Résumés
Résumé
L’objectif de cet article est d’analyser comment une petite entreprise construit une capacité dynamique d’internationalisation. Pour ce faire, nous avons étudié une entreprise industrielle et de services de dix salariés. Notre analyse montre que l’entreprise a pu construire une capacité dynamique d’internationalisation en développant et renouvelant sa base de ressources et compétences à travers un processus caractérisé par la fréquence, la progressivité de l’internationalisation et la réussite des premières démarches d’expansion géographique. Nous mettons également en évidence les facteurs managériaux, organisationnels et environnementaux qui ont favorisé la construction de la capacité dynamique.
Mots-clés:
- Capacités dynamiques,
- Internationalisation,
- Capacité d’absorption,
- Caractéristiques managériales,
- Petite entreprise
Abstract
The aim of this article is to analyze the way by which a small firm builds a dynamic capability in internationalization. To do this, we studied an industrial company with 10 employees. Our analysis shows that the company has built a dynamic capability in internationalization by developing its resources and capabilities through a process characterized by the frequency, the progressive internationalization and the success of the first steps of geographic expansion. We also highlight the factors that promoted the construction of the dynamic capability. Among them, we note the importance of managerial and organizational characteristics, but also the particularities of the industry.
Keywords:
- Dynamic capabilities,
- Internalization,
- Absorptive capacity,
- Managerial characteristics,
- Small firm
Resumen
El objetivo de este artículo es analizar cómo puede una pequeña empresa construir una capacidad dinámica de internacionalización. Para ello hemos analizado una empresa industrial y de servicios de 10 empleados. Nuestro análisis demuestra que la empresa ha sido capaz de construir una capacidad dinámica de internacionalización gracias al desarrollo y la renovación de su base de recursos y competencias a través de un proceso que se caracteriza por la frecuencia, la progresividad de la internacionalización y el logro de las primeras iniciativas de expansión geográfica. También evidenciamos los factores de gestión, organización y medioambientales que han favorecido la construcción de la capacidad dinámica.
Palabras clave:
- Capacidades dinámicas,
- Internacionalización,
- Capacidad de absorción,
- Características de la gestión,
- Pequeña empresa
Corps de l’article
Introduction
Développer des capacités dynamiques (CD) est essentiel pour la survie et la prospérité des entreprises (Wilden, Gudergan, Nielsen et Lings, 2013) qui évoluent dans des environnements instables (Wu, 2010). Les CD sont définies comme l’aptitude des firmes à identifier ou créer une opportunité, à saisir cette opportunité et à transformer les ressources organisationnelles (Teece, 2007a, p. 1319). Les CD sont particulièrement importantes pour les entreprises internationalisées dans la mesure où elles évoluent dans un environnement ouvert au commerce international, ce qui accentue la concurrence entre les firmes (Teece, 2007a). Ainsi, disposer de ressources uniques, savoir déployer ses ressources et acquérir de nouvelles connaissances sont des composantes des CD qui favorisent le développement et la pérennisation des activités (Luo, 2000), accélèrent la vitesse, l’ampleur et l’étendue de l’internationalisation (Weerawardena, Mort, Liesch et Knight, 2007).
Le développement des CD est favorisé par les caractéristiques des fondateurs ou managers à travers leur aptitude à identifier et à exploiter des opportunités de marché à l’international (Weerawardena et al., 2007). Il génère toutefois des coûts importants, car le maintien et la préservation des CD dans le temps, nécessaires au maintien de l’avantage concurrentiel (Zollo et Winter, 2002 ; Winter, 2003), requierent la réalisation d’investissements conséquents (Zahra, Sapienza et Davidsson, 2006 ; Ambrosini et Bowman, 2009). Or, les petites entreprises ont des ressources limitées (Amamou et Koubaa, 2013) qu’elles soient financières, humaines ou intangibles (Leonidou, 2004). Développer des CD semble donc difficile pour ces dernières. Néanmoins, l’existence de petites entreprises fortement internationalisées laisse penser qu’elles sont en mesure de construire des CD.
La littérature sur les CD s’est peu intéressée aux petites entreprises s’internationalisant graduellement à la différence des entreprises à internationalisation rapide et précoce (Weerawardena et al., 2007). Les travaux ne permettent pas de comprendre comment elles y parviennent au regard de leurs ressources restreintes. Ce constat nous conduit à la question suivante : comment une petite entreprise construit-elle une CD lors du processus d’internationalisation ?
Notre recherche repose sur une étude de cas unique menée dans le cadre d’une démarche processuelle. L’entreprise française étudiée est composée de dix salariés. Elle est spécialisée dans les équipements industriels de compactage et de granulation. Son développement international est analysé à travers les évolutions successives de ses ressources et de ses compétences au cours des différentes étapes du processus. Sur le plan théorique, cette recherche contribue à enrichir la littérature sur les CD en l’articulant avec les travaux sur l’internationalisation des PME et en élargissant son champ d’application au cas des petites entreprises. Différentes contributions sont apportées à la littérature sur les CD. Tout d’abord, nous montrons qu’une petite entreprise peut construire une CD d’internationalisation. Nous mettons également en évidence les facteurs qui ont conduit l’entreprise à développer cette capacité. Parmi eux, certains sont de type processuel telles la fréquence et la progressivité du développement international. D’autres facteurs de type contenu sont associés aux caractéristiques managériales, organisationnelles et environnementales. Parmi les caractéristiques organisationnelles, celles qui attirent l’attention sont relatives à la mobilisation de ressources moins coûteuses.
L’article est structuré en quatre sections. La première est consacrée à la revue de littérature. La méthodologie est présentée dans une deuxième section. Les résultats et la discussion sont l’objet respectivement des troisième et quatrième sections.
1. Cadre conceptuel : Capacités dynamiques et internationalisation de la petite entreprise
1.1. L’approche basée sur les capacités dynamiques
Dans l’article fondateur, les CD sont définies comme l’aptitude d’une firme à intégrer, construire et reconfigurer les compétences internes et externes en réponse aux changements de l’environnement (Teece, Pisano et Shuen, 1997, p. 516). Par la suite, l’acception du concept a connu des évolutions avec des auteurs qui définissent les CD comme des routines (Eisenhardt et Martin, 2000 ; Zollo et Winter, 2002 ; Winter, 2003). Par exemple, pour Eisenhardt et Martin (2000), il s’agit de routines organisationnelles et stratégiques à travers lesquelles les firmes atteignent de nouvelles configurations de ressources. Cette divergence a fait naître un débat sur la nature des CD. Il existe en effet deux approches : (1) une approche managériale des CD et (2) une approche organisationnelle considérant les CD comme des routines.
La première approche met clairement en avant le rôle des managers (Helfat, 2007 ; Teece, 2007a ; Teece, 2012 ; Helfat et Martin, 2015) et a été à l’origine de l’émergence du concept de CD managériales (Adner et Helfat, 2003 ; Helfat et Martin, 2015). Cette approche souligne les fonctions stratégiques des managers (Teece, 2007b). Les managers doivent faire preuve de créativité et doivent endosser un rôle d’entrepreneur (Teece, 2007a, 2007b ; Augier et Teece, 2008). Ceci relève plus de la stratégie que de la routine (Teece, 2012). Selon Teece (2012) même si certains éléments des CD peuvent être en effet encastrés dans les activités organisationnelles, la capacité à identifier une opportunité et le fait de la saisir requièrent des activités d’interprétation (Teece, 2007a) qui nécessitent une réflexion et une prise de décision de la part des managers.
La deuxième approche a tendance à considérer les CD comme des routines. Une routine se caractérise par l’utilisation de comportements schématisés similaires en réponse à des patterns de stimuli ou de circonstances identiques ne nécessitant quasiment pas de réflexion (Weiss et Ilgen, 1985). Néanmoins, les études plus récentes considèrent que les routines peuvent être source de flexibilité (Pentland et Rueter, 1994), de changement (Feldman, 2000 ; Miner, 1990) et d’évolution (Feldman et Pentland, 2003). Dans cette optique, un courant de recherche a développé la notion de routines dynamiques et indique que celles-ci peuvent favoriser l’innovation (Adler, Goldoftas et Levine, 1999 ; Barki et Pinsonneault, 2005), la création de nouvelles compétences (Transfield et Smith, 1998 ; Miner, Bassoff et Moorman, 2001) et le changement des règles organisationnelles (Beck, Brüderl et Woywode, 2008). Néanmoins, nous considérons que les CD ne peuvent pas être réduites à des routines dynamiques dans la mesure où ces dernières sont des micro-activités alors que les CD sont des « macro-phénomènes » (Pentland, Feldman, Becker et Liu, 2012). En d’autres termes les CD sont des processus faisant intervenir de multiples mécanismes (qui peuvent être routinisés ou non) qui vont concourir à la réalisation d’une activité organisationnelle. Par exemple, le développement de nouveaux produits (Helfat, 2007 ; Kale, 2010) ou de nouveaux services (Pablo, Reay, Dewald et Casebeer, 2007), l’acquisition d’entreprise (Zollo et Singh, 2004), les opérations d’alliance (Kale et Singh, 2007 ; Singh, Dyer et Kale, 2007) ou encore la diversification (Døving et Gooderham, 2008) peuvent être des CD. Ainsi, nous nous positionnons dans la première approche et nous choisissons la définition de Teece (2007a, p. 1319) qui considère que les CD sont constituées de trois composantes : la capacité à identifier une opportunité, à saisir l’opportunité et à modifier les ressources organisationnelles. Cette définition met en évidence des phases amont à la modification des ressources alors que la plupart d’entre elles se contentent de définir les CD comme l’aptitude à modifier les ressources. Le caractère processuel de la définition est cohérent par rapport à notre objectif d’étudier la construction d’une CD.
