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L’ouvrage Génération Repreneurs réunit un collectif d’auteurs académiques et praticiens afin de proposer une synthèse des écrits et des tendances face au défi du transfert des PME au Québec. Réaliser un livre accessible aux parties prenantes du transfert est un objectif atteint par la qualité de la forme du rendu de l’ouvrage. En fonction de ses besoins et de son profil, le lecteur aura l’opportunité d’entrer dans l’ouvrage par différents axes, notamment liés aux étapes du processus repreneurial. Le glossaire en fin d’ouvrage autorise cette agilité avec différentes entrées par les outils, les définitions, les comportements et les conseils. Les différents témoignages d’entrepreneurs ayant vécu les processus de transferts d’entreprise donnent un éclairage concret et illustratif des propositions prodiguées tout au long de la lecture. La qualité graphique et visuelle des supports est un autre atout facilitant la lecture et l’usage de l’ouvrage.
L’introduction donne les enjeux et le contexte du transfert d’entreprises au Québec. Ces éléments sont largement transposables à l’ensemble des pays de l’OCDE connaissant un vieillissement démographique : pyramide des âges défavorable des dirigeants (le fameux « papy boom ») avec 23 % des chefs d’entreprise concernés (37 000 entreprises potentiellement à céder). L’enjeu économique est considérable en termes d’emplois avec la perspective de fermetures d’entreprises pourtant viables sur le plan économique. Les pouvoirs publics se sont efforcés de fluidifier le marché du transfert d’entreprises par une fiscalité avantageuse pour le cédant et un accès au financement pour le repreneur, mais il reste un fort enjeu : dynamiser la relève en volume notamment auprès des jeunes. En effet, le profil type du repreneur québécois est diplômé du supérieur, âgé de 40 ans, plutôt masculin (70 %), sur des projets d’une taille conséquente avec une capacité à mobiliser un capital personnel de 360 k$.
La première partie met l’accent sur le milieu repreneurial, c’est-à-dire l’environnement du transfert des entreprises. Tout d’abord, il est fait état des différents efforts qui ont été réalisés pour favoriser l’entrepreneuriat et le repreneuriat au Québec. Ensuite, quatre forces sont présentées comme structurantes dans l’intermédiation des transferts :
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la dimension éducative qui relève tant des valeurs familiales que de l’influence du processus de formation de l’individu et de son expérience professionnelle ;
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les réseaux d’affaires qui construisent le monde professionnel ;
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les acteurs financiers qui accompagnent les transferts ;
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les facteurs conjoncturels qui peuvent favoriser le marché du transfert (réglementation, médias et communication sur les opportunités de transfert).
Enfin, l’accent est mis sur l’influence des collaborations. Elles relèvent des réseaux et groupes auxquels peuvent appartenir cédants et repreneurs. Ces collaborations donnent des opportunités de partage d’expériences et de développement des communautés de pratiques.
La deuxième partie propose une structuration du processus du projet repreneurial en quatre étapes. La première étape est celle de l’arrimage entre trois acteurs qui traduit la compatibilité du projet entre le cédant, le repreneur et la cible PME. La deuxième étape autorise l’entrée dans une phase d’appropriation du repreneur avec l’accès aux informations internes et à la confrontation à des situations paradoxales entre la situation de l’entreprise actuelle et les projections sur son futur : routines historiques et changements futurs de l’entreprise, traditions et évolutions futures, confort et innovations futures, individu et collectif. C’est tout l’enjeu de l’intégration des parties prenantes au projet avec une dynamique de gouvernance actuelle et future de l’entreprise. La troisième étape traduit la phase de turbulence avec notamment la valorisation de l’entreprise avec de possibles audits. Modèles économiques actuels et futurs autorisent les plans de financement du projet. C’est aussi un moment de vérification des compétences entrepreneuriales du repreneur. Les modalités (temps, durée, financement) de l’accompagnement du cédant sont précisées. La quatrième étape est nommée postreprise. Le repreneur prend toute son autonomie dans la conduite de l’entreprise notamment par le renouvellement stratégique et la mise en oeuvre de nouveaux modèles économiques.
