Numéro 15, printemps 2010 exposer displaying Sous la direction de Elitza Dulguerova
Sommaire (14 articles)
exposer / displaying
-
Introduction
-
Pour une histoire transnationale des expositions d’art ancien : les Primitifs exposés à Bruges, Sienne, Paris et Düsseldorf (1902-1904)
Michela Passini
p. 15–32
RésuméFR :
À l’exception de quelques manifestations isolées à la fin du 19e siècle, l’exposition d’art ancien s’affirme au 20e comme l’une des expressions privilégiées de l’histoire de l’art. À la fois produit final d’un travail de conceptualisation et dispositif de visualisation d’un récit historique, l’exposition permet de « matérialiser » une hypothèse historiographique. Elle promeut une certaine interprétation de phénomènes ou d’époques donnés et va parfois jusqu’à constituer de nouveaux objets d’étude qui s’imposent à la communauté scientifique : c’est notamment le cas de grandes expositions de Primitifs qui ont lieu, presque simultanément, à Bruges, Sienne, Paris et Düsseldorf entre 1902 et 1904. Ces manifestations relèvent d’une internationalisation des biens culturels qui s’est produite en étroite imbrication avec la nationalisation des sociétés européennes. On se penche ici sur les différentes figures impliquées, sur leurs réseaux intellectuels et professionnels, nationaux et internationaux.
EN :
Apart from a few isolated examples in the late 19th century, it was in the early decades of the 20th century that the Old Masters gained prominence in art history. Exhibitions, conceptualization processes and visualisation devices helped produce an historical hypothesis. Interpretations of certain phenomena or periods were proposed, sometimes producing nwe areas of study pertinent to the scientific community. This is the case of the great exhibitions of primitive painters that took place almost simultaneously in Bruges, Sienna, Paris and Düsseldorf between 1902 and 1904. These exhibitions arose within an internationalization of culture that occured along with the nationalization of European societies. This essay looks at the figures behind these efforts, examining their intellectual and professional interconnections, both on a national and international scale.
-
Picture Policies in Documents: Visual Display and Epistemic Practices
Ines Lindner
p. 33–51
RésuméEN :
This essay discusses the specific relationships between images and text in the journal Documents which Georges Bataille edited from 1929 to 1930. Visual display is of central importance in the publication, the images do not illustrate, they operate on the same plane as the text, and the dynamics created through their interplay are decisive. They shape the attack on scientific discourse and every kind of idealism. The journal did not survive beyond the second year, but it became a catalyst for those involved and a source of postmodern thinking through its picture policies.
FR :
Cet article analyse la spécificité des relations entre texte et image dans la revue Documents dirigée par Georges Bataille de 1929 à 1930. La disposition visuelle s’avère essentielle dans cette publication : les images n’illustrent pas le texte, elles ne lui sont pas subordonnées. Au contraire, l’interaction dynamique entre les deux compose la force critique qui vient miner tout discours scientifique et idéaliste. Documents n’existera guère plus de deux ans mais devint un catalyseur important pour ses collaborateurs et une source de la pensée postmoderne, notamment à travers ses stratégies visuelles.
-
L’expérience et son double : notes sur la reconstruction d’expositions et la photographie
Elitza Dulguerova
p. 53–71
RésuméFR :
La reconstitution d’expositions passées est devenue, depuis une trentaine d’années, une stratégie réflexive critique adoptée par plusieurs musées et, parfois, par certains artistes d’allégeance néoconceptuelle. En partant de l’hypothèse que dans de tels cas la réplique porte moins sur l’objet lui-même que sur l’expérience de cet objet, ce texte s’intéresse à l’oscillation qui en résulte : entre le désir de regagner prise sur le passé en écourtant la distance temporelle et celui de riposter depuis le présent en creusant l’écart de l’impossible rencontre. Il interroge en particulier le rôle de la photographie comme élément de référence de telles répliques à travers des exemples de reconstructions partielles réalisées à la fois par des institutions muséales (l’exposition The Avant-Garde in Russia : New Perspectives 1900-1930, Los Angeles County Museum of Art, 1980) et par des artistes (Simon Starling, Nachbau, Museum Folkwang, Essen, 2007).
