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J’avais déjà eu l’occasion de faire le bilan du livre de Catherine Léger-Jarniou intitulé Réaliser l’étude de marché de son projet d’entreprise lors de sa première édition en 2000. Huit ans plus tard, l’auteure propose la 3e édition, toujours dans la collection « Entrepreneurs » chez Dunod. Cette collection regroupe quelque 22 ouvrages pratiques s’adressant à ceux qui veulent se lancer en affaires ou obtenir de précieux conseils, quelle que soit la discipline des sciences de la gestion. J’ai déjà eu l’occasion d’assurer des notes de lectures de certains des ouvrages de cette collection et j’en pense le plus grand bien.
Comme le bon vin, l’ouvrage et l’auteure se sont bonifiés avec le temps. Catherine Léger-Jarniou est maître de conférences dans la prestigieuse Université Paris-Dauphine, université au sein de laquelle elle enseigne la création d’entreprise. L’ouvrage, quant à lui, est plus luxuriant que la dernière édition.
Sur la forme, le contenu a certainement été augmenté avec le temps si l’on en juge par le nombre de pages. Le livre est un guide pratique qui accompagne l’entrepreneur dans la réalisation de son étude de marché. Il s’adresse de préférence à de jeunes entrepreneurs désirant se lancer en affaires n’ayant pas ou peu de notions en gestion et qui ont besoin de se référer à une démarche structurée pour réaliser leur étude de marché afin de convaincre des partenaires ou des institutions. Mais il est aussi digne d’intérêt pour des étudiants souhaitant développer une expertise dans le domaine. Enfin, je pourrais le conseiller à des consultants ou des conseillers ayant besoin d’agir auprès de PME.
Il faut mentionner que ce livre fait grandement place à l’esprit pratique et j’ai particulièrement apprécié les éléments suivants :
Les tableaux de synthèse récapitulant les points saillants des différentes parties de l’ouvrage et que le lecteur pourra utiliser à sa guise dans le cadre de sa propre démarche. On aurait pu souhaiter, comme c’est le cas pour certains manuels, des feuillets détachables, plus pratiques à utiliser ;
Les expériences vécues qui ont pour but de baliser le chemin du futur entrepreneur l’empêchant ainsi de tomber dans le piège des erreurs fréquemment commises et qui démontrent comme certains « visionnaires » ont su et pu tirer leur épingle du jeu, dans un marché saturé parfois, en choisissant un positionnement original ;
Les références utiles telles que les coordonnées d’organismes clés pour la réalisation de son projet d’entreprise ou les sites Web pertinents associés. Ce concept est fort apprécié des dirigeants, mais le livre mériterait le soutien d’un site Web pour mettre à jour ces références et en ajouter de nouvelles ponctuellement et non pas uniquement lors des éditions subséquentes ;
Les fiches pratiques nécessaires dans chacune des étapes de la construction de l’étude ;
Les tests amusants visant, par exemple, à mesurer la créativité du lecteur. À cet égard, toute une section est consacrée à la validité de son projet d’entreprise et quelques paragraphes permettent de tester son potentiel créatif.
L’ouvrage s’articule autour de trois parties, selon une approche chronologique :
préparer son étude de marché ;
réaliser l’étude de marché ;
exploiter son étude de marché : lancer et développer son entreprise.
La première partie de l’ouvrage « Préparer son étude de marché » concerne la préparation de l’étude de marché et donne le ton d’entrée de jeu en mentionnant que « 70 % des cas de défaillance ont pour origine la mauvaise qualité des études de marché », selon l’auteure citant l’Agence pour la création d’entreprises. Trois chapitres composent cette partie. Le premier d’entre eux consiste à présenter des définitions d’une étude de marché et d’un plan d’affaires (notions de base, utilité et structure d’un plan d’affaires). Le deuxième chapitre présente ce que l’on peut considérer comme le cadre conceptuel du lancement du projet. C’est en fait le processus qui est expliqué, tout comme la nature des tâches et l’organisation du travail. Enfin, le troisième chapitre permet de valider l’idée de départ en la raffinant grâce à diverses méthodes et techniques de créativité, mais également en s’intéressant aux projets qui existent déjà sur le marché. Cette approche de benchmarking (analyse des pratiques comparatives) est essentielle pour choisir sa stratégie.
