Comptes rendus

Cowan, Mairi. The Possession of Barbe Hallay. Diabolical Arts and Daily Life in Early Canada. Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2022, 296 p.[Notice]

  • Laura Moncion

…plus d’informations

  • Laura Moncion
    Université de Toronto

À l’automne 1660, des rumeurs commencent à circuler à Québec : une jeune femme dans une seigneurie avoisinante est assaillie par des forces magiques à cause d’un homme qui voulait l’épouser mais qu’on a refusé. Mairi Cowan utilise cette histoire captivante comme point de départ pour explorer et expliquer la vie quotidienne et les mentalités en Nouvelle-France. Le livre suit la jeune femme, Barbe Hallay, de sa naissance en France jusqu’à sa mort à Québec, et plus particulièrement au cours des événements de sa possession démoniaque : son examen par des prêtres qui la déclarent victime de maléfices, son séjour chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu et enfin sa guérison par une femme laïque. Suivant la tradition de la microhistoire, The Possession of Barbe Hallay considère les personnes ordinaires, tels les domestiques et paysans, comme capables d’agir sur le cours de l’histoire. Ce livre réussit non seulement à rendre compréhensible l’histoire particulière de Hallay, mais aussi à toucher plusieurs thèmes historiques d’importance, comme le rôle de la religion dans la vie quotidienne à l’époque moderne, les concepts et pratiques sous-tendant la colonisation et la place des femmes dans la société. Cowan présente clairement les nombreuses sources manuscrites et imprimées sur lesquelles repose son analyse, dont les lettres de Marie de l’Incarnation et les Relations des Jésuites. Cet ouvrage offre un portrait soigneusement détaillé – appuyé par des interprétations soigneusement présentées – de l’histoire de Barbe Hallay et, à travers elle, d’une période importante de l’histoire de la Nouvelle-France. Chaque chapitre commence avec la vie et l’histoire de Hallay puis débouche sur des questions historiques plus complexes. Le premier chapitre s’ouvre sur le voyage de Hallay et de sa famille de France jusqu’en Nouvelle-France, qui eut probablement lieu en 1659. Les débuts de la colonie et la situation des migrants français, leurs origines et leurs expériences en traversant l’Atlantique y sont discutés. La vie quotidienne en Nouvelle-France est illustrée avec une admirable richesse : la diversité linguistique parmi les colons est évoquée aussi bien que ce qu’ils mangeaient, buvaient, sentaient et entendaient. La question de l’identité religieuse de la colonie est aussi abordée, à savoir l’importance du catholicisme sur le plan politique, mais aussi la grande diversité de praxis au quotidien, compte tenu de la présence des Huguenots et des Abénakis, Haudenosaunés et Wendats ayant leurs propres religions. Le deuxième chapitre traite du début des problèmes démoniaques de Hallay, qui auraient été causés par les « maléfices » de Daniel Vuil, l’amoureux éconduit. Pendant que Hallay est amenée à l’Hôtel-Dieu, Vuil est emprisonné puis mis à mort. L’histoire de Hallay et Vuil est mise en contexte : dans la colonie de 1660, l’angoisse monte dans un contexte d’hostilités entre colons et certains peuples autochtones et d’une situation démographique précaire, ce qui amène les gens à accorder une importance accrue à la question de la volonté de Dieu et des forces du mal. Les chapitres 3 et 4 suivent la guérison de Barbe Hallay et discutent des croyances et surtout de la démonologie en Nouvelle-France. On commence par suivre Hallay chez les Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec, où elle est soignée par Catherine de Saint-Augustin, une religieuse présentée comme une guerrière contre les démons et une femme vouée au salut de la Nouvelle-France. Cependant, Hallay n’est pas complètement guérie, et les démons réapparaissent après son retour à Beauport. C’est maintenant la femme du seigneur, Marie Regnouard, qui prend soin d’elle en tant que maîtresse de la maison où Barbe travaille. Elle réussit à expulser les démons en appuyant un os de Jean de Brébeuf contre le corps de Hallay. La mention de Brébeuf …