1.2. La construction d’une capacité dynamique d’internationalisation en contexte de petite entreprise et de filiale
Dans la littérature, quatre critères permettent de caractériser la construction d’une CD (Altintas, 2015a ; 2015b) : il s’agit de (1) la récurrence et (2) la stabilité du processus caractérisant la CD, (3) la modification de la base de ressources et (4) la performance qui résulte de la mise en oeuvre du processus. Ainsi, la construction d’une CD repose sur la capacité de l’organisation à répondre systématiquement aux changements de l’environnement (Teece et al., 1997 ; Teece, 2007a). La stabilité du processus signifie qu’une CD se caractérise par un processus structuré et persistant (Zollo et Winter, 2002) qui ne relève pas de l’improvisation (Winter, 2003), c’est-à-dire un processus spontané et créatif permettant d’atteindre des objectifs de manière nouvelle (Vera et Crossant, 2005). En ce qui concerne la modification des ressources et compétences, les travaux convergent pour indiquer qu’il s’agit de la principale caractéristique des CD (Teece, Pisano et Shuen, 1997 ; Eisenhardt et Martin, 2000 ; Zollo et Winter, 2002 ; Winter, 2003 ; Teece, 2007a). Dans cette optique, certains auteurs indiquent clairement que les CD orchestrent le taux de changement des capacités ordinaires (Winter, 2003). Par conséquent, les CD sont des capacités de niveau supérieur (Katkalo, Pitelis et Teece, 2010), qui améliorent la performance organisationnelle (Teece, Pisano et Shuen, 1997 ; Eisenhardt et Martin, 2000 ; Moliterno et Wiersema, 2007 ; Teece, 2007a ; Drnevich et Kriauciunas, 2011 ; Fainshmidt, Pezeshkan, Frazier, Nair et Markowski, 2016).
Certaines caractéristiques de fonctionnement de la petite entreprise semblent être incompatibles avec ces critères et peuvent constituer un frein à la construction d’une CD. Ainsi, comme indiqué plus haut, une CD se caractérise par un processus récurrent. Pour garantir cette récurrence, il convient d’identifier en permanence de nouvelles opportunités. Or, outre des ressources fortement contraintes (Julien et Marchesnay, 1988) déjà soulignées en introduction, d’autres caractéristiques de la petite entreprise peuvent constituer une entrave à l’identification d’opportunités. L’identification d’une opportunité est favorisée par l’accès à l’information (Teece, 2007a) ou encore par les activités d’interprétation (Teece, 2007a). L’aptitude à accéder à la connaissance externe, à l’assimiler et à l’exploiter définit la capacité d’absorption (Cohen et Levinthal, 1990). La littérature considère la base de connaissances comme une ressource clé (Bell, McNaughton, Young et Crick, 2003) et l’analyse des mécanismes d’apprentissage a constitué un élément central dans l’étude de l’approche graduelle de l’internationalisation (Johanson et Vahlne, 1977, 2009 ; Saarenketo, Puumalainen, Kuivalainen et Kylaheiko, 2004 ; De Clercq, Sapienza, Yavuz et Zhou, 2012). Dans la petite entreprise, l’effectif pouvant être impliqué dans les actions de recherche et de traitement de l’information est réduit, tout comme la rapidité d’acquisition, le niveau de connaissances préalables et la diversité des expériences sur lesquelles est construite la capacité d’absorption. La petite taille de l’entreprise conduirait alors, contrairement aux firmes multinationales (Leonidou, 2004), à limiter sa capacité à identifier des opportunités à l’international (Colovic, 2013) par manque de connaissance des marchés étrangers (Johanson et Vahlne, 2009).
La construction d’une CD d’internationalisation repose sur des processus entrepreneuriaux et managériaux permettant d’identifier les opportunités de marché et de les exploiter. De manière générale, l’approche basée sur les CD (Teece, 2007b) ainsi que les travaux sur les CD dans l’internationalisation des entreprises mettent en avant les fonctions stratégiques des managers (Luo, 2000 ; Weerawardena et al., 2007). Or, la difficulté des dirigeants de petite entreprise à s’extraire des tâches quotidiennes et à mobiliser du temps à l’analyse des orientations stratégiques peut compliquer voire empêcher l’exploitation des opportunités.
Une CD se caractérise également par un processus stable. Or, les processus d’interaction extrêmement personnalisés et informels qui s’établissent entre le dirigeant de petite entreprise et ses clients (Torrès, 2003b), d’autant plus prégnants dans les activités de service, génèrent des connaissances qui ont tendance à être concentrées entre ses mains. Ces connaissances ne sont pas nécessairement codifiées au regard de la faible structuration du système d’information des petites entreprises ce qui peut freiner ou empêcher l’apprentissage par les autres acteurs organisationnels. Ceci peut constituer un frein à la structuration et à la persistance du processus d’internationalisation.
Lorsque le processus n’est pas récurrent ni persistant, il ne peut pas générer la modification récurrente des ressources de l’entreprise ainsi qu’une amélioration de la performance. Au vu de cette analyse, les caractéristiques de la petite entreprise semblent plutôt constituer un obstacle à la construction de CD.
Néanmoins, l’effet de ces caractéristiques sur la construction de CD peut être modéré lorsque la petite entreprise est une filiale d’une firme multinationale. En effet, le manque de ressources de la petite entreprise peut être pallié par le siège qui peut procéder à un transfert de ressources (Beddi, 2011) ou de compétences à travers, par exemple, une mobilité des cadres du siège vers les filiales à l’étranger (Abdellatif, 2013). Toutefois, ce transfert de ressources et compétences dépend du modèle de relations qu’entretiennent le siège et la filiale, car effectivement les modèles traditionnels de relations entre le siège et les filiales ont laissé la place à l’apparition de nouveaux modèles de relations. Par exemple, Beddi (2011) identifie trois modèles de relations siège-filiales : les modèles centralisés, décentralisés et les modèles dits en réseau. La configuration des ressources, c’est-à-dire leur localisation est différente en fonction du modèle envisagé. Ainsi, dans un modèle centralisé, les ressources sont localisées au siège qui les transmet aux filiales. Dans ce cas de figure, la stratégie est décidée centralement, les filiales sont totalement dépendantes. Dans le cas d’un modèle décentralisé, les ressources sont décentralisées et autosuffisantes au niveau national dans la mesure où les opérations internationales sont considérées comme des activités indépendantes. Enfin, les ressources sont distribuées, spécialisées et interdépendantes dans le cas du modèle dit en réseau où la stratégie est intégrée mondialement avec des contributions différenciées par des opérations dispersées.
Par ailleurs, le partage des ressources et compétences dépend également du contrôle exercé par le siège sur les filiales. À cet égard, Mayrhofer (2011) identifie une typologie comprenant six types de firme multinationale. Selon l’auteur, lorsque la firme multinationale est de type « dominante », « coordinatrice » et « d’adaptation », le siège occupe une position centrale et exerce un contrôle étroit sur les filiales. Dans les firmes multinationales de type « savantes » et « politiciennes », le siège n’occupe pas de position prédominante, il joue un rôle de coordination. Dans les firmes multinationales de type « réseau », le siège est une entité au même titre que les filiales. Lorsque le modèle de relation entre siège-filiale est de type décentralisé et que la firme multinationale est de type « savante » ou « politicienne », la filiale est indépendante et se rapproche du statut de la petite entreprise. Disposant d’une capacité d’initiative propre (Ambos, Andersson et Birkinshaw, 2010) en lien avec sa forte autonomie par rapport au siège (Birkinshaw, Hood et Young, 2005), la filiale peut alors renforcer son rôle et développer ses propres compétences distinctives (Birkinshaw et Hood, 1998).
Les caractéristiques personnelles du dirigeant constituent également un atout pour la formation des CD, ce que relèvent les travaux sur le développement international de la PME (Etemad, 2004). Ces attributs renvoient à l’engagement ou l’orientation internationale du dirigeant (Barbat, Hlady Rispal et Randerson, 2014), à l’étendue de ses compétences internationales, issues notamment de ses expériences antérieures, et à sa vision stratégique. Ces facteurs facilitent les mécanismes d’apprentissage tels que l’acquisition, la formation et l’utilisation de nouvelles connaissances (Luo, 2000) et favorisent le développement de CD. Ces attributs sont d’autant plus importants que le fonctionnement de la petite entreprise est centré sur le dirigeant.
