Comptes rendus

Turner, Nancy J. (dir.). Plants, People, and Places. The Role of Ethnobotany and Ethnoecology in Indigenous Peoples’ Land Rights in Canada and Beyond. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2020, 480 p.[Notice]

  • Réginald Auger

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  • Réginald Auger
    Université Laval

Ce livre d’envergure étudie le rôle que jouent l’ethnobotanique et l’ethnoécologie dans les revendications du droit au territoire chez les peuples autochtones. Dirigé par une ethnobotaniste et ethnoécologiste de renommée internationale, il montre avec succès comment les ethno et écosciences pratiquées selon des contextes émiques ou étiques sont utilisées pour justifier l’appartenance et le droit à un territoire et à ses ressources vivantes. Malgré l’aspect fugace des traces laissées sur le territoire par des peuples de chasseurs-cueilleurs et donc l’intangibilité de l’utilisation, du droit et de l’appartenance à un territoire qui en découle devant la loi, l’application d’approches scientifiques démontre admirablement ses effets sur les revendications du droit au territoire chez les peuples autochtones. J’ai analysé cet ouvrage avec les yeux d’un archéologue car, lorsque nous sommes appelés à documenter l’utilisation d’un territoire avec les outils que nous maîtrisons en archéologie, souvent on ne réussit pas à trouver les traces nécessaires à une justification convaincante. J’apprends que la connaissance et l’usage d’un territoire et la gestion traditionnelle des plantes sauvages selon des perspectives scientifiques et autochtones constituent des preuves solides devant la loi en ce qui concerne le droit à la terre. J’ajouterais à titre d’archéologue que cette étape pourrait être la partie conceptuelle originelle dans la démonstration des droits ancestraux à un territoire. La directrice de cette publication a oeuvré pendant un demi-siècle chez les populations autochtones du nord-ouest de l’Amérique du Nord et a eu un impact majeur sur le développement d’une approche alliant l’écologie, la botanique et l’enquête orale, aboutissant à un partenariat énergique entre Premières Nations et monde universitaire. Cet ouvrage collectif qui comprend 24 chapitres préparés par 41 auteurs et autrices et se divise en cinq sections thématiques émane d’un symposium tenu en mai 2017 à l’Université de Victoria. En plus de l’approche méthodologique originale qui le caractérise, il présente des points de vue partagés entre chercheurs et chercheuses universitaires établis et de la relève et l’univers des connaissances empiriques issues de peuples autochtones ayant été soumis à des politiques coloniales. La majorité des chapitres traite de cas se situant dans le nord-ouest du Canada et des États-Unis ; on y trouve également des exemples provenant de cas vécus en Suède, à Hawaï, en Nouvelle-Zélande et en Australie. Les thèmes traités sont 1) le rapport des peuples autochtones aux plantes et au territoire au Canada ; 2) les perspectives historiques sur les relations entre plantes et humains au Canada ; 3) l’ethnoécologie et le droit dans l’arène internationale ; 4) l’ethnoécologie, le droit et la politique dans le contexte actuel ; et 5) puiser la force et l’inspiration des peuples, des plantes et du territoire grâce à la justice, l’équité, l’éducation et le partenariat. Ce livre retrace donc avec aplomb l’histoire des relations entre peuples autochtones et nouveaux arrivants et les conflits que les contacts ont engendrés à l’égard de l’utilisation traditionnelle des plantes et de l’accès au territoire par les Autochtones. Le message d’espoir qu’il véhicule est que de nombreux peuples autochtones du Canada et d’ailleurs commencent à gagner du terrain dans la reconnaissance de leurs droits aux territoires ancestraux et de l’accès aux plantes que ces territoires offrent, et ce, en utilisant l’ethnobotanique, l’ethnoécologie et la tradition orale devant les cours de justice. De ce dialogue entre universitaires et Autochtones émerge une nouvelle conception de la recherche engagée qui fait une place aux premiers acteurs concernés par les résultats de telles recherches. Le lectorat peut tirer des leçons de chacune des sections de cet ouvrage ; je vais m’efforcer ici de mettre en évidence celles qui me paraissent les plus significatives. Dans la …