Résumés
Résumé
La projection est-elle l’autre nom de la perspective centrale ? Incontestablement; mais si la méthode est bel et bien à l’oeuvre chez les artistes dès le 15e siècle, il ne faudra pas moins de deux siècles pour la nommer comme telle. Nous tenterons de comprendre sur quoi repose pareil décalage entre un nom (la projection) et sa pratique (la perspective). L’article se propose de définir la méthode projective en remontant aux sources des premières mises en perspective au 15e siècle, afin de rendre compte du rôle déterminant du miroir dans les nouvelles images. Filippo Brunelleschi, Leon Battista Alberti et Jan van Eyck sont les principales figures de la transformation de la perspective en méthode projective.
Abstract
Is “projection” simply another word for “perspective”? While this is quite certainly the case, the method was installed at least two centuries before the term “projection” came into use. This article, then, concerns itself with the gap between practice (perspective) and its designation (projection) by putting forth a definition of the projective method that draws on first experiments with perspective dating back to the early 1400s in Europe. In particular, this approach places a great deal of emphasis on the major role of the mirror in these new images: thus, Brunelleschi, Alberti and Jan van Eyck become the principal figures of the transformation of perspective into projection.
Corps de l’article
Tout ouvrage sur la perspective, de nos jours du moins, commence par exposer la méthode de la projection[1]. Il n’y a, en effet, pas d’autre moyen visuel pour représenter sur une surface plane ce qu’on voit devant soi et autour de soi : on fait comme si l’oeil, ou plutôt comme si les yeux projetaient des rayons qui viendraient toucher perpendiculairement une surface (panneau, mur, tableau), de sorte que toutes les formes du visible deviennent des surfaces à circonscrire. Dès l’ouverture de l’important volume Douce perspective[2], Denis Favennec et Emmanuel Riboulet-Deyris identifient la méthode projective générale à la perspective, avant d’en distinguer deux cas : la perspective centrale (ou linéaire), dans laquelle l’ensemble des rayons visuels est issu d’un point O (l’oeil) et forme une pyramide ou un cône allant jusqu’à l’objet ou la surface à atteindre; et la projection parallèle (ou axonométrique), où le point de vue fixe est rejeté à l’infini, de sorte que les parallèles ne convergent pas, comme dans le premier cas, jusqu’à un point de fuite. Ce second cas n’est en réalité qu’un cas limite du premier. Perspective et méthode projective sont, selon cette considération, plus identiques que différentes[3], comme en témoigne la définition de « projection » du Trésor de la langue française : « B. – Au fig. 1. GÉOM. […] Intersection que fait avec le plan de projection la droite joignant un point fixe au point à projeter. Synon. perspective[4] ».
1. Une projection manquante et pourtant à l’oeuvre
Cependant, tel n’était pas le cas dans les premières formalisations de la perspective à la Renaissance. On ne trouve aucune trace du terme « projection » dans le vocabulaire du De Pictura d’Alberti, pas plus que dans les traités postérieurs de Piero ou Léonard, Viator ou Dürer. Et pourtant, qu’elle passe par le procédé du « voile intersecteur » (quatre façons de faire chez Dürer) ou par la projection d’un point sur un plan (chez Piero), du report du sol sur le plan des architectures (Viator) ou par les angles définis à partir des yeux (Léonard), la projection est bien à l’oeuvre dans ces grands livres sur la peinture. Par projection, nous entendons la construction géométrique qui permet, en rabattant un plan sur un autre, de faire passer l’apparence visuelle d’un objet en trois dimensions sur une image en deux dimensions. Nous consacrerons notre étude principalement à la projection orthogonale.
Si elle ne s’appelle pas encore projection, peut-être est-ce parce que, comme le suggère Husserl dans L’origine de la géométrie, la géométrie eut besoin d’un terrain d’expériences avant de se donner les voies conceptuelles qui furent les siennes[5]. La géométrie a changé de régime à maintes reprises dans l’histoire; elle est devenue, à la Renaissance, le problème des peintres, des graveurs, des architectes, tout autant que des géographes. Dans d’autres civilisations, les expressions picturales, si elles comportent de la géométrie, notamment de l’axonométrie, n’ont pas lié optique et géométrie de la même manière.
Dans ce champ devenu graphique à la Renaissance, la géométrie relève tout autant de la pratique que de la théorie : les peintres se servent de la géométrie pour voir, de même qu’ils expliquent les phénomènes visuels par la géométrie. Ce sol commun fonde la représentation, au sens où l’opération de la projection servait de vérification par superposition avec la réalité visuellement perçue d’un point choisi, particulier et défini (Brunelleschi). Sans entrer dans les détails, nous énoncerons synthétiquement (mais il faudrait nuancer grâce au détail des analyses) que la géométrie du 17e siècle utilisera la projection comme procédure qui n’a plus besoin du plan de la réalité pour exister[6], comme on le voit avec la naissance de la géométrie projective chez Desargues; les rapports deviennent abstraits et d’autant plus susceptibles de régler les nouvelles méthodes d’édification et d’urbanisation[7].
