Résumés
Résumé
Cette étude de cas trace un portrait des villages allemands de la Louisiane française en 1724 en se basant sur un recensement. Des informations quantitatives révèlent des détails sur la largeur des terres, la démographie, l’élevage et les récoltes de maïs et de riz. Des éléments qualitatifs nous renseignent sur l'identité des habitants, leurs conditions de vie, leur environnement et leurs pratiques agricoles et alimentaires. L’auteur du document aborde également la question de l'approvisionnement alimentaire de la Nouvelle-Orléans et propose un plan pour gérer la distribution des esclaves. Quelques caractéristiques des villages allemands serviront de base à une comparaison avec la Nouvelle-France.
Abstract
This case study aims to use the 1724 census to paint a portrait of life in the German villages of French Louisiana. Quantitative and qualitative data offers insight into the identity of the settlers and the conditions in which they lived as well as details of their environment, farming practices and food preparation. The author of the census also suggests that the German villages could be used as food suppliers for New Orleans and the surrounding plantations, and discusses the management and distribution of the enslaved. Finally, this article will examine some features of these German villages to serve as a base of comparison with settlements in New France.
Corps de l’article
La Compagnie des Indes et l'immigration non française (1719-1721)
Les villages allemands[1] sont établis en 1722 dans la région des Taensa, située sur les deux rives du Mississippi, une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de la Nouvelle-Orléans. Les habitants des villages allemands ont survécu à un périlleux périple depuis l’Europe jusqu’à la région des Taensa, malgré des conditions si difficiles que la plupart des immigrants sont morts avant d’être arrivés à destination. À partir du 3 juillet 1720, près de 4 000 émigrants germaniques arrivèrent au port de Lorient. Plusieurs milliers rebroussèrent chemin ou succombèrent à la sous-alimentation et aux épidémies. Environ 1 300 d’entre eux s’embarquèrent sur sept bateaux pour traverser l’Atlantique, mais la plupart d’entre eux ne survécurent pas jusqu’à leur destination, victimes de leur métabolisme affaibli à leur embarquement à cause des mauvaises conditions pendant leur séjour à Lorient, des épidémies qui ravagèrent les équipages et les passagers des navires et, dans le cas d’un des bateaux, de la violence physique et probablement sexuelle lors de la capture de La Garonne par un navire forban à Saint-Domingue[2]. D’autres passagers sont décédés sur la plage du poste de Biloxi, où ils sont installés temporairement en attendant les instructions des autorités.
Le transfert des colons « se fit probablement au début de 1722 et, grâce à l’aide d’ouvriers et d’esclaves de la Compagnie, trois villages s’élevèrent aux abords du Mississippi : Hoffen, Marienthal et Augsburg. Hoffen était le mieux situé, étant le plus près du fleuve et, en conséquence, le plus élevé. Les deux autres, à une distance d’un mille et demi du Mississippi, étaient menacés par les inondations. [3]» Cependant, les nouveaux arrivants n’étaient pas au bout de leurs peines.
La même année, un ouragan dévasta les premiers villages construits par les colons des Taensa sur des terres basses de la rive Ouest du fleuve, emportant les champs et les semences. L’« ancien village » fut abandonné par la plupart des habitants après qu’il ait été inondé pendant l’ouragan de 1721. Il était situé à l’intérieur des terres, près du Lac des Oachas, qui sera nommé plus tard Lac Des Allemands. Le « premier village », c’est-à-dire le premier village sur la Rive-Sud en arrivant de la Nouvelle-Orléans, fut également inondé et abandonné par certains de ses habitants, qui déménagèrent « sur le bord du fleuve », c’est-à-dire dans le deuxième village, Hoffen. Quatorze habitants y sont restés, et ils « ne parroissent pas voulloir quitter ». Deux ans plus tard, un autre ouragan ravagea une partie de la Louisiane, y compris les villages allemands. Sur 58 habitations, quatre furent touchées assez gravement pour que le recensement en fasse mention. Ce nombre représente une faible proportion des habitants des villages allemands, ce qui semble indiquer que l’ouragan de 1724 fut beaucoup moins destructeur que celui de 1722.
En 1718, la Louisiane[4], devenue colonie française moins de vingt ans auparavant, ne comptait que quelques centaines de colons, dispersés dans les postes à l'intérieur des terres et à La Nouvelle-Orléans nouvellement fondée[5]. En 1717, le financier John Law a obtenu un monopole de 25 ans pour son entreprise commerciale, la Compagnie des Indes, en échange de la promesse d’emmener 6 000 colons et 3 000 esclaves en Louisiane en l’espace de dix ans[6]. Il lance une campagne de publicité à travers le continent européen afin de promouvoir les investissements et de convaincre les classes populaires d'y immigrer[7]. Même si au moins la moitié des 7000 immigrants qui se laissent convaincre meurent ou abandonnent la colonie avant 1726, les immigrants qui survivent représentent quand même un nombre nettement supérieur aux 434 personnes qui arrivent au Canada entre 1720 et 1729 et comparable aux 2911 personnes qui immigrent au Canada entre 1670 et 1729[8]. Entre 1719 et 1721, Law recrute des milliers de paysans et artisans sur le territoire de l’Allemagne actuelle et de la Suisse, ainsi que dans les régions de l'est de la France, comme l'Alsace, qui ne sont pas encore françaises à l'époque. Ces colons constituent la première vague importante de migration dans la vallée du Mississippi. En 1720, la population de la colonie s'élève à environ 2 000 personnes[9]. Les personnes d'origine germanique, alsacienne et suisse qui s'installent dans les villages allemands représentent 330 personnes, mais leur nombre a encore diminué deux ans plus tard[10].
Cet article trace le portrait des dénommés « villages allemands » à partir des informations fournies par un recensement officiel daté de 1724[11]. L’objectif de cette étude de cas est de décrire les habitants, le paysage et l’agriculture des villages allemands, ainsi que le rôle prévu de ces communautés dans l'économie alimentaire coloniale. Dans le texte du recensement, le thème de l'alimentation prend beaucoup de place, ce qui illustre l'importance que lui accordent les administrateurs[12]. L’implantation d’une agriculture de type européen, qui constitue un volet fondamental de la colonisation de l’Amérique, est manifeste dans le portrait de la transformation du paysage des villages allemands tracé par le texte et les données du recensement. Quelques éléments serviront de base pour une comparaison entre la population, le paysage et l'agriculture des Taensa et ceux de la vallée du Saint-Laurent au XVIIIe siècle. Cette comparaison fait ressortir quelques points en commun et plusieurs particularités des deux colonies françaises en Amérique du Nord.
Un portrait des habitants des villages allemands
La démographie des habitations des villages allemands est favorable à la croissance future de la communauté, puisque la plupart des habitants sont en couple, et que la majorité des couples ont un ou plusieurs enfants. Plusieurs familles comprennent, en plus des parents et des enfants, des orphelins mineurs, des belles-soeurs ou des belles-mères. Cette immigration familiale diffère grandement du ratio homme-femme fortement déséquilibré (96.8 %) chez les immigrants des colonies françaises en général pendant les années 1720[13]. Les trois quarts des chefs de famille (43 sur 57, en comptant ceux qui sont décédés) sont identifiés comme catholiques romains. Le quart d’entre eux sont identifiés comme protestants : neuf « luthériens », quatre « calvinistes » et un « protestant ». Cette diversité religieuse contraste avec l’uniformité de la population canadienne, puisque les protestants sont exclus de la colonie à partir des années 1680[14].
