Comptes rendus

Gagnon-Lapointe, Valérie, Rémi Léger, Serge Dupuis et Alex Tremblay Lamarche (dir.). La Confédération et la dualité canadienne. Québec, Presses de l’Université Laval, 2020, 372 p.[Notice]

  • Simon Langlois

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  • Simon Langlois
    Université Laval

Voici un ouvrage éclairant qui propose une analyse historique de la thèse de la dualité nationale et linguistique canadienne depuis son émergence au 18e siècle jusqu’à nos jours. Les deux qualificatifs « nationale » et « linguistique » sont importants, car ils résument bien le passage du mythe des deux peuples fondateurs à la vision contemporaine de la dualité au Canada. L’ouvrage fait le point sur les débats intellectuels entourant les sens pris par ce concept de dualité canadienne dans diverses disciplines (en histoire, en droit et en sciences sociales notamment), mais aussi dans les institutions et dans les délibérations autour de la Constitution de 1867. Cinq parties forment l’ossature du livre, examinant tour à tour les fondements de la dualité, les perspectives autochtones, le moment fort de la dualité nationale observé dans les années 1960, la dualité canadienne pensée en Acadie, en Ontario et dans l’Ouest canadien et, enfin, les enjeux actuels. Dans les différents chapitres, les auteurs rappellent la conception de la dualité qui a eu cours chez les Canadiens français et au sein d’une partie de l’élite canadienne-anglaise dans les années 1960, la contestation des fondements juridiques et historiques par de nombreux Canadiens anglais (Donald Creighton, par exemple), l’abandon de la thèse des deux peuples fondateurs par les Québécois qui se sont tournés vers l’affirmation nationale prenant appui sur l’État provincial, le passage vers la promotion de la dualité linguistique au sein des minorités francophones canadiennes, sans oublier l’omission de la contribution des Autochtones et des Premières Nations ainsi que de l’apport des groupements d’immigrants par la thèse de la dualité nationale. L’ouvrage est donc une synthèse assez complète des différents aspects de la dualité au Canada, qui laisse cependant ouvertes quelques questions importantes. Martin Pâquet ouvre l’ouvrage avec une contribution fouillée sur le sens de la dualité analysée d’un point de vue théorique et descriptif. Pour lui, la dualité est à la fois un concept normatif et historique. « Rappelons-le, un concept normatif concerne l’action dans la Cité. Il oriente en suivant des valeurs et des représentations du monde, afin de mieux transformer la situation à venir. Quant à lui, un concept historique permet de fonder l’action en la situant dans un prolongement temporel, du passé vers l’avenir en transitant par le présent » (p. 46). Pâquet insiste aussi sur l’aspect descriptif qui fonde la dualité. Sur le plan empirique, l’historien mentionne qu’il y avait 3,9 millions de Canadiens d’origine britannique et 2,1 millions de Canadiens français en 1911, soit 93,4 % de la population canadienne de l’époque, alors que les populations allophone et autochtone étaient largement minoritaires. Le mythe et les discours sur la dualité nationale ont donc été fondés empiriquement sur la morphologie sociale canadienne, qui s’est par la suite transformée radicalement avec l’immigration internationale et la croissance naturelle des populations autochtones. Bien que Pâquet y fasse référence à quelques reprises dans sa contribution, le rappel de ces quelques statistiques est l’occasion de souligner qu’il manque à cet ouvrage un chapitre explorant l’évolution de cette dimension morphologique (évolution des groupements sociolinguistiques) sur plus d’un siècle, ce qui eut permis de mieux comprendre les changements observés dans la dualité canadienne. Un grand nombre de contributions portent sur l’analyse du passage de la dualité nationale à la dualité linguistique. Rappelons que le point tournant de ce passage est survenu au cours du premier mandat du gouvernement de Pierre Elliott Trudeau, pour qui, s’il y a bien deux langues officielles au Canada, il n’y a pas de culture officielle, et qu’il a été officialisé en quelque sorte lors du rapatriement de la Constitution en 1982. Plusieurs …