Résumés
Résumé
Que veut dire « animer les personnages de l’histoire » lorsque ceux-ci sont interprétés par des marionnettes ? Dans le film de Wael Shawky Cabaret Crusades : The Path to Cairo (2013), libre adaptation cinématographique de l’essai d’Amin Maalouf (Les croisades vues par les Arabes), le processus de manipulation affiche sa portée symbolique et idéologique : sorties du même moule, les marionnettes sont « agies » et « naissent à l’histoire » en rejetant les rhétoriques du Bien et du Mal.
Abstract
What does it mean to “animate historical figures” using puppets? In Wael Shawky’s film Cabaret Crusades: The Path to Cairo (2013), an adaptation of Amin Maalouf’s essay Les croisades vues par les Arabes, this process of manipulation is foregrounded both symbolically and ideologically: cast from the same mold, the puppets are “acted” and “born to history,” thereby rejecting the rhetoric of Good and Evil.
Corps de l’article
Mai 2012 : Wael Shawky, plasticien et vidéaste égyptien en résidence à Aubagne depuis neuf mois, quitte la cité provençale avec un film d’animation d’une heure qu’il a réalisé avec des marionnettes créées par les céramistes et santonniers locaux. Le film, diffusé en avant-première à la dOCUMENTA de Cassel (juin-septembre 2013), s’appelle Cabaret Crusades: The Path to Cairo. Il constitue le second épisode d’une adaptation cinématographique de l’essai d'Amin Maalouf Les croisades vues par les Arabes (1985)[1]. Le premier volet de la série a été créé en 2010 à Biella, en Italie, à la Cittadellarte de Michelangelo Pistoletto – la grande figure de l’Arte povera – où Wael Shawky s’est installé pour tourner Cabaret Crusades: The Horror Show File, avec les marionnettes de la collection Lupi[2]. Le second volet devait être tourné en Égypte en 2011. Les événements politiques – le « printemps arabe » – contraignent l’artiste à renoncer.
Mais les marionnettes sont nomades. Elles finissent par trouver une terre d’accueil. En mars 2011, Wael Shawky rencontre les organisateurs de « Marseille-Provence Capitale Européenne de la Culture 2013 » qui l’invitent à venir travailler en résidence à Aubagne. Pourquoi cette ville ? Parce qu'elle abrite depuis le 15e siècle une activité artisanale et industrielle liée au travail de l’argile, symbolisée par le personnage du santon et une production relativement importante d’objets en céramique. La filière a ses réseaux d’artisans, dont plusieurs créateurs d’oeuvres originales, son musée, son école avec ses apprentis[3]. Santonniers et céramistes sont les premiers à rencontrer Wael Shawky. De leurs moules naîtront les cent dix marionnettes du film.
Quand j’ai commencé à travailler sur la seconde partie – le deuxième film –, je ne savais pas du tout comment commencer. Lorsque je suis venu à Aubagne, je pensais travailler avec du bois, puis avec du verre. Et il y a eu notre rencontre puis la visite du musée des santons. Et là j’ai été littéralement fasciné. J’ai dit à tout le monde : «J’ai une idée, je sais comment nous allons travailler. Nous allons construire des santons, qui seront dans toutes les scènes, à l’arrière-plan, et dont la fonction sera de représenter l’Histoire. Nous allons aussi construire des marionnettes, qui seront au premier plan et qui, elles, parleront.» Ce rapport-là entre un peuple anonyme et figé à l’arrière-plan, qui constitue l’Histoire par sa seule présence, et des personnages-protagonistes qui occupent le devant de la scène… je l’ai vu tout de suite. Plusieurs séquences du film sont construites sur ce principe, même s’il a évolué en cours de route[4].
Pourquoi Wael Shawky a-t-il choisi des marionnettes pour raconter l’histoire, et singulièrement celle des croisades ? Que signifie « animer » dans ce cas précis ? Il s’agit ici de saisir le processus d’animation des personnages de cette histoire, en tenant compte de l’ensemble des opérations afférentes à la naissance des marionnettes jusqu’à l’attribution des rôles. Animer déborde donc le cadre de la manipulation devant des caméras. Nous explorons une genèse, résultat des interactions entre les conditions matérielles de production et les enjeux esthétiques du projet : la mise en mouvement de l’inanimé s’appuie en profondeur sur le trajet artistique de l’auteur et son positionnement en tant que « traducteur » des échanges et des partages culturels entre passé et présent, entre Islam et Occident. Dans un second temps, à travers le procédé du play-back utilisé au moment du tournage du film, il sera question de l’apport fondamental de la voix dans le passage du non-existant à l’existant, en relation, là encore, avec la volonté de l’artiste d’échapper aux énoncés idéologiques – Shawky parle de « stéréotypes » – associés aux croisades. La problématique des « points de vue » sur ces événements historiques et ses conséquences quant aux échanges culturels et religieux en Méditerranée amène enfin à découvrir le rôle inédit de la marionnette – à travers également la bande dessinée – dans la transmission et la traduction de textes entre mondes chrétien et musulman.
