Avec son ouvrage A Town Called Asbestos. Environmental Contamination, Health, and Resilience in a Resource Community, Jessica Van Horssen, chercheure principale au département d’histoire et d’archéologie de l’Université de Chester, livre une première étude approfondie sur la ville minière d’Asbestos. De sa fondation vers la fin du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, l’histoire de ce lieu reste indissociable des minéraux que renferme son sous-sol. La présence de la mine Jeffrey, la plus grande mine à ciel ouvert d’amiante dans le monde, en constitue certainement l’indice le plus révélateur. Dès la fin du XIXe siècle, ce minéral est incorporé à plusieurs matériaux de construction et biens de consommation afin d’augmenter leur résistance à la chaleur et au feu, d’améliorer leur isolation et de prévenir leur détérioration. Mais les promesses de l’amiante sont rapidement déçues alors que, graduellement au cours du XXe siècle, de plus en plus d’études confirment que la poussière d’amiante ainsi que l’exposition à la fibre d’amiante sont toxiques. C’est l’histoire de cette ville et des défis particuliers d’une communauté dont le développement et la survie reposent sur une unique ressource, qui s’avère toxique de surcroît, que Van Horssen entreprend ici de révéler. Pour ce faire, elle articule son analyse autour de trois aspects : « bodies of land, human bodies and the body of politic » (p. 8). Ces aspects lui permettent d’aborder l’histoire politique, environnementale et médicale de la ville et de montrer comment ses habitants ont développé une compréhension unique de leur territoire, de leur identité et des risques auxquels ils étaient confrontés quotidiennement. Les huit chapitres que compte l’ouvrage sont structurés à la fois de manière chronologique et thématique. Après un premier chapitre retraçant les origines de la ville et les débuts de la mine Jeffrey jusqu’en 1918, l’auteure consacre trois chapitres thématiques aux années 1918-1949, une période qui s’amorce avec l’acquisition de la mine par la compagnie américaine Johns-Manville (JM). Le premier de ces trois chapitres explore les nombreux changements provoqués par l’arrivée de JM dans la ville, notamment la modernisation de la mine et son expansion rapide au profit d’une portion du centre-ville d’Asbestos. Si ces changements entraînent leur lot de perturbations au sein de la municipalité, Van Horssen argumente qu’ils sont néanmoins généralement acceptés, car ils sont synonymes de progrès et de prospérité. Dans le chapitre suivant, l’auteure se penche sur la contamination environnementale et la santé des mineurs. Ce chapitre, un des plus fascinants, se base sur plusieurs rapports médicaux confidentiels commandés par JM pour démontrer la progression des maladies associées à l’amiante dans la communauté. On y découvre également les stratégies déployées par l’entreprise – non sans une pointe d’indignation chez le lecteur – afin de cacher ces informations à la population locale et de minimiser les risques associés à l’amiante sur la scène internationale. Le dernier chapitre consacré à la période de l’entre-deux-guerres se penche sur les rapports qu’entretiennent les membres de la communauté d’Asbestos avec JM. À juste titre, Van Horssen souligne que cette relation en est une essentiellement paternaliste, renforcée par des clivages sociaux et ethnolinguistiques. Néanmoins, malgré cette dynamique de pouvoir qui profite largement à JM, Van Horssen se concentre ici sur l’agentivité déployée par les résidents d’Asbestos. À la fin des années 1940, le militantisme des travailleurs prend de l’ampleur et culmine avec le déclenchement de la célèbre grève de l’amiante en 1949, à laquelle est consacré tout le chapitre 5. Les demandes des mineurs concernent d’abord la sécurité de leurs emplois, car ils craignent que l’utilisation de nouvelles technologies par JM diminue l’offre de travail dans la ville. Excédés de devoir …
Van Horssen, Jessica, A Town Called Asbestos. Environmental Contamination, Health, and Resilience in a Resource Community (Vancouver, UBC Press, 2016), 256 p.[Notice]
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Valérie Poirier
Département d’histoire, Université du Québec à Montréal