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L’essor des nouvelles technologies en histoire, regards croisés

À l’échelle occidentale, l’utilisation des outils numériques connaît un véritable essor à travers le développement international des humanités numériques au tournant des années 2010[1]. Cette pratique, répandue en archéologie, s’est aussi largement étendue à l’histoire, et particulièrement en histoire environnementale. Cet engouement se manifeste à la fois à travers la conception de bases de données, de plateformes collaboratives, de partage et de libre-accès à l’information (open data et open édition, carnets de recherche Wordpress, Archive ouverte HAL)[2], la numérisation des archives ou encore le développement des outils cartographiques et de modélisation, désormais envisagés comme des outils indispensables au travail de l’historien. Face à la demande croissante des chercheurs et des praticiens, des programmes de formation des historiens aux digital tools et des plateformes en ligne se sont développés pour répondre à ces nouveaux besoins, sous forme de cours, de tutoriels et d’interfaces web collaboratives[3].

Dans ce panel d’outils technologiques, le Canada constitue un front pionnier de l’analyse géospatiale élargie à l’histoire, à travers la conception de systèmes d’information géographiques historiques[4]. La France a parallèlement développé différentes initiatives—thèses, manifestations scientifiques et projets de recherche—intégrant les digital humanities dans la recherche en histoire[5], avec un dynamisme marqué dans les Hauts-de-France. Ainsi, dans le département du Nord, l’intégration des nouvelles technologies en sciences humaines et sociales est marquée par l’essor des humanités numériques à l’échelle régionale[6]. Celles-ci donnent lieu à plusieurs colloques et travaux collectifs inscrits dans les axes de recherche régionaux, notamment à travers l’intégration des analyses spatiales en archéologie et en histoire[7]. Ces initiatives canadiennes et françaises sont souvent liées à une équipe ou à un collectif de chercheurs, où les enjeux techniques et scientifiques répondent aux besoins d’un laboratoire ou d’un programme de recherche.

De surcroît, les nouvelles technologies s’inscrivent au coeur des projets de valorisation du patrimoine, avec de récentes réalisations d’envergure menées en France, à Paris entre autres, et au Québec, à Montréal[8]. La restitution 3D permet ainsi d’étudier et d’archiver le patrimoine architectural disparu ou transformé au gré des événements politiques, économiques et militaires, de représenter l’évolution des villes médiévales et modernes, en proposant un regard inédit sur le bâti et le territoire.

Ces travaux actuels montrent ainsi que les outils numériques fournissent une compréhension neuve des données historiques. L’exploitation des nouvelles technologies se révèle particulièrement intéressante en histoire environnementale. Les outils comme les systèmes d’information géographique (SIG) et autres modélisations contribuent à reconstituer et mieux comprendre l’évolution des environnements passés, où la représentation des données spatiales s’inscrit au coeur de l’analyse historique, tel que le montrent les travaux de géoarchéologie et d’archéogéographie[9]. La discipline est par conséquent marquée par un l’essor de la cartographie et des systèmes d’information géohistoriques (SIGH). Les SIGH constituent un outil privilégié pour retracer des dynamiques paysagères et environnementales sur le temps long[10]. Elle permet de matérialiser les usages, les aménagements[11], de comprendre les modalités d’exploitation des ressources naturelles et la transformation des écosystèmes. La cartographie contribue ainsi à restituer les dynamiques spatio-temporelles, et à reconstituer l’évolution des paysages, et par-là à mieux cerner l’impact des activités humaines sur les environnements anciens. L’objectif est de fournir une meilleure compréhension des territoires actuels et les réalités environnementales contemporaines. De surcroît, le croisement des sources est une démarche essentielle en histoire environnementale, ce que les outils numériques peuvent faciliter[12]. Ces supports technologiques donnent une nouvelle lecture des archives pour ordonner, clarifier, visualiser et diffuser l’information historique.

À travers cet article, il s’agira de présenter trois outils numériques à l’oeuvre permettant de revisiter l’étude des sources historiques dans une perspective d’histoire environnementale : les bases de données, le système d’information géographique (SIG) et la modélisation 3D (restitution et photogrammétrie), à partir des recherches réalisées sur la vallée de l’Escaut (Hauts-de-France). Celles-ci regroupent les travaux effectués lors du chantier archéologique du Château de l’Arsenal à Condé-sur-l’Escaut[13], dans le cadre d’un travail interdisciplinaire associant recherches historiques et archéologiques, et des travaux inédits des auteurs.