Réanimer le spectacle du passé : cabaret, manipulation et marionnettes
Le projet de Wael Shawky s’inscrit au sein d’une oeuvre traversée par les résurgences du passé dans le présent et les contaminations entre cultures différentes. Témoin dès son enfance des basculements entre un « islam humide et paysan » des bords du Nil et la culture « sèche » des Bédouins nomades et des principes ultra-orthodoxes du wahhabisme en vigueur dans la société saoudienne, Shawky observe les combinaisons, les ruptures et les mutations entre l’ancien et le nouveau, entre modèles de sociétés, et s’intéresse aux mélanges : l’hybridation est au coeur de chacune de ses créations. Refusant les confrontations manichéennes, l’hybridation en tant que lecture et pratique du monde signe son rejet des métastases contemporaines du combat du « Bien contre le Mal ». Se saisissant de paradoxes, jouant de la permutation des points de vue, les installations de l’artiste égyptien, souvent sur un mode ludique et non dramatisant, montrent des transitions, des télescopages, des interactions. Emblématique de cette démarche, sa série des Télématch s’inspire du concept télévisuel des jeux Intervilles, dans lesquels deux cités s’affrontent dans un simulacre de conflit[5], dans le but de divertir une troisième communauté… celle des spectateurs. Shawky élargit le concept en imaginant de confronter deux versions de l’Histoire pour en créer une troisième, celle du spectateur : l’idée de raconter les croisades par un numéro de cabaret est née.
En tant qu’artiste, je crois qu’il faut travailler l’Histoire comme un matériau brut, y compris ses interprétations : les récits de l’homme qui prétendent être l’Histoire peuvent contenir des éléments de vérité, mais dans le même temps ils sont des mises en scène. Histoire et théâtre sont mêlés. Voilà pourquoi j’ai choisi le titre Cabaret Crusades. Le cabaret, c’est la scène du spectacle de l’Histoire. L’ambiguïté dans tout cela c’est qu’il y a une part de réalité et une part de spectacle. Mais pour moi qui ne peux croire à une seule version de l’Histoire, c’est fondamental d’être dans cette incertitude[6].
La découverte du texte d’Amin Maalouf vient après la révélation du fait que les Arabes ont pu, au cours de leur histoire, se comporter comme des « croisés ». Ce fut notamment le cas dans la corne de l’Afrique, où des populations d’origine bantoue, bien qu’ayant adopté la religion musulmane, conservent la mémoire du trafic d’esclaves et des déportations massives en terre d’Islam. Dans le film Télématch Crusades (2009), une centaine d’enfants à dos d’âne constituent une « armée » avec ses drapeaux qui suit le rivage et encercle un fort « comme dans les croisades ». Le fort n’est pas authentique, même si la bâtisse a quelque chose qui rappelle les croisades. Les rôles sont inversés : sur les ânes, les enfants jouent aux croisés, ils font le siège de la forteresse. Tout est faux, mais en même temps, le fort ressemble à un vrai fort et les enfants sur leurs ânes évoquent une armée.
La mise en scène d’enfants pour exprimer les échanges et les conflits politico-religieux, les antagonismes culturels ou intergénérationnels, est une constante du travail de Wael Shawky, qui argumente sur leur absence de « mémoires dramatiques ». En d’autres termes, ils ne sont pas porteurs de clichés liés à telle ou telle interprétation de l’Histoire. Dans Télématch Sadat (2007)[7], les enfants qui « jouent » l’assassinat de Sadate sont trop jeunes pour avoir vu les images de sa mort en direct à la télévision. Ils participent à une mise en scène sans avoir la moindre idée d’un scénario préalable. Leur participation innocente – au sens fort du terme – vient de ce que les soubassements du projet leur sont invisibles : les raisons du meurtre de Sadate, les conséquences de cet acte sur leurs propres vies, le pouvoir de la télévision, et même jusqu’aux enjeux de l’art contemporain en Égypte. Le « jeu » qui leur est proposé peut leur donner le sentiment qu’ils écrivent eux-mêmes, au présent, ce qui doit être fait. Or cet épisode de la série des Télématch répond à une analyse des changements de la société égyptienne au contact de pays extérieurs, sur un mode contradictoire : libéralisme de l’Occident d’un côté, ultra-orthodoxie religieuse des pays du golfe Persique de l’autre. Wael Shawky revendique sa méthode de travail, ajoutant qu’avec les enfants il n’a pas à composer avec des acteurs professionnels (aussi remarquables soient-ils), dont le travail d’interprétation est affecté par la complexité de leur relation à l’image et au public. Entre cette démarche avec les enfants et les marionnettes, il n’y a qu’un mot, dont il revendique sans ambiguïté le double sens : manipulation. Shawky, qui tourne autour d’une idée comme les enfants sur leurs ânes autour du fort de Télématch Crusades, commence alors à se documenter sur l’histoire des croisades.
