La production de connaissances sur les PME et l’entrepreneuriat résulte de l’accomplissement par le chercheur de multiples tâches qui sont complexes, hétérogènes et interdépendantes (Bonpunt et al., 2005). L’apprentissage du métier de chercheur est ainsi un processus qui ne se conclut nullement par une soutenance de thèse, mais qui nécessite plutôt plusieurs années d’essais et d’erreurs (Daft, 1983), pour ne pas dire qu’il s’agit essentiellement d’un apprentissage « sur le tas ». Mon propos dans cette chronique est simple, sans prétention et purement subjectif, soit de témoigner des leçons que j’ai apprises durant plus de 35 années d’exercice du métier de chercheur, du premier article, dont j’ai été l’un des auteurs (Raymond et Magnenat-Thalmann, 1982), jusqu’au plus récent (Raymond, Uwizeyemungu, Fabi et St-Pierre, 2018). J’ose ainsi espérer que d’autres chercheurs (en particulier ceux qui débutent dans le métier) pourront tirer profit de mon apprentissage personnel, nonobstant que cet apprentissage puisse, d’une façon ou d’une autre, aller à l’encontre de « la grande transformation du métier de chercheur » qui est en cours actuellement (Monin, 2017). Par ailleurs, je n’ai ici aucune visée interprétative ni encore moins prescriptive de la réalité passée, présente ou future des chercheurs qui liront cette chronique, que ces derniers soient en début, milieu ou fin de carrière. L’une des plus importantes transformations du métier de chercheur émane des pressions accrues des gouvernements et organismes subventionnaires quant à la nature des unités, des programmes et des projets de recherche auxquels doivent participer les chercheurs universitaires en sciences de la gestion (Boucher, Smyth et Johnstone, 2004). À l’heure actuelle, ces unités, programmes et projets sont censés être multidisciplinaires, multiuniversitaires, impliquer de multiples partenaires des milieux socioéconomique et gouvernemental et donc s’attaquer à des problématiques de recherche appliquée de grande envergure sur les plans théorique, méthodologique et pratique. Ce faisant, on doit forcément disposer de budgets de recherche considérables en raison du besoin de coordination plus grand ainsi que des frais généraux et d’infrastructures accrus que ces projets exigent (Brandt et Schubert, 2013). Or, face à ce constat, j’ai appris au cours des quinze premières années de ma carrière de chercheur que la qualité et la quantité de mes productions de recherche ne dépendaient pas nécessairement de l’importance des moyens financiers (subventions et commandites) et infrastructurels (instituts/groupes/équipes de recherche) à ma disposition. Placé le plus souvent dans une logique de production, le chercheur en début d’exercice du métier fait face au dilemme suivant : comment construire mon Curriculum vitae de chercheur en ce qui a trait à la qualité et de la quantité de mes productions de recherche, alors qu’un CV très étoffé est une condition nécessaire à l’obtention d’importantes subventions de recherche, à la réalisation de programmes de recherche de grande envergure (multidisciplinaires, multiuniversitaires et multipartenaires) ainsi qu’à l’appartenance à de grandes unités et infrastructures de recherche ? Or, ce dilemme ne peut se résoudre dans un premier temps que si le chercheur est en mesure de produire de nouveaux savoirs et savoir-faire dans le domaine de la PME et de l’entrepreneuriat à partir de petits budgets, de projets de petite ou de moyenne ampleur et d’équipes de recherche de petite ou de moyenne taille, et ce, dans une logique de programmation incrémentale et d’amélioration continue de sa recherche. Le premier élément de réponse à ce dilemme se retrouve quant à moi dans la recherche doctorale du chercheur, qui devrait constituer la base initiale de ses publications de recherche (essentiellement les articles théorique, méthodologique et empirique émanant de la thèse) et de sa programmation de recherche. Le second élément concerne les choix méthodologiques du chercheur qui sous-tendent …
Parties annexes
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