La diversité des régions et des villes d'origine des colons des villages allemands est encore plus grande. Les habitants allemands proviennent de dix-neuf régions. Les régions qui reviennent le plus souvent sont l'Alsace (dix fois) ; la Rhénanie-Palatinat (dix fois) ; la Bavière (sept fois), le Witemberg (six fois) et l'Évêché de Spire (cinq fois). Certains colons proviennent d’autres régions en Suisse, en Belgique et en Hongrie. Les autres régions ne sont pas mentionnées plus de deux fois. Aucune ville n'est mentionnée deux fois. Néanmoins, la majorité de ces régions sont traversées par la vallée du Rhin. 49 des 60 colons dits « allemands » proviennent de villes situées sur les rives du Rhin ou de régions dans lesquelles passe le grand fleuve ou un de ses affluents principaux, le Necker et le Main. Il s’agit également d’une particularité de l’immigration de la vallée du Mississippi par rapport au peuplement de la vallée du Saint-Laurent. En effet, dans toute la Nouvelle-France, seulement 40 immigrants ne sont pas d’origine française. Les autres personnes d’origine non française, c’est-à-dire ne provenant pas d’une région du Royaume de France, ont été incorporées dans les colonies de ce royaume à la suite de captures de guerre[15].
Le métier de laboureur est le plus commun parmi les habitants avec ses vingt-trois représentants, dont trois pratiquent également un autre métier. Vingt-cinq d'entre eux pratiquent – ou pratiquaient – un autre métier : cinq cordonniers, trois tisserands, deux meuniers, deux bouchers, deux charpentiers, deux tailleurs, deux tonneliers, un maçon, un boulanger, un serrurier, un « cloutier », un chasseur et même un maréchal et un prévôt « anciennement musicien dans les troupes ». Un colon est à la fois « laboureur et bûcheron ». Deux colons sont identifiés respectivement comme « laboureur et chasseur », ce qui porte à trois le nombre de chasseurs. Finalement, un colon est à la fois « boucher et prévôt », pour un total de trois bouchers et de deux prévôts. Même si la pratique de leur métier ne permettait pas aux colons de gagner leur vie, puisqu’ils étaient trop occupés à produire des denrées agricoles, la présence d’une diversité d’artisans dans les villages allemands constitue un atout de taille pour s’établir et pour améliorer leurs conditions de vie. De plus, les savoirs des meuniers, des bouchers, du boulanger et des chasseurs ont certainement amélioré la sécurité alimentaire des colons ainsi que favorisé le transfert de l'agriculture européenne dans les Taensa.
Les maladies tropicales comme la malaria et la fièvre jaune sont des dangers mortels pour les colons des villages allemands. Le texte du recensement mentionne onze personnes qui ont été malades pendant une longue période au cours de l’année précédente. Le nombre réel est fort probablement supérieur aux données que nous possédons, puisque seule la condition physique des hommes est mentionnée, sauf dans le cas des femmes seules ou monoparentales. Huit hommes sur soixante ont été malades longtemps, une proportion d’un sur 7,5. La maladie affecte la capacité des agriculteurs à travailler, ce qui a des conséquences sur la productivité de leurs champs. Michel Hom, un laboureur de 39 ans, « estoit à l'ancien village, sur lequel il a receuilly cette année environ sept ou huit barils de mahys, sa maladie l'ayant empêché d'en faire d'avantage [sic] ». De même, Marc Til, un cordonnier de 43 ans, «n'a receuilly cette année qu'environ 6 barils de mahys, ayant toujours été malade ».
Balthazar Menthé, un laboureur de 42 ans, a récolté treize à quatorze barils de maïs, « quoyque malade pendant tout l'été ». Il faut dire que ce dernier est installé depuis trois ans et que son terrain n'a pas besoin d'être défriché; ainsi, « il a dessein de rester dans ce village n'ayant point d'arbres a abattre sur son terrain et ne pouvant pas luy même en deffricher un pareil ailleurs a cause des blessures qu'il a autrefois reçu en service ». Jean George Trouster, un maçon de 26 ans, est qualifié de « fort bon travailleur ». Il a récolté à peu près six à sept quarts de riz, « sa maladie l'ayant empêché de mieux faire ». Pour ajouter à son malheur, alors qu’il était absent et que sa femme était malade, « un de ses voisins vint cuire à son four, qui joignoit la maison, [et] le [feu] s’y estant pris, il a perdu la maison et la récolte de l’année passée. » Cet incident est révélateur, puisqu’il nous renseigne sur la présence d’un ou plusieurs fours dans les villages. Cela signifie certainement que les habitants des villages allemands consommaient du pain, probablement fait de riz et de maïs. Dumont de Montigny décrit la façon de faire ce type de pain, qui remplace le pain[16] de blé consommé par les habitants de la vallée du Saint-Laurent.
Quatre femmes veuves ou séparées sur cinq sont regroupées géographiquement dans un village. L'habitation d'une autre femme veuve, nommée Sibille Heite, n'est pas voisine d'autres terres appartenant à des femmes veuves. Les conditions des femmes seules sont manifestement difficiles. Leurs terres sont petites, leurs récoltes sont peu abondantes et, dans certains cas, leur condition physique est mauvaise. Le recensement indique que trois d'entre elles, Catherine Wellerin, Anne Cohn et Catherine Wencke, ont « besoin de charitez ». Catherine Wellerin, 49 ans, qui vit seule, ne possède qu'un terrain de 6 verges, « sur lequel elle fait encore quelques légumes ». « Elle est pauvre », même si « elle a fait seule un peu de mahys », en plus de ses légumes. Anne Cohn, dont le mari est mort au Biloxy, possède un demi-arpent de terre seulement. Elle et sa fille de 12 ans ont récolté « un peu de mahys et de légumes », mais cela n'est pas suffisant pour assurer leur subsistance, puisque l'auteur mentionne qu' « elle n'a pas de quoy vivre, ny même de quoy semer [l'année prochaine] ». Catherine Wencke, « veuve de Christian Graber, catholique romain, mort au Biloxy », qui partage son toit avec sa fille de 14 ans, est la veuve qui possède la plus grande terre, avec deux arpents. Par contre, sa fille et elle sont malades et elles n'ont récolté que quatre barils de maïs. La quatrième veuve, nommée Madeleine Fromberger, semble mieux se porter. L'auteur du recensement n'indique d'ailleurs pas qu'elle ait « besoin de charitez » comme il le fait pour les autres. Elle possède une truie et elle a recueilli environ 12 barils de maïs. Sa situation moins précaire s'explique probablement par le fait qu'elle habite avec deux personnes de 20 ans, qui lui fournissent une aide supplémentaire pour les travaux agricoles et domestiques. De plus, son fils, qui est qualifié d’« estropié, mais laborieux et industrieux pour la tonnellerie », […] « fait aussi des galoches qui sont d'un grand secours, à deffaut de souliers ». Ainsi, Madeleine Fromberger peut ajouter les revenus générés par les compétences de son fils, soit la tonnellerie et la fabrication de galoches.
La transformation du paysage des villages allemands
Les terres de la Louisiane font partie du bassin hydrographique du Mississippi. Elles sont au même niveau ou plus basses que le fleuve, ce qui fait en sorte que les terres sont inondées tous les ans. En conséquence, les sols sont bourrés de matières organiques. Les sédiments charriés par les eaux du grand fleuve causent le phénomène de la digue naturelle, c'est-à-dire une bande de terres surélevées sur les rives. De plus, puisque les plus gros sédiments sont déposés plus proche du fleuve à cause de leur poids, les sols près des rives sont composés de petites roches, les sols un peu plus loin sont faits principalement de sable, et le sable sera en moins grande proportion par rapport aux matières organiques à mesure qu’on s’éloigne du fleuve[17].
Aux yeux de l'auteur du recensement de 1724, le premier établissement, bien qu'en partie abandonné à cause des inondations, ressemble à un village de France. Les « barraques » sont en rangée « le long d'une rue », avec une cour et un jardin derrière chaque habitation et, derrière le jardin, un « terrain » pour la production agricole. Ainsi, « quand on se trouve sur ces lieux, on oublie d'abord qu'on soit à la Louisianne parce qu'il parroist qu'on est dans un village François ». La rapidité de l’établissement et la mobilité des premières habitations dans la région des Taensa sont suggérées par ce passage du recensement qui traite de l’inondation et de l’abandon partiel des villages :
Lorsque les Allemands sont venus s’établir dans ce village, ils étoient 21 familles. Quelques uns sont morts et les autres habitants ont esté s’établir sur le bord du fleuve et il n’est resté icy que trois habitans […]. Il y a au moins 100 arpens de beau deffriché et presque tous les arbres abatus. Ils furent noyéz il y a 3 ans, lors de l’ouragan, par la pluye et par les eaux du lac que le vent jetta sur leur terrain, quoyqu’ils en soient éloignez de deux à trois lieues.