De même, l’appartenance de la petite entreprise à un réseau constitue un élément favorable à leur internationalisation en palliant le manque de ressources et de compétences (Coviello et Munro, 1995 ; Coviello, 2006), notamment dans la découverte des opportunités à l’international, l’apprentissage et l’acquisition d’informations. Les relations de réseau, y compris celles dans le pays d’origine peuvent déclencher ou accélérer l’internationalisation des entreprises en permettant l’accès à d’autres relations et canaux établis, en les aidant à acquérir de la crédibilité, en réduisant les coûts et donc les risques financiers et commerciaux de la prospection sur des marchés lointains (Colovic, 2013).
2. Méthodologie de la recherche : une démarche d’étude de cas longitudinale
La compréhension de la formation d’une CD d’internationalisation par une petite entreprise s’inscrit dans une démarche qualitative exploratoire en raison du caractère émergent de la problématique à traiter (Wacheux, 1996) et du caractère processuel de la recherche (Peteraf et Maritan, 2007 ; Grenier et Josserand, 2007). La majorité des définitions présentent en effet l’internationalisation comme un processus (dans le temps ou par étapes) par lequel une entreprise accroît son implication au-delà des frontières nationales (Calof et Beamish, 1995). Seule une méthode qualitative peut garantir un recueil de données riches et détaillées (Easterby-Smith, Lyles et Peteraf, 2009). L’objectif de notre recherche nous conduit à adopter une démarche longitudinale (Forgues et Vandangeon-Derumez, 2007). En effet, l’étude d’une CD requiert de collecter des données qui portent sur au moins deux périodes distinctes dans la mesure où une CD se caractérise par un processus récurrent, impliquant la comparaison de plusieurs mises en oeuvre de celle-ci. Parmi les différentes méthodes qualitatives offrant une richesse des données collectées, nous privilégions l’étude de cas souvent mobilisée pour analyser des questions complexes (Wacheux, 1996 ; Hlady Rispal, 2002). L’identification d’une CD nécessite d’étudier l’entreprise en profondeur et le processus dans son contexte naturel, ce que permet cette méthode (Yin, 2009).
2.1. La démarche de l’étude de cas
2.1.1. Présentation du cas : l’entreprise SCPR
La société SCPR est une entreprise de dix salariés de la région des Hauts-de-France spécialisée dans les équipements industriels de compactage et de granulation. Son effectif, le bilan total et le montant du chiffre d’affaires, la classent parmi les petites entreprises selon la recommandation de la Commission européenne du 3 avril 1996. Fondée en 1992, elle est une filiale d’un groupe américain constituée pour distribuer en Europe les équipements industriels de compactage qui sont de caractère standard. La société SCPR n’a pas d’activité de production ; elle réalise les adaptations des équipements importés des États-Unis afin qu’ils répondent aux normes techniques européennes. Outre l’activité de maintenance, elle a développé à partir de 1998 une activité d’audit des installations ainsi qu’une expertise en ingénierie des procédés industriels par la conception de machines non standards pour des applications qui ne sont pas assurées par les machines américaines dans le sel, le charbon et les engrais.
L’internationalisation a été progressive entre 1992 et le début des années deux mille par le développement des marchés belge, anglais et espagnol. Des marchés, perçus par le dirigeant comme plus lointains, ont ensuite été abordés à partir de 2005 comme la Scandinavie, les Pays-Bas ou la Turquie, tout en maintenant sa prospection sur les marchés proches comme le Portugal. Entre 2008 et la fin de la période d’étude, les PECO et l’Asie du Sud-Est constituent les zones du développement international de SCPR. La précocité des activités internationales pourrait nous conduire à qualifier cette société d’entreprise née globale. Même si le volume d’affaires à l’export représente 34 % en moyenne sur la période 1992-2000, les premières affaires rapidement conclues en Belgique et en Angleterre représentent au maximum 20 % du chiffre d’affaires de l’entreprise jusqu’en 1995. L’activité internationale a bien débuté dans les trois premières années de création de la société, sans atteindre 25 % du chiffre d’affaires, selon le critère utilisé dans la littérature pour identifier une entreprise née globale (Rialp, Rialp, Urbano et Vaillant, 2005). D’un côté, la trajectoire de l’entreprise étudiée emprunte aux caractéristiques des entreprises nées globales : l’internationalisation est conçue d’emblée comme le moteur de la croissance de l’entreprise et en constitue son objectif stratégique, l’orientation internationale du dirigeant, qui a développé dans sa précédente expérience professionnelle le service export d’une société industrielle opérant dans le même secteur d’activité, le conduit à une démarche proactive de recherche d’opportunités. Mais l’internationalisation de la société SCPR apparaît, d’un autre côté, davantage conforme à l’approche graduelle. La société a conforté l’ancrage local avant de s’internationaliser, le choix des premiers pays cibles est basé sur le critère de la proximité, le mode de pénétration des marchés est séquentiel privilégiant l’exportation indirecte, perçue comme moins risquée et moins coûteuse (neuf agents répartis entre l’Espagne, le Portugal, la Scandinavie, le Vietnam), alors que la constitution d’une filiale en Pologne n’est venue que tardivement (2009). L’existence d’opportunités d’affaires dans la zone asiatique existait depuis longtemps, mais la perception du risque et les ressources de l’entreprise n’ont pas permis à l’entreprise d’accéder à ces marchés avant 2008.
Même si la vocation de l’entreprise étudiée est de développer une activité d’import et d’export, la progression de la couverture internationale et le processus spécifique mis en oeuvre par la société est le fruit de la stratégie de son dirigeant, qui a toujours bénéficié d’une grande latitude stratégique vis-à-vis de la maison-mère. Pour les machines non standards, la filiale est libre de mener une prospection dans n’importe quelle zone géographique, y compris en Europe. Pour les machines standards, l’autonomie décisionnelle de la SCPR est très forte quant au choix et aux modalités de pénétration des marchés qui ne sont pas imposés par la maison-mère, mais sont discutés semestriellement en comité de direction afin d’assurer la cohérence avec le développement du groupe. D’un point de vue opérationnel, aucun processus standard n’est imposé à la filiale, si ce n’est un suivi des informations commerciales et budgétaires mensuelles. En d’autres termes, le mode de relation filiale/maison-mère est de type décentralisé et la maison mère n’occupe pas, dans la stratégie d’internationalisation de la filiale, de position dominante.
2.1.2. Explication du choix du cas unique
Le choix du cas constitue une étape essentielle de notre démarche méthodologique. Une CD se caractérise par des modifications récurrentes (Winter, 2003) dans la base de ressources et de compétences et l’amélioration de la performance suite aux changements réalisés (Teece, Pisano et Shuen, 1997 ; Eisenhardt et Martin, 2000 ; Moliterno et Wiersema, 2007 ; Teece, 2007a ; Drnevich et Kriauciunas, 2011 ; Fainshmidt et al., 2016). Ainsi, à l’instar des travaux de la littérature, l’étude empirique de la CD d’internationalisation suppose d’analyser le cas d’une entreprise ayant développé des activités sur plusieurs marchés étrangers, et amélioré sa performance à l’international. Employant de cinq à dix salariés sur la période étudiée, la société SCPR a profité d’un contexte favorable à son internationalisation. Le contexte de création de la société est caractérisé par le fait que le marché pertinent des machines de granulation et d’agglomération est de dimension internationale. De nature oligopolistique initialement, la concurrence chinoise et turque s’est accrue à partir des années deux mille, justifiant l’analyse de la manière dont l’entreprise a pu faire face aux conditions changeantes du marché. Son développement est par ailleurs indépendant d’un quelconque transfert de ressources de la société mère. Ce cas est pour nous typique (Siggelkow, 2007) et révélateur de la capacité d’une petite entreprise à former et pérenniser une CD d’internationalisation.
Ce cas unique comprend plusieurs unités d’analyse (Yin, 2009). Dans notre cas, une unité d’analyse est un processus d’internationalisation sur une zone géographique. Notre choix s’est porté sur la zone géographique (plusieurs pays d’une même zone) plutôt que sur un pays pour deux raisons. Tout d’abord, lors des entretiens, le dirigeant a retracé le processus d’internationalisation de l’entreprise par phase, chacune d’elle correspondant au développement des activités sur une zone géographique. Ensuite, le processus d’internationalisation sur chaque zone se caractérise par des enjeux particuliers marqués par un degré de modification différent des ressources et compétences. L’internationalisation en Europe génère en effet des changements mineurs des ressources et compétences tandis que l’internationalisation en Asie requiert des modifications majeures dans la base de ressources. Nos trois unités d’analyses correspondent donc aux trois processus d’internationalisation de l’entreprise. Il s’agit du développement des activités :
en Belgique, en Angleterre et en Espagne entre 1992 et 2000 ;
dans des pays européens plus lointains : Pays-Bas, Turquie, Scandinavie et début de la prospection dans les PECO entre 2000 et 2008 ;
dans les pays du PECO et d’Asie du Sud-Est entre 2007 et 2014.