En lisant ces récits, j’ai compris que chaque camp était l’objet de manipulations, et j’ai pensé que seules des marionnettes pouvaient jouer cette situation. Je pense même aux croyants les plus sincères. Je ne cherche pas à savoir si le peuple ou l’Église étaient des menteurs. Peut-être croyaient-ils vraiment à ce qu’ils disaient et ce qu’ils faisaient. Donc l’idée des marionnettes… les fils qui les agissent, qui renvoient à l’Histoire, à la religion, aux croisades[8].
Les mannequins de l’Histoire
Les marionnettes nous renvoient au fracas de l’Histoire, à nos différentes lectures du passé sur lesquelles nous construisons nos identités. L’approche se concrétise avec le premier film de la série tourné à la fondation Pistoletto. Cabaret Crusades: The Horror Show File met en oeuvre les principes du renversement et de la permutation des points de vue : une marionnette italienne traditionnelle prononce l’appel à la croisade du pape Urbain II en arabe classique. Partant de l’histoire, c’est un récit de l’histoire qui se crée, un peu comme si le film était fait à partir d’un tableau qui aurait été peint d’après un texte transcrivant un discours dont il ne resterait que des témoignages oraux[9]. Les marionnettes traditionnelles de la collection Lupi prennent en charge le « point de vue arabe » sur les croisades. Mais Maalouf, par ailleurs chrétien, montre aussi que les défaites arabes sont dues à un affaiblissement de l’Islam. Shawky éprouve les différentes interprétations de l’histoire, en utilisant les marionnettes pour leur capacité très brechtienne à créer une distance avec l’événement.
Le premier film de Cabaret Crusades, c’est une façon de dire : « Regardez comment les choses se sont passées », et en même temps, nous sommes dans l’illusion, assumée. C’est très paradoxal : avec les marionnettes, la distance critique est plus forte que si je voulais montrer que je ne suis sûr de rien! Mais… comment pourrais-je l’être[10] ?
Le second épisode, The Path to Cairo, est un autre objet cinématographique, dans la mesure où les marionnettes qui l’interprètent ont été créées de toutes pièces à partir de l’argile. Le passage de l’inanimé à l’animé a des conséquences directes sur l’écriture du film : la caractérisation des personnages qui portent des interprétations contradictoires de l’Histoire se fait à partir de formes issues de moules. La relation du réalisateur à ses pantins/personnages se noue à cet instant précis[11]. La naissance de la marionnette n’a rien à voir avec la symbolique mystique de la terre comme origine de la vie. Bien entendu, le formage à partir de l’argile accentue la rêverie et le trouble qui se rattachent au passage de la matière au vivant : le paradigme de la création n’est pas le même dans le cas d’autres matériaux, comme le bois ou le papier. Mais bien que la marionnette en céramique hante la frontière entre la vie et la mort, et que la terre préside à la fécondité dans les mythes les plus anciens, elle est dans le même temps associée au travail et à l’art[12]. D’une part, l’engendrement des marionnettes aubagnaises imaginées par Wael Shawky repose sur une division du travail très poussée, elle-même appuyée sur un ensemble de techniques éprouvées. Pierre Architta, céramiste professionnel et scénographe, joue un rôle essentiel dans cette « mise au monde », en interprétant sur un plan matériel les propositions de l’artiste[13] (voir la figure 1). D’autre part, Shawky va s’employer à brouiller les pistes en tirant parti de la fabrication quasi industrielle des marionnettes : l’« Autre » n’est pas un « déjà-là », une interprétation proposée à une marionnette actrice, susceptible de se couler dans des rôles multiples (voir la figure 2). Pourquoi telle boule de glaise deviendrait-elle méchante ? Ou juste ? Shawky va répartir des rôles entre des marionnettes issues du même moule, et pousser le paradoxe en faisant interpréter à une seule marionnette tantôt un rôle de croisé, tantôt un rôle d’Arabe. Et en créant des composés d’hommes et d’animaux, Shawky rend toute identification « idéologique » encore plus difficile. Naître bon ou méchant, pour un pantin, devient une affaire de point de vue interchangeable. Les moules définitifs reproduisent sept modèles dessinés par Shawky : « l’homme-chameau 1 », « l’homme-chameau 2 », « la girafe », « l’homme-chat », « l’homme du peuple », « le soldat », « l’enfant ». Ces catégories induisent la répartition des marionnettes en personnages après leur fabrication. En réalité, une série de contraintes logistiques avec lesquelles le réalisateur doit composer va peser sur cette répartition.