Après une présentation des différents outils et technologies mobilisées dans nos projets sur l’Escaut, il s’agira de présenter le cheminement méthodologique allant de l’analyse des sources à leur interprétation afin d’obtenir les résultats les plus fiables possibles, en prenant en compte les difficultés et les limites inhérentes à ce travail. Quelques exemples serviront à étayer la démonstration à travers quelques réalisations telles que les bases de données sur les infrastructures fluviales, la cartographie des anciennes rivières urbaines, la représentation des inondations historiques ou encore la restitution 3D du patrimoine liée à l’eau (fortifications, étangs, ouvrages hydrauliques). L’article illustre enfin les différentes applications possibles et les apports de ces outils à l’issue de leur création sur le plan scientifique, pédagogique et de la valorisation patrimoniale, grâce à un travail de collaboration avec les acteurs du territoire (archéologues, gestionnaires, institutions culturelles, archives).

Les outils et technologies mobilisées dans l’étude des transformations environnementales de la vallée de l’Escaut

Élément essentiel du développement du territoire des Hauts-de-France, la vallée de l’Escaut est sujette à un renouvellement des travaux en histoire et en archéologie à l’échelle régionale. Ces investigations sont permises grâce aux opérations archéologiques récentes et aux nouvelles recherches en histoire et géographie environnementales[14]. Pour mener à bien ces travaux sur le territoire de l’Escaut, les recherches reposent sur l’examen de fonds d’archives variés des données cartographiques et de terrain. Ces différentes données historiques et archéologiques sont exploitées et réexplorées grâce à différents logiciels de base de données (Filemaker), de cartographie (Illustrator, QGIS) et de modélisation (Sketchup, Agisoft PhotoScan) afin de leur donner de nouvelles formes et une meilleure lisibilité pour en extraire de nouvelles interprétations et indices au-delà de l’analyse historique traditionnelle. L’objectif de ce travail est de retracer les évolutions historiques du territoire de l’Escaut et de ses aménagements hydrauliques, du Moyen Âge à aujourd’hui, afin d’apporter des éclairages sur le territoire actuel.

Les bases de données : un outil essentiel pour classer et inventorier les données historiques liées à l’eau

L’importante documentation et la diversité des archives typiques d’une vallée comme celle de l’Escaut a nécessité la création de bases de données, inédite pour ce territoire, d’abord pour rassembler les sources disponibles, et ensuite pour dresser un inventaire des aménagements hydrauliques anciens et actuels du fleuve[15], dans un premier temps à des fins de recherches puis, dans un second temps, dans un objectif plus opérationnel et de diffusion. Dans cette perspective, deux bases de données, créées sous Filemaker Pro Advanced, ont été conçues conjointement dans le cadre de nos recherches historiques et des fouilles archéologiques du Château de l’Arsenal à Condé-sur-l’Escaut[16]. La première base, Aux Sources de l’Escaut, répertorie les principales archives sur la rivière à l’issue de nos recherches, à savoir les sources textuelles, les cartes, l’iconographie (peintures, gravures, cartes postales, photographies), les archives archéologiques (photographies de terrain, vues aériennes, dessin, plans de fouille), sur la base méthodologique pratiquée en archéologie. Surtout, cette base de données relationnelle est constituée de liens associant les localités, les fonds d’archives et les acteurs répertoriés (ingénieurs, cartographes, particuliers), grâce à un système d’identifiants unique (ID) connectant les informations. La deuxième base, appelée Scaldis[17] ou Base Aménagement, dresse un inventaire des principaux ouvrages hydrauliques de l’Escaut en compilant les sources et représentations autour d’un même aménagement, grâce à une fiche personnalisée (voir Figure 1), intégrée à un inventaire global sous forme de liste, comprenant le même système d’identifiants[18]. Là aussi, l’archéologie a constitué un modèle pour la réalisation de ce type de bases intégrant des données textuelles et iconographiques anciennes, croisée aux sources archéologiques[19]. L’utilisation de ces bases de données optimise l’analyse des sources par le croisement des données et des types de sources, permettant de réaliser un travail interdisciplinaire.

Figure 1

Extrait de la base de données Scaldis—fiche canal du Jard, Laëtitia Deudon, mise à jour 2019. Chaque fiche comprend un inventaire des sources identifiées, l’iconographie disponible et une transcription partielle

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Le SIG et les cartes interactives : spatialiser les dynamiques des rivières et des zones humides

Dans nos recherches, la cartographie a constitué un outil de choix afin d’éclairer les dynamiques environnementales de la vallée de l’Escaut, notamment pour cartographier anciennes rivières urbaines, recouvertes au cours des XIXe et XXe siècles, grâce aux SIG. Les premiers essais ont été réalisés sur les villes de Cambrai et de Valenciennes à partir des cartes disponibles pouvant faire l’objet d’un géoréférencement précis. Pour ce faire, le cadastre napoléonien géoréférencé sur le cadastre actuel vectorisé constitue une donnée de référence disposant de coordonnées spatiales précises. Le géoréférencement sur QGIS permet de resituer l’emplacement des anciens cours d’eau sur le cadastre actuel et d’identifier les tronçons qui ont été couverts entre deux dates. L’intérêt de cette pratique est de mieux connaître la chronologie de recouvrement des rivières valenciennoises et de les replacer spatialement sur le territoire actuel (Figure 2). Les anciens tracés peuvent aussi être recalés ensuite sur une vue aérienne actuelle. L’objectif est de mieux visualiser l’évolution du réseau hydrographique intramuros et spatialiser les travaux de recouvrement des cours d’eau réalisés par les autorités municipales, sous l’effet des mesures hygiénistes et foncières développées entre 1800 et aujourd’hui. La cartographie met en exergue les tronçons de cours qui ont été recouverts en priorité en fonction d’enjeux fonciers ou sanitaires.