Ces trois habitants qui sont dans [l’ancien] village demandent à venir s’établir dans celuy qui est plus près, sur les terrains qu’ont abandonné ceux qui sont allés s’établir sur le bord du fleuve, [ce] qui parroist raisonnable pour les terrains qui ont esté abandonnés depuis plus d’un an, attendu que les premiers propriétaires ont eu le tems de deffricher sur leur établissement nouveau assez de terre pour l’entretien de leur famille et qu’ils peuvent continuer.[18]
Ainsi, malgré l’inondation de l’été 1722, cent arpents de terres avaient déjà été défrichés par seulement vingt-et-une familles dans l’ancien village avant qu’il ne soit abandonné, soit en une courte période de temps. De plus, les habitants qui ont déménagé ont mis seulement un an avant de défricher assez de terre pour assurer la subsistance de leur famille[19]. À des fins de comparaison, les paysans de la Nouvelle-France prennent jusqu'à dix ans pour faire vivre leur famille. Les habitations décrites dans le recensement ont également été installées très rapidement, ce qui renforce la thèse d'une transformation substantielle du paysage par les autochtones. Le recensement indique depuis combien de temps les colons sont établis sur leur terre pour 45 habitations sur 58; sur ce nombre, six familles se sont installées moins d’un an auparavant; neuf familles, entre un et deux ans, vingt familles, entre deux et trois ans et dix familles, il y a trois ans. Donc, en l’espace de seulement trois ans, malgré la destruction causée par les ouragans, les habitants des villages allemands ont modifié considérablement le lieu où ils ont établi leurs villages et lui ont donné un aspect européen.
Étant donné que le défrichement est rendu très difficile par les sols trop boueux, il est plus vraisemblable que les arbres aient été brûlés au moins en partie par les anciens occupants des lieux pour faire place à leur village et leurs champs[20]. Le lieu où s’installent les Allemands porte le nom des Taensa, car il s’agit d’un site auparavant nommé, habité et transformé par la nation amérindienne du même nom. Les Taensa sont des descendants des sociétés nommées « mississippiennes »[21]. L’organisation sociale de la période mississippienne apparaît vers l’an 800 et s’étend dans la majorité du sud des États-Unis actuels. Ces sociétés, basées sur un ordre social nettement plus hiérarchique que celui des autres sociétés amérindiennes d’Amérique du Nord, telles que celles côtoyées par les colons de la vallée du Saint-Laurent, ont considérablement transformé leur environnement. Les villages des sociétés mississippiennes sont établis près du fleuve Mississippi et de ses affluents et sont typiquement peuplés de plusieurs milliers d'individus. Ces sociétés cultivent des plantes comestibles dans des champs de grande taille qu'ils entretiennent en tout temps à l'aide d'outils en bois et en pierre. Le maïs, qui est cultivé par ces communautés à partir du début de notre ère, devient la principale culture autour de l’an 1000[22]. Sur les rives du fleuve, la culture intensive du maïs a considérablement transformé le paysage, puisque les feux contrôlés et la culture intensive ont créé des champs exempts d’arbres, en amont et en aval des villages amérindiens[23]. Ce type d’agriculture permet de soutenir une plus grande densité de population. Les agriculteurs mississippiens ont sélectionné avec soin les meilleures graines d’une grande variété de plantes cultivables, ce qui a mené avec le temps à la domestication de nombreuses espèces végétales. Ils utilisent possiblement la méthode des feux contrôlés afin de créer de nouvelles terres agricoles et de les nourrir avec les cendres[24].
En 1724, la population amérindienne dans la vallée du Mississippi ne dépasse pas 35 000 personnes[25]. Les différentes nations détiennent encore une certaine souveraineté sur leurs terres et leurs modes de vie, comparativement à celles de la vallée du Saint-Laurent, malgré les raids des Anglais installés en Caroline du Sud et de leurs alliés amérindiens. Ces raids, qui durent depuis plusieurs décennies, ont pour but de mettre des captifs en esclavage et d'exterminer leurs ennemis. Les Taensa, comme les autres nations de la région, ont été victimes des épidémies provoquées par l’introduction des microbes du continent euroasiatique lors des explorations de De Soto dans la région (1539-43). Ils sont alliés avec les Français depuis 1682, date à laquelle l'explorateur La Salle leur rend visite et performe avec eux une cérémonie. Au début du XVIIIe siècle, la nation des Taensa comprend plusieurs villages, dont la plupart sont situés près du lac Saint-Joseph, qui se trouve plus au nord, dans la « Tensas Parish » actuelle, mais certains Taensas semblent avoir occupé le lieu où seront construits les villages allemands une vingtaine d'années plus tard, alors qu'ils ont quitté l'endroit[26]. Malgré le choc démographique, les Taensa ont certainement modifié le paysage de la concession qui porte leur nom. Charlevoix écrit dans ses « Journals » que « c'est le plus bel endroit, et le meilleur terroir de toute la Louysiane », autrement dit la terre la plus propre à l’agriculture, ce qui implique probablement que les lieux soient exempts de forêts. L’auteur du recensement décrit la concession où se trouvent les villages allemands comme un « vaste et immense terrain defriché [sic] dont les arbres sont abattus dans une bonne partie de l’étendue du dit terrain. » Il semble faire un lien entre la qualité des sols et la présence des anciens habitants lorsqu’il affirme, de concert avec Charlevoix, que « c’est l’ancien village des Taensa, et sans contredit le plus beau [terrain] de tout ce bas de colonie ».
La morphométrie des terres dans les villages allemands est fixée en fonction du modèle des lots rectangulaires, profonds et étroits, établis sur les rives des cours d’eau. C'est le même modèle qui a donné forme à la vallée du Saint-Laurent à partir du XVIIe siècle. Presque toutes les habitations sont larges de un à trois arpents[27]. Leur profondeur est inconnue et probablement indéterminée au moment du recensement. Quatre terres mesurent plus de trois arpents de largeur. Les deux terres de cinq arpents sont habitées par des familles comprenant plusieurs adultes. La première famille est formée d’un couple et de leur fille de quatorze ans, ainsi que de la belle-mère et de la belle-soeur du mari ; sur ces cinq arpents, deux et demie ont été achetés à Pierre Smith, qui a probablement quitté les Taensa puisqu’il n’est pas listé dans le recensement, et les deux autres arpents appartiennent à sa belle-mère et aux enfants de celle-ci. L’autre famille habitant une terre de cinq arpents est composée d’un couple qui héberge une fille orpheline âgée de dix-huit ans. Les deux seules terres de quatre arpents se trouvent tout au bout du village, où l’on retrouve peut-être des surfaces plus difficiles à cultiver.
Les descriptions des habitations dans le recensement comprennent dans certains cas des informations sur l’état de leur terrain, dans lesquelles on mentionne entre autres l’espace défriché, les bâtiments construits et la qualité du jardin. Par exemple, Leonard Magdoff, qui demeure avec sa femme et un orphelin de dix ans « qu’il a adopté », est établi sur une terre large de deux arpents et demi, qu’il tient depuis un an, et sur laquelle il a récolté 13 barils de maïs et de riz, ainsi que deux barils de haricots. « Il a un fort beau jardinage, est bien logé et est assez bien dans ses affaires. » La description d’André Tregue mentionne la présence de « palissades », dont la nature nous est inconnue. Il est installé sur une terre d’une largeur de trois arpents avec sa femme et leur nourrisson. Il possède un cochon et entretient une vache appartenant à la compagnie. C’est un chasseur de 37 ans, un « bon travailleur », qui a récolté 16 barils de riz et de maïs, et un « destructeur d’étourneau ». Même si « les étourneaux luy ont fait un grand tort et un grand dégast », il « est bien logé »; « sa cour, qui mesure environ quinze toises, est entourée de palissades ». On ne retrouve aucune mention de clôtures dans le recensement. Il faut dire que, même à Montréal à cette époque, les clôtures sont presque inexistantes, et ce malgré l'insistance des intendants. « Seuls le potager, le pré, parfois la devanture de la concession si elle s'appuie sur un pacage communal, sont clôturés avec des pieux de cèdre.[28] » En Louisiane, de surcroît, la grande proportion de matière organique dans les sols de la région à cette époque rend difficile l’utilisation des clôtures, ainsi que d’autres structures telles que des bâtiments.
