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L’historien militaire Terry Copp, en collaboration avec Alexander Maavara, nous offre une étude qui brosse une histoire locale globale de la Première Guerre mondiale à Montréal. Voilà sans doute un ouvrage que les passionnés d’histoire militaire mais aussi les chercheurs accueilleront favorablement, car son intérêt premier est de faire un condensé de ce qui a été publié sur l’effort de guerre de 1914-1918 au Québec en en dégageant l’expérience montréalaise. Il est appréciable que les auteurs aient par exemple su exploiter les sources tant en anglais qu’en français pour donner une image plus juste du contexte de l’époque et de la complexité de la relation au conflit de la métropole suivant la communauté concernée. C’est ainsi que sont abordées les communautés canadienne-française et canadienne-anglaise, mais aussi les confessions religieuses, ce qui permet de pousser encore plus le souci du détail par le biais des communautés protestantes, catholiques et juives (ce dernier élément étant fort intéressant, car peu retenu généralement). C’est l’histoire de la communauté montréalaise, dans toute sa diversité, qui est mise en lumière. Civils, soldats et vétérans offrent une vision globale des expériences de guerre des Montréalais. En considérant la donne militaire et le combattant, l’ouvrage évite ainsi l’écueil souvent décrié de la simple approche socioculturelle, ce qui est à l’image des études actuelles menées en Europe sur la Première Guerre mondiale.

Pour favoriser ce portrait global, les auteurs exploitent les principaux titres de la presse montréalaise de l’époque, en français comme en anglais, en plus de publications religieuses décrivant les principales confessions présentes sur l’île, ces sources ayant comme atout d’aller au plus près du quotidien des Montréalais en détaillant des actions ou des prises de position face aux événements se déroulant en Europe. La diversité des opinions des communautés de la métropole à l’égard de la guerre est ainsi bien mise en évidence.

Le récit de cette étude suit les principales étapes de la guerre. Le premier chapitre nous introduit dans un Montréal à la veille de la guerre afin d’établir la composition variée de la communauté montréalaise. Par la suite, les chapitres accompagnent les phases du conflit, de l’entrée en guerre en août 1914 jusqu’au défilé de la Victoire de novembre 1918, sur la rue Sherbrooke. Dans un souci d’approche globale de l’histoire de Montréal durant la Première Guerre mondiale, les chapitres abordent les questions socioéconomiques, culturelles, religieuses et militaires qui permettent d’individualiser les expériences de guerre (et le pluriel a ici son importance) de la communauté montréalaise. Suivant cette approche, c’est la presse qui permet aux auteurs de retrouver le quotidien en guerre des Montréalais et de « montréaliser » le fil des événements rattachés à l’histoire du Canada et de la Première Guerre mondiale.

Passons en revue les principales caractéristiques des sept chapitres qui composent cette étude. Comme nous l’avons déjà souligné, le premier chapitre pose les principales caractéristiques sociales, économiques et culturelles de la société montréalaise à l’aube du déclenchement des hostilités à l’été 1914. Ce chapitre est nécessaire à la compréhension de la complexité de cette société au début du 20e siècle, et notamment des tensions qui existent en son sein et que la guerre va contribuer à attiser.

Ensuite, les chapitres 2 à 7 présentent le déroulement générique de la Première Guerre mondiale ; aucune originalité ici de la part des auteurs, qui s’inscrivent dans le découpage traditionnel du conflit en histoire militaire canadienne en retenant l’entrée en guerre dans le chapitre 2 et la réponse des premiers volontaires. Tous les aspects sont abordés, sur les plans social (dont la position des socialistes), religieux et culturel, pour bien individualiser les réactions à l’entrée en guerre exprimées au sein de la société montréalaise. Le chapitre 3 expose les impacts des premiers engagements sur le moral de la population, la manière dont ils sont perçus via la presse. C’est aussi le moment où les élites s’activent de plus en plus pour soutenir l’effort de guerre, qui s’inscrit dans la durée en 1915. L’utilisation de la presse dans ce chapitre est intéressante, en ce qu’elle donne une voix et une visibilité à des combattants montréalais dans les tranchées outre-mer. Le chapitre 4 s’intéresse à la question de la mobilisation de volontaires et des stratégies développées pour recruter des hommes, alors que l’intérêt décroît au fur et à mesure que les plus motivés à combattre ont rejoint les rangs en 1914 et au début de 1915. Le chapitre 5 nous transporte sur le front, dans la réalité des tranchées, aux côtés d’unités formées à Montréal et faisant face à l’ennemi. Le chapitre 6 est axé sur l’incontournable question de la conscription, avec les impacts de la guerre sur la main-d’oeuvre à Montréal, la mobilisation des syndicats, les besoins du front en nouveaux combattants et les tensions entre Canadiens français et Canadiens anglais. Enfin, le dernier chapitre montre l’année 1918 en demi-teinte, partagée entre les ultimes opérations de la guerre, qui demandent d’ultimes sacrifices mais permettent l’obtention de la victoire, et la grippe espagnole qui frappe la métropole.

Le choix de s’en tenir principalement à la presse pour retrouver le quotidien en guerre des Montréalais rend cette étude très linéaire. Certes, le déroulement précis et détaillé des événements nous donne à bien saisir les expériences de la guerre des groupes socioéconomiques, culturels et religieux de Montréal. Mais les auteurs développent peu les éléments présentés et se contentent finalement de rendre compte de faits, les complétant avec les données d’études déjà faites sur la question. Plus qu’une étude, c’est un compte rendu d’expériences montréalaises de la Première Guerre mondiale. Cela n’enlève rien à la qualité de cette publication ; bien au contraire, sa lecture est une mine d’informations factuelles intéressantes, une source utile pour des chercheurs voulant approfondir certains aspects. À son souci d’approche globale manque toutefois la question de l’effort de guerre alimentaire.