Quoique d’innombrables hommes et femmes se soient voués à l’avancement du mouvement coopératif et de la syndicalisation des métiers de la mer, tous et toutes n’ont pas eu droit à une biographie de l’ampleur de celle consacrée à l’oeuvre de Louis Bérubé. C’est en effet le défi que s’est donné Gaétan Myre, lui-même acteur important dans le monde des pêches au Québec et sur la scène internationale. Avant cette étude sur Bérubé, Myre a produit un grand nombre d’ouvrages pédagogiques destinés à la formation professionnelle des pêcheurs. Sa biographie de Bérubé se déploie en quatre parties, soit 11 chapitres, un glossaire, une bibliographie bien fournie et quelques annexes contribuant à une meilleure compréhension du texte. Bien que l’auteur fasse de beaux efforts pour conserver une structure chronologique à son récit, la carrière longue et fructueuse de Bérubé rend la démarche difficile. Après tout, ce dernier est bel et bien un multitâches infatigable. C’est ce qui explique que l’on note parfois des redites, mais comment faire autrement pour rendre justice à la carrière d’un homme ayant mené autant de projets de front tout au long de sa brillante carrière. N’empêche que pour relever ce grand défi, Myre emprunte un sentier parallèle au parcours de Bérubé, soit une nouvelle synthèse (1922-1985) et même une réinterprétation de l’histoire de la coopération et de la formation en pêche au Québec. Sans cela, le lecteur aurait parfois été un peu perdu dans la compréhension des actions de Bérubé. Notre propre lecture nous amène à concevoir le plan de l’ouvrage de la manière suivante : le rôle de Bérubé dans ce véritable renouveau de la pêche maritime au Québec, l’émancipation des pêcheurs d’avec les entreprises étrangères, la création du premier mouvement coopératif de pêcheurs (1923-1933), la fondation de l’École supérieure des pêcheries de l’Université Laval, la relance des coopératives qui se fédèrent au sein de Pêcheurs-Unis du Québec et le rôle de Bérubé dans le développement international. Certains passages retiennent davantage l’attention et nous choisissions de les aborder de manière chronologique. Au chapitre premier, relatant le cheminement de la famille Bérubé, Myre présente du même coup une bonne synthèse d’un phénomène incontournable de l’histoire rurale du Québec, soit celui du terroir plein, qui oblige des fils à s’établir ailleurs en fondant de nouvelles communautés. Mais le cas de la famille Bérubé diffère quelque peu puisque c’est la famille au complet qui déménage, ce qui nous fait penser au fameux roman Maria Chapdelaine. Nous en apprenons beaucoup sur ce que Myre considère être des contraintes sociales de l’époque, entre autres l’encadrement envahissant du clergé. Le chapitre portant sur la vie de jeune adulte de Bérubé est bien entendu centré sur ses études au collège classique. Ici encore, Myre réussit à bien synthétiser sa description de la vie étudiante dans les collèges de l’époque. Dans un premier temps, l’on y apprend que Bérubé est à la fois bon élève et engagé dans ce qu’on pourrait qualifier d’activités parascolaires formatives. Myre y soulève néanmoins un questionnement intéressant, à savoir si Bérubé a manoeuvré pour éviter le service militaire durant la Grande Guerre. L’usage du terme « soutane de guerre » est révélateur de ce qui semble constituer une stratégie d’évitement, sans pour autant être illégale. Dans les chapitres suivants, l’on apprend que Bérubé ne se contente pas d’une formation théorique et qu’il s’engage aussi dans une formation plus technique. Des stages effectués aux États-Unis lui permettent d’ailleurs de tisser des liens professionnels qu’il exploitera durant sa carrière. La première étape de la longue et fructueuse carrière de Bérubé est consacrée à l’établissement du mouvement coopératif chez les communautés …
Myre, Gaétan. Louis Bérubé. Le renouveau de la pêche québécoise au XXe siècle (La Pocatière QC, Société d’histoire et de généalogie de la Côte-du-Sud, 2023), 195 p.[Notice]
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Nicolas Landry
Université de Moncton, campus de Shippagan