Comptes rendus

Teasdale, Guillaume, Fruits of Perseverance. The French Presence in the Detroit River Region 1701-1815 (Montréal et Kingston, McGill-Queen’s University Press, 2018), 220 p.[Notice]

  • Benoît Grenier

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  • Benoît Grenier
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

Tiré de la thèse de doctorat de l’auteur, soutenue à l’Université York (2010), Fruits of Perseverance constitue une contribution d’importance à la courtepointe de l’historiographie de l’Amérique française. Concis (tout juste 139 pages de texte en plus des notes), de lecture agréable et bien illustré, ce premier ouvrage de Guillaume Teasdale, professeur à l’Université de Windsor, propose une étude minutieuse de la présence française dans la région de Détroit des origines du peuplement européen (1701) jusqu’en 1815. Traversant un peu plus d’un siècle, l’histoire que nous raconte Teasdale est celle d’une population résiliente qui prendra racine de part et d’autre de la rivière Détroit pour finir scindée par la frontière américaine au XIXe siècle. L’objectif de l’auteur est clair : comprendre comment une société similaire aux établissements ruraux de la vallée du Saint-Laurent a pu se développer dans une région périphérique et y survivre bien au-delà de la chute de la Nouvelle-France. La grande contribution de cet ouvrage réside dans l’attention portée à la dimension seigneuriale de l’occupation du sol dans la région de Détroit. En effet, davantage qu’une histoire du peuplement ou de la population, le livre de Teasdale montre très habilement que c’est justement la décision d’établir une seigneurie « directe » (c’est-à-dire des censives relevant non pas d’un seigneur particulier mais directement du roi) qui en vient à distinguer Détroit des nombreux autres forts établis dans la région des Grands Lacs. Du même souffle, Teasdale révèle que l’absence d’un « seigneur » pour défendre ses titres à Détroit après la Conquête, ainsi que l’intégration des Pays d’en haut aux territoires réservés aux Amérindiens jusqu’à l’Acte de Québec, puis l’avènement de l’indépendance américaine, auront pour effet de rendre particulièrement complexe la situation foncière dans la région jusqu’au tournant du XIXe siècle. Le lecteur soucieux de connaître le cadre conceptuel et méthodologique de l’auteur restera cependant sur sa faim. L’introduction, pour être efficace, est tout simplement muette sur le corpus tout comme sur l’approche de l’auteur. La lecture révèle de toute évidence un volumineux corpus, largement composé de documents administratifs coloniaux et de correspondances politiques, mais également d’archives des notaires ayant oeuvré à Détroit, ou encore de plusieurs fonds familiaux conservés dans le Burton Historical Collection à la bibliothèque de Détroit. Il en va probablement ici de choix éditoriaux qui faciliteront la lecture aux non-historiens, mais qui obligeront les autres à retourner à la thèse de l’auteur pour assouvir leur appétit relatif à la critique des sources et à la méthode. Guillaume Teasdale offre une argumentation autour d’un plan en sept chapitres. Soulignons, d’un point de vue formel, la rigueur du travail d’écriture. Chaque chapitre est brièvement introduit et toujours habilement synthétisé en conclusion. Le lecteur suit sans difficulté la pensée de l’auteur malgré la complexité des enjeux abordés. Le chapitre premier établit le contexte initial de la fondation de Détroit, notamment le rôle singulier joué par son « fondateur », Lamothe de Cadillac, lequel agit en véritable seigneur des lieux, amorçant la concession de terres en censives et faisant fi des autorités coloniales à Québec. Relevé de ses fonctions, Cadillac sera ensuite nommé gouverneur en Louisiane et les concessions de Détroit seront annulées en 1716 par les autorités. Au chapitre deux, Teasdale s’arrête à ce qui sera la véritable « fondation » de l’établissement français permanent de Détroit, avec le retour officiel de la tenure seigneuriale (sans seigneur particulier) à compter de 1734. L’attitude despotique de Cadillac ayant convaincu les autorités coloniales que la concession d’un fief à un seigneur dans une région aussi éloignée de la capitale ne constituait pas le meilleur scénario, l’intendant Bégon …