Ces marionnettes vont s’animer devant les caméras selon la technique dite « filaire ». Elles seront donc filmées en action, manipulées depuis une passerelle au sein d’un décor, et non selon le procédé image par image (stop motion). La présence de décors ne constitue pas un critère de distinction entre les deux procédés, mais dès lors que nous parlons de « film d’animation de marionnettes », elle doit être précise, car le processus d’animation diffère fondamentalement. Dans le cas de l’image par image, le mouvement est décomposé puis restitué par le défilement du film. Dans le cas de l’animation avec des fils, le mouvement est donné par le marionnettiste, qui établit avec sa ou ses marionnettes un contact par l’intermédiaire d’un « contrôle ». Le travail « à la sensation » et le sens du toucher sont fondamentaux, l’homme et son pantin faisant corps d’une certaine manière. Animer une marionnette image par image n’implique pas, en temps réel, cet échange, même si la représentation du geste doit être anticipée mentalement par l’animateur. La direction d’acteur du réalisateur – via les marionnettistes – n’est pas la même également. Shawky sait d’emblée qu’il choisit une médiation dans l’animation : animer, c’est aussi convaincre celui qui anime du sens de son projet, des traits de caractère de ses personnages. L’animation par fils suppose, en amont, la création d’un espace approprié, pensé en fonction de cette technique, destiné à filmer « à hauteur de marionnette[14]».
Ce mode d’animation requiert donc une organisation particulièrement rigoureuse, au sein d’un espace contraint par des passerelles et un plateau de tournage très encombré de machines, de projecteurs, de câbles. Un espace où travaillent jusqu’à 50 personnes – marionnettistes, techniciens, décorateurs – en même temps.
Pour établir la planification du tournage du film, il faut, séquence par séquence, décrire l’action, la résumer, la situer par rapport à la précédente et la suivante. Il faut répondre aux questions : combien de personnages ? Lesquels ? (Qui est qui ?) Quelles actions ? Combien de figurants ? Il s’agit également d’établir la comptabilité précise des costumes. Seuls les patrons des costumes sont en effet élaborés dans un premier temps, selon une distribution entre hommes et femmes. Un classement des personnages est établi, par type, puis par scène, selon plusieurs catégories : 25 soldats I, 25 soldats II (ou « hommes-chats »), 10 hommes du peuple, 15 enfants, 20 chameaux (1 et 2), 15 girafes, auxquels s’ajoutent 10 chevaux. Chaque catégorie fait l’objet d’une répartition entre A (bouches et yeux articulés, marionnettes parlantes) et NA (« non articulées », marionnettes muettes). C’est à ce moment seulement que le réalisateur indique quel type de marionnette va jouer quel type de personnage.
Je me souviens du jour où l’équipe qui faisait le travail de finition a posé les 110 marionnettes devant moi sur une table! Ils ont dit : «Bon, on a besoin de revenir encore une journée.» J’ai passé toute la nuit à chercher quelle marionnette pouvait être Zoumouroud, quelle autre pouvait ressembler à Zenki… Et le lendemain, nous avons attaché un papier à chaque marionnette avec le nom de ses personnages[15]!
On peut s’interroger sur la similitude des marionnettes, qui pourrait rendre difficile la distinction entre les personnages, d’autant que les différences de costumes ne sont pas évidentes. Nous rejoignons ici le propos et la logique du film : les personnages de l’histoire sont manipulés. Les actions se répètent, les meurtres se suivent, peu importe si les victimes se ressemblent. Tuer ou être tué relève des mêmes absurdités : pour Shawky, l’important est d’échapper, une fois de plus, aux stéréotypes du bon et du méchant.
Et j’ai vu également qu’elles ne reflétaient pas l’idée du bien ou du mal. Et en regardant le film, on peut voir que chaque personnage porte en lui une part de naïveté propre aux animaux. Chaque personnage a quelque chose qui lui est propre, mais en même temps, il y a toujours une part de naïveté ou de sincérité en chacun d’eux. Qu’il s’agisse des Arabes, musulmans, Européens, chrétiens, c’est la même chose pour tous, et ça n’a aucune importance, au contraire. Je crois que c’est la même idée que nous avons suivie pour le premier film, quand nous avons décidé que certaines marionnettes joueraient différents rôles. Parfois elles jouaient des rôles d’Arabes, parfois d’Européens. À d’autres moments, elles étaient des croisés, puis devenaient des victimes. Dans ce second film, cette démarche est encore plus aboutie… ce qui fait qu’il est bien difficile de catégoriser les personnages[16].
Mais « naître à l’Histoire », pour une marionnette, ne dépend-il que de contraintes narratives et matérielles d’une dramaturgie ? Ce serait bien vite oublier que « chacun doit convenir que lorsqu’elle touche, la marionnette touche profond, dans un quelque part sombre où gargouillent les alchimies de l’enfance, le temps qui court et les drôles de figures de la joie et de la difficulté de l’être[17] ».
