FR :
La philologie sert ici à établir la valeur historique de trois documents censés témoigner de la « découverte » du Mississippi en 1673 par Louis Jolliet et Jacques Marquette. Deux de ces documents du 17e siècle n’ont encore jamais été pris en compte, à savoir une traduction intitulée Of New France parue dans l’édition anglaise des deux derniers ouvrages du récollet Louis Hennepin (1698), et une version française de ce même texte, Relation de la Nouvelle-France 1673, conservée à la Bibliothèque nationale de France dans les papiers de l’abbé Eusèbe Renaudot. Comparés avec la version Brotier 155 de la Relation de la découverte de la Mer du Sud du jésuite Dablon, considérée par Jean Delanglez comme la plus fiable et la plus ancienne, ces documents témoignent d’un travail de réécriture d’envergure qui commence avant le 1er août 1674, date alléguée de l’envoi du document présumé « original ». Leur comparaison met en relief l’importance du rôle de Hennepin, détenteur de documents confidentiels, dont l’oeuvre peut nous aider à combler les lacunes des récits officiels sur l’exploration du bassin du Mississippi. Malgré l’absence d’originaux, les variantes de ces trois documents montrent ainsi que la version Brotier 155 n’est pas plus valable ni même plus ancienne que ses copies brèves. Ces variantes suggèrent plutôt qu’un ou plusieurs documents antérieurs à ceux que l’on connaît ont pu servir à Dablon pour rédiger sa Relation, ce qui en contredit la posture narrative cherchant à faire croire que les renseignements fournis proviennent du seul témoignage oral de Jolliet recueilli par lui.
EN :
Philology is used here to establish the historical value of three documents purporting to bear witness to the “discovery” of the Mississippi in 1673 by Louis Jolliet and Jacques Marquette. Two of these 17th-century documents have never been considered, namely a translation entitled Of New France that appeared in the English edition of the last two works by Récollet Louis Hennepin (1698), and a French version of the same text, Relation de la Nouvelle-France 1673, preserved at the Bibliothèque nationale de France in the papers of Abbé Eusèbe Renaudot. Compared with the Brotier 155 version of Jesuit father Dablon’s Relation de la decouverte de la Mer du Sud, considered by Jean Delanglez to be the most reliable and oldest, these documents testify to a major rewriting effort that began before August 1, 1674 (the alleged date of dispatch of the presumed “original” document). Their comparison highlights the importance of Hennepin, who held confidential documents and whose works can help us fill in the gaps in official accounts of exploration in the Mississippi River basin. Despite the absence of originals, the variants in these three documents show that the Brotier 155 version is no more valid or even older than its shorter copies. Rather, these variants suggest that Dablon may have drawn on one or more earlier documents to write his Relation, which contradicts the narrative posture that would have us believe that the information he provides came from Jolliet’s oral testimony alone.