Figure 2

Extrait du cadastre napoléonien de 1831 géoréférencé et replacé sur une vue aérienne actuelle

Source : cadastre, AD59, P31/638_1, cartographie Matthieu Deltombe, QGIS

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Un autre projet consiste à cartographier les ouvrages militaires liés à l’eau, dans le cadre de l’étude archéologique et historique des fortifications de Condé-sur-l’Escaut, inscrit dans une recherche plus globale sur l’histoire environnementale des places fortes de l’Escaut[20]. Au sein du « pré carré » de Vauban, la place forte de Condé constituait un verrou essentiel pour la protection militaire de l’Escaut entre Valenciennes et Tournai. « Clé du Haut-Escaut », elle assure le contrôle du fleuve grâce à la navigation et à un système d’inondations militaires, mis au point par les ingénieurs et les militaires, dans lequel l’environnement fluvial est intégré au système défensif[21]. Le but est de représenter et de comprendre les systèmes hydrauliques de défense complexe de la place forte en représentant les manoeuvres des écluses effectuées pour ennoyer les marais. Pour ce faire, un SIG mis au point sur QGIS a permis de visualiser le fonctionnement des trois inondations militaires de Condé, en se basant sur des cartes, plans et mémoires écrits au XVIIIe siècle (Figure 3)[22]. Grâce à une carte interactive, reliée à une table attributaire paramétrant l’affichage des ouvrages hydrauliques et des inondations, il est alors possible de visualiser l’étendue de marais ennoyés et la complexité des systèmes hydrauliques défensifs composés d’écluses, de batardeaux, d’aqueducs et de canaux permettant de gérer les eaux de la place forte à des fins militaires. Les structures, les bâtiments, les rivières et les surfaces en question sont vectorisés et définis par un identifiant individuel sur une base de données. Les écluses sont identifiées par trois états (neutre, ouverte, fermée) ainsi que les marais et les zones inondables (neutre, sec, inondé). Une table attributaire conçue à partir des descriptions des manoeuvres d’écluses du XVIIIe siècle permet ensuite de définir l’état des écluses et des surfaces inondées pour chaque type d’inondation en fonction des paramètres décrits (inondation individuelle ou simultanée, utilisation des eaux de l’Escaut et/ou de la Haine, etc.). Pour finir, un visuel est attribué à chaque état pour chaque élément. Il suffit alors de sélectionner une des inondations paramétrées pour voir apparaitre les zones inondées, les écluses ouvertes ou fermées, les digues rompues et les aqueducs bouchés (Figure 3).

La cartographie constitue ainsi un outil de choix pour reconstituer les liens entre fortifications et environnement que nous souhaiterions développer dans le cadre du programme commun de recherche (PCR) sur les Places fortes des Hauts-de-France[23], dans un axe de recherche spécifique consacré à l’hydraulique militaire.

Figure 3

Inondation de Condé—extrait. Inondation du Grand Marais par la Haine et l’Escaut, d’après les mémoires militaires du XVIIIe siècle (Herzog von Croy’sches Archiv, 3193) et le plan de Condé (AN F 14 10229 no1), étude historique

Laëtitia Deudon et Matthieu Deltombe, cartographie : Matthieu Deltombe, Scaldo 3D, logiciel QGIS

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La restitution en images de synthèse : modéliser les aménagements disparus

