La contribution de cet ouvrage est colossale. Enfin, on trouve réunie dans un livre l’oeuvre de Christian Dessureault. Certes, il ne s’agit pas des « oeuvres complètes », mais la sélection opérée par les artisans derrière ce projet constitue une réelle immersion et introduction à la contribution du professeur Dessureault, récemment retraité du Département d’histoire de l’Université de Montréal. C’est que ce dernier, figure incontournable de l’historiographie du monde rural laurentien, chercheur infatigable et remarquable par son érudition, mentor pour de nombreux historiens, acteur de premier plan des colloques franco-québécois d’histoire rurale et historien primé, n’a pas été jusqu’ici très enclin à colliger ses travaux, ni même à publier sous forme de livre ses principales interprétations. En effet, en dépit d’articles très nombreux et de quelques codirections d’ouvrages collectifs, il faut bien admettre que son travail est trop peu connu en dehors d’un cercle d’initiés. L’historien a effectivement été discret en termes de livres, si on fait abstraction de l’ouvrage publié conjointement avec Dépatie et Lalancette (Contributions à l’étude du régime seigneurial canadien, 1987), lequel remonte à ses travaux de maîtrise sur la seigneurie du Lac-des-Deux-Montagnes (1979). Mais de sa thèse, magistrale, sur l’inégalitarisme paysan, pas de livre sur les rayons de nos bibliothèques, ce qui est bien regrettable d’ailleurs. C’est pourquoi, en même temps qu’il faut saluer l’importance de l’oeuvre de Dessureault, il faut d’entrée de jeu remercier ceux qui se font « passeurs » de cette oeuvre : Christine Hudon, Léon Robichaud, Jean-René Thuot et Thomas Wien, collègues et anciens étudiants, parfois les deux à la fois. Après une préface assez personnelle de son collègue et collaborateur de longue date, John A. Dickinson, le livre s’amorce par une magistrale introduction signée par les Hudon, Robichaud, Thuot et Wien. En elle-même, cette introduction à l’historien et à son oeuvre est tout à fait digne de la profondeur de pensée de Dessureault. Après avoir rappelé ses origines intellectuelles et sa formation, de même que le contexte théorique et humain dans lequel a germé son travail d’étudiant (Wallot, Dechêne…), le quatuor propose les trois temps de l’historien Dessureault. D’abord, on fait la part belle à sa grande contribution, laquelle sera en filigrane de toutes celles qui suivront : sa thèse (soutenue en 1985) sur les hiérarchies au sein de la paysannerie laurentienne avec pour cadre d’observation la seigneurie de Saint-Hyacinthe. Ensuite, on présente la seconde phase de son parcours, laquelle est axée sur l’étude des mécanismes régissant la reproduction sociale, élargissant la période, l’espace et le corpus à l’étude et amenant l’historien à entrer en discussion (avec T. Wien) autour des Quelques arpents d’Amérique de Gérard Bouchard (RHAF, 1996-1997). Enfin, on complète le tour d’horizon par une troisième phase du parcours du chercheur, lequel s’emploie alors à recentrer son champ d’observation sur les acteurs du monde rural et leurs pouvoirs, en termes d’institutions (milice, fabrique, syndics scolaires), chantier qui donnera notamment l’inspiration à la thèse de son disciple, J.-R. Thuot. L’ouvrage se décline en douze textes divisés en trois parties brièvement introduites et qui correspondent grosso modo aux trois « phases » décrites par l’introduction du livre : fondements socio-économiques des sociétés rurales, reproduction sociale dans la différence et élites, institutions et pouvoir. Ces douze textes ont été initialement publiés entre 1986 et 2012 et comptent entre 20 et 50 pages, une ampleur relative évidemment tributaire des ouvrages ou revues dans lesquels ils ont paru. Quelques-uns sont le fruit de collaborations, que ce soit avec Christine Hudon (sur la Fabrique) ou avec Roch Legault (sur la milice). La seule contribution inédite de ce volume émane justement d’une …
Dessureault, Christian, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles. Cultures, hiérarchies, pouvoirs (Montréal, Fides, 2018), 434 p.[Notice]
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Benoît Grenier
Département d’histoire, Université de Sherbrooke