Comptes rendus

Jean, Bruno, dir., Le BAEQ revisité : un nouveau regard sur la première expérience de développement régional au Québec (Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2016), 230 p.[Notice]

  • Yann Fournis

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  • Yann Fournis
    Département sociétés, territoires et développement, Université du Québec à Rimouski (UQAR)

Le cinquantième anniversaire du développement régional au Québec, en 2016, a été fort discret : il aurait été dommage que son acte fondateur, le Bureau d’aménagement de l’Est du Québec, ne suscite pas de réflexion rétrospective. Tel est l’objet du présent ouvrage, qui en propose une réhabilitation partielle et nuancée. Rappelant la rareté des travaux récents à son égard, Bruno Jean décrit dans l’introduction les axes d’analyse traversant l’ouvrage, témoignant de la pertinence du BAEQ : ses propositions concrètes (plus que celle du paradigme modernisateur) et ses diverses innovations (planification régionale, dimension participative, propositions de gouvernance et d’action publique territoriales). À l’issue de cette courte introduction, l’ouvrage compte huit contributions réparties en deux parties, de natures sensiblement différentes. La première partie rassemble quatre témoignages directs sur le BAEQ ou son contexte. Les deux premiers textes sont les plus originaux et rendent compte du point de vue, trop rare, du président du BAEQ : Georges-Henri Dubé, décédé depuis. Ils soulignent combien cette initiative fut à la fois enthousiasmante et décevante. Initiative enthousiasmante, d’abord : créé en 1963 à la suite d’une mobilisation de longue haleine des élites politiques et économiques du milieu, le BAEQ aboutira, en dépit de tensions (territoriales, politiques, idéologiques), à une expertise de grande qualité, remarquable pour son époque et qui trouvera des suites au sein de l’appareil d’État. Initiative décevante, aussi, tant la mémoire du BAEQ est désormais teintée par ce qui fut sans doute le péché originel de l’aménagement du territoire au Québec : la fermeture des paroisses. Le second texte apporte des précisions essentielles à cet égard : G.-H. Dubé rappelle que le BAEQ a tenté de répondre, avec le plus d’égards possibles, aux revendications issues d’une dizaine de communautés en difficulté – ce qui le pousse à regretter l’excès d’indignité que cette proposition a valu à l’oeuvre entière du BAEQ. Pour comprendre ce paradoxe, il faut se tourner vers les deux chapitres suivants. Le texte de Robin d’Anjou explique, un peu dans le désordre, ce que fut cet épisode. « Agent de relocalisation » lors de la période cruciale 1970-1971, il témoigne à la fois des difficultés de l’exercice (notamment pour évaluer les indemnités) et de la prudence dont fit montre le BAEQ (les fermetures étaient décidées après un référendum qui devait dépasser les 80 % d’approbation). Mais il souligne aussi les maladresses insignes du processus, allant des votes sous pression au rapport Metra de 1971. Commandité par l’OPDQ (Office de planification et de développement du Québec), ce rapport n’évoquait rien de moins que 81 paroisses en difficulté et suscitera les levées de bouclier du Haut-Pays : les Opérations Dignité. Or cette contestation a fait oublier, selon l’auteur, les suites significatives du BAEQ qui, en matière forestière ou de politiques de développement, ont représenté des mobilisations durables, des ressources financières considérables et des initiatives remarquables (parc du Bic, océanographie à Rimouski), souvent encore d’actualité. Cette première partie se clôt avec le témoignage de Pierre De Bané qui, en tant que député fédéral de Matane, a accompagné les mobilisations locales avant de devenir ministre. Revenant rapidement sur sa carrière et sur l’enjeu de la fermeture des paroisses (dont il revendique la pertinence), il se tourne vers le Plan de développement de l’Est du Québec et ses suites. Il rappelle leur contribution majeure à la mise à niveau de la région, mais n’en cache pas le paradoxe : « au Canada, les politiques de développement régional […] n’ont pas beaucoup réussi jusqu’à maintenant, y compris dans notre région de l’Est du Québec » (p. 97). La seconde partie présente, en contre-point, les analyses de scientifiques. Lawrence …