2.2. La collecte de données
L’étude approfondie de ce cas a débuté en octobre 2010 et s’est poursuivie jusqu’en décembre 2014. Elle a été menée sur la base de traitement de données secondaires (articles de presse, sites internet, documents internes comptables et commerciaux, consultation de la base financière Altares) et de données primaires (Figure 1). Ces dernières ont été collectées lors de treize entretiens semi-directifs, dont neuf avec le dirigeant (durée moyenne d’une heure et demie, Tableau 2) sur une période de quatre années portant sur l’évolution de l’activité internationale de la société, les moments clés de son développement, la vision stratégique du dirigeant, les particularités des approches des différents marchés et la dynamique de ces marchés, les différents types de ressources et de compétences mobilisées dans le temps. Par ailleurs, deux entretiens ont été réalisés en interne auprès de l’ingénieur commercial et le directeur export très récemment recruté (fin 2013). Afin d’étudier la construction de la CD d’internationalisation sur la période antérieure à 2010, nous avons eu recours à la méthode narrative permettant la reconstitution du processus de développement international de l’entreprise en introduisant dans les entretiens des relances destinées à repérer systématiquement les différentes opportunités, ressources et compétences mobilisées par les acteurs de l’entreprise impliqués dans le processus. Enfin, deux entretiens ont été réalisés auprès de l’accompagnateur régional du groupement d’entreprises auquel appartient la SCPR afin de comprendre le mode de fonctionnement de ces groupements, le rôle des collectivités et de la CCI internationale et l’impact du groupement sur le processus d’internationalisation de la société. La durée moyenne des entretiens était d’une heure et demie.
2.3. L’analyse des données
Les données ont été analysées grâce à une grille de lecture élaborée avec les concepts issus de la littérature. Celle-ci a été enrichie avec les données qui ont émergé du terrain. Dans un premier temps, nous avons mené une analyse descriptive (Miles et Huberman, 1994) ou de premier ordre afin d’identifier la CD d’internationalisation (Figure 1). Pour ce faire, nous avons retracé le processus d’internationalisation en suivant les composantes énoncées par Teece (2007a), c’est-à-dire l’identification d’une opportunité, la saisie de l’opportunité et la modification des ressources (Tableau 3) pour chacune des trois phases d’expansion internationale. Nous avons ensuite comparé les trois phases d’expansion entre elles. Elles répondaient aux caractéristiques des CD énoncées dans la revue de littérature, c’est-à-dire la récurrence, la stabilité du processus, la modification des ressources et/ou compétences à chaque occurrence du processus ainsi que l’amélioration de la performance. Nous avons alors conclu qu’il s’agissait d’une CD d’internationalisation.
Par la suite, nous avons poursuivi l’analyse des données par un codage thématique (Miles et Huberman, 1994) afin d’identifier les facteurs qui ont favorisé la construction de la CD. Nous avons donc identifié l’ensemble des facteurs qui ont contribué au développement des activités à l’international. Nos analyses permettent d’identifier deux types de facteurs : des facteurs de type processuel tels que la fréquence et la progressivité de l’internationalisation, et des facteurs de type contenu. Nous avons regroupé ces derniers en fonction de leur nature et avons obtenu des thèmes de second ordre. Ces thèmes renvoient à trois dimensions : managériale, organisationnelle et environnementale (Tableau 4).
3. Résultats : la construction de la CD d’internationalisation de la société SCPR
3.1. Le processus de construction de la CD
L’analyse du développement international de la société SCPR illustre la récurrence des processus d’internationalisation (3.1.1.), leur stabilité et leur persistance (3.1.2.). Les différentes phases du développement reposent sur l’identification et l’exploitation d’opportunités d’affaires dans différentes zones géographiques, conduisant à une modification de la base de ressources et de compétences (3.1.3.) et à l’amélioration de la performance (3.1.4.) (Tableau 5).
3.1.1. La récurrence des processus d’internationalisation
L’entreprise SCPR a été créée par le dirigeant actuel en 1992. Le développement international s’est opéré sur des pays et des zones géographiques de plus en plus lointains, en trois phases selon les récits du dirigeant et de l’ingénieur commercial. Ainsi, la première occurrence du processus ou la phase 1 (internationalisation sur les premiers marchés) illustre la formation de la CD, la deuxième occurrence ou phase 2 (internationalisation sur des marchés plus lointains) illustre son déploiement et la troisième occurrence ou phase 3 (internationalisation dans les PECO et en Asie du Sud-Est) caractérise son évolution.
Phase 1. Formation de la capacité dynamique : création de l’entreprise et développement des activités en Belgique, en Angleterre et en Espagne entre 1992 et 2000
Conformément à sa vision stratégique, le dirigeant a décidé de développer les activités internationales une fois que l’entreprise a pu conforter son positionnement sur le marché français. Pour ce faire, il a choisi des marchés proches géographiquement comme la Belgique, la Grande-Bretagne et l’Espagne. Ce dernier a représenté pour l’entreprise le plus important des marchés jusqu’au début de la crise économique et financière de 2008.
« Je pense qu’il faut être fort chez soi et à proximité pour aller loin. […] Donc par stratégie et par problème de moyens aussi parce que quand on démarre on n’a pas forcément les moyens d’aller au bout du monde, on a travaillé sur des pays proches. »
dirigeant
Phase 2. Déploiement de la capacité dynamique : développement des activités dans des pays européens plus lointains comme les Pays-Bas, la Turquie, la Scandinavie et début de la prospection dans les PECO entre 2000 et 2008
Le dirigeant précise que ces marchés ont été choisis pour des raisons d’opportunité : « Après, c’est toujours une question d’opportunité évidemment, on aurait pu aller ailleurs, mais c’est sur ces territoires-là que nous sommes allés ». Le dirigeant souligne également le fait que l’approche des nouveaux marchés ne signifie pas l’arrêt des activités commerciales sur les marchés précédents.
Phases 3. Évolution de la capacité dynamique : développement des activités dans les pays du PECO et d’Asie du Sud-Est entre 2007 et 2014
Selon le dirigeant, la dernière phase du processus d’internationalisation se caractérise par le développement plus intensif des activités dans les pays du PECO, pour lesquels la prospection avait débuté dès les années deux mille, mais aussi dans les pays d’Asie du Sud-Est : « Et vers 2006-2007 j’ai commencé à me dire que ça serait assez intéressant de regarder d’autres cibles et de se fixer des objectifs qui aillent un petit peu au-delà de ce qu’on avait fait. […]. Donc, Pologne, Tchéquie, Slovaquie en particulier et puis l’Asie du Sud-Est. Là on travaille, Indonésie, Malaisie, Thaïlande, Vietnam, pour le moment. Probablement aux Philippines bientôt parce qu’il y a des choses qui sont en train de se passer, qui sont très intéressantes pour nous ». Parallèlement, l’entreprise réalise des opérations en Russie et en Inde, de manière plus ponctuelle au regard des ressources de l’entreprise qui ne permettent pas encore d’exploiter ces marchés dans leur globalité : « Pour moi ce sont des marchés qui sont des continents à eux tous seuls et qui nécessitent absolument une personne dédiée à cent pour cent pour pouvoir travailler. Je n’ai pas ça en interne et je n’ai pas de partenaire local qui peut m’aider à ouvrir les portes ». L’accélération, fin 2014, du développement dans les pays d’Asie du Sud-Est est due à la participation de la société à un groupement d’exportateurs. Les objectifs de ce groupement, créé en 2011 avec quatre autres entreprises, consistent à développer une prospection commune sur deux zones, principalement l’ASEAN et la Russie en recrutant des VIE[2] (volontariat international en entreprise), avec le soutien administratif et financier de la chambre de commerce internationale, à améliorer la communication et le marketing en bénéficiant d’une vitrine commune (création d’outils de communication, publication à coût partagé dans des revues spécialisées…) et à échanger régulièrement des informations. Les activités des membres du groupement sont complémentaires les unes aux autres et aucun n’est primo-exportateur.
En définitive, le processus d’internationalisation que nous venons de retracer illustre la récurrence des processus d’internationalisation mis en oeuvre par l’entreprise. Ceci souligne bien le caractère dynamique du développement des activités à l’international. Cette évolution résulte d’une capacité de la société SCPR à répondre aux changements de l’environnement. Les besoins des clients s’avèrent à chaque fois spécifiques compte tenu de la nature de leurs activités, mais aussi des conditions climatiques et techniques dans lesquelles ils opèrent. Par ailleurs, les caractéristiques culturelles des pays prospectés requièrent une analyse spécifique des modalités de pénétration.
« L’Asie en particulier demande une présence de tous les instants, que la confiance soit créée et ça prend du temps. On a choisi rapidement d’y installer une filiale. »
dirigeant
Enfin, la concurrence s’est accrue depuis dix ans avec l’arrivée de fabricants russes et chinois. L’environnement de la société est non seulement hétérogène, mais aussi dynamique.