Chez les Anciens, la projection était, certes, pratiquée en géométrie, mais elle n’en portait pas le nom. Selon la légende, Thalès avait mesuré la proportionnalité de deux triangles grâce à l’ombre projetée d’une pyramide; son théorème, fondamental pour saisir que l’image transportée dans la pyramide visuelle est identique à l’apparence de l’objet dont elle émane, repose sur une conservation de certains rapports par projection. Mais le terme n’est pas utilisé : προβάλλω, c’est faire sortir, jaillir; projeter, au sens où l’on rabat sur un plan en deux dimensions des objets existant en trois dimensions, n’est qu’un cas parmi d’autres du lancer ou de la saillie.
Une des rares mentions de rapports entre image et projection se trouve au livre quatrième du De natura rerum, lorsque Lucrèce décrit le trajet de l’image dans le miroir; il compare celle-ci avec un masque de plâtre « lancé contre un pilier ou une poutre », et qui inverserait les traits du visage. Malgré la proximité de ce passage avec l’image en perspective, la projection n’est pas, chez Lucrèce et dans le monde antique en général, conçue comme l’opération qui fait passer du miroir au tableau : « quel que soit l’objet que tu places devant le miroir, apparaît l’image; si bien que tu peux apprendre de là que sans cesse s’écoulent de la surface des corps des textures subtiles et de subtiles figures » (livre IV, 156-157 sq.[8]). Le miroir sert de preuve tangible à l’existence des simulacres, et non de plan orthogonal prêt à accueillir les rayons visuels. Les simulacres, en effet, ne disent pas là où est la chose; ils sont, au contraire, la chose déplacée, la chose dans sa vraisemblance et non dans sa présence réelle. Comme l’écrit Gérard Simon au sujet de la théorie physique épicurienne, « pour que l’objet soit vu, il faut que son apparence, tenue pour acquise, se conserve au cours de sa transmission : l’assemblage d’atomes qu’est le simulacre n’a pas d’autre fonction que de matérialiser une forme (eidos) et d’assurer son invariance au cours de son transfert jusqu’à l’oeil qui la reçoit ». D’où le caractère immédiat accordé à la visibilité : le simulacre, cet invisible double qui donne à voir la chose même, « est dit eidolon, le vocable par lequel on désignait l’image qui trompe la vue dans les miroirs[9] ». Lucrèce ne construit pas un dispositif visuel à partir du trajet des rayons visuels; il explique leur nature, non leur disposition géométrique sur un plan construit.
2. Miroir et projection (I)
Ce qui a permis à la projection de définir le nouveau mode de représentation en Occident au 15e siècle, c’est l’introduction de la géométrie ainsi que la prise en compte du miroir, c’est-à-dire la connivence nouvelle entre optique et géométrie qui résulte de la prise de conscience exacte de l’oeil dans le réseau de plans et de lignes. La nouvelle image, comme nous allons le voir, devient située : entre l’oeil et la réalité, elle se retrouve désormais enchaînée entre le réel et le langage qui désire la décrire. Comme le tableau, le miroir la fixe.
L’acte de naissance de la perspective dite centrale en Italie est double : l’expérience des tavolette de Brunelleschi (1415) et le tracé décrit par Alberti dans De Pictura (1435). Dans le premier cas, Brunelleschi utilise un miroir pour y contempler le reflet de l’image qu’il a peinte du Baptistère, totalement à dessein[10]. Le miroir assure le double rôle d’auxiliaire et de vérificateur; Filarète disait que Brunelleschi avait trouvé « par la raison ce que le miroir montrait[11] ». Toutefois, alors qu’il est censé garantir la vérité de l’image, le miroir introduit également une prise de conscience du procédé de la part de l’observateur, dans la mesure où il suppose que le panneau a été peint à l’envers. Telle fut la raison du choix du Baptistère, architecture parfaitement symétrique par rapport à un axe vertical, dont la représentation ne nécessitait point d’inversion. Le trou « aussi petit qu’une lentille du côté de la surface peinte », selon les termes de Manetti[12], devait se voir dans le reflet du miroir (« il s’élargissait en pyramide, comme un chapeau de paille féminin, et sa circonférence atteignait la mesure d’un ducat ou un peu plus »); le dispositif ne cherchait en rien à dissimuler son « origine », et Brunelleschi ne comptait pas abuser l’observateur en lui renvoyant une image dont il savait pertinemment qu’elle n’était pas la réalité.
