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Entrepreneuriat et projet sont étroitement liés autour de la notion de processus servant de fil directeur à cet ouvrage collectif coordonné par Robert Paturel. Son originalité repose sur les terrains analysés, à savoir les pays émergents, et sur sa visée opérationnelle affirmée par les 14 auteurs impliqués. L’ouvrage regroupe une sélection de contributions issues du 20e Colloque fédérateur du Centre d’études sur le développement international et les mouvements économiques et sociaux (CEDIMES) de novembre 2010 à l’Université Laval de Québec.
L’ouvrage est structuré en trois grandes parties précisant les modes de développement de l’entrepreneuriat dans les pays émergents.
La première partie s’intéresse aux rôles des institutions de formation dans le développement de l’entrepreneuriat des pays émergents. Maripier Tremblay et Yvon Gasse présentent les résultats d’une étude comparative internationale sur les perceptions et les intentions entrepreneuriales des étudiants universitaires. Menée dans six pays (Canada, Tunisie, France, Roumanie, Royaume-Uni et Colombie), cette vaste recherche est riche d’enseignements par la confirmation de résultats antérieurs (rôle de la culture nationale sur l’intention entrepreneuriale, par exemple), tout en bousculant quelques idées reçues, notamment sur l’influence réelle des cours en entrepreneuriat sur l’esprit d’entreprise des étudiants… Robert Paturel et Van Trang Tran étudient l’effet des programmes de formation à l’entrepreneuriat au Vietnam au travers des clubs « Étudiants-Entrepreneurs » d’Hanoï. Trois échantillons d’étudiants en gestion ont été mobilisés pour comparer les effets des méthodes de sensibilisation à l’entrepreneuriat (module de cours, clubs « Étudiants-Entrepreneurs »). Les résultats montrent que ces outils sont parfaitement complémentaires pour influencer l’intention de créer des étudiants, confirmant la pertinence d’une pédagogie par projet pour enseigner l’entrepreneuriat. Thierry Lévy-Tadjine et Lena Saleh proposent un travail original sur l’intention entrepreneuriale des étudiantes au Liban, l’accompagnement des femmes entrepreneures dans ce pays étant un sujet confidentiel. Réalisée auprès de 400 étudiantes des six principaux établissements d’enseignement supérieur du grand Beyrouth, l’étude montre que leur intention entrepreneuriale est comparable indépendamment de l’existence ou non d’un dispositif visant à encourager l’entrepreneuriat, ce qui questionne l’intérêt de développer davantage ce type de sensibilisation dans ce pays… ou du moins, invite à une remise à plat des approches privilégiées actuellement.
La deuxième partie présente quelques techniques spécifiques de développement de l’entrepreneuriat dans les pays émergents. Robert Paturel et Inaya Wahidi suggèrent une modélisation de la création d’entreprises en Afrique par les entrepreneurs libanais en ubiquité résidentielle (ou émigrés avec des résidences alternées pour des raisons d’activité professionnelle). Une étude exploratoire auprès de dix entrepreneurs libanais permet un essai de modélisation de ces situations entrepreneuriales articulées autour de six principaux déterminants comme l’imitation des modèles entrepreneuriaux en ubiquité résidentielle ou encore la culture libanaise. Robert Paturel et Imen Atitallah s’intéressent à l’essaimage en Tunisie comme un choix politique encouragé par une loi de juillet 2005. L’étude menée auprès de 9 entreprises étatiques et 22 sociétés privées tunisiennes révèle que la pratique de l’essaimage est appréhendée « comme [une] politique imposée aussi bien pour l’entreprise que pour le salarié afin de résoudre certains problèmes touchant la population tunisienne. » et « comme un moyen pour le salarié d’améliorer sa situation financière et sociale et de lui faire profiter des avantages accordés par l’État. » En résumé, l’essaimage demeure mal connu et mal maîtrisé dans le contexte tunisien, alors qu’il constitue un puissant levier pour développer l’entrepreneuriat dans ce pays sous réserve d’un recours non détourné de sa philosophie initiale. Thi Hong Van Pham, Josée St-Pierre et Josée Audet présentent les résultats d’un vaste travail sur le financement bancaire des PME vietnamiennes portant sur la validation des critères d’accès selon les agents de crédit. L’objectif est clairement de faciliter la démarche de financement de ces PME, des organisations jeunes dans cette économie en transition. Pour vérifier leur modèle théorique basé partiellement sur les spécificités du Vietnam, les auteurs se sont appuyés sur deux enquêtes quantitatives d’envergure (984 PME au total) complétées par 28 entretiens approfondis avec des agents de crédit. Un apport essentiel de cette étude est la mise en évidence de variables spécifiques dans le processus d’octroi de crédit aux PME vietnamiennes, fort utiles aux acteurs de proximité pour accompagner ces entreprises dans leur développement.
La troisième partie aborde le cas particulier des femmes dans les pays émergents sur la base d’études réalisées au Maroc, à Madagascar et en Turquie. Sophie Brière analyse l’implantation de projets d’institutionnalisation de l’égalité entre les sexes au sein de l’administration marocaine appuyée par la coopération canadienne. Elle questionne la transférabilité du modèle utilisé dans d’autres projets de développement international. Si la réussite d’un tel projet tient essentiellement à l’implication des parties prenantes dans la gouvernance et la mise en oeuvre des activités sur le terrain, elle reste néanmoins soumise à des conditions d’appropriation dans la durée difficilement maîtrisables que l’auteur reprend sous la forme de quatre paradoxes. Robert Paturel et Laza Dina-Berger dressent un panorama de l’évolution des entreprises informelles des femmes malgaches, un phénomène important, mais peu étudié. Sur la base des 21 femmes entrepreneures rencontrées, les auteurs proposent un modèle des entreprises informelles malgaches inspiré des modèles de métamorphose auxquels ils ajoutent des sous-stades. Ce travail souligne également le potentiel des réussites entrepreneuriales en l’absence d’apport financier extérieur. Robert Paturel et Sibel Tokatlioglu questionnent la faiblesse de l’entrepreneuriat des femmes en Turquie. Basée sur des entretiens avec dix femmes entrepreneures turques aux parcours variés, l’étude conclut à un manque de désir de création comme principale explication. Le chemin vers l’entrepreneuriat féminin en Turquie semble semé d’embûches : accès au financement, recherche de nouveaux marchés, lourdeur des procédures, sans oublier le regard méprisant porté sur les femmes qui se lancent dans cette aventure.
En bref, cet ouvrage propose une plongée dans l’entrepreneuriat des pays émergents au travers de contributions originales permettant de découvrir des approches et pratiques hétérogènes, tout en invitant à la plus grande prudence tant les spécificités demeurent nombreuses en la matière.