Ce collectif a d’abord été un colloque tenu en octobre 2021 à la Grande Bibliothèque du Québec. Invités par Louise Bienvenue et François-Olivier Dorais, une vingtaine de leurs collègues ont partagé les résultats de leurs recherches sur autant de femmes qui, de Laure Conan à Micheline Dumont, ont fait de l’histoire au Québec, en Ontario français et en Acadie, du dernier tiers du 19e siècle à la fin du 20e. Sauf les premières femmes professeures d’université, pour la plupart encore vivantes, ces historiennes étaient avant cette rencontre effacées de nos mémoires, méconnues, ou alors considérées mais pour d’autres réalisations. Plusieurs sont pourtant des pionnières de l’histoire des femmes. Certaines ont carrément créé les champs de l’histoire des professions ou du handicap. Et toutes ont participé à la construction de l’historiographie du Canada français, ce qui leur a valu en leur temps, et bien entendu selon les paramètres du temps, d’être encouragées, reconnues, parfois célébrées. L’ouvrage s’ouvre sur une excellente « mise en perspective ». Bienvenue et Dorais y exposent leur projet : faire voir comment des femmes animées par le goût de l’histoire ont utilisé les circonstances dans lesquelles elles ont été placées, voire les ont provoquées, pour produire leur oeuvre : romans historiques, séries d’articles dans la presse réunis ensuite en volumes, biographies très documentées, rapports érudits, mise en valeur de fonds d’archives, participation au soutien et à l’activité de sociétés d’histoire et de leurs revues (y compris l’Institut d’histoire de l’Amérique française et la revue qu’il publie), et finalement conquête de postes universitaires et publication de monographies savantes. Pour aucune d’entre elles la tâche n’a été facile, on s’en doute. Les auteurs et autrices sont très soucieux de replacer leur objet d’étude dans son contexte matériel et culturel de production, un contexte fait de préjugés, de chasses-gardées, de hiérarchies incontestées ; de formations, de trajectoires professionnelles, de lieux d’expression et de conditions de travail différenciés ; et, recouvrant tout cela, d’un primordial clivage selon le genre qui a impacté toutes les dimensions de la vie de ces femmes, y compris les dimensions les plus personnelles. Pour autant, aucune victimisation : après tout, ces historiennes ont réussi. Le défi de résumer un ouvrage dont toutes les contributions sont de très haute qualité est tel que j’y renonce. Usons d’un argument d’autorité : vous devez le lire ! Outre ce que je viens d’en dire, voici un peu de ce que, pour ma part, je souhaite en retenir. Il y a dans ce collectif beaucoup d’autres choses à apprendre et à retenir. Toute histoire de l’historiographie des femmes et de celle du Canada français devra désormais tenir compte de ce livre et des femmes qui, sans point d’interrogation, ont fait profession d’historiennes !
Bienvenue, Louise et François-Olivier Dorais (dir.). Profession historienne ? Femmes et pratique de l’histoire au Canada français (Québec, Presses de l’Université Laval, 2023), 542 p.[Notice]
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Lucia Ferretti
Université du Québec à Trois-Rivières