C’est la mise à distance entre le tableau et l’observateur qui est fondatrice de la représentation en perspective et, avec elle, la projection de l’image peinte sur le miroir, avec la surimposition de l’image reflétée sur l’image vue. Avec le panneau de Brunelleschi, la vue et le toucher sont dissociés, et c’est à l’observateur qu’on enjoint de rechercher la bonne place : grâce à l’assimilation effective entre le point de vue et le point de fuite, comme l’a montré Hubert Damisch[13], le miroir est réellement auxiliaire et vérificateur de la peinture. Le miroir fait valoir qu’a bien lieu une projection du point de vue sur le point de fuite dans le tableau, mais, géométriquement, on a trois choses : le point de vue, sa projection orthogonale sur le plan du tableau (point de fuite principal) et le point où se croisent à l’infini des droites perpendiculaires au tableau (vanishing point). Ce « point de fuite » est donc moins imaginaire qu’on a bien voulu le dire. Lorsque l’on prend conscience de son efficacité réelle dans le dispositif du tableau, on saisit qu’il est ce par quoi se construit l’image, non là où elle disparaît. Plutôt que « vanishing point », nous lui préférons l’expression de « point d’émergence », expression que nous forgeons car elle dissipe un malentendu sur le point de fuite.
En projection, ces trois points se confondent; le sujet prend conscience de la visée de son regard. L’oeil est en droite ligne et sur un plan vertical orthogonal par rapport aux yeux, il faut donc un miroir pour le voir; or le miroir a une surface, c’est un tableau tangible. Le rôle du miroir est d’intégrer l’oeil dans le tableau et, ainsi, de le relier au dispositif; autrement dit, le point de fuite est le miroir de notre oeil. Le point de fuite est donc le miroir d’un point qui est, de surcroît, le plus important dans la représentation en perspective. Il serait erroné de dire que, dans la perspective, l’oeil est réduit à un point fixe, car c’est à partir de ce point que toute la vision se met en place. Le reflet nous confère notre place en retour, et il n’y a que la « vision perspective », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Philippe Hamou, qui puisse nous en donner l’idée.
3. Tableau et projection
Chez Alberti, le mot « section » désigne l’opération d’« intersegazione » orthogonale entre le rayon visuel et le tableau. Il faut revenir à la description du « rayon de centre[14] », « chef et prince des rayons », pour comprendre qu’il est « le plus acéré et le plus vif[15] », c’est-à-dire le plus court entre l’oeil et la surface à atteindre. L’adjectif « central », d’où l’on tire la qualification de l’opération de projection, n’a donc rien à voir avec le centre de l’image, mais avec une expression issue de l’optique médiévale qui désigne la distance la plus courte entre l’observateur et l’objet. Tous les autres rayons dépendent de lui; c’est lui qui les unit. Quant à la surface à peindre, c’est elle qui, glissée entre l’objet à représenter et l’oeil, sert de support matériel à l’intersection. Le tableau matérialise la section :
Mais comme cette surface de panneau ou de paroi est unique, sur laquelle le peintre s’applique à donner l’image de plusieurs surfaces comprises dans une seule pyramide, il faudra en quelque lieu couper la pyramide visuelle : c’est ainsi que le peintre représentera par des lignes et de la peinture les contours et les couleurs tels que la section les aura donnés. Dans ces conditions, il semble que ceux qui regardent la surface peinte voient une section de la pyramide. La peinture sera donc une section de la pyramide visuelle selon une distance donnée, le centre étant placé et les lumières établies — section qui est représentée avec art par des lignes et des couleurs sur une surface donnée[16].
Comme le plan de projection de la section (du tableau) est parallèle à la surface vue, la section est également « proportionnelle à cette surface que l’on regarde[17]. » Les quantités parallèles à la section ne connaîtront aucune déformation, c’est pourquoi on a l’impression d’une telle évidence dans une image projetée, et elles sont toutes proportionnées à l’homme, « la règle et la mesure de toute chose[18] », avec les pieds sur la ligne de base, les yeux à hauteur de l’horizon et le monde qui se déploie tout entier devant lui par plans successifs, comme s’ils glissaient jusqu’à disparaître dans les limites de la visibilité.
Dans De Pictura (à partir de I, 19), Alberti explique comment procéder pour obtenir la surface projetée. C’est le fameux moment du texte où l’ouverture du quadrilatère est comparée à « une fenêtre ouverte à partir de laquelle l’histoire représentée pourra être considérée[19] », et où Alberti procède par projection du point de vue sur le point central pour établir un espace proportionné à l’observateur qui s’étale régulièrement devant lui, presque jusqu’à l’infini. Pour tracer les transversales de façon régulière (les méthodes existantes procédaient par division des hauteurs par trois et produisaient de nombreuses erreurs et approximations dans les tracés), Alberti imagine un dessin auxiliaire[20] sur lequel l’oeil voit la scène de profil à la même hauteur. Ayant ainsi déterminé la distance, élément fondamental dans le dispositif, le tracé des transversales est désormais réglé et régulier.