3.1.2. Un processus persistant et en structuration
La récurrence des processus d’internationalisation satisfait la condition de persistance de ce dernier qui trouve son origine dans la vision stratégique à long terme du dirigeant et sa volonté de chef d’entreprise « de porter le drapeau de l’international ». Étant sur un marché de niche, l’internationalisation a toujours constitué l’orientation stratégique majeure du dirigeant. Les différents processus ont conduit la société à pénétrer d’abord les marchés les plus proches géographiquement et culturellement jusqu’à ceux, plus lointains : Asie, Russie, Inde. Le processus d’internationalisation procède d’une orientation délibérée et structurée. Le processus global d’internationalisation repose sur la création de méthodes de travail, de routines permettant d’approcher les pays cibles à partir du traitement de données macroéconomiques et de facteurs culturels pour apprécier la distance psychologique existant avec les pays étrangers. Puis le choix des agents découle d’une méthodologie éprouvée par le dirigeant et le directeur export. Le choix des modalités de pénétration du marché est fonction de la prise en compte des besoins des clients et des spécificités culturelles. La variété des solutions mises en place est toutefois le fruit d’une démarche méthodique et structurée, qui s’appuie sur la création et le développement de nouveaux outils commerciaux et de communication traduits dans six langues (plaquettes, site).
3.1.3. Les modifications des ressources et compétences de la société SCPR consécutives aux processus d’internationalisation
Dans la première phase de l’internationalisation de la société, le poids économique représenté par le marché espagnol a été considérable.
« C’était le pays en Europe où on avait le plus de machines. Donc ça a été un succès. […] ça a dû mettre trois ans à peu près à démarrer. Mais quand ça a démarré, il n’y a plus eu d’arrêt jusqu’à la crise. On a vraiment eu une activité assez stable. »
dirigeant
Ce développement a fortement contribué au résultat financier de l’entreprise dans la mesure où de très nombreuses machines ont été commercialisées. La société a pu disposer d’une très bonne trésorerie dans la mesure où elle ne produisait pas directement les machines et où les mouvements d’entrée et de sortie de flux financiers dégageaient un excédent de besoin en fonds de roulement. Cette capacité financière a alors permis à la SCPR de réaliser des actions de prospection sur des marchés plus lointains. L’acquisition d’informations relatives aux marchés a été facilitée par la participation à des missions collectives organisées par la CCI internationale ou des CCI franco-étrangères. Par ailleurs, le dirigeant, aidé de l’agent commercial, a développé une capacité d’apprentissage du marché et de la culture commerciale dans ce pays.
Le marché polonais est assez emblématique du développement de l’entreprise dans la deuxième phase du processus d’internationalisation. Les activités en Pologne ont débuté par le recrutement d’un agent local qui a été trouvé sur place dans le cadre de l’organisation d’une mission par la chambre de commerce. Cet agent va s’impliquer dans le développement de l’activité encore davantage, car une filiale commerciale a été créée avec ce dernier et une autre société membre du groupement d’exportateurs. L’apprentissage des modalités de travail avec la Pologne a facilité ensuite l’approche de marchés proches linguistiquement et culturellement (Slovaquie, Tchéquie). La croissance de l’activité et des résultats financiers ont permis progressivement d’accroître l’effectif en France et d’augmenter les compétences linguistiques (sept langues étrangères sont parlées dans la société). L’intensification de l’activité internationale et la multiplication des expériences diverses conduisent le dirigeant, aidé de l’intervention de spécialistes extérieurs (cabinet d’avocats) à mieux maîtriser les dimensions contractuelles et financières des opérations (questions du droit applicable, clause de réserve de propriété, garanties de paiement…).
La vente d’équipements en Asie du Sud-Est a nécessité le développement de compétences technologiques nouvelles. Les installations ont dû être, en effet, adaptées techniquement aux contraintes climatiques et aux applications particulières souhaitées par le client. Cette compétence technologique a permis à la société d’obtenir des références industrielles attirant d’autres clients sur la zone géographique et ainsi d’exploiter de nouvelles opportunités pour répondre à des marchés non couverts par les machines de fabrication américaine (développement de la clientèle malaisienne et indonésienne). La compétence d’adaptation des machines associée aux activités du groupement d’exportateurs a permis une internationalisation en Indonésie. Les actions de prospection communes ont conduit à la création d’une filiale et le recrutement d’un ingénieur local afin de développer les services aux clients.
« Je suis en train de mettre cette structure en place. Pourquoi une structure et pourquoi quelqu’un à embaucher et pas un agent ? Parce que j’ai fait le tour des agents et je ne suis pas satisfait de ce que j’ai vu. Je n’ai pas eu l’impression que je pourrais trouver un ou plusieurs agents qui pourraient vraiment jouer le rôle d’agent comme on en a en Europe […] Les mentalités sont différentes, la manière de travailler est différente. »
dirigeant
Cette expérience illustre le renforcement d’une capacité à choisir les modes d’implantation.
Progressivement, la société SCPR a développé une compétence commerciale particulière en approchant les prospects par l’ingénierie des procédés industriels, la réalisation d’audits et l’adaptation de lignes de production et non par une approche purement commerciale.
« On m’a posé la question de savoir si je pouvais changer tel ou tel équipement dans une installation existante ou pas, mais c’est aussi venu du fait que dans les pays occidentaux, il peut y avoir une perte de savoir-faire liée au départ de gens. Ce n’est pas tellement des choses qui sont faites par nos confrères, relativement peu […]. Je trouve que c’est une erreur parce que c’est une excellente manière d’avoir accès à énormément d’informations et surtout d’avoir des relations qui se développent si le mot audit ne fait pas peur au client. »
dirigeant
Cette nouvelle compétence a permis d’avoir accès à de nouveaux marchés, en Finlande par exemple : « J’ai un exemple, on peut très bien se servir d’un audit pour commencer la relation technique avec un client. […] On leur a fait une proposition d’audit. Et ils sont sur le point d’acheter l’installation ». Le dirigeant indique que la spécialisation de l’entreprise dans la réalisation d’audit a été un atout pour se différencier de la concurrence chinoise. L’expérience de la société SCPR illustre le fait qu’une extension tertiaire du produit peut conférer à l’entreprise la capacité à progresser sur les marchés étrangers (Léo, 2000).
En interne, le dirigeant de la société SCPR a recruté un directeur commercial export, dont la mission est ciblée sur le développement de la zone asiatique, une apprentie kirghize et une apprentie d’origine chinoise en soutien à l’action de prospection du VIE recruté par le groupement.
3.1.4. L’amélioration de la performance
Sur la période analysée, tant le volume des ventes à l’export que la part des exportations dans le chiffre d’affaires global n’ont cessé de croître comme l’illustre la dernière colonne du tableau 5. Cette évolution va de pair avec l’extension du périmètre géographique couvert par l’entreprise SCPR. Ces indicateurs traduisent l’amélioration de la performance de l’entreprise.
3.2. Les facteurs favorables à la construction de la capacité dynamique d’internationalisation
Selon nos analyses, la construction de la CD d’internationalisation de la société SCPR repose sur deux types de facteurs (Figure 2) : des facteurs de type processus, à savoir la fréquence et la progressivité de l’internationalisation, et des facteurs de type contenu qui sont de natures managériale, organisationnelle et environnementale.
3.2.1. Les facteurs de type processus : la fréquence et la progressivité
Les facteurs de type processus sont la fréquence et la progressivité de l’internationalisation. Ces facteurs sont indirectement illustrés dans la partie 3.1. sur le processus de construction de la CD. La fréquence est caractérisée par les différents marchés sur lesquels l’entreprise a développé ses activités. La progressivité est quant à elle illustrée par le fait que le dirigeant choisisse de développer son activité d’abord sur des marchés proches puis sur des marchés lointains. Ce développement international se fait de manière progressive à travers les connaissances et l’expérience accumulées au fil des années. Nos analyses montrent que ces deux facteurs contribuent grandement à la construction de la CD d’internationalisation. En effet, la fréquence permet de déployer (ou répliquer) le processus développé lors de l’internationalisation sur les premiers marchés. Ce processus d’internationalisation est donc enregistré dans la mémoire organisationnelle et mise en oeuvre lors du développement des activités sur de nouveaux marchés. Ceci illustre donc la structuration et la stabilité du processus d’internationalisation.
La progressivité qui se caractérise par le choix dans un premier temps des marchés proches géographiquement pour s’internationaliser sur des marchés plus lointains de manière graduelle favorise la construction de la CD à travers la rationalisation des coûts. En effet, sur les marchés proches géographiquement l’entreprise peut s’internationaliser à un moindre coût et engranger de l’expérience ainsi que des ressources financières permettant d’envisager l’internationalisation sur des marchés plus lointains par la suite.
3.2.2. Les facteurs de type contenu
Les facteurs managériaux
L’expérience professionnelle du dirigeant, antérieure à la création de la société SCPR, a permis de développer rapidement son activité internationale.