Ce que souligne la costumière des marionnettes, Marion Poey, bien que consciente du point de vue de Shawky :
Nous avons fini par nous attacher à certaines marionnettes… à cause, parfois, de petits détails. Nous avons pu, a contrario, en détester d’autres. Semblables ou pas, elles finissent par exister ! C’est sans doute au moment où Jauffrey, le perruquier, leur a posé leurs coiffures, que leurs personnalités se sont affirmées, voire confirmées... Et, quand sur le tournage, j’ai vu leur image dans le « retour vidéo » des caméras, je me suis dit : « Voilà, elles existent ! » ; et là, je me suis sentie disparaître de leur vie[18].
La caractérisation n’est plus alors entièrement formelle, mais dépend d’une interaction entre les procédures de production et les mécanismes de personnification ou de projection à l’oeuvre dans la relation marionnette/réalisateur.
J’ai vraiment commencé à réfléchir à la question de l’attribution des rôles au moment où j’ai pensé que les marionnettes des personnages principaux devaient avoir des bouches et des yeux articulés… Et le plus intéressant pour moi est arrivé quand tout a été fini et que devant les marionnettes, j’ai ressenti qu’elles me demandaient de jouer ou de créer un rôle pour chacune d’entre elles… En vérité, je n’ai à aucun moment forcé une marionnette à faire quelque chose ou à entrer dans le rôle de Daqak, de Radwan ou d’un autre. Il faut faire ce qu’elle te demande[19].
On ne peut manquer de rapprocher ce point de vue de celui de Garri Bardine, un des plus grands réalisateurs contemporains de films de marionnettes, Palme d’or à Cannes en 1988 pour Fioritures :
La marionnette doit naître. La part importante du travail avec le créatif de la production, c’est de trouver un personnage tel qu’il va s’insérer dans la structure dramatique de tout le film. On commence par dicter à la marionnette ce qu’elle doit être, comme Carlo qui fabrique Pinocchio à partir d’une bûche. Mais voilà, dès que la marionnette est prête, tout s’inverse et c’est elle qui dicte ce qui est bon pour elle, ce qui la rend plus expressive, l’angle de prise de vue, etc. Elle résiste à notre dictature et exerce sur nous la sienne. C’est fou ce qu’une marionnette peut être exigeante[20].
Sortis des mêmes moules (et sans doute aussi pour cette raison), païens, hérétiques ou fidèles, les mannequins de l’Histoire entrent dans ce « mystère que l’Art crée entre l’existant et l’inexistant, entre le réel et son double, le mystère de la vie autonome des doubles créés par l’Art, et notamment le cinéma[21] ».
« Donner vie. La voix/conscience des marionnettes »
S’il est un aspect du travail de Shawky qui pointe avec acuité le « devenir humain » des marionnettes, c’est bien celui de la voix qu’il leur prête. Shawky décide, deux mois avant le début du tournage, de se rendre à Bahreïn pour y enregistrer les dialogues et les chansons du film. Cabaret Crusades: The Path to Cairo, comme son nom l’indique, est aussi un film musical, construit sur une alternance de numéros chantés, qui jouent un rôle essentiel dans la rythmique générale. Ces chants ne sont pas illustratifs, et leur place dans la démarche artistique de Wael Shawky est des plus importantes. Les rythmes de ces fidjeri, à l’origine créés par des pêcheurs de perles pour s’encourager au travail et à l’exil et accompagnés d’instruments en terre cuite, sont réutilisés par Shawky pour chanter les numéros de Cabaret Crusades.
Il est très clair pour moi que ce travail sur la musique rejoint celui que j’ai tenté avec l’image. Il ne s’agit en aucune manière d’illustrer le film avec une musique exotique, mais toujours de laisser de la place au spectateur, à son imagination, de lui ouvrir un espace pour sa propre interprétation, et surtout de ne pas l’enfermer dans un système manichéen, avec les bons d’un côté et les méchants de l’autre, un seul point de vue. Il fallait donc que cette musique ne soit pas seule dans le film, au risque d’être catégorisée, mais qu’elle signifie quelque chose de plus complexe, de plus contradictoire, qu’elle ait un sens propre à chaque fois. C’est la raison pour laquelle il m’a paru évident de créer également de la musique électronique[22].
