Comptes rendus

Payne, Carol, Beth Greenhorn, Deborah Kigjugalik et Christina Williamson (dir.). Atiqput. Inuit Oral History and Project Naming (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2022), 264 p.[Notice]

  • Francis Lévesque et
  • Danny Baril

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  • Francis Lévesque
    Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

  • Danny Baril
    Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

Les autrices de ce livre présentent le projet Un visage, un nom (Project Naming en anglais), né d’une initiative de Murray Angus et Morley Hanson, les deux professeurs responsables de Nunavut Sivuniksavut (NS), un programme d’études postsecondaires basé à Ottawa et principalement destiné aux Inuits du Nunavut. D’abord financé par le gouvernement du Nunavut, le projet a été repris en main par Bibliothèque et Archives Canada (BAC) en 2002 et rendu accessible à tous les Autochtones du Canada en 2015. Le livre présente 14 essais répartis en trois sections non chronologiques précédées d’une introduction. L’histoire du projet et des initiatives qui en sont issues est présentée à travers 98 photos majoritairement tirées des collections de BAC et à l’aide de témoignages d’aînés et d’étudiants inuits ayant participé aux activités d’identification qui sont au coeur d’Un visage, un nom. L’origine d’Un visage, un nom est très modeste. Dans les années 1990, les étudiants de NS visitaient Bibliothèque et Archives Canada où ils étaient amenés à consulter les collections de photos prises dans l’Arctique canadien au milieu du 20e siècle. Ces photos ont pour caractéristique d’avoir toutes été prises par des personnes qui n’étaient pas originaires de l’Arctique pour soutenir l’entreprise coloniale canadienne. Or, si la quasi-totalité d’entre elles identifiaient les lieux et les Eurocanadiens qui y figuraient, elles n’identifiaient généralement pas les Inuits pris en photo. Hanson et Angus eurent l’idée de demander à leurs étudiants et à leurs étudiantes de choisir une photo à rapporter chez eux durant le temps des fêtes. Les étudiants devaient alors discuter avec des aînés de ces photos. Les aînés identifiaient généralement les personnes et les lieux qui apparaissaient sur les photos, ce qui permettait à BAC d’ajouter les informations à son catalogue. Au début des années 2000, BAC reprit le projet en main. Les photos furent alors numérisées, une exposition virtuelle fut mise en ligne et une collaboration avec l’hebdomadaire News/North permit de publier chaque semaine une photo sur laquelle se trouvaient des personnes non identifiées, dans un segment intitulé « Do you know your elder ? » (« Reconnaissez-vous votre aîné ? »). Une page Facebook très populaire consacrée au projet existe aujourd’hui. Les effets du projet sont nombreux. D’un point de vue historien, le plus important est certainement le fait de permettre à BAC de bonifier sa collection de photos en y ajoutant des données pertinentes sur l’identité des personnes qui y apparaissent et sur les lieux où elles ont été prises. Cependant, et c’est ce qu’Atiqput montre très bien, c’est sans doute pour les Inuits qui ont participé au projet, jeunes comme aînés, que les effets du projet sont les plus révélateurs. D’abord, le livre met en avant les discussions issues du projet qui ont permis aux Inuits de s’approprier ces photos et de les intégrer à leurs propres histoires locales. Cette réappropriation participe pleinement à la décolonisation de l’histoire arctique en permettant aux Inuits d’intégrer leur mémoire aux matériaux historiques. Ensuite, le livre montre que le projet a amené une multitude de jeunes à discuter avec des aînés de leur communauté, ce qui a renforcé les liens intergénérationnels. Ceci est important puisque plusieurs jeunes Inuits sont intimidés à l’idée d’aller discuter avec les aînés, car ils pensent méconnaître leur culture ou ne pas maîtriser suffisamment l’inuktut. Ainsi, le projet a suscité un engagement des jeunes envers leur culture et leur histoire. Le livre montre enfin très bien que les discussions autour des photos dépassent largement la simple identification des personnes. En effet, les aînés utilisaient souvent les photos pour parler des relations que leurs …