Introduction : entre idéal canadien et attraction étatsunienne [Notice]

  • Godefroy Desrosiers-Lauzon et
  • Serge Dupuis

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  • Godefroy Desrosiers-Lauzon
    Chercheur postdoctoral, Laboratoire, Ville et ESPAces politiques, INRS Urbanisation Culture Société, Montréal, H2X 1E3

  • Serge Dupuis
    University of Waterloo, Department of History, Hagey Hall, 200 University Avenue West, Waterloo, Ontario, Canada N2L 3G1

Pour un dossier spécial sur les Canadiens aux États-Unis

Peut-on extraire un sens du Canada ? S’est-il seulement défini par la négative, n’a-t-il représenté qu’une ombre de son voisin puissant ? À la suite de négociations constitutionnelles qui ont accentué les clivages idéologiques dans la deuxième moitié du 20e siècle, plusieurs citoyens du Canada arrivèrent à un constat que leur pays n’avait été qu’un hasard de l’histoire. Nombreux sont ceux qui pensent que les nuances entre Canadiens et Américains sont insignifiantes. Pourtant, une telle conception n’explique en rien l’existence actuelle du Canada et obscurcit ses continuités historiques. L’anti-américanisme se fonde-t-il sur de simples préjugés ou est-il aussi tributaire de la tradition politique britannique et de la préoccupation pour la pérennité d’une culture collective particulière ? Ce travail de repérage des caractéristiques « canadiennes » fut entrepris il y a une décennie par une multitude de chercheurs. Pour l’historienne Nancy Christie, le Canada britannique s’est formé en réaction à la Révolution américaine. À son avis, on sous-estime le second souffle que la consolidation de la colonie canadienne a donné à l’Empire britannique. La création d’institutions britanniques, les interactions avec Londres, la fidélisation à l’Empire par les Églises protestantes et l’arrimage du droit civil et de l’Église des descendants français aux institutions britanniques représentent un important maillon de l’histoire canadienne (Christie, Transatlantic Subjects, 19). Il est bien connu que les historiens Michel Brunet et José Igartua ne s’entendaient pas sur les conséquences de la défaite de la France en 1763, mais ils s’entendaient pour dire que la politisation des Canadiens français et leur conscientisation collective a émergé entre la fin du XVIIIe et le milieu du XIXe siècle et non pas avant la Conquête (Dumont, Genèse de la société; Brunet, « Les Canadiens après la Conquête »; Igartua, “A Change in Climate”). La création des assemblées législatives des Haut-Canada et Bas-Canada en 1791, tout comme la confirmation du droit à la propriété et l’attribution de la responsabilité gouvernementale en 1849, plurent à une importante part de la population, ce qui explique, du moins en partie, l’absence de « Révolution canadienne ». Dans la dernière décennie, les historiens canadiens Carol Wilton et Jerry Bannister ont minimisé l’importance des Rébellions de 1837-1838 en estimant que les législateurs nommés par Londres qui prenaient en compte les griefs de leurs sujets avaient formé « an effective precursor to responsible government » (Bannister, The Rule of Admirals), soit le début d’une lente marche vers la responsabilité gouvernementale. Malgré tout, ces auteurs pourraient difficilement estimer que l’hostilité de l’armée britannique envers les Patriotes était marginale dans la trajectoire historique du Canada. Cette manifestation de frustrations, particulièrement importante au Bas-Canada, signalait minimalement que la démocratisation avançait trop lentement. On associe l’historien Ian McKay à une reconfiguration de l’historiographie canadienne qui minimise la Confédération comme moment décisif. Il voit le siècle qui s’est écoulé entre 1840 et 1940 comme celui de la construction d’un État libéral, toujours affilié à la Couronne, mais qui privilégia le développement du capitalisme et la responsabilité gouvernementale (McKay, “The Liberal Order-Framework”, 6). La Confédération de 1867, la colonisation de l’Ouest, l’abandon de la National Policy et des tarifs commerciaux préférentiels, l’abandon de l’ultramontanisme par l’Église canadienne-française vers 1900 ainsi que la codification des lois civiles et criminelles représenteraient des victoires pour le libéralisme politique. Malgré ses nobles objectifs, le projet libéral avait aussi ses revers. Au grand malheur des femmes, des Autochtones, des travailleurs et des catholiques, il entraîna le recul de plusieurs libertés dont jouissaient ces groupes avant sa consolidation. Alors que les Autochtones pratiquaient un égalitarisme social semblable à certains égards à l’individualisme britannique, la création …

Parties annexes