La troisième partie est un focus sur le processus de négociation repreneuriale. Il est marqué par trois grandes étapes :
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l’étape de prénégociation qui produit une fourchette de valorisation de la cible entreprise en intégrant la création de valeur future par l’évolution du modèle économique ;
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l’étape de négociation avec les différents audits, les lettres d’intention et la rédaction d’un protocole d’accord ;
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l’étape postnégociation qui se traduit par les transferts des pouvoirs et du leadership, des différents réseaux et la réorganisation managériale des rôles dans l’entreprise.
La quatrième partie souligne les enjeux de l’accompagnement repreneurial pour les trois grands acteurs que sont le cédant, le repreneur et la PME cible. Différentes dimensions sont proposées pour bien choisir les intervenants de l’accompagnement et bien circonscrire leurs missions.
Nous proposons trois points de discussion notamment au regard de la situation française.
Sur le plan économique, un parallèle est réalisé dans l’ouvrage entre la baisse du nombre d’entreprises, notamment de PME, et le manque de vitalité économique dans les pays de l’OCDE au cours des vingt dernières années en s’appuyant sur la situation du Japon. Pourtant, en France, le nombre de créations d’entreprise et d’autoentrepreneurs n’a jamais été aussi élevé au cours des vingt dernières années. Il semble donc que ce n’est pas tant le nombre de créations d’entreprise souvent conduites par des entrepreneurs de nécessité que la vitalité et la croissance de ces jeunes entreprises qui expliquent la croissance économique. La France a de nombreuses entreprises, mais souvent de très petite taille. A contrario, la capacité de renouvellement des grandes entreprises américaines au cours des trente dernières années illustre cet entrepreneuriat d’opportunité, de croissance (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).
Sur le marché du transfert en France, il est important d’avoir une analyse en fonction de la taille. Comme le montre la BPCE[1], le marché du transfert des entreprises, au-delà d’une certaine taille (plus de vingt salariés), concerne aussi le marché des fusions et acquisitions entre entreprises, avec une meilleure fluidité. En d’autres mots, le marché du transfert d’entreprises peut engager des personnes physiques dans une démarche de reprise par des membres de la famille, des salariés de l’entreprise ou des tiers externes. Toutefois, les tiers externes peuvent agir en tant que personne physique ou au travers de sociétés qu’ils possèdent déjà ou de holding de groupe. D’ailleurs, la frontière est ténue dans la distinction entre reprise d’entreprise par une personne physique qui créera souvent une holding pour la mise en oeuvre de son projet et les fusions et acquisitions interPME.
En France, si la création d’entreprise s’est fortement développée au cours des vingt dernières années avec notamment une forte appétence entrepreneuriale des jeunes, ce mouvement n’a pas impacté la reprise d’entreprise. Ainsi, en 2019, sur 4 444 étudiants-entrepreneurs, seulement une centaine était engagée dans des transmissions d’entreprises, y compris familiales. Une grande partie des projets s’appuie sur le numérique et sur l’innovation qui peuvent sembler décalés dans le contexte de la reprise de « vieilles » entreprises. Pour l’heure, la reprise d’entreprise n’a pas été assez présentée comme une opportunité d’entreprendre probablement plus rapide et plus pérenne que la création d’entreprise. Ainsi, pour se loger, n’est-il pas plus facile de racheter et modifier de l’ancien que de construire un habitat sur un terrain vierge ?
Enfin, toujours en France, mais c’est probablement vrai dans de nombreux pays, l’absence de reprises des activités artisanales ou des TPE de moins de cinq personnes a des conséquences beaucoup plus graves dans le monde rural[2]. Au-delà des pertes d’emplois, le risque est la perte d’écosystème économique organisé sur les territoires ruraux. Il serait important de mieux sensibiliser et mieux valoriser les cédants de TPE et activités artisanales dans le monde rural notamment. La motivation de ces cessions n’est pas nécessairement un enjeu patrimonial. Il faut donc créer des incitations à une forme de responsabilité sociétale de l’entrepreneur pour pérenniser son entreprise de petite taille. Le développement de contrats professionnels d’alternance est une solution à diffuser pour favoriser des transmissions d’activité artisanale ou TPE à de jeunes entrepreneurs.