Ce qui est projeté, c’est le point de vue sur le point de fuite principal grâce à l’intersection entre le rayon principal et la surface à peindre. Cette coïncidence entre hauteur du point de vue et horizon qu’a dû relever Brunelleschi, c’est ce qui a permis de régler toute l’image sur celui-ci et de ne plus avoir des horizons trop hauts ou trop bas par rapport au sujet, comme c’était alors fréquemment le cas en peinture. La projection est en cela l’opération grâce à laquelle peut s’opérer la section.
4. Section ou projection ?
Citons un passage de Douce perspective particulièrement éclairant pour comprendre la distinction entre section et projection :
Dans la définition de la perspective centrale, deux notions issues de la géométrie se rencontrent : la projection est au principe de toute représentation, au sens où elle formalise la réduction à deux dimensions d’une figure spatiale. Elle suppose une certaine distance entre l’objet et son image, sur le mode d’une ombre portée prolongée aussi loin qu’on le voudra. L’intersection (on emploie fréquemment le terme de section qui veut dire la même chose) intervient dès que la pyramide ou cône visuel est rompue par le tableau qui en conserve la trace. Nulle distance ici entre la surface et les rayons visuels : la section agit plutôt comme un écran qui arrête la propagation des rayons pour en relever l’empreinte. Or le concours de ces deux notions est indispensable à la formation efficace de l’image, dans la mesure où la section fixe la représentation quand la projection la rend possible — projection et section se comportant comme la puissance et l’acte de la représentation[21].
Les images les plus saisissantes visuellement sont probablement celles qui donnent corps à la coïncidence entre section et projection au sein du tableau. On peut relever deux cas de figure : les images qui comportent un miroir (le portrait Les époux Arnolfini (1434) de Van Eyck, ou encore Les ménines (1656) de Velasquez, par exemple) et celles où le premier plan est occupé par une figure vue de dos (par exemple chez Jan Vredeman de Vries, Perspective, 1699 et chez Caspar David Friedrich et ses célèbres Rückenfiguren).
Le premier cas exploite la conséquence immédiate du miroir dans la construction en perspective. Non seulement les lignes se dirigent vers un point, mais en retour, ce point se retourne vers nous et nous ouvre le plan de la représentation :
Si les faisceaux des lignes de fuite et des rayons visuels se répondent, ce n’est pas tant géométriquement que spéculairement : d’un certain point de vue, le tableau perspectif se comporte comme le miroir. […] La perspective ne se contente pas de rendre la vision possible, elle met en scène, spéculairement, une réplique à la vue. Et il semble qu’une chose faite à notre ressemblance se tienne là-bas, au point de fuite, pour capter et renvoyer notre regard[22].
Nous ne cessons, devant Les époux Arnolfini et Les ménines, d’être appelés à une présence impérieuse à laquelle nous ne pouvons nous soustraire. Le tableau semble bien là, fait pour nous y accueillir et nous y placer à rebours.
Dans le second cas, la figure vue de dos, il s’agit d’un procédé prodigieusement efficace pour produire le désir de projection du spectateur dans le tableau. Celui-ci a le sentiment d’être appelé impérieusement à l’intérieur de l’image pour y contempler quelque chose qui se découvre à lui. Le tableau sans spectateur serait en quelque sorte en état de latence avant d’être activé par un spectateur réel. Nulle surprise que ce genre de mise en abyme fasse sensation ! Le plan de la représentation est là, ouvert pour soi, comme dans l’attente d’être activé par un spectateur réel qui l’engendrerait au moment où il le regarde.
5. Miroir et projection (II)
Revenons au miroir, omniprésent dans le nord de l’Europe et en Italie. Fasciné par le lustre à la découpe parfaitement ciselée des Époux Arnolfini, David Hockney, qui a cherché comment les « maîtres anciens » avaient réalisé certaines de leurs images avec tant de précision, élabore une théorie fort convaincante. Jan van Eyck aurait utilisé un miroir convexe pour projeter l’image des époux sur une surface plane; il aurait ensuite redressé les lignes de construction, ce qui expliquerait pourquoi les lignes au sol apparaissent relevées à la verticale[23]. Telle serait, selon Hockney, « l’origine de la perspective », un dispositif mécanique de projection grâce à un miroir. Et telle serait, selon notre point de vue, la raison pour laquelle la signature proéminente tient autant de place dans le tableau, juste au-dessus du miroir. Van Eyck aurait ainsi signé la technique qu’il employait : il aurait peint, au coeur du tableau, l’instrument qui lui aurait permis de réaliser son tableau. Ce qui tend à expliquer le rôle de la paire de souliers au premier plan, qui représentent par excellence des objets en miroir, identiques et symétriquement inversés, mais aussi des mains, au centre de ce tableau de mariage, peintes au-dessus d’une autre paire de souliers au dernier plan. Souliers et mains sont les deux cas d’objets non symétriques, mais énantiomorphes; ils supposent une réversibilité d’un genre unique, celle propre à l’image projetée dans le miroir.
