Conflits et sociétés

Introduction[Notice]

  • Nari Shelekpayev

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  • Nari Shelekpayev
    Département d’histoire, Université de Montréal, Canada

En mars 2014, une cinquantaine de jeunes chercheurs de divers pays et disciplines se sont réunis à Montréal pour réfléchir ensemble sur la notion de « conflit ». Le sujet semblait plus que jamais à l’heure du jour : alors même que se déroulait le colloque, la Russie était en train d’occuper la Crimée tandis que l’État islamique avançait en Iraq. Ceci étant dit, organiser un colloque sur une telle notion semblait une tâche plus qu’autre chose naïve : non seulement cette notion n’est pas réductible à une dimension militaire, mais la multiplicité des acteurs impliqués dans divers conflits complexifie leur analyse et rend les généralisations impossibles. Deux ans plus tard, le monde ne semble pas aller mieux. Au moment même où ce texte est écrit, l’Allemagne est en deuil à cause d’un acte terroriste commis dans un marché de Noël au coeur de Berlin. Cependant, il y a beaucoup plus d’attentats meurtriers en Afrique et en Asie, et ce, presque chaque jour. Ils reçoivent pourtant moins d’attention médiatique et passent la plupart du temps carrément inaperçus . De plus, aux conflits couvant, hérités des années précédentes, s’ajoutent de nombreuses autres dimensions. N’étant pas que militaires, mais aussi d’ordre politique, économique et social, les conflits imprègnent et définissent l’existence d’un nombre croissant de gens partout dans le monde. Le Brexit, le « virage à droite » en Europe et les dernières élections présidentielles aux États-Unis, pour n’en nommer que quelques-uns, ont provoqué des remises en question et ont marqué une crise intellectuelle qu’au moins une partie de l’humanité est en train de vivre et débattre depuis quelques années. Ce texte n’a pas pour but de définir ni d’énumérer les conflits ayant lieu sur la planète aujourd’hui. Il ne proposera pas non plus une étude sur leur épistémologie ni leur analyse historique. Comme déjà mentionné, ce serait une tâche impossible, car sous une forme ou une autre, les conflits ont toujours accompagné la vie humaine : là où il n’y pas de conflit, il n’y a pas d’histoire. Plutôt, nous nous limiterons à citer quelques exemples de la littérature récente portant sur la notion de conflit dans un sens étroit (guerres, conflits armés ou militaires), mais aussi dans un sens plus large (conflits politiques, sociaux, intellectuels et ainsi de suite). Ce ne sera qu’un survol, appuyé par quelques exemples des événements récents, perçus ou définis comme conflictuels, afin d’en observer la production et la perception. La partie finale du texte proposera quelques réflexions qui serviront à devancer et ouvrir les questionnements des articles de ce volume. Dans son ouvrage récent, The Better Angels of Our Nature: a history of violence and humanity , Steven Pinker explore l’histoire de la violence de l’humanité et suggère que notre époque est plus pacifique que toute autre période antérieure de l’existence humaine. Il appelle à l’histoire, aux sciences cognitives, à l’anthropologie, à la criminologie, à la statistique, et aux autres disciplines pour soutenir son argument. En effet, dans le XXe siècle, le nombre de décès par violence en proportion de la population totale de la planète est resté modeste par rapport aux cruautés féroces des époques précédentes. L’avènement de l’État-nation moderne, l’éducation, l’émancipation des femmes, et la cristallisation de la notion des droits de la personne ont contribué à améliorer la situation, selon Pinker. La torture et l’exécution publique par homicide qui furent autrefois des instruments de pouvoir et des divertissements populaires de masse ont été graduellement éliminées dans la plupart des pays. Les gens d’aujourd’hui sont moins susceptibles de rencontrer une mort violente ou de souffrir de la violence aux mains des autres …

Parties annexes