Cet ouvrage est la réédition d’un numéro de Frayages, éphémère périodique de psychanalyse, paru en 1987. La première édition ayant fait l’objet, sous la plume d’André Paradis dans la Revue d’histoire de l’Amérique française en 1988, d’un compte rendu écrit d’un point de vue plutôt internaliste, la perspective ici adoptée pour renouveler l’analyse historique sera résolument externaliste, questionnant les récits et l’absence de recours à l’historiographie. En effet, la nouvelle préface de Nicolas Lévesque inscrit cette réédition dans un récit héroïque de « pionniers » de la psychanalyse des années 1940-1950, d’abord au sein du Département de philosophie dirigé par les dominicains à l’Université de Montréal, puis parmi les médecins. Elle se place dans un rapport de filiation, puisque le père de l’auteur a participé à Frayages et que ce dernier reprend à son compte la ligne narrative générale de 1987, au détriment de recherches spécialisées en histoire de la psychanalyse qui ne sont pas du tout mobilisées, pas plus que l’histoire culturelle de Montréal, pourtant théâtre des opérations de la revue. Toutefois, à aucun moment Nicolas Lévesque ne se présente comme historien ; ce serait donc lui faire un mauvais procès que d’évaluer sa manière d’évaluer le passé de la psychanalyse à l’aune de méthodes qu’il ne prétend pas mobiliser, d’autant plus que Frayages est de nouveau disponible comme source pour une nouvelle génération de chercheurs et de chercheuses grâce à son initiative. Les contributions à Frayages n’ont pas toutes le même statut : les entretiens sont les chapitres les plus intéressants, ce type de témoignage étant moins convenu que les textes rédigés dans un style bien souvent jargonnant et répétitif. Ils sont en partie extraits d’une entrevue réalisée en février 1987 avec Noël Mailloux (1909-1997), prêtre et professeur. Les discussions portaient alors sur les lieux de diffusion de la psychanalyse, comme l’Institut de psychologie qu’il fonda au sein du Département de philosophie en 1942, et le Montreal Psychoanalytic Club, qui regroupait davantage de médecins et professionnels de santé, bilingues ou anglophones. Pour résumer à grands traits, on doit à Mailloux d’avoir, avec d’autres hommes d’Église, proposé les premiers enseignements sur Freud au Québec. Reconnu par les témoins pour sa générosité et ses talents pédagogiques, il savait attirer les étudiants car il proposait une analyse des motivations inconscientes dans le choix d’une vocation religieuse, qui était également une vocation intellectuelle à l’université. Un élément singulier dans Frayages est la contribution de Yvan Lamonde, seul historien invité en 1987, qui posait la question de « la psychanalyse pratiquée au Québec comme objet d’histoire » en s’interrogeant sur ses conditions socioculturelles, à partir notamment d’autres publications comme Refus global (texte de Bruno Cormier) et Cité libre, c’est-à-dire un corpus plus large, qu’un appareil critique aurait pu renouveler à l’occasion de cette réédition. Si l’occasion est ratée, Frayages reste utile aux historiens du culturel, parce que c’est un corpus qui permet de documenter les phénomènes de réception. Par exemple, au-delà de la médecine et de la philosophie, André Lussier témoigne du fait que son introduction à la psychanalyse venait d’un intérêt initial pour l’éducation. Lise Monette revient sur le contexte religieux de la réception de Freud au Québec, comme Michel Dansereau. Un autre témoin explique que les techniques psychothérapeutiques étaient étudiées à travers La théorie psychanalytique des névroses d’Otto Fenichel, un livre déjà bien connu pour avoir servi de manuel de psychanalyse dans d’autres pays, ce qui relativise les spécificités supposées du cas québécois. D’un autre point de vue, les lacunes des témoignages donnent matière à réflexion. Alors que Lussier évoque le trio d’étudiants qu’il formait avec Gabrielle Clerk et …
La naissance de la psychanalyse… à Montréal. Préface de Nicolas Lévesque (Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2022), 202 p.
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Emmanuel Delille
Centre Marc Bloch
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