À ce travail sur la musique, Shawky ajoute l’enregistrement des dialogues du film en arabe littéraire, langue dans laquelle il souhaite que s’expriment les marionnettes. Il revient donc de Bahreïn avec les voix des marionnettes, selon un scénario cette fois très précis. La matière sonore du film devient ainsi la base de l’organisation même du tournage : les marionnettes vont travailler en play-back. Or, la synchronisation des mouvements des marionnettes avec le texte est loin d’être simple, et pas seulement pour des questions de manipulation : le réalisateur est en effet le seul à comprendre cette langue. Pour que son équipe soit en mesure de se repérer, un travail considérable de transcription de l’arabe littéraire en phonétique est réalisé. Ainsi le tournage échappe à la lourdeur d’une traduction permanente et simultanée des textes à l’attention des marionnettistes et des techniciens de plateau. Si l’on peut invoquer des raisons techniques au refus de postsynchroniser le film, l’essence même du play-back apparaît comme la motivation profonde du réalisateur. Comme l’analyse Michel Chion : « Des mots ont été prononcés par des voix : sur ces mots, des acteurs (qu’importe qu’ils soient ou non propriétaires de ces voix) font chanter, parler, bouger leur corps. C’est le corps qui se calque sur la voix, l’image qui se construit sur le son[23]. »
Ce procédé de fusion du corps et de la voix nous fait entrer d’emblée dans le monde imaginaire de Cabaret Crusades: The Path to Cairo. Le même auteur rappelle qu’Orson Welles construisait à l’âge de six ans un petit théâtre de marionnettes dans lequel il prêtait sa voix aux différents personnages de Shakespeare qu’il faisait jouer. « Il n’est pas le seul enfant qui ait prêté sa voix à des poupées, marionnettes, figures de bandes dessinées, et autres illusions. Mais combien, devenus adultes, continuent ce jeu[24] ? » Les voix que Wael Shawky est allé chercher à Bahreïn, nul n’en a vu l’origine, nul ne sait qui parle réellement. Ce sont ni plus ni moins celles que le réalisateur apporte sur le plateau, les siennes, avec lesquelles il joue. Lui seul, avec elles, donne aux marionnettes la possibilité d’une vie, le temps d’un film. La voix attribuée aux marionnettes produit un double effet : en les rendant vivantes, elle leur donne aussi le pouvoir de donner un présent aux voix du passé : « La voix au cinéma est de même nature que l’enregistrement du monde[25]. »
De l’animé à l’inanimé. Le franchissement des frontières
Le renversement des points de vue, la question de l’autre et de son double, tels sont les constituants du moteur de la création de Shawky. De la naissance des pantins à l’interprétation de l’Histoire, en passant par la création des personnages, cette approche soulève avec les croisades et leurs résurgences dans le présent des questions relatives aux échanges entre l’Occident et le monde arabe, au sein desquels la marionnette joue un rôle encore peu exploré.
Dans La pieuvre : quatorze ans de lutte contre la mafia. Une histoire vraie (2011)[26], surprenante bande dessinée qui s’ouvre sur une note de Manfredi Giffone, l’auteur des dialogues nous explique pourquoi le récit de ces quatorze années a eu besoin d’un « narrateur externe à la trame, qui tienne les fils de l’histoire ». Ce narrateur n’est autre que Mimmo Cuttichio[27], marionnettiste, puparo et cuntista, gardien et rénovateur de la tradition de l’Opera dei pupi[28] en Sicile. Ainsi la bande dessinée commence-t-elle comme un spectacle de marionnettes, deux d’entre elles introduisant Cutichio lui-même, et prononçant un texte aux accents énigmatiques, où il est question d’une « histoire de mauvais chrétiens, de traîtres et d’assassins », interprétés par des animaux, « certains cruels et d’autres doux ». Bien que destinée aux enfants, cette histoire concerne les adultes qui doivent savoir qu’elle n’est « ni une fable ni une histoire ancienne ». L’analogie entre Shawky et Cutichio – la fonction politique de la marionnette, dont la parole peut porter un message à l’abri de sa nature symbolique, mais en tout point destiné aux humains – est flagrante. Fonction redoublée par la nature animale des personnages afin d’ajouter encore plus de distance avec le réel – pour en parler d’autant mieux.
Au-delà de la même utilisation politique de la technique narrative, ces analogies révèlent une cartographie historique et méditerranéenne de la marionnette, fondée sur la circulation des textes et des hommes. L’Opera dei pupi interprète de longs cycles présentés par épisodes fondés sur la littérature chevaleresque, et notamment sur le cycle de Charlemagne, particularités qui semblent apparaître au début du xixe siècle dans le sud de l’Italie et en Sicile. Les sources lointaines sont les poèmes épiques du Moyen Âge français, qui racontent l’histoire des croisades et des guerres chrétiennes menées par Charlemagne contre les Arabes (« Sarrasins ») et qui sont repris à la Renaissance en Italie[29]. Ces représentations se sont répandues dans le monde entier et en particulier à Tunis, où elles ont donné naissance à un « théâtre tunisien batailleur où les Sarrasins sont les bons et les chrétiens les méchants[30]». Ainsi le même répertoire a-t-il connu ses versions arabes dans lesquelles les exploits des combattants sarrasins contre les croisés sont célébrés. On peut donc supposer que les textes de La Chanson de Roland – sous une forme ou sous une autre – ont subi quelques inversions dans la nature et les fonctions des personnages… pour des interprétations adaptées aux deux camps. Une polyvalence qui peut expliquer aussi le choix des marionnettes par Shawky dans son traitement de l’histoire. Le film donne un exemple frappant de la complexité des situations ainsi engendrées. La fille de Baudoin II, roi de Jérusalem, pourtant chrétienne, chante La Chanson de Roland en remplaçant le mot « païen » par « musulman », pour signifier à son père qu’elle ne lui est pas soumise. Née dans la principauté d’Antioche, elle n’a jamais connu la France : née dans les mots des Francs, Alice pense avec la langue arabe. La marionnette : un pantin qui change de point de vue en fonction de celles et ceux qui les animent.