EN :
This essay discusses the replica as an exhibiting strategy which conveys a critical reflection that many institutions and some neo-conceptual artists have adopted in recent years. The article asserts that in these re-enactments of past displaying situations, the replica deals less with the reconstruction of missing works than with the experience of these objects. In this perspective, the “replica” shifts between the desire to overcome the past by shortening the temporal distance, and the desire to counter from the present by widening the chasm of the impossible encounter. These questions will be tackled through the examination of photography as a referential medium that has supported certain partial reconstructions conducted by the Los Angeles County Museum of Art (The Avant-Garde in Russia : New Perspectives 1900-1930, 1980), the Karl-Ernst-Osthaus Museum in Hagen, as well as the Museum Folkwang in Essen (Simon Starling, Nachbau, 2007).
-
L’exposition comme produit dérivé : Marie-Antoinette au Grand Palais
Johanne Lamoureux
p. 73–89
RésuméFR :
En 2008, les Galeries nationales du Grand Palais à Paris présentaient l’exposition Marie-Antoinette et en confiaient la scénographie au metteur en scène Robert Carsens. Ce blockbuster révisionniste nous propose Marie-Antoinette comme une figure dépolitisée, une espèce de célébrité contemporaine en manque de spin doctor et fatalement incapable de résoudre ses épineux problèmes d’image publique. Le présent essai réfléchit à deux usages de l’intermédialité dans la culture contemporaine en tant que ceux-ci se manifestent dans la scénographie de l’exposition. Chacun d’entre eux est exemplifié par un site précis de l’exposition : le kiosque Ladurée et la salle consacrée au Petit Trianon.
EN :
In 2008, the National Galleries of the Grand Palais presented Marie-Antoinette, a revisionist blockbuster staged by director Robert Carsens. Throughout the exhibition, Marie-Antoinette was introduced as a poor little rich girl, a sort of Lady Di prefigured: a celebrity whose fate could have been altered had she found a good spin doctor to solve her problem of public image. This essay will point to two different uses of intermediality in contemporary cultural production, as they can be exemplified by two specific loci of the exhibition: the Ladurée booth and the Trianon room.
-
Exposer l’« art contemporain du Moyen-Orient » : le British Museum face à ses collections
Monia Abdallah
p. 91–104
RésuméFR :
Dès le début des années 1980, le British Museum a mis en place une politique d’acquisition d’oeuvres contemporaines « du Moyen-Orient ». Les oeuvres acquises sont successivement exposées avec les objets d’art islamique historique du musée réunis dans la galerie John Addis. Ce choix sous-entend que ces oeuvres contemporaines prolongeraient l’« art islamique » aujourd’hui. En revenant sur l’histoire de la galerie John Addis et de ses collections d’art « islamique », historique et contemporain, cet article montre que le choix fait par le British Museum d’exposer sa collection d’« art contemporain du Moyen-Orient » à côté d’objets de l’art islamique historique réactive non seulement la notion de « civilisation islamique » mais suppose également de façon tout aussi problématique l’existence d’une « essence islamique ».
EN :
Since the beginning of the 1980s, the British Museum has been maintaining a policy of acquiring contemporary pieces “from the Middle-East”. The acquired works of art have been successively exhibited alongside historical islamic art objects in the John Addis Gallery. This displaying strategy suggests that the contemporary artworks prolong “islamic art” today. By examining the history of the John Addis Gallery’s collections of “islamic” art, this essay shows how the British Museum’s display of its “contemporary art from the Middle-East” not only revives the notion of “islamic civilization” but also implies the existence of an “islamic essence”.