La restitution en images de synthèse constitue un outil original pour reconstituer les aménagements fluviaux et hydrauliques de l’Escaut médiéval et moderne, aujourd’hui partiellement disparus. L’exemple du projet Tournai en 1329 illustre bien l’apport des nouvelles technologies 3D dans la reconstitution du paysage de l’Escaut et de ses infrastructures anciennes, à travers la modélisation de l’Escaut et de la porte d’eau appelée aujourd’hui le pont des Trous (arcs du Bourdiel, arcs de la Thieulerie et arcs des Salines)[24]. À une échelle plus modeste, avec des technologies à moindre coût, nous avons restitué en trois dimensions plusieurs aménagements anciens (ponts, moulins, écluses) de la vallée de l’Escaut, notamment à Condé-sur-l’Escaut, à partir des plans disponibles, des données écrites et de terrain. Ainsi, la restitution 3D du Château de l’Arsenal à Condé-sur-l’Escaut a ainsi permis de proposer une représentation partielle du château, de la ville et de son environnement immédiat, composé des rivières de l’Escaut et de la Haine, et de ses aménagements (portes d’eau, ponts, vannages, moulins) (voir Figure 6). La modélisation 3D donne une nouvelle visibilité aux plans d’ouvrages d’art hydrauliques conservés dans les archives, souvent représentées en plusieurs sections (plans, profils et élévations, coupes). Les logiciels de modélisation 3D, tels que Google Sketchup, permettent de dessiner et de rassembler les différentes parties d’un plan en conservant les proportions et l’échelle, afin de reconstituer l’aménagement dans son entier et avoir une vue d’ensemble en restituant les volumes selon la représentation qui en a été faite dans le plan, qui peut toutefois différer de la réalité.

Toujours dans la perspective de reconstituer l’environnement hydraulique condéen, un travail de restitution a pu être réalisé autour de l’histoire de la canardière de Condé. Il s’agit d’un étang de chasse aménagé au XVIIe siècle pour la capture des oiseaux d’eau, constitué d’un dispositif hydraulique ingénieux originaire de Hollande. Ce système, développé en Europe du Nord-Ouest, est composé d’un étang central et de paires de bras latéraux ou berceaux conçus pour attirer et piéger les canards (voir Figure 5). Ce travail a ainsi permis de replacer les infrastructures et leurs formes paysagères remarquables, la flore (saules têtards, roseaux), la faune, le bassin et le réseau hydraulique servant à l’alimentation et à l’évacuation des eaux de l’étang. La restitution achevée, le modèle 3D a pu être comparé avec des canardières encore existantes aux Pays-Bas, tel que la canardière de Groningue (Eendenkooi Nieuw Onrust) ou celle de Waardenburg[25], soulignant la validité et relative fidélité du travail de restitution réalisé. La modélisation est d’autant plus intéressante que, contrairement aux Pays-Bas, la canardière de Condé a presque complètement disparu aujourd’hui, laissant le hameau de la Canarderie comme unique témoin de cet aménagement hydraulique lié à la chasse unique à l’échelle locale.

Cependant, une restitution ne doit pas être considérée comme « ce que fut » l’aménagement ou le bâtiment, mais avant tout comme « ce qu’ils auraient été » ou « ce qu’ils auraient pu être », étant donné qu’il s’agit de transcriptions de documents iconographiques synthétisés en un seul document numérique, lui-même traduit visuellement sur un support informatique. Les interprétations retranscrites doivent être justifiées et les lacunes comblées ou non doivent être expliquées pour ne pas laisser de doute sur les certitudes et les incertitudes qui ont mené à l’hypothèse de restitution présentée.

La photogrammétrie : confronter les réalités passées et actuelles

La campagne archéologique du Château de l’Arsenal a été l’occasion d’expérimenter la photogrammétrie pour étudier le patrimoine hydraulique lié aux fortifications de Condé. Des relevés photogrammétriques par drone ont ainsi été réalisés à l’écluse des Trois Trous et au canal du Jard qui sont deux ouvrages hydrauliques liés au système défensif qui servait anciennement à l’assèchement des marais et aux inondations militaires de la place forte.

Des recouvrements photographiques ont été effectués sur place, avec un traitement postérieur sur Agisoft PhotoScan, qui est un logiciel professionnel de photogrammétrie. Cette nouvelle méthode d’archivage et d’enregistrement, permet la conservation visuelle des données et d’avoir une nouvelle lecture de l’information[26]. La photogrammétrie permet une représentation des aménagements hydrauliques dans leur état actuel pouvant être confrontée aux plans et descriptions écrites conservés dans les archives[27]. Le relevé photogrammétrique donne un état des lieux de l’environnement et des infrastructures à un instant t, pouvant également servir d’archives pour les décennies à venir.

Figure 4

Photogrammétrie du canal du Jard à Condé-sur-l’Escaut, Archéomatique, 2018, Matériel : DJI Phantom 3, acquisitions et traitement informatique

Antoine Laurent (laboratoire TRACES), Agisoft PhotoScan

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Analyse des sources et méthodologie de traitement de l’information historique