« Avant SCPR, j’ai eu une vie professionnelle dans laquelle j’ai créé une structure export dans une entreprise qui était déjà mature, mais qui n’avait pas de structure export propre alors qu’elle avait un produit tout à fait exportable. »
dirigeant
Au-delà des compétences techniques nécessaires à la pratique du commerce international, l’état d’esprit, et la culture propre au dirigeant impulsent une dynamique de recherche d’opportunités à l’étranger.
« Je pense qu’il y a une culture export qu’il faut créer. C’est de la curiosité, c’est les langues, c’est ne pas avoir peur d’aller à l’extérieur, avoir une sensibilité de défricheur de temps en temps. »
dirigeant
Le leadership du dirigeant favorise également l’impulsion de cette dynamique : « C’est quelqu’un qu’on a envie de suivre. Il est parfois fatigant parce qu’il faut réussir à le suivre […]. Et c’est la pierre angulaire clairement de la SCPR. Et l’équipe qu’il a créée autour de lui aussi ! » (directeur export)
Au-delà de ces facteurs, la vision stratégique du dirigeant est au coeur de la construction de la CD d’internationalisation. Elle repose sur la progressivité de l’internationalisation, la stratégie de différenciation basée sur la qualité des équipements et des services, une nouvelle approche commerciale à travers le développement de l’activité d’audit des installations, l’impulsion de la création du groupement d’exportateurs : « La concurrence qu’on voit sur place est une concurrence chinoise […]. D’où l’idée de dire que la seule manière qu’on ait de pouvoir pénétrer ce marché et de pouvoir avoir du succès c’est d’y être pas seulement en tant que vendeur, mais en tant que prescripteur technique. C’est-à-dire avoir une stratégie complètement différente de celle des Chinois qui vendent et qui s’en vont. » (dirigeant)
Le développement des activités dans certaines zones a été favorisé par le groupement d’exportateurs. C’est le dirigeant qui en a été à l’origine, convaincu des avantages que le groupement peut procurer sur le plan organisationnel et stratégique : « Je crois à la chasse en meute, je crois au fait de grouper les entreprises par compétences pour aller chercher ensemble des choses pour un certain nombre de raisons. » (dirigeant)
Même si l’entreprise étudiée est de petite taille et que dans ce genre d’entreprise la proximité du dirigeant avec le terrain n’est pas étonnante, notre étude permet de souligner que la forte présence du dirigeant sur le terrain s’explique aussi par la préférence personnelle du dirigeant : « C’est ce que je préfère dans mon métier ça. Mais malheureusement, je n’ai pas que ça à faire. Si j’avais que ça à faire je serai très heureux, peut être qu’à terme, je donnerai le management à quelqu’un d’autre et je ne m’occuperai plus que de l’export parce que c’est vraiment ma passion depuis toujours. Et c’est ça que j’aime, la conviction de défrichage. Mais, je crois que c’est aussi dans le sang des gens. » (dirigeant)
La réalisation par le dirigeant de tâches opérationnelles (rencontres personnelles avec les prospects des régions non encore couvertes, négociation des contrats, définition du profil linguistique et recrutement des collaborateurs), couplée à sa vision stratégique, a contribué à la construction de la CD d’internationalisation.
Les facteurs organisationnels
Le développement de l’activité internationale de la société SCPR s’est déroulé sous contrainte de ressources qui a justifié l’acquisition de ressources humaines par des moyens peu coûteux : 1/ Recrutement de trois apprentis disposant de compétences linguistiques particulières (mandarin, russe).
« On a une taille d’entreprise qui est quand même restreinte pour avoir des marchés un peu partout. Donc il faut avoir les moyens de pouvoir courir. On a maintenant une apprentie qui est chinoise. »
dirigeant
2/ Recrutement d’un VIE par le biais du groupement d’exportateurs et mutualisation des coûts entre les membres du groupement. Ceci constitue un moyen de rationaliser les coûts financiers, mais aussi temporels de développement de l’export : ce qui est essentiel sur des zones géographiques lointaines comme en Asie.
« Les actions du groupement ont été bénéfiques parce qu’il y a des graines qui sont semées avec un coût économique qui est beaucoup plus faible que celui qu’on aurait eu si on avait dû organiser ça nous-mêmes. »
dirigeant
La nature de l’activité de la société SCPR a influencé la formation de la CD. Ne produisant pas directement les équipements (acquisition des équipements américains ou sous-traitance des équipements non standards), l’entreprise bénéficie d’une structure de coûts favorable à l’augmentation de sa rentabilité.
« Donc, comme je ne fabrique pas, j’ai des acomptes de mes clients et je paie mes fournisseurs quand mes clients m’ont payé. »
dirigeant
Les ressources générées ont permis de développer régulièrement de nouvelles actions de prospection.
La faible formalisation des procédés de travail, le faible niveau de remontée d’informations de la part de l’équipe, la fluidité dans le circuit de prise de décision favorise la circulation de l’information client et permet une réactivité plus forte vis-à-vis des clients.
« On a quand même un gros vecteur d’information et on a un circuit de décision très court. On a peu de remontée d’informations, on en a forcément mais pas formalisé je veux dire. »
directeur export
Le rôle du siège américain a également contribué au développement de la CD d’internationalisation. La société SCPR a, depuis sa constitution, bénéficié d’une large autonomie de décision stratégique. La charte définissant son rôle indiquait en effet que la filiale distribuerait les équipements standards produits par la société mère sur l’UE. Pour les applications non couvertes par la charte, la filiale était libre de mener une prospection dans n’importe quelle zone géographique. L’autonomie décisionnelle de la SCPR était totale quant au choix et aux modalités de pénétration des marchés. Cela a favorisé le développement d’initiatives entrepreneuriales (développement de nouveaux services d’audit et d’ingénierie des procédés industriels, développement d’équipements pour des applications nouvelles) et accru les ressources et les compétences de la filiale. L’application de la charte implique que la société SCPR n’a jamais subi de concurrence interne au groupe. La société a également bénéficié d’une réelle autonomie opérationnelle.
« Le siège ne m’a rien imposé en termes d’organisation ni d’outils. Je leur envoie les résultats tous les trois mois et après ils me laissent autonome dans ma façon de travailler en interne. »
dirigeant
Les facteurs environnementaux
Le marché des équipements de compactage et de granulation était jusqu’au début des années deux mille de nature oligopolistique, entre les mains de quelques constructeurs dits d’origine (trois Allemands, deux Américains, deux Français) et ayant tous développé une activité hors des frontières nationales.
« On est dans une niche donc on est peu dans le monde à faire ça. C’est très oligopolistique donc ça veut dire qu’on peut encore à peu près choisir pour qui on travaille. »
dirigeant
Le marché des équipements d’agglomération et de granulation est extrêmement vaste en termes d’applications possibles (engrais, prémix, chaux…), mais pour chacune d’elle, le marché pertinent est international. Cette caractéristique sectorielle a indéniablement contribué au développement de l’export sur un ensemble de zones géographiques et a favorisé la formation de la CD : « Tous les concurrents de la première heure sont internationalisés, c’est le marché qui veut ça. » (dirigeant)
Par ailleurs, le dirigeant a bénéficié du soutien administratif, financier et technique des chambres consulaires locale et régionale. L’organisation de missions collectives de prospection ou le financement de VIE travaillant au sein du groupement d’exportateurs, ont constitué un environnement institutionnel favorable à la construction de la CD d’internationalisation : « On a monté des missions dans ces pays-là où le principe des missions c’était qu’Ubifrance ou la chambre de commerce franco-locale organisait une réunion dans un hôtel ou à la chambre de commerce où on invitait les clients potentiels. C’est grâce à ça que j’ai pris mon premier client en Indonésie qui est venu à cette présentation. » (dirigeant)
4. Discussion
4.1. La construction d’une capacité dynamique d’internationalisation par une petite entreprise
La première contribution de notre recherche est de caractériser le processus de formation et de construction par une petite entreprise d’une CD liée à l’internationalisation. L’objectif de l’étude était de comprendre comment une petite entreprise peut construire une CD au regard de ses ressources limitées en sachant que construire des CD génère des coûts importants (Zollo et Winter, 2002 ; Winter, 2003 ; Zahra, Sapienza et Davidsson, 2006 ; Ambrosini et Bowman, 2009). Notre étude, qui a porté sur une filiale d’une firme multinationale américaine, pourrait perdre de sa consistance dans la mesure où, dans la littérature, certains auteurs soulignent que le manque de ressources de la petite entreprise peut être pallié par un transfert de ressources du siège (Beddi, 2011 ; Abdellatif, 2013). Néanmoins, nous avons montré dans la revue de littérature qu’il existe plusieurs modèles de relation siège-filiales (Beddi, 2011) et plusieurs types de firmes multinationales (Mayrhofer, 2011). L’entreprise que nous avons étudiée se trouve dans le cas d’un modèle de relation siège-filiales décentralisé, où le siège joue essentiellement un rôle de coordination et les ressources sont décentralisées. Dans ce cas de figure, l’entreprise étudiée se rapproche des caractéristiques de la petite entreprise indépendante. Ainsi, l’étude de cette entreprise dans le cadre de notre question de recherche ne perd pas de sa pertinence.