En 2000, Hockney participe à un documentaire pour la BBC sur « les techniques perdues des maîtres anciens[24] ». Il s’est fait ouvrir les portes de la cathédrale de Florence afin d’étudier le lieu dans lequel Brunelleschi avait réalisé son expérience. Son objectif était, en effet, de comprendre comment Brunelleschi avait pu reproduire sur un panneau de bois l’image exacte et fidèle du Baptistère en face de lui. La réponse de Hockney est déconcertante de simplicité (c’est pour cette raison qu’il ne peut pas être le premier à y avoir songé) : Brunelleschi se serait servi d’un miroir concave pour dessiner le Baptistère. Sur le pas de la cathédrale, environ deux mètres à l’intérieur, Hockney a disposé un miroir et une feuille; grâce à la projection des rayons lumineux du miroir sur le support papier — ce point est fondamental : l’extérieur doit baigner dans la lumière claire, tandis que l’intérieur doit être plongé dans l’obscurité, comme dans une camera obscura —, Hockney n’a fait que retracer l’image inversée du Baptistère qui s’affichait devant lui. Il en a suivi les lignes de construction et de décoration et, ensuite, comme l’architecture est symétrique, il n’a eu qu’à retourner son dessin pour obtenir une parfaite reproduction de l’image qu’il avait devant lui. La démonstration est particulièrement convaincante. Ici, il est clair que dessiner en perspective relève non d’une invention, mais de la découverte d’une loi optique.
En suivant Hockney, qui a commencé son étude sur la nouvelle manière de peindre de la Renaissance en partant non de l’espace mais du modelé (« les ombres les plus denses sont produites grâce aux lumières les plus fortes », a-t-il affirmé lors d’une conférence[25]), dessiner selon le clair-obscur permet de rendre avec précision la manière dont les êtres sont en face de nous dans telle ou telle lumière, avec une densité qui s’inscrit partout, sur leur vêtement, le détail de leur peau, leur coiffe, leurs cheveux, etc. Architecte, Brunelleschi a expérimenté sa méthode devant une construction; Alberti, architecte également, comprit qu’il y avait là une conjonction entre l’optique et la représentation géométrique de l’espace. Qu’il s’obtienne par section ou par projection de rayons lumineux, le plan du tableau, c’est ce que les artistes de la Renaissance comprirent, fonctionne comme le miroir.
6. Projection intégrale ou projection sectionnée ?
La projection était-elle entendue de façon identique en Italie et dans le nord de l’Europe entre les 15e et 16e siècles ? Les factures sont si différentes qu’on peine à comprendre comment la méthode de la projection pourrait leur être commune.
Dans son analyse des origines de la perspective, Giulio Carlo Argan met en avant le rôle de la pratique artistique de Brunelleschi dans ses découvertes : qu’il fut un architecte contribua probablement à accentuer certains aspects déterminants de la perspective, principalement les proportions et, grâce à elles, la rationalisation et l’harmonisation de l’espace. Commentant la proposition d’Argan, Rudolph Wittkower ajoute : « Brunelleschi découvrit que la projection bidimensionnelle était la seule méthode permettant d’établir une relation entre l’oeil du spectateur et la diminution des objets dans l’espace. C’est dire [… combien il anticipait les explorations de Piero et Léonard[26]. » Que le spectateur put vérifier la concordance entre une architecture réelle et une image, tel était le rôle de la construction de l’image par intersection, la Trinité de Masaccio en étant l’exemple le plus frappant. Mais surtout, comme toutes les architectures de Brunelleschi sont pensées comme des peintures en perspective, où se manifeste avant tout le souci de la proportion, la relation s’inverse : les peintures en perspective ont, à rebours, l’air d’être architecturales, elles donnent le sentiment que l’espace est là avant tout comme objet représenté. « Précisément parce qu’elle s’impose à la racine même de la spatialité de l’image : elle structure avant de représenter; elle préexiste à toute figuration », écrit Paul Philippot, qui poursuit ainsi :
L’enfilade d’une loggia ou d’une nef cristallise alors sous nos yeux la pyramide que les colonnes ou les arcs scandent comme autant d’intersections successives, fondant un nouveau rythme où les proportions retrouvées ne se limitent plus au numerus antique, à la seule mesure corporelle des membres, mais découlent cette fois de la structure même de l’espace. […] Chaque mur, en tant que surface, s’offre à se traduire en forme perspective en devenant un plan d’intersection d’une pyramide visuelle; comme l’a dit Alberti : « vedesti che ciascuna superficie in sè tiene sua piramide[27] ».
La parfaite continuité entre peinture, sculpture, céramique et architecture caractéristique des chapelles renaissantes de Florence tient là sa source : l’espace préexiste aux formes qu’il accueille et dispose entre elles, par avance, un ordre qui les rendra cohérentes et compactes. Tout mur, à la Renaissance, est susceptible de devenir tableau; toute surface est propice à une mise en perspective.