Cabaret Crusades: The Path to Cairo, « spectacle mélangé[31]», doit sa force à la nature paradoxale de la marionnette, objet « passeur » de frontières entre mythe et histoire. Cet étonnant voyage des textes et des marionnettes qui les portent nous ramène à l’écheveau des frontières – réelles et imaginaires – sur lequel le film a pris naissance : d’un pays à l’autre, d’une civilisation à l’autre, passage flou de la vie à la mort, entre la scène du cabaret et « l’autre scène » de l’imaginaire. Plus encore : exportées dans l’oeil des caméras, les marionnettes témoignent d’autres vies que les leurs. « Nous sommes dans un rêve à l’intérieur d’un autre rêve », dit l’acteur Totó, qui interprète la marionnette jouant elle-même le rôle de Iago, dans le film de Pasolini Que sont les nuages ? (1968). Cette topique de la marionnette ouvre sur des territoires de métissage, d’hybridation culturelle et esthétique que symbolisent en premier lieu les animaux-personnages du film. En ce sens, Wael Shawky, interprète des mythes communs de l’islam et de la chrétienté[32], et poursuit son trajet d’artiste traducteur des mélanges et conflits interculturels qui interrogent fortement notre présent. Un questionnement où la marionnette joue un rôle majeur, entre oralité et écriture, entre bande dessinée et cinéma, animée, réanimée, nomade, migrante…
Parties annexes
Note biographique
Réalisateur et enseignant-chercheur en audiovisuel, Jacques Sapiega est directeur du laboratoire Arts, Sciences, Technologies, Recherche Audiovisuelle et Multimédia (Faculté des Sciences, Université d’Aix-Marseille). Ses dernières publications incluent l’article « The Durance. Interlaced Waters : Art-Science Collaborations and Audiovisual Research » (Leonardo, vol. 47, no 1, 2014). De 2011 à 2014, il a dirigé avec l’historienne Maryline Crivello la collection vidéo « Je me souviens… de la Méditerranée » (INA/CNRS/Université d’Aix-Marseille).
Notes
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[1]
Amin Maalouf, Les croisades vues par les Arabes, Paris, Éditions J’ai lu, 1985. L’ensemble de l’adaptation constituera une trilogie. Le dernier épisode (The Secrets of Karbala) est en cours de production avec le soutien du Kunstsammlung NRW (Düsseldorf). L’oeuvre sera présentée dans sa totalité au MOMA à New York en octobre 2014. Les deux premiers films accompagnés des marionnettes font l’objet de plusieurs installations en 2014 : Serpentine Galleries (Londres, novembre 2013-février 2014), Sharjah Art Museum (Sharjah, mars), Manifesta (Saint-Pétersbourg, avril), Wiener Festwochen (Autriche, mai-juin).
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[2]
La collection de marionnettes de la famille Lupi, célèbres marionnettistes des 18e et 19e siècles, se trouve dans le Musée de la Marionnette piémontaise, installé au sein du Teatro Gianduja à Turin.
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[3]
École de céramique de Provence à Aubagne.
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[4]
Wael Shawky, entretien réalisé par l’auteur le 16 janvier 2013.
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[5]
La plupart du temps, les équipes des deux villes qui se défient n’ont aucune idée des intentions du jeu.
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[6]
Shawky, 2013.
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[7]
Des photographies de l’installation et la note d’intention de l’artiste sont accessibles à l’adresse suivante : www.sharjahart.org/projects/projects-by-date/2009/telematch-sadat-shawky (consulté le 22 janvier 2014).
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[8]
Ibid.
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[9]
Le prêche du pape Urbain II à Clermont, le 27 novembre 1095, est considéré comme l’amorce de la première croisade. Cet appel à se porter au secours des chrétiens d’Orient persécutés par les Turcs n’a pas été écrit et archivé au moment où il a lieu. Plusieurs témoins de l’événement le retranscriront quelques années plus tard : Foucher de Chartres, Geoffroi de Vendôme, Baudri de Bourgueil, Robert de Reims. Ces clercs donnent des versions semblables, mais il ne s’agit pour aucune d’entre elles de l’original. Leur façon de raconter est évidemment différente.
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[10]
Shawky, 2013.
