En 2000, Shane et Venkataraman évoquaient les promesses du champ de l’entrepreneuriat en tant que discipline scientifique. Cet article allait permettre de désacraliser le champ de l’entrepreneuriat en proposant, notamment, de l’étudier sous un autre angle que celui de la création d’entreprise. Auparavant, l’entrepreneuriat était en effet étroitement associé à la création d’entreprise (Bruyat, 1993), la reprise d’entreprise ayant longtemps été délaissée par les chercheurs, qui la considéraient comme une forme de création d’entreprise, ou une variante des croissances externes (Deschamps, 2000). Parallèlement, en 2001, dans le cadre d’une revue exhaustive de la littérature en entrepreneuriat, Ucbasaran, Westhead et Wright relevaient différentes stratégies de démarrage d’entreprise : la première caractérise ceux qui fondent leur entreprise de toutes pièces (ex nihilo) ; la deuxième est adoptée par les successeurs, donc ceux qui héritent de l’entreprise familiale ; et la troisième est mise en oeuvre par les propriétaires-dirigeants qui choisissent la carrière entrepreneuriale par le biais d’une reprise ou d’un rachat d’entreprise. Plus tard, soit en 2005, Verstraete et Fayolle incluaient la reprise dans l’un des paradigmes de l’entrepreneuriat en y associant l’idée d’impulsion. Progressivement, le « repreneuriat » s’impose donc comme une pratique entrepreneuriale tant par la communauté scientifique que professionnelle. Et ce, d’autant plus que les transmissions/reprises d’entreprise constituent un phénomène qui prend de l’ampleur dans les pays industrialisés (la pyramide des âges des dirigeants indique un nombre considérable d’entreprises ayant à passer la main). Dans une perspective économique, l’enjeu est capital, le « repreneuriat » présentant des avantages importants allant au-delà du maintien des emplois et de la production des pays touchés par le phénomène. Par exemple, bien que les créations ex nihilo soient plus dynamiques en termes de croissance et d’emplois (Counot et Mulic, 2004), selon OSÉO (2006, p. 17), « choisir de reprendre une entreprise assure un taux de pérennité plus fort, puisque parmi les entreprises créées en 1998, six reprises sur dix sont toujours en activité cinq ans après, contre cinq sur dix pour les créations pures ». Comparé à la création ex nihilo, le « repreneuriat », qu’il prenne la forme familiale ou non, pose des défis particuliers. À ce sujet, le rapport d’OSÉO (2005) relève la présence de plusieurs problèmes d’importance après la reprise : le manque de compétences ou de productivité des ressources humaines existantes dans l’entreprise reprise ou héritée ; la trésorerie souvent défaillante ; les équipements de production inadéquats ou non compétitifs ; la perte d’un client ou d’un fournisseur important ; le manque d’information sur le fonctionnement interne de l’entreprise ; les mauvaises relations avec les salariés déjà embauchés par l’ancien propriétaire-dirigeant ; les difficultés personnelles d’adaptation à la nouvelle tâche de dirigeant ; le contrôle fiscal ; enfin, le respect des normes gouvernementales. L’actualité et la complexité de ce phénomène suscitent, depuis les 10 dernières années, la curiosité de plus en plus de chercheurs provenant de différentes disciplines. Dans les premières années, les organisateurs des congrès scientifiques ne savaient pas où classer cette thématique (parfois dans les stratégies d’entreprise, rarement dans une session consacrée à l’entrepreneuriat), alors qu’aujourd’hui nous pouvons nous permettre d’y consacrer un numéro thématique dans la Revue internationale PME. Mais pourquoi parler plus spécifiquement de « repreneuriat » dans ce numéro spécial ? Pour en souligner la modernité ? Pour marquer sa singularité ? Pour défendre cette notion, trop longtemps marginalisée ? Ou pour inciter à une réflexion spécifique sur cette pratique, à l’heure où les organismes statistiques sont incapables de la chiffrer correctement ? En empruntant à Marchesnay (2007), dans son essai sur la rhétorique entrepreneuriale en France, nous proposons ce …
Parties annexes
Bibliographie
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