Mais l’unité du plan obtenue par la réunion des surfaces en un seul lieu est loin de caractériser la peinture en Europe du Nord. Contrairement à la facialité ordonnatrice qui règne en Italie, Philippot voit dans les tableaux du Nord non des focalisations à partir d’un point de vue projeté sur le point de fuite, mais une prise en compte des alentours de l’image, de ce qui ne circonscrit pas la figure, mais l’englobe. Selon lui, les peintres du Nord privilégient une manière de se mêler à ce qu’ils observent; ils sont sensibles à l’atmosphère, aux « espaces-ambiances » et non à ce qui se trouve projeté géométriquement en face d’eux. C’est ainsi que le miroir présent dans de nombreux tableaux des anciens Pays-Bas témoigne du désir de créer une ambiance qui dépasse le cadre fixé par le tableau en perspective. Voir l’origine du point de vue jusque derrière lui permet de ramener sur la toile ce qui entourait la scène; l’ambiance, l’atmosphère sont ainsi rendues par une présence diffuse, tout autour de la scène qui n’est plus seulement considérée, comme le souhaitait Alberti, comme le lieu de l’historia héroïsante.
Cette thèse séduisante ne manque pas de justesse, certes, mais il n’est pas certain que l’enveloppement des sujets dans une ambiance plus vaste soit la visée de ces tableaux. Là encore, David Hockney propose une théorie intéressante. Selon lui, chaque morceau du tableau est divisé de sorte que les objets apparaissent comme étant peints avec un soin identique. Les objets et leur présence l’emportent sur l’espace, qui ne les précède pas. Mais, et c’est là ce que nous soutiendrons, ce mode de représentation n’opère-t-il pas, lui aussi, par projection ? Le tableau n’a-t-il pas été d’abord divisé en petits tableaux sur chacun desquels le peintre opère une nouvelle projection ? L’espace qui se dégage des tableaux de van Eyck, Bouts ou Memling est unitaire et proportionnel, mais il ne préexiste pas aux figures. L’hypothèse que nous formulons est que ces peintres, contrairement à Alberti ou Brunelleschi, n’étaient pas d’abord des architectes, mais des peintres de portraits ou de tableaux de dévotion de petit format, ce qui signifie que la manière de placer les ombres était plus déterminante, à leurs yeux, que l’unité spatiale du tableau. En procédant de la sorte, les peintres du Nord visaient autre chose, qui est moins l’espace que la temporalité. Conçus comme des juxtapositions de mini-saynètes, leurs tableaux fascinent par leur prodigieuse habileté et par le fait que, comme chez van Eyck, plusieurs focales sont utilisées en même temps, anticipant le microscope et le télescope, comme le remarque Panofsky[28]. Projection il y a donc, mais plurielle, où la temporalité déployée dans le tableau donne à chaque être et à chaque chose une pulpe charnelle et une épaisseur vitale qui les monumentalisent grâce à l’attention portée aux ombres autant qu’à l’espace. Certes, Jan van Eyck « connaît la valeur des intervalles[29] », selon la formule d’Henry James, et l’espace préexiste parfois aux figures, mais c’est le travail du modelé plus que celui des intervalles qui produit une unité lumineuse douce et diffuse, cette caractéristique « atmosphère enveloppante[30] », où les formes affirment leur unité.
Le dénominateur commun entre la peinture du Nord et l’italienne est, selon Philippot, « la valorisation du plan comme intersection de la pyramide, où le dessin se libère de la surface pour traduire la profondeur en termes de plan et devient aussitôt ce fondement de tous les arts, qu’il restera pendant près de quatre siècles[31]. » Ainsi, qu’elle fut effectuée grâce à un miroir ou par l’opération géométrique de la section, sur un plan unitaire ou par partie, la projection apparaît comme la nouvelle méthode utilisée à partir du 15e siècle en Europe qui produisit la très forte impression que l’espace se prolongeait naturellement devant le spectateur. La circonscription de figures ainsi que les dispositions de masses éclairées et ombrées participaient à une nouvelle définition du tableau envisagé comme fenêtre, certes, mais également comme invitation à la contemplation.
