Plus de 70 % des PME qui survivent aux premières années suivant leur création restent petites. Moins du quart croissent, mais le plus souvent lentement et sporadiquement. Seules, 5 à 10 % croissent plus rapidement. Un certain nombre de ces dernières deviennent des gazelles et ainsi quelques-unes passent au rang de moyennes sinon de grandes entreprises. La question de la croissance semble donc un sujet de peu d’importance dans le monde des PME. Pourtant, comme l’avait bien analysé Edith Tilton-Penrose (1959), cette question sinon cette énigme de la croissance demeure toujours importante, puisque la majorité des nouveaux emplois pérennes proviennent de ces entreprises qui croissent et que l’effet de ces dernières sur le développement régional, voire national, et sur le changement par l’effet de la destruction créatrice dans l’économie, comme l’exprimait Schumpeter, est souvent très grand. Cet impact s’explique non seulement par cette création d’emplois et des ressources qu’elle requiert et qui servent par la suite aux autres entreprises, mais aussi par ses effets sur le dynamisme régional puisque ces entreprises créatrices d’emplois incitent d’autres firmes à suivre leurs traces par mimétisme ou par concurrence (Julien, Mustar et Estimé, 2001). On sait qu’il existe un très grand nombre de raisons qui expliquent la croissance de ce petit nombre d’entreprises contrairement à certaines autres, et qu’elles relèvent d’un choix délibéré et donc d’une stratégie entrepreneuriale ou encore du hasard, sinon des deux. Comme l’expliquait Marchesnay (1993) en distinguant les entreprises CAP, soit celles qui accordent une grande importance à la croissance même au prix de l’autonomie et de la pérennité, des PIC ou de la majorité d’entre elles qui préfèrent la pérennité et l’indépendance à cette croissance. Il est donc important d’en comprendre les causes et les conditions et d’en voir les limites. C’est la pertinence et, ainsi, la qualité première de ce petit ouvrage de Frank Janssen de poser la question dans toutes ses dimensions et d’en démontrer l’utilité, y compris pour les entrepreneurs que la croissance n’intéresse pas ; ils doivent en connaître les conditions, mais aussi les dangers pour bien contrôler les éléments à la base de leur développement. Car les concepts de croissance et de développement sont bien différents, le développement étant nécessaire pour toute entreprise qui doit évoluer avec des technologies et des marchés changeants, même si la firme n’envisage pas de croître. L’ouvrage commence d’ailleurs par définir ce qu’est la croissance et par discuter des différents critères ou mesures pour l’évaluer et pour la distinguer de la performance. Il insiste aussi sur les différences entre la croissance interne et la croissance par acquisition ou selon ces deux modes. Il va sans dire que cela complique l’analyse quand les statisticiens doivent considérer l’évolution des entreprises et tenir compte de leur nombre, puisqu’une partie des disparitions proviennent de ces fusions ou tout simplement de l’achat de l’achalandage des unes ou des autres. D’ailleurs, des études récentes montrent que la définition scientifique de la performance est fort éloignée de ce qu’en pensent les entrepreneurs (St-Pierre et Cadieux, 2009). Le chapitre 2 présente une nécessaire critique de la théorie économique voulant qu’il faille croître coûte que coûte lorsque le marché l’exige et en raison des énormes avantages inhérents aux économies d’échelle, une « vache sacrée », rarement vérifiée dans les faits, qui voudrait non seulement justifier l’efficacité de la grande entreprise, mais la nécessité des petites de les imiter pour se développer. Or, au cours des trente dernières années, on a démontré hors de tout doute que les PME ne sont pas des petites-grandes entreprises et qu’elles sont tout à fait capables d’exister avec une taille modeste durant vingt, …
Parties annexes
Bibliographie
- Julien, P.A., F. Mustar et M.F. Estimé (2001), « Les gazelles, numéro thématique sur les PME à forte croissance », Revue internationale PME, vol. 14, nos 3-4.
- Lucas, R.E. (1978), « On the size distribution of business firms », Bell Journal of Economic, vol. 9, no 4, p. 508-523.
- Marchesnay, M. (1993), Management stratégique, Paris, Eyrolles.
- Oi, W.Y. (1983), « Heterogeneous firms and the organization of the production », EconomicInquiry, vol. 23, no 2, p. 147-171.
- St-Pierre, J. et L. Cadieux (2009), « La conception de la performance : quels liens avec le profil entrepreneurial des propriétaires-dirigeants de PME ? », Actes du 6e congrès del’Académie de l’entrepreneuriat, Sofia-Antipolis.
- Tilton-Penrose, E. (1959), The Theory of the Growth of the Firm, Oxford, Oxford University Press, 272 p.