Croiser les sources : une démarche interdisciplinaire

Parmi les multiples sources disponibles se trouvent les données textuelles, cartographiques, iconographiques, archéologiques, les observations de terrains, les rapports d’acteurs institutionnels, les études de bâti, etc. En dehors des archives, les opérations archéologiques menées dans la vallée de l’Escaut fournissent également d’importantes données historiques qui permettent de recouper les informations trouvées dans les archives et sur le terrain. Le croisement de ces différents types de sources est essentiel pour mener à bien un travail de restitution et obtenir la représentation la plus vraisemblable et véridique possible. La confrontation de plusieurs sources permet de corroborer et valider une information historique en vue d’un traitement informatique postérieur. Dans le cas de la canardière de Condé, la modélisation a été réalisée grâce à l’étude des plans, des représentations iconographiques et des descriptions contenues dans différents fonds d’archives (voir Figure 5)[28]. Trois types de sources ont ainsi été croisées pour se rapprocher au mieux de la réalité ancienne de cet aménagement et comprendre les enjeux techniques et écologiques de ce dispositif hydraulique complexe. Il en a été de même pour l’étude du château de l’Arsenal, où descriptions écrites (comptabilités, mémoires), représentations cartographiques et données archéologiques ont été confrontées pour restituer au mieux l’hydrographie et les aménagements anciens liés aux fortifications (Figures 6 et 7).

Figure 5

Restitution de la canardière de Condé en bas) d’après un dessin de Pierre de Navarre, Bibliothèque municipale de Valenciennes, manuscrit 1205, fo201vo–202 ro.

Étude historique Laëtitia Deudon, modélisation Matthieu Deltombe, Scaldo3D, Google Sketchup/Lumion, 2018

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La synchronicité des données et de l’information historique, quels enjeux méthodologiques ?

La synchronicité de l’information est nécessaire pour légitimer et assurer la validité historique du travail de restitution. Elle permet d’éviter les anachronismes et une représentation erronée mélangeant des états des lieux différents. Cependant, l’insuffisance de données pour les périodes anciennes impose parfois de recourir à des références dans des documents postérieurs, comprenant des informations plus anciennes. Il est alors admis que les changements entre deux états sont minimes et autorisent la reprise d’information, en restant ouverts à l’interprétation. Par conséquent, plus l’on remonte dans le temps, plus le degré d’interprétation sera important, proportionnellement à la raréfaction des sources. Concernant le château de l’Arsenal, aucun document visuel datant la période médiévale ne nous est parvenu. Ainsi, en l’absence de représentation iconographique et cartographique au Moyen Âge, le recours aux données textuelles et cartographiques postérieures allant du XVIe au XVIIIe siècle, croisées aux données archéologiques, fournit des indices sur l’état antérieur du site entre les XIIIe et XVe siècles. L’une des plus anciennes représentations cartographiques du château est une vue cavalière datée de 1550, conservée aux Archives de l’État à Mons, constituant une pièce d’un procès entre les bateliers et le meunier de Condé. Le statut de ce document judiciaire nous permet de juger de la relative authenticité de la représentation des bâtiments, notamment les fortifications et du réseau hydrographique afin de resituer les lieux. Les informations de ce plan ont été recoupées aux données archéologiques afin de remonter l’ancienneté des infrastructures, leur chronologie de fonctionnement et d’abandon. De prime abord, il a été nécessaire de se baser sur les données les plus précises possible, c’est-à-dire les relevés archéologiques (plans de fouille), complétées par les cartes anciennes pour représenter les élévations, les matériaux, etc. Les données de terrain sont les seuls témoins authentiques, et par conséquent les plus fiables. Dans le cas du château de Condé-sur-l’Escaut, la majorité des bâtiments médiévaux ne nous sont parvenus qu’à l’état de vestiges. Toutefois, plusieurs éléments fortifiés ont été partiellement conservés, notamment la tour dite « du Bonnet de Dragon » et le châtelet d’entrée, malgré quelques transformations postérieures. Ces données historiques et archéologiques récoltées sur les tours et portes d’eau du château ont été comparées et synthétisées pour restituer l’élévation et la structure des bâtiments (voir Figure 6). Les données cartographiques auraient pu suffire à la modélisation, mais les relevés archéologiques sont essentiels, notamment pour estimer la hauteur des tours, la forme précise des ouvertures, les matériaux et ainsi respecter les proportions réelles. L’étude d’une pièce d’eau intérieure à la fortification, alimentée via l’Escaut par une poterne/porte d’eau, a pu aussi être replacée grâce aux cartes des XVIe et XVIIe siècles, couplée à un sondage archéologique situant la durée de fonctionnement de ce port intérieur qui permettait aux bateaux d’accoster dans le château (voir Figure 7). Pareillement, le réseau hydrographique et les fossés ont été interprétés à partir d’archives plus récentes.

Figure 6

Restitution de la porte de l’écluse et de la porte d’eau dite des doubles tours, illustrant l’imbrication entre les fortifications de Condé et le réseau hydrographique, visible sur le plan de 1550 (en haut) et restitué en images de synthèse (en bas).

Modélisation : Matthieu Deltombe

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Figure 7

Restitution d’ensemble du château de l’Arsenal, à partir des données historiques et archéologiques.