Deux terrains du village appartiennent à la communauté plutôt qu'à un individu ou une famille. Dans le premier village, un terrain de huit verges « appartenans à la communauté » servait au chirurgien, avant d'être abandonné pour une raison inconnue, mais peut-être à cause de l'inondation des terres. Au sein du nouveau village, de l'autre côté du fleuve, un terrain relativement central comprend « la chapelle au fond d'une cour entourée de pieux, et d'environ 15 toises en quarré », une maison, « une cuisine au bout de la cour », un jardin et un cimetière faisant un arpent et demi. La nature des sols change au fur et à mesure que les digues sont construites sur les rives du fleuve afin d’éviter l’inondation annuelle des terres. L’endiguement des eaux du Mississippi commence en 1722 et se développe au fil des ans. La construction de digues est un point commun à toutes les habitations des Taensa en 1724 : « ils travaillent tous à faire des levées devant chez eux ». En 1732, la digue s’étend sur quarante milles, à partir du détour des Anglais, dix milles en dessous de La Nouvelle-Orléans, jusqu’aux Taensa, quarante milles plus haut sur le fleuve[29].
Une fenêtre sur l'agriculture dans les villages allemands
Même s'ils se sont installés sur les lieux d'un ancien village amérindien, l'agriculture des villages allemands est de nature essentiellement européenne. Les techniques traditionnelles du paysan européen concernant l'alimentation se sont formées à travers des millénaires d'essais-erreurs. Le résultat de ce long processus fut un système agricole alliant ingénieusement, au sein d'une même habitation familiale, la production de céréales, de légumes et de fruits avec l'élevage de volailles, de cochons, de moutons et de bestiaux. Les animaux sont élevés pour la consommation de leurs oeufs, leur lait et leur viande, ainsi que pour amender les terres avec le fumier. La combinaison de l’amendement avec la rotation des sols et la jachère permet d’éviter l’épuisement des sols et, par conséquent, permet un mode de vie sédentaire. La pratique des feux contrôlés est également appliquée dans les zones non défrichées. Sur les terres agricoles des habitations allemandes, des cultures amérindiennes comme le maïs, les courges et les haricots, viennent se greffer au système agricole européen. Avec la culture du maïs, celle du riz — un grain d'origine asiatique, mais aussi traditionnellement cultivé en Afrique de l'Ouest et omniprésent dans l'économie Atlantique à l'époque moderne[30] — remplace la culture du blé et des autres céréales comme le seigle, l'orge et l'avoine, qui constituent ensemble la base de l'alimentation dans la vallée du Rhin comme partout en Europe ainsi que dans la vallée du Saint-Laurent[31]. Comment les habitants d'origine germanique, alsacienne et suisse ont-ils appris les méthodes de culture amérindiennes? C’est une question à laquelle nous ne pouvons répondre pour le moment. Il faut dire que plusieurs villages amérindiens se trouvent à proximité des villages allemands et que certaines familles Ouachas sont même venues s'installer sur la rive opposée aux villages allemands[32].
En l’absence de charrues, d’animaux de trait et de moulin à farine au sein des villages allemands de la Louisiane, les paysans manient la pioche et le pilon. Selon le texte du recensement, le travail à la pioche joint au pilage du riz et du maïs « fait périr ces pauvres gens, qui sont de bons travailleurs et de bonne volonté ». Les agriculteurs ne possèdent « point de bestiaux, ce qui fait que, faute de charrue, il en faut toujours revenir à la pioche ». Par contraste, au Canada, la charrue est indispensable pour le labour des champs. Au XVIIe siècle, toutes les habitations moyennes de Montréal possèdent une charrue à rouelle, « un instrument massif, coûteux, dont les habitants ne peuvent se passer », tiré par deux boeufs. Lors des premières années, le colon utilise sa pioche, « véritable succédané de la charrue », mais il loue les services d'un laboureur en attendant d'acquérir sa propre charrue[33].
Le recensement des villages allemands en 1724 ne contient pas que des données et des descriptions des habitants et de leurs terres, mais il présente également un texte en prose, qui met l’accent sur les conditions difficiles des colons. Le caractère tropical du climat et l’humidité des sols, si propices à la croissance de nombreuses plantes, rendent le désherbage particulièrement éreintant : « les terres de ce bas de colonie sont sy fortes qu'il faut toujours avoir la pioche à la main, sans quoy les herbes gagnent sy fort et sy promptement qu'il semble, dans peu qu'on n'y aie pas travaillé, [que] les terrains sont couverts d'arbres morts ou de souches ». Les maladies tropicales sont un danger qui guette les familles, puisqu’elles empêchent les personnes atteintes d’accomplir le travail nécessaire à la production de l’habitation familiale. L’autre partenaire doit alors travailler davantage, ce qui le rend à son tour vulnérable aux maladies :
Que peut [sic ] faire un homme et une femme sur un terrain, lesquels, après avoir bien travaillé, sont obligés, en revenant ches eux, au lieu de prendre leur repas et du repos, de piler pour se faire des vivres, travail le plus pénible et dont les suittes sont dengereuses pour les hommes et pour les femmes, y en ayant beaucoup de rompus, et des femmes qui se blessent ? Si l'un deux tombe malade, il faut absolument que l'autre le devienne pour suffire à tout, et quelque fois ils périssent tous deux. Les exemples n'en sont pas rares[34].
Dans cet extrait, les propos de l’auteur sous-entendent que les deux partenaires travaillent normalement ensemble à toutes les étapes de la production et de la transformation des denrées agricoles. Le danger que représente la pratique du pilage pour les femmes enceintes en particulier est illustré par le cas de la femme de Battazard Marx, âgée de 22 ans, qui a fait une fausse couche l’année précédente « à force de piler ».
L’horticulture représente un mode de production central dans les villages allemands. Le climat de la basse vallée du Mississippi permet une grande variété saisonnière dans la production des légumes. Le climat continental, plus sec, plus froid et avec de plus grands écarts de température, arrive directement des plaines du Nord-Ouest. Le climat tropical humide, plus chaud, plus humide et avec de moins grands écarts de température, arrive des Caraïbes par le Golfe du Mexique. Le climat continental domine en hiver, alors que le climat tropical humide prend le dessus en été. De plus, les agriculteurs de la basse vallée du Mississippi peuvent récolter deux fois par année et profitent de longues saisons agricoles et de gels peu fréquents, alors que ceux de la vallée du Saint-Laurent doivent composer avec une seule saison agricole, plus courte que celle de France, et avec les hivers froids.
Un point commun à tous les Allemands, selon l'auteur du recensement, est qu'ils cultivent « beaucoup de fèves, de giraumons et de jardinage », « ce qui leur donne beaucoup de douceurs pour vivre et pour engraisser leurs bestiaux et cochons dont ils élèvent quantité ». Examinons brièvement la nature, l’origine et la culture des fèves, des giraumons et des produits du jardinage auxquelles cette citation fait référence, sans toutefois nous donner plus de détails. Nous ne pouvons pas savoir à quelle plante fait référence le terme « fève » mentionné dans le recensement. Ce mot désigne une catégorie botanique qui englobe les féveroles d'origine européenne (vicia faba L.), les haricots communs d'origine sud-américaine (phaseolus vulgaris L.), ainsi que d'autres types de légumineuses comme les lentilles (L. culinaris spp.). Ce recoupement terminologique crée une confusion dans l'interprétation[35]. Les haricots sont mentionnés cinq fois dans le recensement. Le fait qu'ils soient considérés comme des grains et conservés dans des barils élimine l'hypothèse des fèves vertes européennes, qui sont peut-être aussi cultivées dans les jardins des habitations villageoises. Les féveroles étaient consommées par les Romains et leur utilisation dans l'alimentation quotidienne est attestée par des textes d'Égypte ancienne. Les haricots communs, pour leur part, font partie intégrante des systèmes alimentaires traditionnels des sociétés autochtones d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud. Au moment de leurs premiers contacts avec les Européens, les Natchez de la basse vallée du Mississippi en cultivaient également, ce qui porte à croire que les Taensa en cultivaient aussi. La plupart des peuples d'Amérique du Nord cultivaient les haricots communs, y compris les nations en contact avec la colonie canadienne qui pratiquent l'horticulture[36].
