Résumés
Résumé
Cet article étudie selon une approche alternative l’histoire culturelle du papier dans l’Europe occidentale moderne, en remettant en perspective les interactions entre papier imprimé et papier non imprimé. On y trouve une critique de la formule diachronique de Marshall McLuhan : « du manuscrit à l’imprimé ». McLuhan soutient que l’invention de l’imprimerie a conduit à une transformation historique brutale : le papier non imprimé n’a plus servi qu’à nourrir la production de papier imprimé, tandis que le statut moderne de l’auteur s’est trouvé irrévocablement rattaché à la nouvelle matérialisation de l’innovation et de l’autorité : le caractère d’imprimerie. Cet article préfère mettre l’accent sur les différentes strates dans l’usage du papier, telles qu’on les découvre dans les pratiques culturelles de la première modernité européenne (on peut penser au papier comme médium visuel), et plaide pour une réinterprétation de l’impact produit par l’imprimerie. Imprimé et non-imprimé ont été considérés à égalité et sont restés inséparables, car ils étaient chacun l’effet de la demande croissante de papier dans tous les domaines de la vie publique et privée. Pour montrer les effets culturels de cette tension entre papier imprimé et non imprimé, l’article propose une analyse de la fiction de l’éditeur. On sait que dans certains textes poétiques, le produit imprimé se réfère à sa propre histoire, en remontant à un manuscrit sur papier non imprimé.
Abstract
This article investigates an alternative approach to a cultural history of paper in modern Western Europe by reframing the interwoven relationship between the unprinted and the printed modes of paper. It hints at the limitations of Marshall McLuhan’s diachronic formula “from manuscript to print,” which contains the notion that the invention of the printing press led to a sudden historical shift where unprinted paper was reduced to serve as fuel for the production of printed paper, while the idea of modern authorship was irrevocably linked to the printed letter as the new material of innovation and authority. Rather, the article emphasizes the multi-layered uses of paper in cultural practices in early modern Europe (for instance, as a visual medium) and argues for a reinterpretation of the impact of the printing press. Here, the unprinted and the printed gained equal importance and remained intertwined as two effects of a growing demand for paper in various domains of public and private life. As an example of the cultural effects of the tension between printed and unprinted paper, the article analyzes the fiction of the publisher in poetic texts, in which the printed product refers to its own development as a result of unprinted manuscript on paper.