Une fois l’hypothèse de départ validée et consolidée, il est ensuite possible de passer à l’étape de l’étude de marché à proprement parler ; c’est l’objet de la deuxième partie du volume. On entre alors de plain-pied dans les domaines de la stratégie d’entreprise et du marketing. Pour aider le créateur d’entreprise « en herbe », l’auteure nous liste point par point le cheminement à suivre. Dans l’étude de l’environnement, elle nous rappelle comment nous situer sur la matrice de Porter et aide le lecteur à dresser un portrait aussi exhaustif que possible de l’information à recueillir, que ce soit au niveau du marché, de la concurrence, de la demande, des fournisseurs, des produits de substitutions, de la réglementation en cours et des technologies existantes.
Mais avant de pouvoir quantifier le marché potentiel du produit, il faut pouvoir le confronter aux clients et en connaître les attentes. Après un bref exposé sur le comportement du consommateur et sur la cartographie des sociostyles de Cathelat et de son centre de communication avancée, diverses méthodes sont utilisées pour évaluer la demande potentielle. Il s’agit de la réflexion centrale du projet, celle que de nombreux entrepreneurs évitent de considérer ou estiment mal : chiffrer le marché potentiel. Certains modèles présentés dans cette partie manquent de mise à jour, étant donné qu’ils ont été bonifiés depuis lors (le modèle de Rogers, par exemple, a été complété par les travaux de Moore).
Au cours de cette partie, on se réfère alors à de la recherche marketing pure et la méthode quantitative est présentée de façon succincte mais bien concrète avec des comparaisons entre les divers types d’analyse possibles ainsi que la méthodologie à suivre : échantillonnage, réalisation du questionnaire, type d’enquête et dépouillement des résultats. Les thèmes abordés dans cette présentation du processus à suivre dans cette démarche quantitative constituent un précis que j’ai fort aimé. Les explications y sont concises et les exemples, très éclairants.
Les deux premières parties s’inscrivent dans une étape de préparation et de documentation du projet d’entreprise. Ces étapes nécessitent une documentation importante, qu’il est nécessaire de classer et d’organiser pour trouver la façon dont la bonne idée sera soumise à la bonne personne, au bon moment, au bon endroit… Ces éléments indispensables mis en place, le futur entrepreneur peut passer à l’étape de la réflexion stratégique, qui va se prolonger avec des dimensions tactiques. C’est alors là qu’interviennent les informations présentées dans la troisième partie du livre.
Celle-ci se base sur des principes fondamentaux du marketing mix (quelle politique de produit ou de service ? de prix ? de distribution ? et de communication ?). Étant professeur de marketing, je suis resté sur ma faim sur ce plan, même s’il faut se remémorer qu’il s’agit d’un livre d’initiation et à vocation pratique. L’information manquante est complétée par une bibliographie abondante de livres en marketing, dont ceux du pape de la discipline, Philip Kotler. Par ailleurs, Catherine Léger-Jarniou propose çà et là des fiches-conseils, des tableaux pratiques et des exemples concrets. Comme les dimensions du marketing mix évoluent à travers les phases du cycle de vie du projet d’entreprise, le lecteur aura tout loisir de le relire, d’approfondir ces thèmes, que ce soit par la pratique ou la lecture d’ouvrages spécialisés.
En conclusion, les deux premières parties de l’ouvrage sont de taille relativement similaire, ce qui prend tout son sens ici car ces étapes préliminaires sont essentielles dans le démarrage de toute entreprise alors que la troisième partie est plus « légère ».
Enfin, un certain nombre d’éléments ont retenu notre attention et donnent à cet ouvrage un atout par rapport à d’autres livres sur le même sujet. Le lexique est intéressant, car l’auteure se place au niveau des novices et explique les principaux termes techniques utilisés en gestion. Notons d’ailleurs que les définitions sont claires et simples. Les petites fiches permettent d’avoir un modèle pratique (tant sur la forme que sur le fond) de questions à poser et de l’information à rechercher tout au long de son cheminement. Elles constituent un « pense-bête », une liste de questions à se poser avant d’intervenir sur un quelconque projet.
On peut toutefois déplorer l’absence d’un exemple concret d’étude de marché, qui aurait permis au lecteur de lier plus facilement la théorie exposée ici à la pratique, ce qui aurait été d’une grande utilité pour le porteur du projet d’entreprise lors de sa présentation aux institutions financières et institutionnelles. Souhaitons que ces commentaires permettront de bonifier la quatrième version de cet ouvrage.