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[11]
« La marionnette est un objet transitionnel en ce qu’elle participe à la construction identitaire de l’artiste créateur », Francis Vanoye, « Portraits de cinéastes en marionnettistes : Bergman/Lynch, Renoir/Bunuel », dans La vie filmique des marionnettes, Presses universitaires de Paris, 10, 2008, p. 295.
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[12]
Voir Jean-Pierre Vernant, « Le travail et la pensée technique », dans Mythe et pensée chez les Grecs, Paris, Éditions Maspero, 1969.
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[13]
Pierre Architta participe aujourd’hui à la fabrication des marionnettes du troisième épisode de Cabaret Crusades. La tentative consiste cette fois-ci à réaliser des marionnettes en verre (cristal de Murano) avec un maître verrier. Le tournage doit avoir lieu à Düsseldorf au printemps 2014.
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[14]
Tout le travail de conception des articulations et d’animation (contrôles et fils) repose sur Irene Lentini, marionnettiste professionnelle, qui participe également à la création des marionnettes du troisième épisode à Düsseldorf.
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[15]
Shawky, 2013.
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[16]
Ibid.
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[17]
Paul Fournel, « Introduction au monde de la marionnette », dans Encyclopédie mondiale des arts de la marionnette, Montpellier, UNIMA et Éditions L’Entretemps, 2009, p. 25.
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[18]
Marion Poey, entretien réalisé par l’auteur le 15 mai 2013.
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[19]
Shawky, 2013.
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[20]
Garri Bardine, « La marionnette selon Stanislavski », propos recueillis par Anna Ivanova-Brashinskaya, Puck, no 15, 2008, p. 95.
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[21]
Vanoye, 2008, p. 295-296.
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[22]
Shawky, 2013.
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[23]
Michel Chion, La voix au cinéma, Paris, Éditions de l’Étoile / Cahiers du cinéma, 1993, p. 139.
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[24]
Michel Chion, « Notes sur la voix chez Orson Welles : Orson Welles Speaking », dans Orson Welles, Paris, Éditions de l’Étoile / Cahiers du cinéma, 1986, p. 126-131. Michel Chion fait l’hypothèse de la présence de la voix d’Orson Welles dans chacun de ses films comme puissance organisatrice de l’imaginaire : « Mais en même temps que la voix s’attribue ce pouvoir de faire vivre les illusions, elle sait le tenir de l’usurpation du pouvoir d’une autre voix, qui n’est pas là et dont elle occupe la place. Elle le sait et les films le disent », p. 131.
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[25]
Jacques Derrida, « Le cinéma et ses fantômes », Cahiers du cinéma, Paris, no 556, avril 2001, p. 81.
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[26]
Manfredi Giffone, Fabrizio Longo et Alessandro Parodi, La pieuvre. Quatorze ans de lutte contre la mafia. Une histoire vraie, trad. Hélène Dauniol-Remaud, Paris, Éditions Les Arènes, 2011.
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[27]
Voir Janne Vibaek Pasqualino, « Cutichio (Giacomo) » et « Cuticchio (Mimmo) », dans Encyclopédie mondiale des arts de la marionnette, Montpellier, UNIMA et Éditions L’Entretemps, 2009, p. 198-199. Mimmo Cutichio apparaît dans Le Parrain (1972) de Coppola dans la séquence où l’on voit Michael Corleone faire découvrir la Sicile à son ex-femme, Kay.
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[28]
Antonio Pasqualino et Janne Vibaek Pasqualino, « Pupi », dans Encyclopédie mondiale des arts de la marionnette, 2009, p. 569-572.
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[29]
On retiendra L’Orlando furioso, descendant de la chanson de Roland, écrit par l’Arioste, et Jérusalem délivrée du Tasse. Compilés, mélangés, ces poèmes fournirent au 19e siècle toute une matière d’intrigues et donnèrent naissance à de véritables « séries » que les marionnettistes (pupari) interprétaient par épisodes pendant une année entière.
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[30]
Pasqualino et Pasqualino, 2009, p. 569.
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[31]
« Si, à ses civilisations, la mer (la Méditerranée) a dû ses guerres, elle leur a dû aussi ses échanges multiples (techniques, idées et même croyances), et les bigarrures et les spectacles mélangés qu’elle nous offre aujourd’hui », Fernand Braudel, La Méditerranée. L’espace et l’histoire, Paris, Flammarion, 2009, p. 173.
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[32]
Voir Louis Massignon et al., Les Sept Dormants d’Éphèse (Ahl al-Kahf) en Islam et en Chrétienté : recueil documentaire et iconographique, Paris, Éditions Geuthner, 1955. Voir également, sur ces questions : Dionigi Albera et Maria Couroucli (dir.), Religions traversées : lieux saints partagés entre chrétiens, musulmans et juifs en Méditerranée, Arles et Aix-en-Provence, Actes Sud / MMSH, 2012.