Dans la littérature sur les CD, les travaux ont très rarement porté sur les petites entreprises et sur l’internationalisation. De manière plus générale, les travaux sur les CD n’ont que très rarement adopté une approche longitudinale, pourtant nécessaire pour étudier la récurrence et l’évolution des CD (Easterby-Smith, Lyles et Peteraf, 2009). Ainsi, notre démarche longitudinale permet de montrer que le processus de construction de la CD liée à l’internationalisation se caractérise par trois phases : une phase de formation, une phase de déploiement et une phase d’évolution. La CD d’internationalisation se forme lors du développement des activités sur le premier marché étranger. Cette étape se caractérise donc par un processus d’expérimentation face à une nouvelle situation qui est ici l’internationalisation. Même si l’expérience professionnelle antérieure du dirigeant l’a conduit à développer le service export d’une société industrielle dans le même secteur d’activité, le développement du marché espagnol constitue pour la société SCPR une situation nouvelle. Par la suite, lorsque l’entreprise souhaite pénétrer de nouveaux marchés, elle a recours au processus qui a été précédemment expérimenté, car celui-ci a donné satisfaction. La récurrence du processus (Teece et al., 1997 ; Teece, 2007a) associée à la modification des ressources et compétences organisationnelles (Teece et al., 1997 ; Eisenhardt et Martin, 2000 ; Zollo et Winter, 2002 ; Winter, 2003 ; Teece, 2007a) caractérisent les déploiements de la CD qui s’institutionnalise au sein de l’entreprise. L’institutionnalisation de la CD réside dans la réussite de la première internationalisation. En effet, l’entreprise mémorise les actions qui ont réussi et a recours au même processus lors d’une nouvelle internationalisation. Les travaux de la littérature vont également dans ce sens étant donné qu’ils montrent que le fait d’obtenir des résultats positifs ou d’interpréter les actions mises en oeuvre comme ayant réussi, favorise la récurrence et par conséquent la construction des CD (Altintas, 2015a).
La troisième phase du processus de construction se caractérise par l’évolution de la CD à travers le développement de compétences et capacités, dont l’entreprise ne disposait pas initialement ou qu’elle a renforcées tout au long du processus d’internationalisation.
4.2. Explication de la construction de la capacité dynamique par des facteurs processuels
Dans le cadre de notre deuxième contribution, notre recherche explique comment une petite entreprise fait face aux coûts de développement d’une CD qui, selon la littérature, sont importants (Ambrosini et Bowman, 2009 ; Winter, 2003 ; Zahra, Sapienza et Davidsson, 2006) et que les PME ne peuvent que difficilement supporter en raison de leurs ressources limitées (Weerawardena et al., 2007). Notre étude permet d’avancer deux facteurs processuels qui ont favorisé la construction de la CD : la fréquence et la progressivité de l’internationalisation.
La fréquence de l’internationalisation permet de construire une méthodologie d’analyse structurée dans le choix des marchés à prospecter, dans les modalités de pénétration des marchés, dans les modalités juridiques et financières de sécurisation des opérations internationales. Ainsi, plutôt que de développer un nouveau processus (résolution de problème ad hoc) lors de chaque internationalisation, l’entreprise a intérêt à utiliser le même processus pour gagner en efficacité et créer des routines aux différentes phases de prospection, de commercialisation et de contractualisation (Luo, 2000). Lorsque la fréquence de l’internationalisation est élevée, l’existence d’un processus stable et structuré (Zollo et Winter, 2002) permet de gagner du temps dans la mise en oeuvre des réponses pour développer les activités à l’international. Le maintien dans le temps des CD implique des investissements qu’une démarche de résolution de problème ad hoc, relevant davantage de l’improvisation, ne génère pas. Les coûts de la résolution de problème ad hoc diminuent en effet en l’absence de problème à résoudre, tandis que les CD doivent être préservées et maintenues dans le temps (Winter, 2003). Le maintien de la CD est donc ici justifié par le développement récurrent des activités sur de nouveaux marchés.
Le deuxième facteur processuel expliquant la construction d’une CD par une petite entreprise est la progressivité de l’internationalisation. Celle-ci contribue à diminuer les coûts de recherche d’opportunités dans la mesure où l’entreprise diminue les risques d’inadaptation au nouvel environnement abordé (Moalla, 2011) et permet d’adapter peu à peu l’amplitude de l’internationalisation aux capacités d’apprentissage de l’entreprise, en équilibrant les ressources internes et les opportunités du marché. La progressivité a concerné l’intensité et l’étendue de l’internationalisation. L’étendue pose la question du choix des marchés cibles alors que l’intensité pose celle du nombre. Ces questions sont liées à un processus graduel d’internationalisation que les modèles de Johanson et Vahlne (1977 et 2009) essaient d’expliquer. Le dirigeant privilégie, dans la phase de formation et de premier déploiement de la CD, un développement international sur quelques marchés proches géographiquement, ce qui facilite la construction de relations personnelles avec les agents commerciaux et les clients. Cette proximité, caractéristique du fonctionnement de la petite entreprise, est à la base de la constitution de connaissances expérientielles, mais également de réseaux d’affaires définis comme « l’ensemble des relations variées, proches et durables [de la firme] avec des fournisseurs et des clients importants » (Johanson et Vahlne, 2009, p. 1414). Cette proximité avec les membres des réseaux commerciaux est créatrice de confiance et constitue un vecteur d’acquisition plus rapide de connaissance des marchés.
Dans la seconde phase de déploiement de la CD, l’intensité et l’étendue de l’internationalisation sur les pays asiatiques se sont accrues sous l’effet de la constitution du groupement d’exportateurs que l’on peut considérer comme étant à la fois un réseau calculatoire (Huggins, 2010), fondé sur des liens interorganisationnels dans une logique d’affaires et un réseau social fondé sur des liens interpersonnels entre les dirigeants des entreprises membres. Il constitue un moyen pour les membres d’accéder plus rapidement à de nouvelles connaissances. Ce cas révèle deux logiques dans le choix des marchés cibles : l’insertion dans des réseaux conformément au modèle revisité de Johansen et Vahlne (2009) et la réduction de la distance psychique conformément à leur modèle initial de 1977. Le premier pays asiatique pénétré est en effet la Malaisie, pays jugé davantage compatible avec l’expérience de l’entreprise française en termes de mode de pensée. Le choix de pays compatibles avec l’entreprise facilite la combinaison des connaissances nouvellement acquises et des connaissances existantes. Ainsi, les deux logiques sont mobilisées cumulativement par le dirigeant et visent au renforcement de la capacité d’absorption (Noblet et Simon, 2010).
4.3. Les facteurs de type contenu favorables à la construction de la capacité dynamique
La troisième contribution de notre article est relative aux facteurs qui favorisent la construction d’une CD par une petite entreprise. Alors que la littérature sur les CD énonce des facteurs liés aux caractéristiques managériales (Adner et Helfat, 2003 ; King et Tucci, 2002 ; Helfat et Martin, 2015) et aux mécanismes de l’apprentissage (Zollo et Winter, 2002 ; Zollo et Singh, 2004 ; Kale et Singh, 2007 ; Singh, Dyer et Kale, 2007), notre recherche permet d’identifier d’autres facteurs organisationnels et environnementaux.
Ainsi, si l’entrepreneur est appréhendé comme la clé de voûte dans l’internationalisation rapide de son entreprise (Cabrol et Favre-Bonté, 2011, Weerawardena et al., 2007), il en est également ainsi lorsque l’internationalisation est plus progressive. Nous avons identifié les caractéristiques managériales relatives au capital humain, au capital social, à la cognition managériale (Adner et Helfat, 2003) et l’esprit entrepreneurial (Teece, 2007a) en les appréhendant à travers le prisme de l’internationalisation.
La cognition managériale et le capital managérial humain s’expriment par l’orientation internationale du dirigeant qui renvoie à une vision positive des activités internationales et à une propension à adopter un comportement favorable aux cultures étrangères, conduisant à une attitude proactive par rapport à l’identification des opportunités sur les marchés. Cette orientation internationale résulte des prédispositions personnelles du dirigeant, mais aussi de son exposition aux cultures étrangères et donc de ses expériences passées (Leonidou et Katsikeas, 1996 ; Oviatt et McDougall, 1994). Les expériences professionnelles du dirigeant ont permis la constitution d’un stock initial de compétences en affaires internationales qui lui ont fourni les ressources nécessaires au développement et à la pérennisation des activités sur le premier marché européen. Ces compétences ont été couplées aux compétences managériales acquises sur le marché local. La capacité à motiver et à impliquer ses proches collaborateurs dans l’aventure de l’international participe de la construction d’une orientation internationale de l’équipe et de l’organisation.
