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Katharina Pistor, The Code of Capital: How the Law Creates Wealth and Inequality, Princeton, Princeton University Press, 2019 / Le code du capital, Paris, Seuil, 2023 [Notice]

  • Franck Jovanovic

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  • Franck Jovanovic
    Professeur d’économie et de finance, Université TELUQ, franck.jovanovic@teluq.ca

Dans Le code du capital, Katharina Pistor s’attache à décrypter le rôle du droit privé dans la formation du capital. Son argument de base est qu’avec le bon codage juridique, tout objet, promesse, idée ou savoir-faire peut être transformé en un bien capital. L’auteure identifie alors quatre attributs d’un bien capital : la priorité; la durabilité; l’universalité et la convertibilité. Le codage du capital consiste donc à greffer ces quatre attributs sur certains actifs, créant ainsi de la richesse pour leurs détenteurs et des inégalités pour les autres. Katharina Pistor soulève alors un dilemme auquel nos sociétés sont aujourd’hui confrontées : soutenir les capitalistes (c.-à-d. ceux qui possèdent le capital) et qui, selon les termes de l’auteure, cherchent à accaparer la loi à leur profit, ou faut-il soutenir les peuples qui tentent désespérément de reprendre leur destin en main. Pourquoi soutenir les capitalistes? Comme l’explique l’auteure, il existe une forme de contrat sociétal et moral selon lequel l’enrichissement de ceux qui possèdent le capital doit permettre in fine une augmentation de la richesse collective et du bien-être collectif. C’est ce contrat sociétal et moral, souvent implicite, qui aurait motivé les États à garantir de nouveaux droits aux détenteurs du capital : Pourquoi soutenir les peuples ? Car les peuples sont l’essence même des États dits démocratiques. Le dilemme n’est finalement qu’apparent, car, force est de constater que le contrat sociétal et moral, qui justifierait de soutenir les capitalistes, ne fonctionne pas de nos jours. L’augmentation des inégalités économiques en est une preuve. Plusieurs raisons sont avancées par l’auteure pour expliquer l’échec actuel de ce contrat. Voici celles qui ont le plus attiré mon attention : Le code du capital apporte un éclairage pertinent pour comprendre certains éléments juridiques ayant permis à la finance offshore de se mettre en place; c’est avec cette perspective que j’ai lu avec intérêt l’ouvrage. Aussi, je vais revenir tout d’abord sur deux premières raisons et les discuter au regard de la finance offshore. Je discuterai ensuite d’autres éléments de l’ouvrage qui ont retenu mon attention. Rappelons brièvement que la finance offshore désigne les stratagèmes financiers qui passent par des juridictions offshores, comme les paradis fiscaux ou les centres financiers offshores. Les juridictions offshores jouent le rôle de conduits qui permettent de transformer certaines caractéristiques des flux financiers. Plus précisément, les flux financiers ne font que transiter par ces juridictions : ils y entrent avec une certaine couleur, par exemple en rouge, et en ressortent avec une autre, par exemple en jaune. Grâce aux conventions fiscales entre les pays et à l’internationalisation des droits nationaux, notamment des droits privés, les juridictions offshores permettent de faire un peu prêt tout ce que l’on veut, et cela de manière parfaitement légale. Par exemple, des redevances en passant par les Pays-Bas ressortent sous forme des dividendes; donc si les dividendes sont moins imposés ou plus liquides dans votre pays que les redevances, il vous suffit de faire transiter les flux financiers par les Pays-Bas pour les rendre plus liquides et moins imposés. Revenons sur les deux arguments de Katharina Pistor. Premier élément, l’opacité et le manque de transparence. Un des éléments importants de la finance offshore est l’opacité obtenue par les outils financiers offshores eux-mêmes, à savoir les comptes bancaires offshores, les trusts, les sociétés offshores, etc. L’auteure complète cette liste d’outils offshores participant à l’opacité en expliquant que le droit privé devient lui-même de plus en plus opaque (dans le sens de caché). « Les modules juridiques utilisés sont souvent complexes, cachés dans un droit et une jurisprudence obscure, et tout se déroule généralement à l’abri des …

Parties annexes