À Montréal, les légumineuses représentent la culture la plus importante après celle des céréales.
Les recensements englobent sous le nom de « pois » toute une gamme de légumineuses où les espèces indigènes prennent une grande place. Les pois verts, pois blancs, pois chiches, fèves, « faizoles » ou faveroles, auxquels les baux réfèrent nommément à l'occasion, sont cultivés en plein champ pour la soupe familiale, la nourriture des porcs. Selon les années, le froment compte pour les trois quarts ou les deux tiers de la production totale, mais comme la masse des parcelles récemment mises en culture est semée presque exclusivement en blé, nous croyons, en nous basant sur les semences fournies aux métayers qu'ensemble les grains secondaires et les « pois » peuvent faire jusqu'à la moitié de la récolte d'une terre faite[37].
Ainsi, les légumineuses cultivées par les colons canadiens sont nommées « pois », alors que celles cultivées par les colons des villages allemands en Louisiane sont nommées « fèves ». Cette différence d'appellation est difficile à interpréter à cause de la confusion entre les catégories de légumineuses dans le langage populaire comme dans la terminologie botanique, mais il est possible que le terme « pois » fasse référence surtout à des légumineuses sèches d'origine européenne, alors que les « fèves » mentionnées dans le recensement des villages allemands seraient plutôt des légumineuses sèches d'origine américaine.
Le mot « giraumons » désigne les courges et les citrouilles, des plantes rampantes domestiquées par les sociétés amérindiennes[38]. Selon L. Dechêne, « très tôt les colons [de Montréal au XVIIe siècle] à l'exemple des Iroquois semèrent des citrouilles, des melons – melons ordinaires et melons d'eau – et diverses espèces de courges. Les melons de Montréal sont estimés dans la colonie[39]. » Parmi les légumes mentionnés dans les écrits des Louisianais, seuls les concombres et les oignons sont mentionnés dans les baux de potagers et de vergers entre 1720 et 1780 dans la région de Montréal. Les légumes demandés par les propriétaires aux jardiniers professionnels chargés de mettre en valeur leurs terrains horticoles sont surtout les choux, les carottes, les oignons, les betteraves et les salades[40]. Cependant, les courges ne figurent pas dans les listes de légumes que les propriétaires des espaces destinés spécifiquement à l'horticulture, qui se développent autour de la ville au cours du XVIIIe siècle, demandent aux jardiniers professionnels de cultiver. « La citrouille et les courges, des plantes empruntées aux Amérindiens et mentionnées par les contemporains, n'étaient peut-être pas appréciées par les palais délicats des propriétaires[41] ».
Au Canada, le blé domine l'agriculture, l'alimentation et le commerce[42]. Le froment, une variété de blé bien adaptée à la courte saison agricole, est la céréale principale, suivie de l'avoine assez loin derrière, puis du maïs. Les récoltes d'orge et de seigle, moins propices au climat et aux sols humides de Montréal, sont négligeables. « Contrairement à ce qui se passa en Nouvelle-Angleterre [où le maïs fut la culture principale pendant vingt ans, au début de la colonisation, avant d'être remplacée par le blé], les colons français n'ont jamais substitué le maïs au blé, mais l'intègrent en petites quantités aux plantes traditionnelles. Ils mélangent la farine de maïs et celle de l'avoine au froment, si nécessaire, en font aussi des bouillies et utilisent le surplus pour les animaux. » La façon dont les colons germaniques en Louisiane française utilisent le maïs qu'ils cultivent nous est pour le moment inconnue. L'agriculture « mise essentiellement sur la vente de blé ». T. Wien parle même de la « tyrannie du blé », c'est-à-dire le « poids écrasant des céréales dans cette agriculture – non seulement dans la production prélevée ou commercialisée, mais justement dans celle consommée par la famille ». Le blé « occupe les deux tiers ou les trois quarts, voire les quatre cinquièmes du volume des semences », ce qui explique « la difficulté d'introduire de nouveaux éléments dans le calendrier chargé des « travaux pressants » tant que durera l'hégémonie du blé ».
Or, le blé ne pousse pas dans les villages allemands, à cause du climat chaud et humide et des sols vaseux. En guise de grains, toutes les familles ont récolté du maïs ou du riz, ou les deux. Ces denrées sont utilisées pour la fabrication de la farine et du pain. Ce sont les seules cultures pour lesquelles nous possédons des données qualitatives. Les récoltes varient entre quatre-vingts barils, sans compter les trois extrêmes supérieurs (une de 25 barils et deux de 30 barils) et les deux extrêmes inférieurs de deux barils, qui ont par ailleurs aussi récolté deux barils de fèves. La plupart des colons ont récolté autour de quinze barils de grains. Ces chiffres excluent les deux veuves qui ont récolté seulement « un peu de mahys ». Les sources administratives confirment qu’en Basse-Louisiane, où le risque que les fortes pluies et les inondations noient les cultures est élevé pendant la saison estivale, le riz représente une des denrées les plus prévisibles. Par conséquent, même les petits fermiers font pousser ce grain pour leur consommation et pour le commerce. Les habitants pillent les grains de riz et de maïs[43].
Le fait que Battazard Marx « descendit à la Nouvelle-Orléans pour avoir du sel et fut contraint pour en avoir 3 L. de donner un demy baril de ris écallé » nous révèle que les colons écalent le riz, et qu’ils ont parfois de la difficulté à obtenir certaines denrées comme le sel – ce qui cause d’autres problèmes en lien avec l’alimentation, puisque le sel est utilisé pour la conservation de la viande ainsi que pour celle des légumes lactofermentés comme la choucroute ou les cornichons. Ainsi, la triade maïs, courges et haricots, un élément significatif du système alimentaire amérindien, est intégrée au système traditionnel européen dans les villages allemands des Taensa. Selon les données quantitatives du recensement, la culture des haricots est parfois combinée à celle du riz, parfois à celle du maïs.
L’élevage, quant à lui, est uniquement d’origine européenne, puisqu’il n’est pas pratiqué par les autochtones avant leur contact avec les Européens. Les volailles ne sont pas comptées dans le recensement, mais l’auteur indique que les paysans « élèvent beaucoup de cochon et de volailles », tout comme les paysans de Montréal[44]. Ces deux espèces sont élevées et consommées traditionnellement par les agriculteurs d'Europe du Nord, mais elles sont présentes dans la région depuis plus d'un siècle. Les premiers cochons qui ont été introduits dans la région sont arrivés avec l'expédition de De Soto, qui est passée par la future Côte-des-Allemands[45]. On compte en tout dans les villages 49 cochons (incluant les porcs, les truies et les cochonnets), et 12 bestiaux (incluant les vaches et les génisses). Certains cochons et la plupart des bestiaux, dont plusieurs vaches qui ont donné naissance à une génisse, appartiennent à la Compagnie. Les chasseurs du village ont accès à une grande diversité d’espèces d’animaux sauvages dans les forêts et bayous environnants afin d’ajouter de la viande et des produits animaux au régime des paysans. Le recensement ne donne aucune information sur les poissons et les fruits de mer, dont on sait qu’ils sont très abondants dans les environs. Aucun habitant n’est identifié comme pêcheur.
