Comptes rendus

Metcalf, Alida C. Mapping an Atlantic World, Circa 1500. Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2020, 224 p.[Notice]

  • Alban Berson

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  • Alban Berson
    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

L’ouvrage d’Alida C. Metcalf est une lecture à la fois instructive et plaisante. Il développe la thèse selon laquelle les mappemondes de la période 1500-1507 (de celle de Juan de La Cosa à celle de Martin Waldseemüller) sont à l’origine de l’idée de la possibilité et même de la désirabilité d’un monde transatlantique. En ce sens, les cartographes, loin d’être de simples chroniqueurs, seraient de véritables acteurs de l’histoire du monde (p. 141). Le format du livre ne permet la reproduction des cartes qu’à une très basse résolution, mais l’autrice a créé un site internet aisé à repérer et facile à utiliser qui oriente le lecteur vers les images des documents examinés tels qu’ils sont diffusés sur les plateformes de leurs institutions détentrices. L’existence de cet outil complémentaire n’est pas mentionnée dans l’ouvrage. Le premier chapitre rappelle que, sur les cartes médiévales et du 15e siècle, l’océan Atlantique n’est qu’un élément périphérique, même lorsque sa surface s’étend progressivement aux Açores, à Madère et aux îles Canaries. Le deuxième chapitre montre qu’une nouvelle vision de l’Atlantique apparaît soudainement, mais pas immédiatement, après 1492. À partir de 1500, la configuration des mappemondes est bouleversée ; l’océan migre vers le centre. L’Europe s’ouvre donc vers l’ouest. Il s’agit, selon l’autrice, d’un changement de paradigme et du premier argument en faveur de l’instauration d’un monde transatlantique. Dans le troisième chapitre, Alida Metcalf envisage la carte comme artéfact et procède à une analyse détaillée des techniques employées par les cartographes, cosmographes et enlumineurs. Elle examine notamment les roses des vents, les matériaux utilisés dans la confection des pigments de couleurs ou encore la question du choix de l’orientation de la représentation de la Terre en fonction de la forme de rectangle à goulet du parchemin. Les travaux résultant de ces techniques, selon l’autrice, font passer l’océan du statut d’entité géographique brute (une étendue d’eau) à celui de carrefour, d’espace navigable invitant à l’exploration et au commerce. Le quatrième chapitre est consacré au passage de la carte du manuscrit à l’imprimé et aux simplifications auxquelles contraint ce support. Ce thème est l’occasion d’une solide analyse du processus de conception et de fabrication de la seule copie connue de la carte de Waldseemüller de 1507, conservée par la Library of Congress, la toute première à représenter un continent distinct du nom d’Amérique. Le cinquième chapitre est consacré à l’apparition de codes graphiques sur les cartes, principalement les perroquets, emblèmes du Brésil, et les arbres, mais aussi les éléphants, tandis que le sixième réexamine l’émergence de la riche iconographie anthropophage consécutive aux observations ethnographiques d’Amerigo Vespucci. Selon l’autrice (qui s’aligne ici sur une longue historiographie), cette imagerie cannibale aurait renforcé la caractérisation européenne des peuples d’Amérique du Sud comme étant éloignés des formes élémentaires de la civilisation et donc contribué à encourager les entreprises coloniales et évangéliques espagnoles et portugaises. En plus d’affermir les arguments principaux de l’ouvrage, la conclusion examine les causes de la rareté actuelle des cartes géographiques datant du début du 16e siècle. Parmi les raisons invoquées, toutes convaincantes, se trouve une séduisante conception de la carte géographique comme document éphémère (ephemera). L’obsolescence rapide de l’information géographique en ces temps de voyages au long cours pousserait leurs propriétaires à s’en départir. L’autrice fait preuve d’un sens aiguisé du détail associé à une grande clarté dans l’exposé de ses recherches et de sa réflexion. En outre, elle sait exploiter l’information véhiculée par un élément des cartes géographiques anciennes trop souvent négligé : l’ornement. Ainsi, par exemple, elle propose une interprétation du saint Christophe portant l’enfant Jésus à travers l’Amérique centrale sur la …