Comptes rendus

Bérubé, Harold et Stéphane Savard (dir.), Pouvoir et territoire au Québec depuis 1850 (Montréal, Septentrion, 2017), 390 p.[Notice]

  • Louis Guay

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  • Louis Guay
    Département de sociologie, Université Laval

Cet ouvrage collectif portant sur les pouvoirs qui s’exercent sur les territoires ne craint pas de choisir la longue durée (150 ans) comme perspective d’analyse. Il s’agit d’une période au cours de laquelle les territoires et les pouvoirs se sont transformés de manière réciproque. L’ouvrage est ambitieux et les recherches sont menées avec soin. Les directeurs de la publication définissent, en introduction, leurs intentions de faire l’histoire des rapports complexes entre pouvoirs et territoires parce que ceux-ci s’inscrivent dans la longue modernisation du Québec. On peut observer que des thèmes structurants reviennent, en partie ou en totalité, dans les chapitres. D’abord, il y a le thème de la rupture et de la continuité. Sur une si longue période, on s’attend à ce qu’il y ait de nombreuses ruptures, mais des continuités se maintiennent néanmoins. Ensuite, les interventions des acteurs territoriaux oscillent entre la planification et le pragmatisme. S’il y a souvent appel à plus de planification territoriale, les acteurs n’hésitent pas à choisir des solutions pragmatiques lorsqu’elles sont nécessaires. Il existe aussi durant cette longue période une tension entre l’expertise et la politique. En matière de gestion des territoires, les expertises se développent et entrent souvent en conflit avec la politique telle qu’elle se fait. Puis, la longue durée montre également que la prise en charge des territoires s’accommode fort bien de différents types de discours et de représentations, même si, de manière générale, un discours modernisateur domine. Il arrive que l’aménagement défini comme protection des ressources et de l’environnement s’oppose au développement. Enfin, bien que cela ne soit pas toujours mis en lumière, justice et équité territoriales font partie des raisons d’agir et de maîtriser les territoires. L’eau a été un enjeu de tous les instants dans le développement de Montréal et de sa région. Michèle Dagenais poursuit son excellent travail sur la maîtrise de l’eau à Montréal, cette fois-ci en se penchant sur l’approvisionnement en eau potable et sur le problème de la taxation de l’eau de 1860 à 1920. Contrairement à la norme nord-américaine, la municipalité ne taxe pas les propriétaires pour l’eau fournie aux locataires, mais les locataires directement, si bien qu’elle est aux prises avec le problème de la perception de la taxe de l’eau. Durant des décennies, l’administration cherche des moyens de faire payer tous les utilisateurs, ne serait-ce que par souci d’équité et de régularité dans l’offre du service de l’eau, mais aussi comme fondement des droits démocratiques urbains. Avec le temps, soit vers 1920, tous les citadins sont soumis à la perception de la taxe de l’eau. Il aura fallu que l’administration exerce son pouvoir pour en arriver là. La taxe sur l’eau fait la preuve que la vie en ville impose des façons de faire collectives qui sont nouvelles. Il en va de même pour la circulation, qu’il faut réglementer, lorsque des villes s’urbanisent. Harold Bérubé s’attache à l’étude de trois villes de taille moyenne (Saint-Jean, Saint-Hyacinthe et Sherbrooke), sur une période de près de 80 ans, aux prises avec une circulation plus dense et croissante. Les acteurs locaux font preuve de pragmatisme en élaborant des normes pour encadrer la mobilité des citadins. Le chapitre de Frédéric Mercure-Joliette se penche sur deux événements qui ont marqué l’histoire de l’urbanisme et de la gestion urbaine au Québec. Le premier est le plan Horizon 2000 produit par le service d’urbanisme de la ville de Montréal entre 1963 et 1967. Le second survient en 1968, avec la remise du rapport au gouvernement par la Commission provinciale d’urbanisme. Les deux événements-documents veulent introduire l’urbanisme moderne dans la planification territoriale. Le plan Horizon 2000 fait des …