Modélisation : Matthieu Deltombe, Google Sketchup/Lumion, 2018

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Le recoupement de cartes et la spatialisation des données

Il en est de même pour la spatialisation des données. Les données archéologiques ou textuelles seules ne suffisent pas à replacer précisément certains éléments géographiques. Le SIG—et plus précisément le géoréférencement—permet alors de confronter les données historiques aux données actuelles. Cette méthode consiste à placer des points sur un cadastre actuel, puis de les resituer précisément sur une carte ancienne. Les points de référence, au minimum de trois, sont généralement des points de repère qui n’ont pas ou peu varié dans le temps tels que l’emplacement des églises, les coins d’un bâtiment ou d’une rue ancienne ou encore les limites de parcelles. Ensuite, en fonction d’un algorithme, le logiciel va déformer automatiquement le document ancien pour qu’il corresponde aux points de référence. De ce fait, la qualité du relevé réalisé à l’époque sur les cartes anciennes influe directement sur la qualité du géoréférencement et de la représentation spatiale créée par l’outil numérique. Par exemple, un cadastre réalisé par un géomètre, selon le système métrique, sera toujours plus fiable qu’un plan lithographié ou dessiné à main levée, dans une unité de mesure ancienne ou variable, qui comporte des erreurs ou des omissions. Par conséquent, les cadastres constituent l’une des meilleures sources exploitables pour représenter les environnements fluviaux et leurs infrastructures passées, sur l’Escaut comme ailleurs[29]. Dans le cas de Condé-sur-l’Escaut, plusieurs plans ont été géoréférencés avec plus ou moins de succès, notamment un plan datant de la fin du XVIIe siècle où figure l’emplacement des rues et des fortifications médiévales avant leur démolition, mais également les cours d’eau, leurs berges et leurs infrastructures hydrauliques telles que les moulins et leurs vannages. Ensuite, une vectorisation peut être réalisée pour obtenir un document exploitable informatiquement, couplée à une base de données référençant le type d’élément représenté, son nom, sa fonction et son état à un instant t. Dans le cas de Valenciennes, le géoréférencement d’un plan daté de 1767 et de deux cadastres datés de 1829 et 1930 a permis de replacer les anciens cours d’eau et de pouvoir dater le couvrement ou le rebouchage de leurs différentes parties grâce à une base de données reliée à une légende graphique dédiée (voir Figure 2).

Les limites et difficultés d’analyse

La localisation des infrastructures hydrauliques médiévales, telles que les viviers, est parfois difficile à cause de leur non-figuration sur les cartes récentes, renforcée par des changements de la toponymie ancienne. L’information géographique ancienne est difficile à replacer, voire impossible. A contrario, la pérennité des noms de lieux anciens permet parfois de resituer géographiquement certains aménagements sur le territoire actuel, grâce aux cartes topographiques de l’IGN (Institut géographique national) et aux cadastres. De surcroît, il est relativement difficile de représenter des environnements ou des aménagements qui ont considérablement évolué dans le temps, notamment dans une région très anthropisée et industrielle comme la vallée de l’Escaut, où les évolutions de la toponymie et les transformations récentes consécutives à l’industrialisation ont fait disparaître une partie du paysage ancien. Il est ainsi difficile de remonter avec exactitude avant les XVIeXVIIe siècles. Le géoréférencement des cartes antérieures au XVIIIe siècle est souvent compliqué dans la mesure où les points de références manquent, les échelles sont imprécises ou comportent parfois des erreurs. Le géoréférencement comporte alors des décalages, des déformations et autres incohérences. De plus, les paysages se sont considérablement transformés, avec des tracés fluviaux représentés souvent sans repère fixe, avec d’importants changements apportés durant ces 300 dernières années, notamment à la suite de la canalisation de l’Escaut. Il ne s’agit donc par ces outils que d’obtenir une vision partielle de la réalité pour cerner les dynamiques des paysages d’eau à une échelle macro.

Ainsi, les outils numériques apportent un éclairage dans l’analyse des informations, mais ils comportent leurs limites, directement liées à la nature des documents et aux données historiques disponibles. Les outils comportent différents niveaux d’interprétation et conservent souvent des lacunes et des objets ou informations spatiales qu’on ne peut pas représenter. Dans tous les cas, les outils informatiques restent intéressants pour réfléchir à la manière de représenter ces manques, notamment pour les formes de l’environnement qui ne nous sont pas parvenues. Par conséquent, un travail de restitution n’est jamais achevé. Il représente l’état des connaissances à un moment donné dans un processus de recherche, sans être figé et définitif. L’accès à de nouvelles sources peut à tout moment remettre en cause nos conclusions et essais d’interprétation, rendant ce travail dynamique et évolutif. Il existe ainsi une limite poreuse entre ce qui est confirmé et ce qui est hypothétique, en tenant compte des biais et de la relative partialité de l’historien ou de l’infographe dans sa proposition de restitution[30].

