Dans leur présentation de l’ouvrage, Stéphane Paquin et X. Hubert Rioux donnent quelques clés de lecture. Ainsi, il est question du modèle québécois depuis la Révolution tranquille jusqu’à aujourd’hui, y compris son avenir. Ce modèle est considéré sous l’angle de l’intervention de l’État et des politiques économiques. Enfin, les douze chapitres résultent surtout d’études de cas sectorielles bien que les trois premiers chapitres portent sur le modèle québécois comme entité englobante. Dans le premier chapitre, Stéphane Paquin caractérise le modèle québécois comme étant constitué d’un État interventionniste fort, mais tempéré par un « néocorporatisme souple ». Dans le deuxième chapitre, Luc Bernier et Daniel Latouche esquissent l’histoire de l’État québécois en montrant comment ce dernier émerge comme un « État-nation non souverain » ou un « État infranational de type national » à la différence de l’Ontario qui est un « État infranational de type régional ». Dans le troisième chapitre, Pierre Fortin montre à partir de 12 indicateurs socio-économiques que le Québec a rattrapé et même surpassé l’Ontario à partir des années 1990. Cette réussite résulte d’« un mélange parfois surprenant de mesures conservatrices et sociales-démocrates » (Fortin, p. 80). Enfin, pour ces trois chapitres, la continuité l’emporte sur la rupture. Les huit chapitres suivants portent sur des politiques sectorielles, voire des mésomodèles québécois. Selon Luc Godbout et Michaël Robert-Angers (chapitre 4), les impôts prélevés et les dépenses réalisées par l’État québécois sont les plus élevés au Canada. Cette situation demeure viable en raison des efforts de réduction fiscale, mais elle pourrait devenir problématique avec les investissements élevés qu’exige la transition écologique. Marc-Urbain Proulx (chapitre 5) laisse voir que le Québec a été un laboratoire qui a permis des expérimentations dans plusieurs directions pour la planification du développement régional. Les apprentissages réalisés ont permis une gestion plus efficiente, mais l’encadrement technocratique a entraîné une perte de la capacité d’innovation et de mobilisation. X. Hubert Rioux (chapitre 6) et Léopold Beaulieu (chapitre 7) caractérisent le modèle québécois dans les entreprises collectives : le premier à partir d’une étude d’Investissement Québec qui pourrait devenir la banque d’investissement du Québec et le second à partir de Fondaction et des fonds fiscalisés pour une « nouvelle Révolution tranquille ». Dans les deux cas, la transition écologique ouvre des axes d’investissement potentiellement synergiques. De même, à partir de la transition énergétique, Gilles L. Bourque et Robert Laplante (chapitre 8) suggèrent un renouveau des politiques industrielles susceptibles de s’harmoniser avec les politiques territoriales. Toutefois, cela suppose une mobilisation d’acteurs et d’institutions qui ne se limitent pas au secteur financier. Les trois derniers chapitres sectoriels mettent en évidence des insuffisances plus marquées, voire des dérives. Ainsi Marie-Claude Prémont (chapitre 9) rappelle que le modèle d’Hydro-Québec issu de la Révolution tranquille visait non seulement l’accès à l’électricité pour l’ensemble de la population, mais aussi l’industrialisation des régions, d’où l’interdiction de l’exporter. Les grandes réformes d’Hydro-Québec à partir des années 1980 et 1990 constituent « une œuvre de destruction » de ce modèle (Prémont, p. 190). Annie Chaloux (chapitre 10) considère que le modèle québécois de luttes aux changements climatiques est le plus avancé en Amérique du Nord. Toutefois, les résultats en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ne sont pas au rendez-vous en raison surtout du transport dont les émissions n’ont pas cessé d’augmenter depuis 1990. Enfin, Diane-Gabrielle Tremblay (chapitre 11) explique que le marché de l’emploi s’est transformé avec l’augmentation des emplois précaires et nomades sous la poussée de la mondialisation et de l’industrie 4.0. Au Canada et même au Québec, les politiques passives de l’emploi …
Stéphane Paquin et Xavier Hubert Rioux (dir.), La Révolution tranquille, 60 ans après. Rétrospective et avenir, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 2022, 273 pages[Notice]
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Benoît Lévesque
Professeur émérite de l’UQAM et membre émérite du CRISES, levesque.benoit@uqam.ca