-
Restitution Exhibitions: Issues of Ethnic Identity and Art
Reesa Greenberg
p. 105–117
RésuméEN :
This essay looks at post 2005 restitution exhibitions of art believed or known to be owned by Jews stolen during National Socialist times in order to examine complex questions and layered relationships involving private property, public institutions and museum display.
FR :
Ce texte se donne pour objet l’analyse des expositions de restitution d’art spolié aux Juifs pendant l’ère du national-socialisme postérieures à 2005 afin d’examiner les liens entre la propriété privée, les institutions publiques, et les présentations de musée.
-
Exposer le temps
Véronique Souben et Elitza Dulguerova
p. 119–141
RésuméFR :
Le point de départ de ce dialogue est l’exposition 90’, conçue et organisée par Véronique Souben au Frac Franche-Comté en 2009. Son dispositif scénographique très rigoureux, articulé en dix salles, déclinait autant de conventions expositionnelles, de la galerie chronologique à la period room, de l’accrochage en tapisserie au modèle du white cube, du plateau cinématographique aux halls d’entrée. En situant cette expérience dans l’histoire des formes d’exposition artistiques autant que commerciales du 19e et du 20e siècle, les auteures réfléchissent aux rapports entre exposition et collection, au rôle du commissaire, à la place du catalogue, et mettent en évidence le travail de représentation du temps et de l’histoire que produit une exposition.
EN :
This dialogue revolves around the exhibition 90’, conceived and organised by Véronique Souben in 2009 at Frac Franche-Comté. Its rigorous staging apparatus, articulated in 12 rooms, presented a set of different exhibiting conventions, from the chronological gallery to the period room, from salon-style display to the white cube model, from the cinematographic set to the lobby. By inscribing this experience within the history of artistic and commercial exhibitions of the 19th and 20th centuries, both writers reflect on the relationships between exhibition and collection, on the functions of the curator and of the catalogue, in order to highlight the way in which an exhibition produces a representation of time and of history.
-
Exposer en mathématiques
Michel Vaquié
p. 143–161
RésuméFR :
La présente étude décrit les conditions et les modalités concrètes de différents types d’exposés en mathématiques : de l’exposé écrit pour une publication aux diverses formes d’exposition orale, qu’elles soient de vulgarisation, ou qu’elles s’adressent à un public général de mathématiciens ou restreint à la petite communauté de spécialistes d’un champ de recherche particulier. Elle montre combien la persuasion mise en oeuvre lors de l’exposé d’un résultat renvoie, pour l’orateur ou pour le lecteur, à la possibilité d’en rejouer la démonstration, soit de rester en position active vis-à-vis de l’énonciation.
EN :
This analysis describes the conditions and the actual modalities of different types of displays in mathematics: written displays in published articles as well as oral presentations directed to a public with some or no specific knowledge in the field, or an address given within a small circle of experts in a specific field of research. The article shows how the persuasiveness of the presentation, for orator and reader alike, depends on being able to replay the demonstration, to remain active to what’s being said.
-
Reflections on the Pragmatics of the Illustrated Perspective Treatise: Performative Failures and (Pre-) Romantic Innovations
Eduardo Ralickas
p. 163–185
RésuméEN :
This essay reconsiders visual demonstrations contained in a selection of illustrated perspective treatises. Based on a fundamental distinction made in the field of pragmatics, the author argues that the images designed to demonstrate/teach/instantiate the perspectival system are plagued by a contradiction between the conceptual “content” of perspective and the figurative means deployed to display such content. In all cases, this aporia, which defines the teaching of perspective by means of images, arises when the figurative discourse of perspective attempts to integrate a representation of its user within the system itself. In closing, the author suggests that the perspective treatise’s “pragmatic unconscious” allows one to shed new light on the pictorial innovations of German romanticism, particularly in the work of Caspar David Friedrich, which is tied to fundamental (and hitherto unforeseen) ways to the “failures” of the classical age.
