Comptes rendus

Carr-Stewart, Sheila (dir.). Knowing the Past, Facing the Future. Indigenous Education in Canada. Vancouver, UBC Press, 2019, 312 p.[Notice]

  • Helga E. Bories-Sawala

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  • Helga E. Bories-Sawala
    Institut brêmois des études canadiennes et québécoises (Université de Brême)

Cet ouvrage collectif se propose de partir d’un bilan de l’éducation autochtone de la Confédération à aujourd’hui pour mieux tracer la route à suivre en vue d’un renouveau pédagogique et curriculaire inspiré par les conclusions et recommandations de la Commission de vérité et réconciliation du Canada (2015) dans ce domaine. Les 11 contributions sont réparties en trois sections, qui intéressent l’histoire à des degrés variables. La première section, consacrée à l’héritage colonial et à la mise en place d’un système scolaire pour enfants autochtones, souligne à plusieurs reprises la violation de la promesse faite aux Premières Nations au moment de la signature des traités numérotés (1871-1921) de leur fournir des écoles adéquates dans toutes les réserves qui en feraient la demande pour dispenser un enseignement occidental en complément à l’éducation traditionnelle. Le gouvernement fédéral, en déléguant cette obligation aux églises concurrentes intéressées surtout par la christianisation, a gravement manqué à cette responsabilité et a laissé les établissements d’enseignement concernés sombrer dans un manque chronique de fonds et pâtir de l’incompétence du personnel. Il est intéressant de noter combien le modèle des écoles industrielles destinées aux pauvres en Suisse ou encore les « maisons de correction » pour enfants des « classes dangereuses » en Europe puis en Amérique du Nord ont inspiré la politique gouvernementale canadienne dans la mise en place des pensionnats pour Autochtones. Avec la Loi sur les Indiens et ses dispositions toujours plus restrictives quant au droit des communautés autochtones de contrôler l’éducation des enfants, les écoles de jour sont progressivement remplacées par les « écoles résidentielles », séparant les jeunes de leurs familles. Plusieurs auteurs et autrices font observer que l’attitude du gouvernement bascule alors d’une volonté d’assimilation à une politique de ségrégation, une idée qu’il serait utile d’approfondir pour mieux appréhender les étapes de ce glissement. Ces deux objectifs sont-ils incompatibles ou plutôt complémentaires ? Les contributions de la deuxième section, intitulée « Racisme, trauma et survivance », proviennent d’enseignants, de psychologues et de thérapeutes qui ont exploré, sur le terrain, l’impact des stéréotypes imposés aux élèves autochtones par l’institution scolaire, entre autres, et la nécessité de contrer non seulement le racisme personnalisé auquel ils font ainsi face depuis leur plus jeune âge, mais aussi le racisme internalisé qui finit par faire des enfants autochtones leur propres oppresseurs. Ce problème sera-t-il résolu en l’appelant « oppression raciale », comme le propose Noella Steinhauer (p. 141) ? Il est permis d’en douter, comme de l’assertion que le traumatisme des aïeux des enfants autochtones serait responsable de leur échec scolaire, mais il ne revient certes pas à la production historique de trancher de telles questions selon l’hypothèse avancée par Karlee D. Fellner (p. 159). Si la première section du recueil traite de l’histoire et la deuxième de la situation actuelle, la dernière est vouée à définir les contours d’une future éducation autochtone capable de tourner la page d’un passé lourdement hypothéqué et de combler enfin l’écart qui distingue, dans le domaine de l’éducation, les jeunes Autochtones des jeunes Canadiens en général. Une partie des auteurs plaide même pour l’abandon de cette perception qui désignerait comme un retard à rattraper ce qu’il convient de concevoir plutôt comme une dette vis-à-vis des Premières Nations, accumulée depuis un siècle et demi. À travers leurs différentes perspectives, ils et elles, pour la plupart des professionnels en éducation, se rejoignent dans l’idée qu’une décolonisation de l’éducation autochtone nécessiterait une nouvelle définition des contenus et des approches pédagogiques et devrait passer par la prise en compte des conceptions du monde spécifiques aux Autochtones et des savoirs traditionnels ainsi que des langues autochtones. À …

Parties annexes