas, pour présenter une « grammaire axiologique » retrouvée dans leur corpus, à savoir une liste de valeurs communes partagées par les entrepreneurs interrogés et permettant de mieux caractériser le système de valeur d’un « entrepreneur responsable ». En effet, cette approche par les valeurs permet de dépasser l’approche analytique contradictoire du développement durable où la mise en tension des trois piliers peut conduire les entrepreneurs à délaisser un (ou deux) pilier(s) au profit des autres.

L’article proposé par Josée St-Pierre, Crispin A. Enagogo, Jean Pierre Menguele et Nazik Fadil, intitulé Déterminants endogènes et impacts de la gestion active des risques sur la performance globale des PME manufacturières, met en évidence le rôle clé de la gestion active des risques dans la formation de la performance globale. Cette dernière est mesurée de manière perceptuelle, sous forme d’un indice sommatif de différentes dimensions économiques, financières, opérationnelles, commerciales, sociales et organisationnelles. L’entreprise qui enregistre des scores plus élevés que ses concurrentes est considérée comme atteignant globalement une meilleure performance. Via un panel de 500 PME québécoises, les auteurs montrent que cette gestion active des risques améliore effectivement la performance des entreprises et identifient les antécédents à cette gestion active des risques. Ainsi, les capacités organisationnelles dynamiques vont permettre à la PME de développer une réelle culture liée aux risques lui permettant de se doter des pratiques et routines pour y faire face. Un second facteur intrinsèque à la PME réside dans l’orientation entrepreneuriale que va impulser le dirigeant, c’est-à-dire sa capacité à prendre des décisions potentiellement risquées. Enfin, la tolérance à l’incertitude est le troisième facteur identifié par les auteurs. Ils indiquent que dans des contextes turbulents, et pour assurer la performance « durable » de l’entreprise, des pratiques de gestion des risques doivent être adoptées préalablement. Or, ces dernières sont tributaires de la manière dont l’entrepreneur va piloter son organisation. Si cette relation entre la tolérance à l’incertitude et les deux facteurs préalablement mentionnés est soulignée, les données collectées par les auteurs montrent qu’il n’en existe pas forcément entre la tolérance à l’incertitude et la gestion active des risques.

La proposition de Nadine Dubruc et Danie Khawaja, Comment des PME peuvent-elles être résilientes en contexte de crises multiples ? Étude de cas longitudinale d’une PME libanaise engagée en RSE, aborde la question de la résilience organisationnelle face à des crises multiples. Le contexte particulier du Liban, qui fait face depuis 2019 à de multiples crises, leur permet d’étudier la situation précaire d’une PME locale et d’identifier les leviers actionnés pour assurer sa survie. Ainsi, un processus d’adaptation dynamique a été opéré et les auteures soulignent en particulier que cette résilience active de l’entreprise émane de sa nature initiale socialement responsable et au sein de laquelle le rôle du dirigeant, celui du comité opérationnel et la proactivité des parties prenantes (internes et externes) ont permis à l’entreprise de faire face aux crises qu’elle traversait. Bien que les aspects financiers et économiques restent des indicateurs nécessaires à suivre dans ces contextes d’incertitudes forts, Danie Khawaja et Nadine Dubruc illustrent à travers leur cas que ce qui relève du social et de l’environnemental sont des éléments à prendre également en considération pour assurer la pérennité d’une entreprise en situation de crise. L’écoute des besoins des parties prenantes inscrite dans le court terme et le long terme induit une GRH durable permettant une meilleure résilience organisationnelle face à de multiples crises.

Enfin, Ilham Bensouna et Catherine Thévenard-Puthod proposent un contexte singulier pour étudier la performance, celui du secteur hôtelier. Dans leur article intitulé Les trajectoires d’adoption des pratiques RSE par les PME du secteur hôtelier, les auteures cherchent à identifier les trajectoires d’adoption des pratiques de RSE dans les PME à travers une approche méthodologique processuelle. Elles identifient quatre modèles d’adoption des pratiques de RSE, qui sont définis selon le rythme d’engagement (rapide, séquentiel, non linéaire) et le démarrage de la démarche (précoce contre non instantané). Les quatorze entreprises constituant le matériau empirique de l’article sont réparties dans les quatre trajectoires et permettent de comprendre la manière dont la démarche s’engage en fonction de contraintes à la fois internes et externes à l’organisation. Ainsi, Ilham Bensouna et Catherine Thévenard-Puthod identifient les principaux leviers et freins liés à l’adoption des pratiques de RSE. L’ancrage territorial, la conviction personnelle du dirigeant et l’appartenance à des réseaux sont des leviers puissants, tandis que le manque de ressources, de temps et d’adhésion des clients sont au contraire des freins au bon déroulement de la démarche. Cet article nous permet de mieux comprendre concrètement les processus d’engagement des PME dans les démarches RSE et d’identifier différentes configurations stratégiques qui mènent à la performance globale.

Au total, ces articles montrent pourquoi et comment les PME peuvent et doivent embrasser un objectif de performance globale. Tendre vers cet objectif suppose, pour les PME, un véritable engagement et une gestion proactive permettant de mobiliser un ensemble de moyens organisationnels et financiers, mais également la création d’un contexte d’alignement stratégique, organisationnel, voire technologique et numérique, avec les objectifs de performance globale. Si ce travail et cet engagement sont relativement coûteux pour les PME, ils n’en demeurent pas moins une condition essentielle à leur résilience organisationnelle face aux risques et à l’incertitude auxquels elles sont soumises. Cette vision globale de la performance devient primordiale, en raison non seulement des turbulences environnementales qui fragilisent les PME ces dernières décennies, mais également de l’importance pour ces entreprises de prendre en compte les intérêts d’une multitude d’acteurs ayant des objectifs contradictoires.