Récompensé par plusieurs prix, dont le prix Lionel-Groulx et le Prix de la présidence de l’Assemblée nationale, Desindustrializing Montreal est un ouvrage important et de grande envergure. Au coeur du livre se trouve une analyse comparative menée à l’échelle locale entre deux quartiers ouvriers de l’actuel arrondissement du Sud-Ouest de Montréal, situés de part et d’autre du canal de Lachine : Pointe-Saint-Charles au sud et la Petite-Bourgogne au nord. Steven High s’appuie sur le concept de capitalisme racial pour expliquer les trajectoires différentes des deux quartiers face aux crises provoquées par la désindustrialisation et la rénovation urbaine dès 1945. Ce faisant, High cherche à jeter un pont entre la classe et la race en tant que facteurs de l’analyse historique. Le livre propose une lecture attentive des processus de différenciation spatiale dans l’environnement urbain, un aspect important du fonctionnement du capitalisme racial. Les deux quartiers étaient en fait, comme l’explique High, trois zones distinctes : une zone anglophone au sud de Pointe-Saint-Charles, une zone francophone le long des berges du canal de Lachine, délimitée au sud et au nord par les voies ferrées, et une zone multiraciale et bilingue dans la partie nord de la Petite-Bourgogne. La communauté noire anglophone de Montréal était concentrée dans cette dernière zone. Cette communauté est au coeur de l’analyse comparative de High entre la Petite-Bourgogne multiraciale et Pointe-Saint-Charles, quartier de la classe ouvrière blanche. L’ouvrage s’appuie sur les témoignages oraux de 150 résidents sur une période de 35 ans pour reconstituer l’histoire des deux quartiers. À l’aide de ces connaissances locales approfondies et d’un mélange impressionnant de journaux et de sources d’archives, High produit une étude texturée des changements survenus dans les quartiers à travers les récits de vie des résidents. Des institutions comme le Negro Community Centre et la Union United Church de la Petite-Bourgogne, ainsi que des groupes communautaires comme les Leo’s Boys à Pointe-Saint-Charles, occupent une place importante dans la description que fait High de la vie locale. Il s’agit d’un compte rendu attentif et sympathique de la vie de la classe ouvrière, mais qui démontre aussi comment la race, la langue et le sexe sont restés des facteurs puissants dans la structuration des identités et des comportements quotidiens. Et les nombreuses photographies qui émaillent l’ouvrage viennent enrichir les riches profils des quartiers. En étendant l’étude de la désindustrialisation à une ville métropolitaine qui a effectué une transition post-industrielle, le livre éclaire puissamment la politique de classe de la gentrification. Pointe-Saint-Charles fournit l’exemple le plus clair de l’enchevêtrement direct de la désindustrialisation et de la gentrification. Le déclin spectaculaire de la population était déjà en cours dans les années 1960, alors que de nombreux ouvriers d’usine déménageaient vers les banlieues. Une population pauvre et sous-employée est restée sur place. Au cours des années 1970 et 1980, des vagues de fermetures d’usines ont dévasté le Sud-Ouest et accentué le déclin de Pointe-Saint-Charles. Entre-temps, après sa fermeture à la navigation en 1970, le canal de Lachine a été réimaginé par les agents gouvernementaux comme un espace post-industriel et récréatif, et la gestion du canal a été transférée à Parcs Canada. Sur place, la population ouvrière a vite compris qu’une telle vision risquait de l’exclure du quartier. La construction d’immeubles en copropriété (condominiums) et la désindustrialisation se sont déroulées en tandem dans les années 1980 et 1990 et ont soulevé des questions fondamentales sur les destinataires du développement de la zone. Si les groupes de quartier ont réussi à faire du logement social un aspect du réaménagement, High affirme que ces victoires ont été récupérées avec l’idée que la gentrification contribuait à une « …
High, Steven. Deindustrializing Montreal. Entangled Histories of Race, Residence, and Class (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press), 2022, 440 p.
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Don Nerbas
Université McGill
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