L’ouvrage coordonné par Katherine Gundolf et Frank Janssen vient combler un vide, puisque les sujets de la spiritualité et la religion sont peu étudiés en entrepreneuriat, alors même que la place du religieux et du spirituel mérite d’y être posée plutôt qu’occultée. La conversion des sciences de gestion à l’étude de la religion et de la spiritualité est plus tardive que la sociologie, la psychologie et l’économie, et ce, pour plusieurs raisons listées en introduction par les auteurs : la religion serait un « vestige de l’époque préscientifique », relèverait de la sphère privée, serait complexe à appréhender et éloignée des objectifs commerciaux. Elle réduirait également les chances de publication. Pourtant, religion et spiritualité ont un impact sur les comportements gestionnaires, l’individu ne quittant pas ses croyances (ou leur absence) lorsqu’il gère ou entreprend. Cet ouvrage offre un bel aperçu de l’incroyable richesse et variété des questions de recherche à explorer pour comprendre le lien entre entrepreneuriat, spiritualité et religion. La préface de Vassilis Saroglou, professeur spécialisé en psychologie des religions, démarre avec un constat : nos sociétés sécularisées ont eu tendance à reléguer le spirituel et le religieux en marge de leurs préoccupations. La théorie de la sécularisation (Henley, 2017) suggère même que les religions seraient moins importantes dans notre monde. Dans le premier chapitre, Frank Janssen et Katherine Gundolf introduisent l’ouvrage avec des repères théoriques et des définitions. La religion est comprise comme un ensemble commun de croyances, d’activités et d’institutions fondé sur la foi en des forces surnaturelles. La spiritualité englobe la religion ; elle est aussi concernée par la recherche du sacré, mais peut être vécue en dehors d’un contexte religieux (Chan-Serafin, Brief et George, 2013). Alors que la sociologie, la psychologie ou encore l’économie en ont largement traité, religion et spiritualité sont à peine étudiées par les sciences de gestion. L’ambition de l’ouvrage est de dépasser les liens établis de manière simpliste, entre une religion et une manière d’entreprendre. Ainsi, le protestantisme favoriserait l’enrichissement personnel, alors que le catholicisme mettrait en avant la recherche du bien commun, tandis que le judaïsme encouragerait la pensée innovante et le développement de réseaux forts. De manière générale, le lien entre les différentes religions et l’entrepreneuriat demeure relativement méconnu et l’ouvrage permet de contribuer à l’édification des connaissances au croisement entre religion, spiritualité et entrepreneuriat. Katherine Gundolf et Frank Janssen montrent que cette question peut tour à tour être étudiée comme une culture (liant l’entrepreneur à un groupe social ou le dotant d’un ensemble de valeurs), une source de capital social ou un facteur explicatif des comportements individuels. Le titre de l’ouvrage pose une question : entrepreneuriat, spiritualité et religion, des sphères antinomiques ou étroitement liées ? Ne gardons pas le suspense plus longtemps, c’est la seconde proposition qui sera démontrée tout au long de l’ouvrage. Les huit chapitres suivants, présentés brièvement à la fin de ce chapitre introductif, sont autant d’études proposant un prisme original et des méthodologies variées pour comprendre la traduction des dynamiques religieuses et spirituelles dans des projets entrepreneuriaux, élargissant le champ des études existantes sur le seul christianisme occidental au profit d’autres religions et d’autres continents. Dans le deuxième chapitre, Olivier Giacomin, Frank Janssen, Rachel S. Shinnar et Katherine Gundolf posent la question du lien entre l’affiliation religieuse et l’intention entrepreneuriale. Les auteurs font le choix d’une approche individuelle en bravant le tabou lié à l’expression des croyances religieuses dans certaines universités européennes. Adoptant une méthodologie quantitative, ils montrent que l’appartenance religieuse influence positivement les intentions entrepreneuriales. Plusieurs explications sont proposées pour comprendre cette relation : les personnes religieuses seraient mieux aguerries pour faire …
Parties annexes
Références
- Block, J., Fisch, C. et Rehan, F. (2020). Religion and entrepreneurship : a map of the field and a bibliometric analysis. Management Review Quarterly, 70(4), 591-627.
- Chan-Serafin, S., Brief, A.P. et George, J.M. (2013). Perspective. How does religion matter and why ? Religion and the organizational sciences. Organization Science, 24(5), 1585-1600.
- Henley, A. (2017). Does religion influence entrepreneurial behavior ? International Small Business Journal, 35(5), 597-617.
- Seligman, M.E.P. (1991). Learned optimism. New York, Alfred A. Knopf.