La parution de deux volumes sur l’action du gouvernement du Québec en matière culturelle constitue un événement important en histoire socioculturelle. Le livre de Fernand Harvey, historien et sociologue, qui fut titulaire de la chaire Fernand-Dumont sur la culture à l’INRS, brosse une vaste synthèse des politiques culturelles du Québec de 1855 à 1976. De son côté, Claude Trudel, ancien sous-ministre adjoint des Affaires culturelles au cours de la décennie 1970 et président de la commission de la culture de l’Assemblée nationale dans les années 1980, fait un bilan de la contribution des 26 titulaires du ministère des Affaires culturelles et de la Culture de 1961 à 2021. La synthèse de Fernand Harvey s’appuie sur les nombreux textes qu’il a publiés dans des ouvrages collectifs, dans des revues, dont Les Cahiers des Dix, et dans son livre, La vision culturelle d’Athanase David, paru en 2012. Le présent volume veut caractériser les rapports entre la politique et le culturel. Il est révélateur des débats qui ont animé pendant plus d’un siècle les relations entre les instances politiques, la fonction publique et le milieu culturel en général. Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, nommé surintendant de l’Éducation en 1855, contribue au développement du Québec en voyant dans l’éducation un processus permanent englobant à peu près toutes les sphères de l’activité humaine. Il développe la lecture, les bibliothèques et les livres de récompenses dans les écoles pendant ses mandats comme surintendant (1855-1867) et comme ministre de l’Instruction publique (1867-1873). Il accorde aussi une grande importance aux archives de la Nouvelle-France et contribue à leur sauvegarde et à leur diffusion. Au tournant de la décennie 1890, le gouvernement d’Honoré Mercier fait de l’éducation et de la culture une priorité. On lui doit la première loi concernant les bibliothèques municipales, des subventions à des bibliothèques existantes et la mise sur pied d’écoles du soir gratuites. Le maire de Montréal Raymond Préfontaine a voulu en 1901 doter sa ville, à l’instar d’un grand nombre de villes américaines et canadiennes, d’une bibliothèque municipale en profitant de la philanthropie d’Andrew Carnegie. Cette initiative donne lieu à une véritable saga. On assiste à la confrontation entre les promoteurs de la conception nord-américaine de la bibliothèque publique et les tenants de la formule de l’Église catholique pour protéger les fidèles des idées du siècle. À défaut d’une bibliothèque laïque ouverte aux citoyens, Montréal hérite des Sulpiciens en 1915 d’une bibliothèque d’étude, la bibliothèque Saint-Sulpice. Le gouvernement de Lomer Gouin manifeste un intérêt certain pour l’éducation et la culture. Il crée l’École des hautes études commerciales et deux écoles techniques, l’une à Montréal et l’autre à Québec. Pour développer une élite québécoise, ce gouvernement institue en 1911 les prix d’Europe et les bourses d’Europe pour envoyer des Québécois acquérir une spécialisation en Europe, particulièrement en France. Gouin nomme Athanase David secrétaire de la province en 1919. David occupe cette fonction pendant les années du gouvernement Taschereau (1920-1936) et se révèle un véritable ministre de la culture. Il joue un rôle primordial dans le développement des institutions culturelles et il est indéniablement un pionnier dans l’élaboration d’une politique culturelle québécoise. Tout au long de son mandat, il demeure un partisan convaincu de l’intensification des relations culturelles entre le Québec et la France. Les réalisations du ministre David sont nombreuses. L’octroi des bourses d’études en France prend une ampleur considérable. Il établit en 1920 le Bureau des archives de la province de Québec et en confie la direction à Pierre-Georges Roy. En 1922, en vue de la conservation du patrimoine matériel, il met sur pied la Commission des monuments historiques, avec le mandat de faire …
Harvey, Fernand. Histoire des politiques culturelles au Québec 1855-1976. Québec, Septentrion, 2022, 444 p.Trudel, Claude. Une histoire du ministère de la Culture (1961-2021). Montréal, Boréal, 2021, 324 p.[Notice]
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Marcel Lajeunesse
Université de Montréal