Comptes rendus

Vu Thanh, Hélène (dir.). Les missions religieuses à l’épreuve des empires coloniaux (XVIe-XXe siècle) (Paris, Hémisphères, 2022), 400 p.[Notice]

  • Maurice Demers

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  • Maurice Demers
    Université de Sherbrooke

L’historiographie sur les missions religieuses est foisonnante dans la majorité des pays qui ont été touchés par la colonisation. Si les liens entre missions et colonialisme ont déjà été abordés dans moult publications, les études postcoloniales et décoloniales ont aidé à renouveler les questionnements. L’ouvrage dirigé par Hélène Vu Thanh propose lui aussi des réflexions pertinentes pour renouveler et approfondir l’objet d’études sans nécessairement s’inscrire dans ces approches novatrices. Vu Thanh est maître de conférences en histoire moderne (Université de Bretagne-Sud) et ses recherches portent sur les missions au Japon et dans la mer de Chine aux 16e et 17e siècles. Comme l’annonce le quatrième de couverture, « cet ouvrage explore les pratiques locales des missionnaires [car] loin de se préoccuper uniquement des questions de conversion et de pastorale, les missionnaires établissent de nombreuses connexions commerciales, politiques et diplomatiques entre les empires, tout en interrogeant le paradigme impérial ... ». Les objectifs initiaux sont largement atteints et l’ouvrage possède une très bonne valeur scientifique en considérant adéquatement la portée globale de réalités missionnaires locales. Divisé en quatre parties, l’ouvrage fait un bon effort pour représenter la diversité des réalités impériales. Quatre chapitres concernent l’empire espagnol, trois l’empire français, deux l’empire britannique, et trois autres traitent des intérêts impériaux franco-britanniques. Les diverses réalités géographiques de l’impérialisme sont moins bien analysées toutefois. Sept chapitres portent sur les missions en Asie, un sur les missions d’Océanie, un sur l’Amérique du Nord, un sur l’Amérique du Sud, un sur l’Irlande et un autre sur l’Afrique. La première partie présente des chapitres de Bertrand Van Ruymbeke sur « La conquête anglicane des colonies britanniques d’Amérique du Nord au XVIIIe siècle », de Patrick Beillevaire sur « la vocation japonaise contrariée d’Augustin Forcade (1816-1885) » et de Claire Laux sur « Les missionnaires, des agents impériaux dans le Pacifique insulaire durant la première moitié du XIXe siècle ». On réalise à la lecture de ces chapitres qui traitent de la conciliation entre ferveur missionnaire et ambitions impériales que les relations entre ces différents ordres de pouvoir étaient souvent complexes et tendues. Claire Laux nous rappelle même que « les missionnaires … précèdent parfois de plusieurs années, voire plusieurs décennies les colonisateurs … l’évangélisation s’y développe indépendamment de tout projet politique et dans une certaine mesure des dessins d’exploitation économique » (p. 107). La deuxième partie est composée des chapitres de Delphine Tempère (« De la Péninsule aux Philippines : les jésuites connecteurs de mondes au XVIIe siècle »), de Manuela Águeda García Garrido à propos de « l’administration spirituelle des Philippines depuis la métropole » par les Augustins castillans au XVIIe siècle et de Karina Bénazech Wendling sur les « agents et réseaux missionnaires protestants en Irlande dans leur rapport à l’empire (1815-1850) ». Cette partie nous renseigne sur « l’insertion des missionnaires dans les réseaux impériaux ». Les deux chapitres traitant des Philippines nous font prendre conscience de cette mondialisation hispanique et de « l’histoire des “mondes mêlés de la monarchie catholique” » (p. 140). Tempère écrit d’ailleurs : « Nous pensons aux officiers de l’administration royale aux Amériques et aux Philippines, aux militaires, mais également aux missionnaires, plus précisément, aux jésuites qui, dès la création de la Compagnie, voyagent et missionnent à travers le monde » (p. 133). Ces chapitres s’insèrent parfaitement dans le sillon des recherches de Serge Gruzinski, particulièrement de son livre L’Aigle et le Dragon. Démesure européenne et mondialisation au XVIe siècle. Les contributions de Tempère et de García Garrido révèlent l’histoire globale et connectée de l’empire espagnol, les Philippines n’étant pas liées uniquement …