FR :
Cet article examine les dispositifs de monstration visuelle à l’intérieur de certains traités de perspective illustrés. En se basant sur une distinction fondamentale en pragmatique, l’auteur soutient que les images conçues pour démontrer/enseigner/instancier le système perspectiviste sont minées par une contradiction entre le « contenu » de la perspective et les moyens figuratifs déployés pour exposer ce contenu. Dans tous les cas, cette aporie, qui définit l’enseignement de la perspective par le biais d’images, surgit lorsque le discours figuratif de perspective tente d’intégrer la représentation de son usager à l’intérieur du système en soi. En définitive, l’auteur affirme que la « pragmatique inconsciente » du traité de perspective permet de porter un nouveau regard sur les innovations picturales du romantisme allemand, et plus particulièrement sur l’oeuvre de Caspar David Friedrich, dans la mesure où celle-ci s’avère fondamentalement liée aux échecs de l’âge classique.
Artiste invité / Guest Artist
-
Exposer, publier
-
Martin Beck
p. 195–207
Hors dossier / Miscellaneous
-
Éthérotopies : retour sur des espaces hôtes
Ghislain Thibault
p. 211–229
RésuméFR :
Ce texte propose d’aborder la multiplication d’espaces soustraits aux champs de la visibilité en s’attardant aux retours persistants de la métaphore de l’éther dans l’histoire. Saisie sous l’angle de la généalogie, la brève enquête présentée ici s’attarde aux passages d’une instance de la métaphore à l’autre afin de souligner certains rapports sympathiques qui marquent les discours technoscientifiques de la fin du 19e et ceux, cyberculturels, du début du 21e siècle. L’auteur cherche ainsi à interroger autrement, par les biais de l’éther et de la métaphore, certaines des plus récentes formulations de la question de l’espace, une question au coeur du développement des technologies de communication.
EN :
In order to address the proliferation of imponderable and invisible spaces, this paper interrogates the persistence of the metaphor of “ether” in history. By theorizing the metaphor from a genealogical perspective, this brief inquiry focuses on transitions from one instance of the metaphor to another in order to highlight some of the sympathetic relations between late 19th century technoscientific discourses and early 21st century cybercultural discourses. Using both ether and metaphor, the author seeks other ways to investigate some of the latest conceptualizations of “space” fundamental to communication technologies.
-
Nouvelles formes d’art et d’expérience esthétique dans une culture en transit : les promenades de Janet Cardiff
Walter Moser
p. 231–250
RésuméFR :
Cette étude part du constat que notre condition culturelle contemporaine est marquée par l’augmentation et l’intensification des mobilités à la fois physiques (locomotion) et médiatiques (médiamotion). En interaction avec cette condition, de nouvelles formes d’art émergent. L’analyse porte sur une de ces nouvelles formes réalisée par l’artiste canadienne Janet Cardiff dans le genre des audio-visual walks, et plus particulièrement sur Conspiracy Theory créé en 2002 à l’occasion d’une exposition au MAC de Montréal. Elle se concentre sur la sculpture sonore de la bande auditive et les dispositifs d’énonciation visuelle de l’image vidéo afin de comprendre la manière dont cette oeuvre détermine une expérience esthétique de la mobilité pour le promeneur déambulatoire. Tout en s’en alimentant, cette expérience aménage un espace cognitif et critique par rapport à la culture ambiante.
EN :
This essay observes the intensification of mobility within contemporary culture through its physical (locomotion) and media-based (mediamotion) dimensions. New artistic practices emerge from the interaction with this cultural condition, notable examples beeing Janet Cardiff’s audio-visual walks. By focusing on the sculptural sound track and the visual apparatus in her piece Conspiracy Theory (2002), the author examines the aesthetic experience of mobility in which the wanderer is involved. It shows that this experience draws from the ambient culture while still building a cognitive and critical space in relation to it.