Une vision du rôle des villages allemands dans l'économie alimentaire coloniale
Les commentaires de l'auteur du recensement, que l'on retrouve au milieu et surtout à la fin du recensement, expliquent le rôle des villages dans la vision de l'administration de la compagnie. Entre 1712 et 1731, la colonisation est mise entre les mains de compagnies commerciales transatlantiques. Les profits des compagnies commerciales d’Antoine Crozat et de John Law représentent donc la principale raison d’être de la colonie louisianaise pendant une vingtaine d’années. Ces profits sont censés être réalisés à l’aide de l'agriculture de plantation et de l'extraction de minerais précieux. Même si la production sucrière fut un échec, la Compagnie favorise et finance l'agriculture de plantation, soit la monoculture de denrées et de marchandises lucratives, comme la soie, l’indigo, la cire et le tabac, qui sont destinées à l'exportation et qui requièrent de grandes surfaces de terres défrichées, des animaux de trait, des infrastructures dispendieuses et une main-d'oeuvre nombreuse effectuant des tâches physiques exigeantes. Selon cette perspective, en quoi les petites habitations allemandes peuvent-elles être utiles? Elles le sont si elles produisent des surplus destinés à être consommés par la main-d'oeuvre et les habitants de La Nouvelle-Orléans et des plantations environnantes.
C’est sous le régime de la Compagnie que le gouverneur Bienville a pris la décision de fonder La Nouvelle-Orléans sur les rives du Mississippi à une vingtaine de kilomètres de navigation à partir de l’embouchure. Adrien de Pauger, l'assistant de l’ingénieur en chef du roi Le Blond de La Tour, est arrivé sur place en 1721 et a adapté le plan dessiné par son supérieur pour le poste de Biloxi à la nouvelle capitale. En 1722, l'ouragan détruisit complètement les structures rudimentaires construites par les habitants de la ville, ce qui a permis à l’assistant-ingénieur d'appliquer son plan sans contrainte matérielle. En 1721, la population de La Nouvelle-Orléans était de 519 personnes (326 blancs, 171 esclaves noirs, 21 esclaves amérindiens et un Noir libre). L'historien économique Joseph Zitomersky, qui analyse le degré d’urbanisation de la colonie en fonction de la densité de la population en régions urbaines rurales ainsi que du degré de spécialisation sur le marché du travail, en conclut que la Louisiane fut conçue comme une société sur le point d'entamer un processus d'urbanisation. Autrement dit, sa population allait orienter ses activités vers le marché et effectuer du travail spécialisé[46].
En Louisiane, l'urbanisation rapide et la mise en place d'une agriculture de plantation dans les environs de la métropole, qui surviennent peu de temps après le début de la colonisation, obligent les autorités à trouver des sources de denrées alimentaires. Les villages allemands représenteraient un pôle fiable d'approvisionnement alimentaire pour la main d'oeuvre des grandes plantations, afin de permettre aux planteurs de se consacrer à la production de marchandises destinées à l'exportation outre-Atlantique et au-delà du golfe du Mexique. Si ces habitants possédaient des esclaves, « ils ne s'attacheroient qu'à faire des vivres pour vendre aux gros habitans qui, assurés d'en trouver, occuperoint la plus grande partie de leurs forces à faire de l'indigo, des bois de charpente et autres marchandises propres pour des retours en France ou pour le Cap françois. Je suis persuadé qu'il se fera icy [en Louisiane] un grand commerce en bois de charpente pour les isles, où il est cher et devient toujours rare de plus en plus. » L'auteur du recensement déplore que les immigrants allemands n'aient pas été installés près de la capitale : « Sy tous ces petits habitans avoint êté [sic] établis auprès de la Nouvelle Orléans, ils y procureroint l'abondance des légumes et autres douceurs. […] Ils gagneroint bien leur vie et feroint l'ornement de la ville, parce que le peu de terrain de face qu'ils occupent et le [sic] proximitté des maisons forment un espèce de village dont le derrière est presque partout jardinage. » Or, « cest [sic] agrément ne se trouvera pas auprès de la Nouvelle-Orléans par l'aviditté de ceux qui y ont demendé des terrains considérables qu'ils ne sont ny en état ny volonté de les faire valloir et ne les ont demendés que pour les revendre ».
Selon le recensement, il est nécessaire qu'on fournisse des esclaves aux habitants des villages, afin de permettre à ceux qui ont survécu à la misère et à la surcharge de travail de rester en Louisiane... et en vie : « Sy ces familles allemandes, reste d'un grand nombre qui ont passé icy, ne sont secourues par des Nègres, elles périront peu à peu. » Ces gens « s'estimeroient fort heureux s'ils étoient secourus d'un ou deux Nègres, suivant leur terrain, leurs forces et suivant qu'on les connetroit bons ménagers. » Les trois critères qui déterminent la distribution des esclaves sont : la grandeur et l'état de la terre – leur terrain –, la condition physique et les ressources des habitants – leurs forces – et un jugement de valeur répondant à la question implicite : sont-ils de « bons ménagers »? En général, les colons qui sont désignés comme des bons ménagers ont en commun d’avoir modifié considérablement leur environnement et d’avoir produit un grand nombre de denrées. Certains d’entre eux semblent aussi posséder un statut social supérieur à celui des autres. Jean Adam Materne, tisserand, habite avec sa femme, ses deux belles-soeurs de dix-huit et vingt ans, ainsi qu’« un enfant à la mamelle ». Il a récolté dix-sept à dix-huit barils de riz et de maïs et il élève trois cochons. « Il a fait beaucoup de deffriché dans l’enfoncement. » Il est donc considéré comme un « bon travailleur, et qui mérite des nègres ». Le fait qu’elle soit une femme n’empêche pas Sibille Heite, veuve de son état, d’être identifiée en tant que « bonne travailleuse ».
Le texte du recensement suggère ce plan d'action pour la distribution des esclaves : « Il faudroit pour cet effet aller toutes les années faire une ou deux visittes ches eux pour voir le bon [ou] mauvais usage qu'ils feroint des nègres qu'on leur auroit avancés, les ôter aux fénéants et indolents et [les] donner à d'autres plus laborieux. » L'auteur croit qu'un tel geste donnerait l'exemple et aurait comme effet de faire travailler les colons encore davantage, bien qu'il ne croit pas que ce soit nécessaire, « ces gens là étant naturelement [sic] laborieux et plus constents que les françois ». Le dernier argument de l’auteur du recensement pour la distribution d'esclaves dans les villages allemands est que les habitants « nourriroint fort bien leurs nègres par la grande quantité de légumes et giraumonts [courges] qu'ils receuillent [sic], outre le ris et le mahis ».
Même s’ils se sont installés à trente lieues de la ville, les Germano-Louisianais fournissent des denrées pour la population urbaine, et ce dès 1724. Un décret émis au mois de novembre vise à protéger les marchandises, qui sont confisquées de force lors de leur transport en pirogue sur le Mississippi. Cet arrêt concerne surtout les marins et les soldats[47]. Il s’agit en fait du premier marché règlementé de la colonie[48]. « En retour de l’aide reçue de la Compagnie, les colons acceptèrent de vendre le surplus de leurs récoltes aux conditions fixées par la Compagnie. Leur statut avait changé. Ils n’étaient plus des engagés, mais des concessionnaires, des laboureurs indépendants qui ne gardaient que des liens ténus avec la Compagnie. » Huit ans plus tard, le Commissaire général de la Marine, Edmé Gatien Salmon, écrit au Ministre des Colonies que « ces allemands sont très laborieux et fournissent seuls le marché de la Nouvelle-Orléans de légumes, herbages, beurres, oeufs, volaille et autres denrées »[49]. Ce modèle économique – dans lequel des engagés deviennent des petits propriétaires fonciers, construisent ensemble un village et produisent assez de surplus agricoles pour approvisionner la ville – est unique dans l'histoire des colonies françaises en Amérique[50].