Outre le capital humain et la cognition managériale, notre recherche permet également de comprendre le rôle du réseau dans le développement de la CD d’internationalisation de la petite entreprise. Dans notre cas d’étude, le réseau personnel du dirigeant a permis la création d’un groupement d’exportateurs, que l’on peut qualifier de réseau calculatoire (Huggins, 2010). Ce cas illustre l’influence prégnante du réseau dans le développement international des petites entreprises, palliant les effets du manque de ressources et de compétences internes (Coviello et Munro, 1995). Alors que la littérature a montré l’effet de l’intégration dans des réseaux sur la rapidité du développement international des entreprises nées globales (Beddi, Bueno-Merino et Coeurderoy, 2012 ; Oviatt et McDougall, 2005 ; Colovic, 2013 ; Mira-Bonnardel, 2015 ; Catanzaro, Messeghem et Sammut, 2012), notre cas illustre comment la constitution de réseaux participe au développement d’une CD d’internationalisation dans le cas d’une internationalisation progressive d’une petite entreprise.
Dans ce contexte, la forte implication du dirigeant dans l’exercice des tâches opérationnelles à l’étranger, sa polyvalence et la proximité créée avec les clients, contribuent à la réussite du processus d’internationalisation. Cette proximité fonctionnelle (Torrès, 2003b) constitue une particularité du fonctionnement des entreprises de petite taille. Dans notre cas d’étude, la proximité avec les clients, les collaborateurs, l’environnement local institutionnel a constitué un facteur essentiel au développement de la CD d’internationalisation alors qu’elle aurait pu théoriquement entraver son développement en constituant une force d’inertie par manque de disponibilité. Toutefois, notre étude montre que le déploiement de la CD nécessite un équilibre entre les activités opérationnelles du dirigeant et les activités stratégiques, sources de son développement.
Sur le plan organisationnel, notre étude montre que la constitution d’un réseau facilite le développement des compétences internationales d’affaires de l’entreprise et la capacité d’absorption au moindre coût (Zahra et Georges, 2002). La capacité d’absorption ne produit pas directement des résultats organisationnels ; elle constitue une capacité modératrice (Noblet et Simon, 2010) à travers le développement des capacités marketing. L’exploitation des connaissances marché permet en effet à l’entreprise de développer une capacité marketing en choisissant les pays et marchés qu’il est opportun de prospecter, les modes appropriés de pénétration des marchés et d’implantation. Outre l’importance de la capacité d’absorption, notre étude montre également que la construction d’une CD par une petite entreprise est favorisée par la rationalisation des coûts. L’entreprise étudiée a mis en place deux modes de rationalisation des coûts : le recrutement d’apprentis et le recrutement de personnel en collaboration avec d’autres sociétés.
La souplesse de la structure ainsi que la liberté accordée par le siège américain ont également contribué à la construction de la CD. Notre cas illustre le lien entre l’autonomie de la filiale et le développement de ses capacités entrepreneuriales (Birkinshaw, Hood et Young, 2005 ; Ambos, Andersson et Birkinshaw, 2010), ce qui a joué un rôle clé dans le développement de la CD d’internationalisation. En effet, la capacité du dirigeant à opérer des choix stratégiques n’est pas obérée par le statut de filiale de la société. Conformément aux résultats des travaux antérieurs (Birkinshaw, Hood et Young, 2005 ; Ambos, Andersson et Birkinshaw, 2010), le développement et la croissance de la filiale reposent sur ses propres capacités entrepreneuriales, qui se sont exprimées tout au long du processus par l’identification par le dirigeant d’opportunités et l’engagement de ressources pour exploiter les opportunités d’affaires internationales.
Notre étude fait également ressortir des facteurs environnementaux favorables à la construction de la CD. Alors que les travaux de la littérature soulignent l’importance de développer des CD dans les industries hypercompétitives (Teece, 2007a), notre étude montre que le caractère oligopolistique d’une industrie peut favoriser la construction d’une CD. En effet, la croissance du secteur d’activité et son caractère oligopolistique ont constitué un facteur favorable à la construction de la CD. Ceci permet à l’entreprise de ne pas mener des actions de prospection « tous azimuts » (directeur export), qui sont chronophages et généralement peu rentables.
Outre la caractéristique de l’industrie, d’autres facteurs environnementaux peuvent favoriser la construction d’une CD. Ainsi, les institutions consulaires et les collectivités locales peuvent également contribuer à créer un milieu internationalisant (Fourcade, 2002 ; Torrès, 2003a) facilitateur de la croissance et de la pérennité de la petite entreprise sur les marchés étrangers. Elles peuvent en effet fournir aux PME des infrastructures de communication, des prestations spécialisées assurées par des organismes publics ou par des entreprises privées (Laghzaoui, 2009). Ainsi, au-delà des instruments classiques d’accompagnement des entreprises à l’international (réalisation de missions collectives à l’étranger par exemple), la chambre consulaire internationale de la région Hauts-de-France a développé une stratégie de création et d’accompagnement de groupements d’exportateurs en apportant un large soutien administratif et financier. Le développement des activités internationales résulte des opportunités créées par des contacts du réseau, en cohérence avec les décisions stratégiques de chaque dirigeant membre du groupement (Coviello et Munro, 1995).
Conclusion
L’objectif de notre article était de comprendre comment une petite entreprise parvient à construire une CD d’internationalisation. Notre recherche apporte plusieurs contributions à la littérature sur les CD. La construction d’une CD d’internationalisation résulte de l’interaction d’un ensemble de facteurs de type processuel telles la fréquence et la progressivité de l’internationalisation, et des facteurs de type contenu de natures managériale (Adner et Helfat, 2003 ; Luo, 2000 ; Weerawardena et al., 2007), organisationnelle et environnementale. La primauté des facteurs managériaux s’explique par le fonctionnement proxémique de la petite entreprise et la centralité de son fonctionnement autour du dirigeant. Parmi les facteurs organisationnels, on note l’importance de la capacité d’absorption, la capacité de réseautage, la capacité marketing ainsi que la capacité à optimiser les ressources. Nos résultats montrent également que le caractère oligopolistique du marché a favorisé la construction de la CD. Au plan managérial, notre recherche offre des perspectives optimistes en montrant comment une petite entreprise peut développer une CD d’internationalisation. Cela permet d’envisager la manière de dépasser les sources de vulnérabilité de ces entreprises à l’international. Au niveau du dirigeant de petite entreprise, les facteurs de type contenu favorables à la construction de la CD mettent l’accent sur l’importance de sa réflexion et de sa veille stratégiques ainsi que de ses caractéristiques managériales comme éléments essentiels à toute démarche pérenne d’internationalisation. Au niveau institutionnel, le cas illustre l’importance que les structures d’accompagnement doivent accorder à l’intégration des entreprises dans des réseaux interorganisationnels et au développement du capital relationnel.
Il est important cependant de tenir compte des limites de notre recherche. La première limite est en effet relative à l’étude d’un cas unique qui ne permet pas de généraliser les résultats, d’autant que la construction d’une CD repose sur une combinaison idiosyncrasique de ressources et de compétences inhérente au contexte spécifique de l’entreprise. Comme toute étude qualitative, cette recherche ne prétend pas à une généralisation statistique. L’étude doit être étendue à d’autres cas en vue d’éprouver les mécanismes générateurs révélés dans d’autres contextes et d’élaborer un modèle visant à évaluer le rôle des différentes capacités impliquées dans la construction de la CD d’internationalisation. La deuxième limite est relative à la spécificité sectorielle et organisationnelle du cas étudié. L’entreprise évolue dans un marché oligopolistique au début de la formation de la CD. Enfin, la nature de l’activité de l’entreprise étudiée influe sur le processus de formation de la CD dans la mesure où l’absence d’activité de production détermine la structure de coûts qui est favorable à l’obtention d’excédents de trésorerie. Les ressources générées ont permis de déployer des nouvelles actions de prospection. Ces facteurs ont indéniablement favorisé le processus de construction de la CD. Une perspective de recherche serait donc d’étudier, à titre de comparaison, des entreprises de petite taille, qui évoluent dans des industries concurrentielles et/ou industrielles, afin d’identifier comment elles parviennent à construire une CD d’internationalisation.
Parties annexes
Notes biographiques
Isabelle Alphonse-Tilloy est maître de conférences à l’Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis en sciences de gestion. Ses travaux en gestion concernent les modalités de construction et d’appropriation par les acteurs des dispositifs de gestion dans un contexte de PME et d’organisations de petite taille.
Gulsun Altintas est maître de conférences à l’IAE de Valenciennes où elle enseigne la stratégie et la théorie des organisations. Ses travaux de recherche portent sur les capacités dynamiques et la résilience. Ses principaux travaux ont été publiés dans M@n@gement et Management international.
Notes
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[1]
Nous remercions très sincèrement les évaluateurs de la revue pour leurs précieux commentaires qui nous ont grandement permis de faire évoluer le papier jusqu’à sa publication.
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[2]
Le volontariat international en entreprise (VIE) a été instauré par la loi du 14 mars 2000. Il permet aux entreprises françaises de confier à un individu, jusqu’à 28 ans, une mission professionnelle commerciale, technique, ingénierie, marketing, finance, etc. à l’étranger durant une période modulable de 6 à 24 mois.
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