Les applications et les apports dans la gestion et la valorisation actuelle de l’environnement

Une fois mis en oeuvre, ces outils numériques peuvent servir de support de communication pour la connaissance et la valorisation de l’histoire environnementale de l’Escaut auprès des acteurs de l’environnement, des institutions culturelles et du grand public. C’est pourquoi les outils ici présentés ont été conçus et développés dans une perspective à la fois scientifique, pédagogique et de mise en valeur du patrimoine. Ils contribuent à faire connaître le passé régional et à diffuser l’information après de différents publics (habitants, scolaires, touristes, associations), des chercheurs, des institutions et des gestionnaires de l’environnement. Grâce à leur format, les outils numériques sont plus faciles à manipuler et donnent une meilleure lisibilité des archives aux publics non initiés. Leur pouvoir de diffusion est beaucoup plus efficace et concret auprès des acteurs et du public non spécialistes, extérieurs au cadre académique.

Les outils numériques, un support de médiation et de connaissance pour la mise en valeur du patrimoine environnemental

Dans le cadre du projet de labellisation Ramsar des vallées de la Scarpe et de l’Escaut, porté par le Parc naturel régional de Scarpe-Escaut, la géohistoire environnementale a été une approche fédératrice permettant de rassembler les spécialistes de la vallée de l’Escaut autour de la reconnaissance des valeurs culturelles et patrimoniales des zones humides anciennes présentes sur le territoire[31]. Au sein de ce projet, les outils numériques constituent un moyen privilégié de connaître et valoriser l’histoire des zones humides, le patrimoine hydraulique et les usages anciens de l’eau auprès du grand public et des acteurs du monde de l’environnement. Ils constituent un support de connaissance à l’attention de l’équipe du parc. De surcroît, le développement de supports interactifs s’inscrit dans les missions d’éducation et de sensibilisation de la population, développées par le parc, à travers la valorisation touristique de l’histoire des milieux d’eau. Ces outils interactifs constituent des supports pédagogiques pouvant s’intégrer aux animations (expositions, ateliers avec les scolaires) et actions de sensibilisation proposées par le parc, permettant une meilleure connaissance et appropriation des zones humides du territoire par les habitants[32]. Par exemple, la restitution 3D de la canardière de Condé ou la photogrammétrie du canal du Jard pourraient être intégrées à un circuit d’interprétation de l’histoire des zones humides, illustrant les différents usages de l’eau, grâce à des spots interactifs ou des panneaux d’information. En outre, la plateforme Sketchfab permet de visualiser les modèles 3D en réalité virtuelle à partir d’un téléphone portable. Enfin, les outils peuvent aussi servir lors d’ateliers et de conférence de vulgarisation à destination du grand public[33].

La connaissance et la valorisation du patrimoine hydraulique à l’échelle régionale

Les outils développés sont essentiels à plus d’un titre pour faire connaître et valoriser les patrimoines liés à l’eau présents sur le territoire de la vallée de l’Escaut. Les modèles 3D (Arsenal, canal du Jard) permettent une mise en valeur du patrimoine hydraulique lié aux châteaux et villes fortifiées. L’intérêt est d’illustrer les liens anciens entre les fortifications et les milieux d’eau qui ont en partie disparu aujourd’hui, plus difficilement visibles sur le territoire actuel. Ces outils pourront être développés dans le cadre du programme commun de recherche (PCR) sur les Places fortes, où les outils numériques occuperont une place privilégiée à travers un axe de recherche spécifique.

Les bases de données constituées sur l’Escaut, complétées et associées à une carte interactive, permettraient de dresser un inventaire du patrimoine hydraulique actuel à l’échelle du territoire. Elles s’avéreraient utiles pour l’identification et la localisation des ouvrages anciens (moulins, écluses) et des formes relictuelles préservées. Utilisées dans un premier temps à des fins de recherche, ces bases de données et les SIG pourraient ainsi être intégrés aux bases existantes de la Direction générale du Patrimoine du ministère de la Culture pour l’Inventaire général du patrimoine culturel ou encore à la banque de données du Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE) du Nord, qui répertorie le patrimoine lié aux industries et aux fortifications. Ce recensement du patrimoine hydraulique relictuel pourrait également être intégré à la carte archéologique, en collaboration avec la Direction régionale des Affaires Culturelles (DRAC—Service régional de l’Archéologie) et l’Institut national des recherches archéologiques préventives (Inrap). Par exemple, des inventaires papier des moulins existent, mais le besoin de concevoir des outils interactifs se fait sentir pour diffuser l’information auprès du grand public, mais aussi auprès des professionnels du patrimoine. Dans cette optique, les outils numériques pourraient être utilisés par les différents acteurs et institutions patrimoniales du territoire. Ce type d’inventaire du patrimoine hydraulique est essentiel aux services de l’État en charge du patrimoine régional pour identifier et préserver les vestiges encore existants et/ou en voie de disparition[34]. L’utilité et l’efficacité de ces inventaires patrimoniaux se sont révélées primordiales dans d’autres régions de France pour la connaissance et la mise en valeur du patrimoine fluvial.