Même si les communautés installées sur les rives du Saint-Laurent et du Mississippi ont recréé le système agricole européen en grande partie[51], cette étude de cas fait ressortir certaines différences en ce qui concerne l'agriculture de ces deux colonies françaises en Amérique du Nord au XVIIIe siècle. Les origines rhénanes des immigrants des villages allemands contrastent avec celles des immigrants de la Nouvelle-France en provenance du royaume de France. De plus, les nouveaux arrivants s'installent en un lieu qui a été davantage transformé par les anciens habitants autochtones que les habitants de la vallée du Saint-Laurent. Cependant, les différences les plus frappantes entre les colonies au nord et au sud de l'Amérique du Nord sont d'ordre environnemental. Étant donné que le climat et les sols de la vallée du Saint-Laurent ressemblent à ceux de la France, comme l'ont d'ailleurs remarqué Jacques Cartier et Samuel de Champlain[52], les paysans qui s’y sont établis ont réussi à reproduire presque intégralement l'agriculture de leur région d'origine, en lui apportant quelques modifications pour l'adapter à la courte saison agricole. « Certains produits alimentaires sont ajoutés, mais il n'y a pas de substitution. » Le pain est à la base de l’alimentation, qui reste essentiellement européenne[53]. Les agriculteurs de la Basse-Louisiane, quant à eux, doivent s'intégrer à un climat subtropical, ce qui les pousse à apporter davantage de modifications au système alimentaire. Cette adaptation se manifeste surtout dans l'inclusion du riz et l'exclusion des céréales européennes.
Finalement, les aspects économiques expliquent d'autres traits particuliers de la colonisation en Louisiane. Dans le contexte de l'urbanisation précoce de la Louisiane et de la création presque instantanée d'une agriculture de plantation pour rentabiliser la colonisation par la Compagnie des Indes, les habitations des villages allemands sont appelées à assurer la sécurité alimentaire de la colonie et ainsi à jouer un rôle économique essentiel dans l'économie atlantique. Pour ce faire, du point de vue des autorités, l'utilisation de la main-d'oeuvre servile semble incontournable. Dix ans plus tard, 120 esclaves vivent sur la Côte des Allemands. Le rôle central des esclaves d'origine africaine dans le développement économique de la colonie du Mississippi représente donc une autre différence par rapport au Canada, où les esclaves africains sont présents mais ne jouent pas un rôle essentiel dans l'économie et la société coloniale. Cette différence met en lumière l'influence du modèle colonial esclavagiste des Antilles, centré sur les grandes plantations de sucre, d'indigo et de café, sur le développement de la Basse-Louisiane française. L'existence des villageois de la région des Taensas nous rappelle cependant que, même si la Louisiane a été influencée par les deux modèles coloniaux de l'Amérique française, soit le modèle caribéen basé sur l'esclavage africain et le modèle nord-américain basé sur l'alliance avec les Amérindiens, le contexte historique local de la Louisiane est unique et révélateur. Les études de cas, comme celle du recensement des villages allemands en 1724, ouvrent une fenêtre sur le fonctionnement concret du colonialisme sur le terrain.
Parties annexes
Notes
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[1]
L'expression « villages allemands » est tirée des sources administratives.
La région est aussi nommée « Taensa » par les administrateurs, comme nous le verrons plus loin.
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[2]
L’historien Marcel Giraud propose une analyse quantitative détaillée de l'immigration allemande. En l'absence de sources exhaustives, les résultats du calcul restent flous. Le taux de mortalité élevé ne fait cependant pas de doute. Marcel Giraud, Histoire de la Louisiane française. La Louisiane après le système de Law, 1721-1723, Paris, Presses universitaires de France, t. 4, 1974, p.154-165. Voir aussi: James Pritchard, In Search of Empire. The French in the Americas, 1670-1730, Cambridge et New York, Cambridge University Press, 2004, p.26.
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[3]
Reinhart Kondert, « Les Allemands en Louisiane de 1721 à 1732 », Revue d'histoire de l'Amérique française, 33, 1 (1979), p.51-9. Giraud, Histoire... , t. 4, p.249.
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[4]
La Louisiane française comprend la Basse-Louisiane, qui correspond en termes géographiques à la basse vallée du Mississippi, et la Haute-Louisiane, ou Pays des Illinois, plus au nord à l'intérieur du continent. Dans ce texte, il sera question exclusivement de la Basse-Louisiane, puisque l'agriculture de la Haute-Louisiane est différente.
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[5]
Les chiffres varient entre 350 et 700, selon les références. Pritchard, In Search… , p. 42. Paul Lachance, « The Growth of the Free and Slave Populations of French Colo- nial Louisiana », dans Bradley Bond, dir. French Colonial Louisiana and the Atlantic World, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2005, p.209.
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[6]
Ces objectifs furent atteints en 1721 et 1727, respectivement. Lachance, « The Growth... », p. 210.
-
[7]
Sur la campagne publicitaire dans les mémoires, les gazettes et les brochures publiés entre 1717 et 1719 dans plusieurs pays européens au sujet de la Louisiane, voir Marcel Giraud, Histoire de la Louisiane française. L'époque de John Law, 1717- 1720, t. 3, Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p.129-153. En Allemagne, la campagne semble s'est résumée à la traduction en 1720 de deux relations publiées par le Nouveau Mercure en février 1719 et en mars 1719, auxquelles on a ajouté « en monnaie allemande la valeur des terres qu'elle offrait gratuitement aux futurs émigrants ». Ces textes, qui se présentent comme des descriptions de la nouvelle colonie, exagèrent à outrance les opportunités, l'abondance de ressources alimentaires et l'absence d'obstacles naturels et humains à la colonisation.
-
[8]
Pritchard, In Search... , p. 21.
-
[9]
Lachance, « The Growth... », p. 210-213. Giraud, Histoire... , t. 4, p. 168-184.
-
[10]
Giraud, Histoire... , t. 4, p. 249.
-
[11]
Sans auteur, « Recensement des villages allemands près de la Nouvelle Orleans », transcription dactylographiée des archives coloniales (Aix-en-Provence, ANOM,, G 1, 464, 12-13 novembre 1724), Tulane University.
-
[12]
Sur l'alimentation en Louisiane, voir les travaux de S. Dawdy et E. Scott concernant l'archéologie, de H. S. Burton F. T. Smith concernant l'histoire coloniale du poste de Natchitoches, de G. Hall sur les esclaves d'origine africaine et de D. Usner sur l'économie de frontière locale.
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[13]
Pritchard, In Search... , p.21.
-
[14]
Ibid., p.27.
-
[15]
Ibid., p.26.
-
[16]
Dumont de Montigny, Regards sur le monde atlantique, 1715-1747, Québec, Septen- trion, 2008, p.404-405.
-
[17]
Sur le relief, les sols et le climat des environs de la Nouvelle-Orléans, voir Richard Campanella, Bienville’s Dilemma. A Historical Geography of New Orleans, Lafayette, University of Louisiana at Lafayette, 2008, p.77-96.
-
[18]
Sans auteur, « Recensement des villages allemands près de la Nouvelle Orleans », transcription dactylographiée des archives coloniales (Aix-en-Provence, ANOM, G 1, 464, 12-13 novembre 1724), Tulane University.
-
[19]
Les chiffres varient selon les sources. Marie de l'Incarnation avance deux ans, les Jésuites, cinq ou six ans. L. Dechêne, qui a effectué des recherches exhaustives dans les sources notariales entre autres, avance plutôt dix ans. John Dickinson, « Les Amérindiens et les débuts de la Nouvelle-France », Ieri e Oggi (1986) , p.102 ; Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au XVIIe siècle, Paris et Montréal, Plon, 1974, p.271-274.
-
[20]
Les propos de M. Giraud sur le défrichement des terres sur les rives du Mississippi renforcent cette thèse : « Lorsque la forêt était en possession du sol, elle constituait un obstacle qui devait réduire pendant plusieurs années les possibilités de la mise en valeur. La tâche était plus facile avec les cannes, car l'essartage que les Blancs y pratiquaient au printemps, après les avoir coupées, à l'exemple des indigènes, en avait facilement raison et permettait même, lorsqu'elles pénétraient dans la forêt, de détruire celle-ci ; après quoi il suffisait d'un labour superficiel pour mettre le sol en culture. Le défrichement apparaissait comme une tâche inégale, dont la difficulté variait suivant la nature de la végétation, mais qui eut exigé, dans les zones boisées, une main-d'oeuvre plus nombreuse. Giraud, Histoire... , t. 4, p.285.