7. L’orthogonalité
Y a-t-il une autre méthode que la projection pour produire une image cohérente avec les apparences visuelles de la réalité ? Si la projection est l’affaire de la photographie et du cinéma encore de nos jours, c’est parce que les moyens pour reproduire l’image devant nos yeux ne sont pas illimités. Le seul véritable contrepoint à la projection serait la trace ou l’empreinte; elles seules témoignent, comme images, que quelque chose qui a eu lieu se tient là, devant nous. Les avant-gardes ont largement exploré cet autre mode de représentation, notamment lorsqu’elles ont remis en cause le caractère indispensable de la perspective. La photographie est d’ailleurs à la fois empreinte et projection, c’est la raison pour laquelle elle relève tantôt de l’index, tantôt du tableau. Mais ces points demanderaient un développement ultérieur à part entière. On assiste aujourd’hui à de multiples utilisations de la projection, notamment lorsque l’on apprend que de futurs ordinateurs, les « desk-free computers », seront conçus sans écran, avec un faisceau lumineux intégré que l’on pourra projeter sur n’importe quelle surface[32]. Photographie, cinéma et désormais tout, avec le numérique, sera image projetée. Précisons néanmoins que l’image vidéo ou cinéma projetée étant déjà en deux dimensions, la projection y est alors une affaire d’écran, tandis que l’image en perspective est le résultat d’une projection conçue comme le rabattement d’un plan sur un autre, ce qui suppose la transformation de tout ce qui apparaît dans notre champ visuel en une apparence de surface.
Pourquoi un tel privilège de l’orthogonalité ? La projection reprend la structure fondamentale de la position de l’homme dans le monde : la station verticale propre à l’homme, qui le définit comme un « être des lointains[33] », lui permet de regarder le monde qui l’environne en posant ses yeux de la terre jusqu’au ciel et de déterminer ainsi un espace qui s’étend de lui jusqu’à son horizon. Le croisement de la verticale et de l’horizontale de l’horizon institue une structure fondamentale qui, désormais, distribue l’espace avec des directions, des situations et des différenciations :
Partout où l’on va, la terre est séparée du ciel par un horizon qui, bien qu’il puisse être caché, est toujours là. […] L’horizon terrestre est un trait invariant de la vision […], quel que soit le point de vue. […] Il n’est ni subjectif ni objectif : il exprime la réciprocité entre l’observateur et l’environnement; c’est un invariant de l’optique écologique[34].
Tout notre environnement est perçu à partir de notre position dans l’espace; la projection est, en quelque sorte, une extension de notre propre manière d’être dans le monde. Et, grâce à la perspective, qui opère par rassemblement de surfaces projetées, nous ne cessons de nous repérer, de nous inclure et de nous projeter dans le monde environnant.
Parties annexes
Note biographique
Spécialiste de la question de l’horizon, Céline Flécheux est maître de conférences en esthétique à l’Université Paris Diderot – Paris 7. Elle a creusé la question de la perspective dans plusieurs ouvrages, chapitres d’ouvrages et articles incluant : L’horizon (2014); L’horizon, des traités de perspective au land art (2009); « La représentation de l’horizon au XVIIe siècle » (Frédéric Cousinié et Clélia Nau [dir.], L’artiste et le philosophe, 2011); « Miroir et perspective » (Jackie Pigeaud [dir.], Miroirs, XVes entretiens de la Garenne-Lemot, 2011); « L’Horizon au temps d’Alberti » (Jackie Pigeaud [dir.], La limite, XVIes entretiens de la Garenne-Lemot, 2012); « Nouvelles perspectives sur l’horizon / New perspectives on the horizon » (Universitas. Monthly Review of Philosophy and Culture, 2012).
Notes
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[1]
Claude Lothier, artiste et perspectiviste, a largement contribué à rendre cet article précis et intelligible. Je lui exprime ici ma plus profonde gratitude.
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[2]
Denis Favennec et Emmanuel Riboulet-Deyris, Douce perspective. Une histoire de science et d’art, Paris, Ellipses, 2007.
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[3]
Au sujet des rayons, il convient de sortir de la dualité intromission/extramission, ce à quoi le terme de « projection » fait immanquablement songer, car les lignes inscrites entre nos yeux et l’objet observé n’indiquent aucun sens de circulation.
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[4]
Trésor de la langue française informatisé, Paris, ATILF / CNRS Éditions, http://atilf.atilf.fr/dendien/scripts/tlfiv5/visusel.exe?11;s=3425925000;r=1;nat=;sol=0 (consulté le 19 août 2015).
-
[5]
Edmund Husserl, L’origine de la géométrie, trad. Jacques Derrida, Paris, Presses universitaires de France, 1999, en particulier p. 198 et p. 210; voir également Hubert Damisch, « Le service de la peinture », dans Piero della Francesca, De la peinture en perspective. Ms Parmensis 1576, trad. Jean-Pierre Le Goff, Paris, In Media Res, 1998, p. 16 sq.
-
[6]
Je me permets de renvoyer à Céline Flécheux, « La représentation de l’horizon au XVIIe siècle », dans Frédéric Cousinié et Clélia Nau (dir.), L’artiste et le philosophe : l’histoire de l’art à l’épreuve de la philosophie au XVIIe siècle, Paris / Rennes, Institut national de l’histoire de l’art / Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 139-150.