Un outil de gestion et de sensibilisation à l’attention des acteurs et des techniciens de l’eau[35]

Les supports visuels créés grâce aux outils numériques constituent des supports d’information efficaces à l’égard des techniciens et acteurs du territoire de l’Escaut. Ainsi, les cartographies des inondations et des anciennes rivières de Valenciennes ont été présentées au sein de la Commission Eau de Valenciennes Métropole et lors de la Commission locale de l’Eau (CLE) du Syndicat mixte de l’Escaut et Affluents (SyMEA)[36]. Le Système d’information géohistorique peut constituer un outil de localisation et de gestion pour les acteurs de l’eau chargés de l’assainissement et de l’entretien du réseau hydraulique souterrain permettant une meilleure identification des anciennes rivières pouvant faire l’objet de travaux de restauration ou de requalification. Ce sont aussi des outils de sensibilisation et de connaissance sur la géohistoire des inondations[37] grâce à la cartographie des zones inondables à partir des cartes militaires des XVIIIe et XIXe siècles (Carte d’État-Major). Ces outils cartographiques ravivent la mémoire du risque d’inondation, historiquement ancré sur le territoire de la plaine humide de l’Escaut. Ensuite, dans une perspective de valorisation, la cartographie des anciennes rivières urbaines pourrait évoluer vers une carte interactive plus complexe, à l’image du projet Lost Rivers Walks de Toronto ou de la cartographie des anciennes rivières de Montréal[38], qui permettrait de suivre le tracé d’anciennes rivières de Valenciennes via une application. Enfin, cette cartographie peut aussi constituer un outil de gestion et d’aménagement intéressant pour les gestionnaires dans le cadre des projets de requalification urbaine ou de restauration écologique. L’outil cartographique permettrait de créer un circuit d’interprétation autour des rivières disparues de Valenciennes.

Un nouveau regard sur le passé, le présent et l’avenir

L’exemple de la vallée de l’Escaut montre que le recours aux digital humanities est fondamental pour les chercheurs et professionnels du patrimoine. Essentielles à l’optimisation des données et à la réflexion historienne, les technologies numériques offrent un regard neuf sur les sources et une relecture de l’information originale grâce au croisement des données textuelles, cartographiques et de terrain. Ainsi, les apports des outils numériques en histoire environnementale sont multiples. D’abord, d’un point de vue scientifique, ces outils permettent de matérialiser et spatialiser les transformations environnementales. Ils contribuent à construire une méthode d’analyse intégrée pour confronter les catégories de sources en enrichissant les modes d’observation et d’ordonnancement de l’information historique. Ensuite, d’un point de vue pédagogique, les supports numériques sont utilisés en tant qu’outils de médiation et de valorisation auprès des structures patrimoniales et territoriales pour comprendre les évolutions paysagères et les héritages actuels, en vulgarisant et en rendant l’histoire environnementale accessible au plus grand nombre. Enfin, ils constituent un outil de gestion et de connaissance pour les acteurs et gestionnaires des territoires de l’eau dans une visée opérationnelle.

L’objectif ici était donc de présenter les différentes pistes de développement des outils numériques sur le territoire de l’Escaut, à partir des travaux réalisés, soulignant les potentialités et les différentes applications possibles. L’enjeu de ces travaux est de fournir une meilleure connaissance du territoire actuel auprès de la communauté scientifique, des acteurs et du grand public. Les exemples développés ici sont ainsi transposables sur d’autres territoires de l’eau.

Cette démarche collective autour des humanités numériques mérite d’être généralisée à la communauté des historiens en leur offrant les possibilités de se former à l’utilisation des outils informatiques et des nouvelles technologies qui offrent une relecture inédite sur les sources anciennes et permettent d’interagir auprès des acteurs et du grand public. Le mouvement est bien enclenché à l’échelle des Hauts-de-France, mais la limite est, qu’en France, relativement peu d’historiens disposent à la fois des compétences techniques et de recherche pour mener un travail complet allant des recherches en archives à la conception d’une carte interactive ou d’un modèle 3D. Il est à souhaiter que les initiatives se développent et que les humanités numériques soient directement intégrées à la formation des étudiants des 1er et 2e cycles en Histoire, dans un contexte où la maîtrise de ces technologies devient indispensable dans la pratique historienne et est un enjeu de professionnalisation. Par conséquent, la maîtrise de ces outils numériques constitue un défi pour les historiens du XXIe siècle afin d’intervenir et de toucher au plus près la sphère publique et institutionnelle. Cette démarche s’inscrit dans une perspective opérationnelle et appliquée de l’histoire environnementale tournée vers le monde actuel.