-
[21]
Kathleen DuVal, Indians and Colonists in the Heart of the Continent, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2006, p.67.
-
[22]
Elizabeth Reitz, « Temperate and Arctic North America to 1492 », dans Kenneth Kiple et Kriemhild Ornelas, dirs., The Cambridge World History of Food, Cambridge, Cambridge University Press, 2000, t. 2, p.1297.
-
[23]
Donald Davis et al., Southern United States : An Environmental History, Santa Barbara, ABC-CLIO, 2006, p. 59.
-
[24]
Sur les sociétés mississippiennes et leur système alimentaire, voir Davis, Southern... ; DuVal, The Native Ground... , p.48-51 ; 78-9 ; Reitz, « Temperate and Arc- tic... », p.1282-1304.
-
[25]
Pritchard, In Search... , p. 8-9.
-
[26]
Fred Kniffen, Hiram Gregory et George Stokes, The Historic Indian Tribes, Bâton Rouge, Louisiana State University Press, 1994 [1987], p.76-7. Sur le choc démogra- phique suite à l’expédition de De Soto, voir Pritchard, In Search... , p.8-9 ; DuVal, The Native Ground... , p.90-91.
-
[27]
Selon M. Giraud, « l'arpent, mesure de surface, varie en France de 34,18 ares (arpent de Paris) à 51,72 ares (arpent des eaux et forêts). Nous ne pouvons préciser […] à quelle étendue correspond l'arpent en vigueur en Louisiane ». Giraud, Histoire... , t. 4, p.250.
-
[28]
Dechêne, Habitants et marchands... , p.312-314.
-
[29]
Campanella, Bienville’s Dilemma... , p.204.
-
[30]
La culture du riz en Amérique à l'époque moderne est l'objet d'un débat historiographique polarisé. Pour un résumé de cette conversation académique dans le contexte de la Caroline et de la Louisiane, voir S. Max Edelson, « Beyond "Black Rice": Reconstructing Material and Cultural Contexts for Early Plantation Agriculture », The American Historical Review, 115, 1 (2010), p.125-135. Sur le commerce du riz aux XVIIIe siècle, voir Peter Coclanis, « ReOrienting Atlantic History : The Global Dimensions of the "Western" Rice Trade », dans Jorge Cañizares-Esguerra et Erik Seeman, dirs., The Atlantic in Global History, 1500-2000, Upper Saddle River, Pearson Prentice Hall, 2007, p.110-127.
-
[31]
C. Sauer et K. Butzer offrent des analyses approfondies des systèmes agricoles européens : Carl Sauer, « The Agency of Man on the Earth », dans William Thomas, dir., Man's Role in Changing the Face of the Earth, Chicago, University of Chicago Press,1956, p.49-69; Karl Butzer, « Ecology in the Long View : Settlement Histories, Agrosystemic Strategies, and Ecological Performance », Journal of Field Archaeology, 23, 2 (1996), p.141-150.
-
[32]
Giraud, Histoire... , t. 4, p.249-252.
-
[33]
Dechêne, Habitants et marchands..., p.307-308.
-
[34]
Sans auteur, « Recensement des villages allemands près de la Nouvelle Orleans », transcription dactylographiée des archives coloniales (Aix-en-Provence, ANOM, G 1, 464, 12-13 novembre 1724), Tulane University.
-
[35]
Sur la common bean, voir Reitz, « Temperate and Arctic... », p.1297.
-
[36]
Lawrence Kaplan, « Beans, Peas, and Lentils », dans Kiple et Ornelas, dirs. Cambridge... , t. 1, p.271-281.
-
[37]
Dechêne, Habitants et marchands... , p.301-2.
-
[38]
Sur la culture des courges par les Amérindiens de l'Amérique du Nord, voir Reitz, « Temperate and Arctic... », p. 1297 ; Deena Decker-Walters et Terrence Walters, « Squash », dans Kiple et Ornelas, dir. Cambridge... , t. 1, p. 335-351.
-
[39]
Dechêne, Habitants et marchands... , p.321.
-
[40]
Sylvie Dépatie, « Jardins et vergers à Montréal au XVIIIe siècle », dans Louise Dechêne, Sylvie Dépatie et al., dirs. Habitants et marchands, vingt ans après : lectures de l'histoire des XVIIe et XVIIIe siècles canadiens, Montréal et Paris, Plon, 1998, p.239-41.
-
[41]
Dépatie, « Jardins et vergers... », p. 241.
-
[42]
Thomas Wien, « « Les travaux pressants ». Calendrier agricole, assolement et productivité au Canada au XVIIIe siècle », Revue d'histoire de l'Amérique française, 43, 4 (1990), p.540, 541, 543, 554 et 558.
-
[43]
Le pilage des grains est une méthode de transformation pratiquée par des peuples d’Europe, d’Amérique et d’Afrique. Reitz, « Temperate and Arctic... », p.1298.
-
[44]
Sur l'élevage des cochons et des volailles à Montréal au XVIIe siècle, voir Dechêne, Habitants et marchands... , p.320.
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[45]
Sur l'histoire de l'élevage des poules, voir Roger Blench et Kevin MacDonald, « Chickens », dans Kiple et Ornelas, Cambridge... , t. 2, p.496-499; sur les cochons, voir Daniel Gade, « Hogs (Pigs) », dans Kiple et Ornelas, Cambridge... , t. 2, p.536-542.
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[46]
« In regard to the international functions assigned to it, and to areas within it, Louisiana was conceived in terms equivalent to a society about to undergo a process of urbanization. That is, its population was to orient itself to the market place, and to pursue specialized activities in doing so ». Joseph Zitomersky, « Urbanization in French Colonial Louisiana, 1706-1766 », Annales de Démographie Historique (1974), p.263-278.
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[47]
« Arrêt du Conseil Supérieur de la Louisiane concernant les denrées qu’on apporte à la ville pour vendre » (Aix-en-Provence, ANOM, série C13A, v. 23, f. 49, 20 novembre 1724), cité dans Marcel Giraud, History of French Louisiana : the Company of the Indies, 1723-1731, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1993 [1974], t. 5, p.266-267 ; et dans Kondert, « Les Allemands… », p.63.
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[48]
Giraud, History... , t. 5, p.266-267.
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[49]
Kondert, « Les Allemands... », p.63.
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[50]
Au sujet de l'approvisionnement de Montréal en denrées alimentaires par des jardiniers professionnels qui entretiennent les terrains horticoles des faubourgs et des côtes, situés à l'extérieur des murs de la ville, qui appartiennent à des communautés religieuses, des notables, des marchands, des officiers civils et militaires et des artisans, voir Dépatie, « Jardins et vergers... »; sur le marché alimentaire urbain montréalais, voir aussi Dechêne, Habitants et marchands... , p.336-340 et Dickinson, « Les Amérindiens... ».
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[51]
L. Dechêne, qui écrit sur Montréal au XVIIe siècle, se demande « en quoi les méthodes coloniales différaient-elles de celles du paysan européen de la même époque ». Elle remarque qu'« avant la fin du XVIIIe siècle, l'agriculture canadienne n'attira guère l'attention des administrateurs, mémorialistes et observateurs qui passèrent dans la colonie ». Selon elle, cette indifférence s’explique par le fait que l'agriculture canadienne ressemble à s'y méprendre à celle pratiquée en France : Dechêne, Habitants et marchands..., p.299-300 ; sur la ressemblance entre l'agriculture en France et en Nouvelle-France, voir aussi Wien, « Les travaux pressants... ».
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[52]
Victoria Dickenson, « Curiosity into Edibility : The Taste of New France », dans Nathalie Cook, dir. What's to eat? Entrées in Canadian Food History, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2009, p.21-54.
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[53]
Dechêne, Habitants et marchands... , p.322.