-
[7]
Sur les rapports de Girard Desargues à la perspective, voir Roger Laurent, « La perspective et la rupture d’une tradition », dans Jean Dhombres et Joël Sakarovitch (dir.), Desargues en son temps, Paris, Librairie scientifique A. Blanchard, 1994. Sur Bosse, voir en particulier Sophie Join-Lambert, « Bosse et l’Académie royale. La Raison sur Tout », dans Sophie Join-Lambert et Maxime Préaud (dir.), Abraham Bosse, savant graveur. Tours, vers 1604-1676, Paris, Paris / Tours, Bibliothèque nationale de France / Musée des Beaux-Arts de Tours, 2004.
-
[8]
Lucrèce, La nature des choses, trad. Jackie Pigeaud, dans Les épicuriens, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », Paris, Gallimard, 2010, p. 395.
-
[9]
Gérard Simon, Archéologie de la vision. L’optique, le corps, la peinture, Paris, Seuil, 2003, p. 41.
-
[10]
Voir Dominique Raynaud, L’Hypothèse d’Oxford. Essai sur les origines de la perspective, Paris, PUF, 1998, p. 137.
-
[11]
Le Filarète, Trattato di architettura, vol. 2, livre 23, fol. 178 r. p. 653. Cité par Joan Kelly Gadol, Leon Battista Alberti. Homme universel des débuts de la Renaissance, Paris, Éditions de la Passion, 1992, p. 39.
-
[12]
Antonio Manetti, « La démonstration de la perspective », dans Philippe Hamou, La vision perspective (1435-1740), Paris, Payot, 1995, p. 63.
-
[13]
Voir Hubert Damisch, L’origine de la perspective, Paris, Flammarion, 1993, passim, surtout p. 139 sq.
-
[14]
Leon Battista Alberti, La peinture. Texte latin, traduction française, version italienne, édition de Thomas Golsenne et Bertrand Prévost, revue par Yves Hersant, Paris, Éditions du Seuil, 2004, I, 5, p. 53.
-
[15]
Ibid., I, 8, p. 61.
-
[16]
Ibid., I, 12, p. 71.
-
[17]
Ibid., I, 15, p. 77.
-
[18]
Ibid., I, 18, p. 81.
-
[19]
Ibid., p. 83.
-
[20]
Leon Battista Alberti, De Pictura. Manuscritto cartaceo ; bibliothèque gouvernementale de Lucques, Ms . 1448, cc. 23r-v. Voir http://brunelleschi.imss.fi.it/mediciscienze/imed.asp?c=70019.
-
[21]
Favennec et Riboulet-Deyris, 2007, p. 32.
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[22]
Ibid., p. 26-28.
-
[23]
David Hockney, Secret Knowledge. Rediscovering the Lost Techniques of the Old Masters, New York, Viking Studio, 2001.
-
[24]
Voir, à partir de la 35e minute, David Hockney: Secret Knowledge (Randall Wright, 2001), accessible en ligne à l’adresse suivante : www.youtube.com/watch?v=JKbFZIpNK10.
-
[25]
Conférence du 27 octobre 2012 au Musée Ludwig à Cologne, à l’occasion de l’exposition A Bigger Picture (du 27 octobre 2012 au 3 février 2013).
-
[26]
Rudolf Wittkower, « Brunelleschi et la “proportion dans la perspective” », dans Giulio Carlo Argan et Rudolf Wittkower, Architecture et perspective chez Brunelleschi et Alberti, trad. Jean-Jacques Le Quilleuc et Marc Perelman, Lagrasse, Éditions Verdier, 2004, p. 64. Voir également p. 67.
-
[27]
Paul Philippot, La peinture dans les anciens Pays-Bas. XVe-XVIe siècles, Paris, Flammarion, 2008, p. 16 sq.
-
[28]
Erwin Panofsky, Les primitifs flamands, trad. Dominique Le Bourg, Paris, Hazan, 2003, p. 330 : « L’oeil de Jan van Eyck fonctionne à la fois comme un microscope et comme un télescope […]. Tout en étant ainsi rappelé au sentiment des limitations de la nature humaine, on a l’impression d’être admis à partager la vision de Celui qui voit toutes choses du haut du ciel, mais peut cependant dénombrer les cheveux de nos têtes ».
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[29]
Ibid., p. 301.
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[30]
Ibid., p. 303.
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[31]
Philippot, 2008, p. 18.
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[32]
Voir Adrien Boneto, « Un ordinateur sans écran, c’est (bientôt) possible ! », Le Point.fr, 27 février 2013, www.lepoint.fr/high-tech-internet/un-ordinateur-sans-ecran-c-est-bientot-possible-27-02-2014-1796163_47.php (consulté le 19 août 2015).
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[33]
James J. Gibson, The Ecological Approach to Visual Perception, Hillsdale, Lawrence Erlabaum Associates, 1986, p. 133 et sq. Cité et traduit par Michel Collot, La pensée-paysage. Philosophie, arts, littérature, Arles / Versailles, Actes Sud / ENSP, 2011, p. 21.
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[34]
Collot, 2011, p. 164.