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Commencements ["Naître / Birth of a concept", no 1 printemps 2003][Notice]

  • Silvestra Mariniello

L’intermédialité : ce terme a fait son apparition assez récemment, il y a une dizaine d’années peut-être, et n’arrête pas de se répandre : on le retrouve de plus en plus souvent dans les titres des colloques, des publications ou des projets de recherche. J’en questionne ici le commencement, non pour en repérer l’origine, ni pour retracer le développement historique de la pratique intermédiale (cela a déjà été fait) mais pour essayer de saisir les implications épistémologiques du concept. Intermédialité, s’agit-il d’un nouveau concept? D’un concept pour penser l’expérience de la transition que nous sommes en train de vivre? D’un phénomène, comme l’électricité? D’une pratique? « Il n’y a pas de concept simple », disent Deleuze et Guattari, « tout concept a des composantes et se définit par elles. » Il forme aussi un tout « parce qu’il totalise ses composantes, mais un tout fragmentaire » et toujours se dessinant au seuil du chaos. Est-il alors possible de repérer les composantes de l’intermédialité? « Inter », par exemple, comme dans « inter-textualité » qui indique le renvoi d’une pratique médiatique à une autre, ainsi que la spatio-temporalité suspendue de l’« entre-deux » ; « médium », le milieu dans lequel a lieu un événement ; « médiation », qui renvoie à la façon dont une rencontre est possible entre un sujet et le monde, entre deux sujets dans un mouvement qui, à chaque fois, les constitue l’un par rapport à l’autre ; appareil, qui dévoile la façon dont la technique informe la rencontre ; devenir, qui révèle la dynamique inséparable de toute médiation. « Tout concept renvoie à un problème, à des problèmes sans lesquels il n’aurait pas de sens, et qui ne peuvent eux-mêmes être dégagés ou compris qu’au fur et à mesure de leur solution » (qqp, p. 22). À quel problème ou à quels problèmes renvoie donc l’intermédialité? Je peux seulement avancer des hypothèses. À un niveau très général, il s’agit de la pluralité des médias, de leur coexistence, de leurs croisements, de la synchronie implicite dans la médiatisation des événements (McLuhan parlait de « all- at-onceness »). À un autre niveau, il s’agit du problème relatif à la transformation rapide de la connaissance dans un environnement (médiatique, mais aussi géographique et les deux tendent à se confondre) qui privilégie les dynamiques, les passages, la circulation du sens, des personnes et des biens par rapport aux arrêts, aux résultats, aux objets ; dans un environnement qui, malgré les apparences, ne dispose plus « le multiple de l’être pour et à l’égard de la signification ». Il s’agit, encore, du problème lié à la transformation de l’expérience dans ce même environnement, de la redéfinition de l’expérience historique et, en général, des problèmes relatifs à la transition d’un système de valeurs à un autre, encore indéfini. Il s’agit, enfin, du problème concernant l’émergence d’un milieu-réseau renvoyant à un sujet et à une mémoire qui ne semblent plus les mêmes que le sujet et la mémoire habitant l’écriture. Le texte de Deleuze et Guattari nous fait faire un autre bout de chemin, si nous considérons leurs remarques sur l’histoire et le devenir des concepts. Tout concept a une histoire, « bien que cette histoire soit en zigzag, qu’elle passe au besoin par d’autres problèmes ou sur des plans divers » (qqp, p. 23) et un devenir, « qui concerne cette fois son rapport avec des concepts situés sur le même plan. Ici les concepts se raccordent les uns avec les autres, se recoupent les uns les autres, coordonnent leurs contours, composent leurs problèmes respectifs, …

Parties annexes